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Citations de Jules Laforgue (269)


Vertiges des Soleils ! musiques infinies !
Mon Cœur saigne d'amour et se fond de douceur,
Ô rondes d'astres d'or, bercez mes insomnies ;
Dans un rythme très-lent, magique et guérisseur
       Bercez la Terre, votre sœur.

Aimez-moi, bercez-moi. Le Cœur de l'œuvre immense
Le cœur de l'univers est né ; c'est moi qui l'ai,
Je suis le cœur de Tout ! et je saigne en démence,
Je déborde d'amour par l'azur étoilé,
       Je veux que tout soit consolé !

La Nature est en moi. J'ai levé tous les voiles ;
Je sais l'Ennui des grands nuages voyageurs,
Je palpite la nuit dans l'ardeur des étoiles,
Mon sang teint les couchants aux tragiques splendeurs,
       Je pleure dans les vents rageurs !

Je comprends la tristesse éternelle des bêtes,
La méditation des bœufs, du marabout,
Et l'effort du tronc d'arbre et le spleen des tempêtes,
L'amour de tous les cœurs en mon cœur se résout,
       Venez ! Je suis le Cœur de tout !

Je suis le Bien-Aimé, le Triste. Que tout m'aime.
Votre océan d'amour ma Douleur l'a tari,
J'ai fait de vos sanglots un long sanglot suprême
Que je couve en ce cœur de tous les cœurs pétri ;
        Soleils ! je puis pousser le Cri !

Vos rondes henniront d'angoisse et d'épouvante ;
Des signes flamboieront aux cieux ; l'Humanité
S'assoira sur les monts écoutant dans l'attente
Le cri d'amour rouler sans fin répercuté
       Aux échos de l'éternité.

Mais non ! je ne sais rien. — Je suis la Douleur même
Je souffre d'aimer trop ; je sais que c'est mon sort,
Mais j'en veux épuiser la douceur ; j'aime, j'aime,
Je veux saigner pour tout, saigner, toujours, encor...
        Pour être épargné de la mort.

p.401-402
Extrait POÈMES INÉDITS, DÉSOLATION, Le livre de poche 1970, n° 2109
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Les étoiles d'or rêvaient éternelles ;
Seul, sous leurs regards, songeant, loin de tous,
Devant leur douceur tombant à genoux,
Moi je sanglotais longuement vers elles.

« Ah ! pourquoi, parlez, étoiles cruelles !
La Terre et son sort ? Nous sommes jaloux !
N'a-t-elle pas droit aussi bien que vous
À sa part d'amour des lois maternelles ?

« Quelqu'un veille-t-il, aux nuits solennelles ?
Qu'on parle ! Est-ce oubli, hasard ou courroux ?
Pourquoi notre sort ? C'est à rendre fous ! »...
— Les étoiles d'or rêvaient éternelles...
                               10 novembre.

p.445
Extrait POÈMES INÉDITS, SANGLOT PERDU, Le livre de poche 1970, n° 2109
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COMPLAINTE-ÉPITAPHE

La femme,
Mon âme :
Ah ! Quels
Appels !

Pastels
Mortels,
Qu'on blâme
Mes gammes !

Un fou
S'avance,
Et danse.

Silence...
Lui, où ?
Coucou.

I - p.202

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Spleen et printemps.

Avril met aux buissons leurs robes de printemps,
Des essaims de baisers frissonnent dans les branches,
La mouche d’eau zigzague aux moires de l’étang,
Les boutons d’or ont mis leurs collerettes blanches…
- Dans mon cœur souffle encor l’hiver et ses autans.

Aux baisers du soleil partout le bourgeon crève
Et devient un calice où, se grisant de sève,
Bourdonnent et l’abeille et les frelons goulus.
Partout du renouveau l’homme joyeux s’élève…
- Seul mon cœur desséché ne refleurira plus.

Le liseron s’enroule étoilé de clochettes
Aux volets peints en vert des blanches maisonnettes
Le réséda, l’œillet et le muguet aussi
Embaument la fenêtre étroite des grisettes…
- Au jardin de mon cœur ne vient que le souci.

Et la main dans la main, par les sentiers ombreux,
Deux à deux, les amants roucoulent langoureux.
Tout aime et tout convie aux amoureuses fièvres,
Tout rit, tout est content de vivre sous les cieux
- Moi, j’erre à travers tout, le dégoût sur les lèvres

Et les couples bourgeois promènent leurs marmots
A la culotte large et fendue au derrière ;
Le soir ils s’uniront à l’heure du loto
Pour chercher le rébus du dernier numéro…
- Moi je n’ai que des soifs folles à satisfaire.

