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Citations de Jørgen-Frantz Jacobsen (13)


“ce n’est pas mon habitude de faire la grasse matinée, mais les livres me passionnent parfois à tel point qu’il m’arrive d’en oublier de me lever”
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Quelque chose l’empêchait de jouir pleinement de sa félicité. Il savait maintenant combien le bonheur est fragile et l’inquiétude le tenait en éveil. Il apprenait que la flamme de l’amour ne brûle claire et pure que si le souffle de l’incertitude vient le vivifier. Ce dernier, qui autrefois n’était qu’intermittent et inégal, soufflait maintenant comme un vent calme et constant.
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Mais ce soir-là, les yeux ne restèrent pas longtemps fixés sur le ciel. Les Français criaient déjà dans les brisants. Ils jetèrent les amarres d’un vigoureux tour de rein et sautèrent à terre, découvrant en riant leurs dents blanches. Les femmes de la ville perdaient la tête. De leurs yeux gris et mornes, elles buvaient le soleil farouche qui luisait dans le regard des étrangers, et éclatait sur leurs visages basanés. Elle sentaient le sang bouillir dans leurs veines. Leurs tympans vibraient des bruits de bottes et des cliquetis d’épée. Le rythme mâle de cette invasion les avait arrachées à elles-mêmes.
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Les hommes, qui interrogeaient le ciel plein d'étoiles, estimaient que le beau temps allait certainement tenir toute la journée, et tiraient les rames avec vigueur. Des deux côtés ils voyaient défiler sous leur yeux la côte découpée, dont les sombres rochers étaient couverts de givre. Quand ils atteignirent l'embouchure du fjord, ils distinguèrent à la faible lueur des étoiles la lointaine silhouette de Myggenaes dont le cimes neigeuses surgissaient solitaires dans l'immensité de l'Océan. Sur les côtes noires et abruptes, la neige n'avait pas de prise.
Peu après, les étoiles commencèrent à pâlir et quand la barque eut atteint la pleine mer, le jour se leva. Vers l'avant, en un spectacle grandiose et terrifiant, la silhouette de Myggenaes grossissait à chaque instant, découpant ses rochers sauvages sur les lueurs rouges de ce matin d'hiver.
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— Elle est si gracieuse, dit Anne-Sophie.
— C'est une femme dangereuse, dit l'Intendant Royal avec beaucoup de dignité.
— Oui, déclara Monsieur Wenzel, comme le dit le psaume : "Et les plus belles fleurs distillent le poison." Que Barbara soit gracieuse, cela n'empêche pas que les bons chrétiens doivent se garder de ses pompes et de ses œuvres.
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- Je ne sais que vous dire. Notre pauvre raison est bien notre unique recours, et c'est justement pour cela qu'on lit Holberg, Bayle et Locke. Mais si, dans mon ignorance, je me permet de critiquer un peu ces auteurs, c'est uniquement en ce qu'ils oublient avec tous leurs raisonnements que l'homme est foncièrement déraisonnable et ne peut pas vivre hors de l'égarement. Je ne suis pas très loin de croire, comme mon frère, au pêché originel !
- Au pêché originel ?
- Oui, ou si vous voulez à la déraison originelle. Pêché et folie ne sont au fond que deux noms pour désigner la même chose. Cette folie irrite cruellement mon frère Wenzel. Il l'appelle pêché. Il se livre sur ce chapitre à de longues jérémiades et prend le ciel à témoin de la profonde misère de son cœur. Je ne me sens pas, croyez-moi, meilleur que lui d'un cheveu, et me considère comme un malheureux égaré. Tout bien considéré, mon cher Monsieur Aggerso, que sommes-nous d'autre que des bêtes perpétuellement possédées par la rancœur, la cupidité, le désir et la vanité – oui, surtout par la vanité? Il secouait la tête en riant. Hélas ! Telle est notre nature, que ce soit du diable ou de quiconque que nous tenions cette âme de singe stupide.
