Citations de José Alvarez (33)
La haine se nourrit de l’envie, pareille à la palpitation de la houle sur les flots . Ainsi, elle empoisonne tout amour – ou presque – et le rend tragique, insupportable.
L’impossible nous précipitait l’un vers l’autre, décuplant notre désir avec une ivresse ravageuse, blasphématoire. Nos jambes nouées, tandis que ses mains se brûlaient encore à ma peau, elle murmura ce soir-là : « Perdre, c’est posséder indéfiniment en esprit. »
Je n’ai jamais recherché le bonheur. L’idée même du bonheur m’attriste et me dégoûte comme un objet poisseux, une ordure. Non que je veuille à tout prix que ma vie soit semée d’embûches, que mes amours soient malheureuses, mais, il me faut l’admettre, ma complexion souffre d’un vice de forme dont j’ignore l’origine.
Hormis nos commodités sexuelles, nous n’avons jamais rien eu à partager. Je me suis attaché à elle, alors qu’elle m’attirait dans une mélancolie sans espoir, m’entraînant dans sa perte. Je ne suis pas doué pour la vie domestique, moins encore pour le jeu social. Ma technique est celle des ramasseurs de balles, l’art des coups liftés me passe au-dessus de la tête. Du fond de ma paralysie, je quitte, apaisé, l’indignité et le châtiment dans lesquels je m’étais réfugié.
Entre Patrick et Diana, il manquait un maillon qui n’était pas que social. En raison de son aisance innée et de son talent, Patrick imposait son goût, son esthétisme. N’avait-il pas créé les fétiches de toute une génération, et, selon l’échelle des valeurs qui dominaient à cette époque, cela lui conférait une vraie gloire.
La chronologie de l’affection ignore l’exactitude et l’amitié vit longtemps dans l’absence délibérée du temps qui passe. Il est souvent difficile de se souvenir où l’on a aperçu, pour la première fois, ceux qui sont entrés, pour un temps ou pour toujours, dans le cercle intime de l’amitié.
Le mot « glamour » n’était pas en vogue à cette époque. Nous nous vivions comme des personnages fitzgéraldiens. Non sans naïveté, nous pensions échapper à la vanité du monde en nous isolant. Nous nous mettions en scène avec naturel et marquions nos différences avec détachement alors que se jouait en chacun de nous une tragédie secrète. Cependant, chacun, à sa façon était sincère.
Ses histoires de cœur se résumaient toutes à des histoires de sexe, parfois violentes. Madone extatique, dès l’âge de seize ans elle confondait avec un même plaisir sadique mâtiné d’autodestruction et de masochisme, la chasse à l’homme et la chasse au renard. Exhibant ses trophées, elle ne comptait plus lads, palefreniers, amis de son père, professeurs… desquels elle avait fait ses proies.
Réduit à l’état d’objet sexuel, Patrick continuait d’assumer sa besogne, sans plaisir, avec abnégation pour ainsi dire. N’étaient-ils pas faits l’un pour l’autre ? Dès leur première rencontre, leur destin fut scellé. Aujourd’hui, leurs vies défaites avaient pour cadre une maison au soleil, entre piscine et jardin, où s’épanouissaient les dépouilles de leur union.
Le désir lui brûlait la vulve, la soumettait. Elle n’aimait pas ça. C’était elle qui d’habitude déculottait les hommes, s’emparant de leurs verges, hochets dont elle s’emplissait la bouche, le con, le cul, sans retenue. Il ne lui avait pas laissé le temps de se déshabiller. Faisant de leurs corps une création, il s’était occupé d’elle avec application ; lui arrachant lentement, l’un après l’autre, ses vêtements, alternant douceur et brutalité, avec une intuition, une inventivité, une technique toute professionnelle, pour la laisser pantelante, submergée de plaisir, après une heure de volupté. Dans ce domaine, Patrick avait du génie.
Les plantes qui poussent en hauteur sont souvent les plus vulnérables, Patrick souffrait ainsi d’un vacillement chronique de l’âme. Dans ces moments de mélancolie, le gin lui redonnait des forces. Il lui en fallait, des forces. Et de l’équation gin = forces, et réciproquement, il avait depuis longtemps égaré la formule. L’origine de son mal était des plus absurdes. Il ne se résignait pas à renoncer à ce qu’il n’avait pourtant jamais été. C’est un paradoxe couramment partagé par ceux qui préfèrent baisser les bras avant d’avoir atteint leur but afin, et grâce à cette échappatoire, de s’épargner le bénéfice du regret.
Il rêvait d'écrire mais, confiné dans son isolement, il n'avait su ou pu ouvrir les vannes à ses sombres pensées afin qu'elles se déversent sur la page rédemptrice. On ne trouva trace du moindre manuscrit.
Les guerres génèrent ces dangereux échantillons d'humanité formant une constellation hétéroclite — pseudo-syndicalistes, philosophes de pacotille, étudiants fascistes, anarchistes en rupture de ban et autres parasites... La lie de la société.