Vous avez raison, dit Monsieur Paul, que ne serions-nous pas si Dieu, dans son amour, ne nous avait donné la grâce qui nous lave de tous nos pêchés ?
La grâce, dit le juge, peuh ! La grâce. Pardon. Qu'est-ce donc que la grâce, sinon une cassolette qu'on respire quand la puanteur du pêché devient trop âcre ?
[...]
- Voyez-vous, dit Johan-Hendrik, le démon, nous ne le chassons jamais de notre cœur, que nous soyons chrétien ou athée. Avez-vous lu Pascal ? Non. Mon frère Wenzel non plus ne l'a pas lu. Mais il a lu Kingo, et dit volontiers avec lui : « O monde d’ici-bas, je t'ai longtemps servi, mais je suis triste et las. » Il n'est bien entendu ni triste ni las, il n'est qu'un pauvre diable comme nous tous. Moi, je ne sais vraiment pas comment le Seigneur arrive à faire entre nous la différence. Ma pauvre petite raison m'a bien conduit jusqu'à connaître ma folie, mais jamais jusqu'à vouloir améliorer mon cœur indocile. Cette raison ne m'a pas aidé plus que la grâce. Je ne crois pas pouvoir honorer Dieu autrement qu'en utilisant la lumière qu'il m'a donnée, en dépistant le mal en moi, en tachant de me rendre utile dans la sphère où j'ai été placé. Dans ma condition, il y a peu à apprendre et moins encore à faire. Mais vous, mon ami, vous devez savoir que les hommes qui rencontrent la véritable grâce sont justement ceux-là dont se joue le Destin, à condition, bien entendu, qu'ils daignent en tirer une leçon.
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Chacun gardait le silence. On savait qu'il serait téméraire de rebrousser chemin, et qu'il ne s'agissait plus désormais que d'essayer de progresser lentement contre le vent, en longeant la côte aussi près que possible, et en gardant l'espoir de pouvoir aborder à Velbestad. Encore trois milles jusque-là. Il y avait maintenant trois bonnes heures qu'ils ramaient. Sur leurs têtes, l'immense rocher de « la Tête de Femme » surgit tout à coup des nuages, tel un cri qui se serait fait pierre. Les lambeaux de brume, qui passaient rapidement devant la montagne, cachaient, puis dévoilaient les gigantesques silhouettes rocheuses, les enveloppaient comme d'une cape pour les engloutir à nouveau, dansaient et s'envolaient comme de la fumée.On eût dit, le long des ravins humides et des failles obscures, quelque orgue gigantesque qui eût joué une musique de silence faite de formes sauvages et tourmentées.
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Elle lui tendit la feuile. Les grandes lettres désordonnées dansaient le long des lignes qui montaient vers le coin droit du papier. L'orthographe était douteuse, mais malgré tout c'était lisible. Soudain, cessant de lire, il s'exclame douloureusement :
- Jésus !
Barbara ne comprit pas tout de suite ce qu'il voulait dire. Puis tout à coup, elle rougit violemment.
Barbara, tu ne sais même pas écrire Jésus ! [...]
Elle lui arracha prestement la feuille, s'assit de nouveau et, la langue entre les lèvres, la plume éclaboussante, elle raya violemment son "Gésu" et écrivit au-dessus, sans fautes cette fois.
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Et, tandis que la tempête recouvrait la ville comme un cauchemar, deux femmes, la tête emplie des splendeurs aperçues et les bras chargés de butin, rentraient, furtives et peureuses, à travers les ruelles fouettées par la pluie.
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Monsieur Paul qui, tout le jour, avait eu l'impression de se trouver dans les ténèbres, se sentait maintenant inondé de lumière. Celle-ci ne venait ni de l'éclat du bois blanc de la table, ni du linge que cousait Barbara, ni de ses mains éblouissantes, mais de ses yeux qui jetaient un éclat si vif qu'elle devait comme les reprendre après chaque regard. On eût dit qu'ils avaient montré trop d'abandon et qu'ils en avaient honte.
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