Le soir rythmant leur rêve en gais dactyles d’or,
Les poètes croient voir flotter de blanches fées
Déchirant aux buissons leurs robes de buées,
La nuit, dans la clairière aux brises étouffées…
- Moi je ne sais rimer que visions de mort.

Là-bas dorment les morts. Moi, dans la farce humaine,
J’ai fait mon rôle aussi. Je voudrais m’en aller.
Hélas ! J’attends encor l’heure lente et sereine
Où pour la grande nuit, dans un coffre de chêne,
Le Destin – ce farceur – voudra bien m’emballer.
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La mélancholie de Pierrot.

Le premier jour, je bois leurs yeux ennuyés….
Je baiserais leurs pieds,
À mort. Ah! qu’elles daignent
Prendre mon cœur qui saigne!
Puis, on cause…. – et ça devient de la Pitié;
Et enfin je leur offre mon amitié.

C’est de pitié, que je m’offre en frère, en guide;
Elles, me croient timide,
Et clignent d’un œil doux :mal
« Un mot, je suis à vous! »
(Je te crois) Alors, moi, d’étaler les rides
De ce cœur, et de sourire dans le vide…..

Et soudain j’abandonne la garnison,
Feignant de trahisons!
(Je l’ai échappé belle!)
Au moins, m’écrira-t-elle?
Point. Et je la pleure toute la saison….
- Ah! j’en ai assez de ces combinaisons!

Qui m’apprivoisera le cœur! belle cure…..
Suis si vrai de nature
Aie la douceur des sœurs !
Oh viens ! suis pas noceur,
Serait-ce donc une si grosse aventure
Sous le soleil ? dans toute cette verdure…
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La lune est stérile.

Lune, Pape abortif à l’amiable, Pape
Des Mormons pour l’art, dans la jalouse Paphos
Où l’État tient gratis les fils de la soupape
D’échappement des apoplectiques Cosmos !

C’est toi, léger manuel d’instincts, toi qui circules,
Glaçant, après les grandes averses, les oeufs
Obtus de ces myriades d’animalcules
Dont les simouns mettraient nos muqueuses en feu !

Tu ne sais que la fleur des sanglantes chimies ;
Et perces nos rideaux, nous offrant le lotus
Qui constipe les plus larges polygamies,
Tout net, de l’excrément logique des fœtus.

Carguez-lui vos rideaux, citoyens de mœurs lâches ;
C’est l’Extase qui paie comptant, donne son Ut
Des deux sexes et veut pas même que l’on sache
S’il se peut qu’elle ait, hors de l’art pour l’art, un but.

On allèche de vie humaine, à pleines voiles,
Les Tantales virtuels, peu intéressants
D’ailleurs, sauf leurs cordiaux, qui rêvent dans nos moelles ;
Et c’est un produit net qu’encaissent nos bons sens.

Et puis, l’atteindrons-nous, l’Oasis aux citernes,
Où nos coeurs toucheraient les payes qu’on leur doit ?
Non, c’est la rosse aveugle aux cercles sempiternes
Qui tourne pour autrui les bons chevaux de bois.

Ne vous distrayez pas, avec vos grosses douanes ;
Clefs de fa, clefs de sol, huit stades de claviers,
Laissez faire, laissez passer la caravane
Qui porte à l’Idéal ses plus riches dossiers !

L’Art est tout, du droit divin de l’Inconscience ;
Après lui, le déluge ! et son moindre regard
Est le cercle infini dont la circonférence
Est partout, et le centre immoral nulle part.

Pour moi, déboulonné du pôle de stylite
Qui me sied, dès qu’un corps a trop de son secret,
J’affiche : celles qui voient tout, je les invite
A venir, à mon bras, des soirs, prendre le frais.

Or voici : nos deux Cris, abaissant leurs visières,
Passent mutuellement, après quiproquos,
Aux chers peignes du cru leurs moelles épinières
D’où lèvent débusqués tous les archets locaux.

Et les ciels familiers liserés de folie
Neigeant en charpie éblouissante, faut voir
Comme le moindre appel : c’est pour nous seuls ! rallie
Les louables efforts menés à l’abattoir !

Et la santé en deuil ronronne ses vertiges,
Et chante, pour la forme: « Hélas ! ce n’est pas bien,
« Par ces pays, pays si tournoyants, vous dis-je,
« Où la faim d’Infini justifie les moyens. »

Lors, qu’ils sont beaux les flancs tirant leur révérence
Au sanglant capitaliste berné des nuits,
En s’affalant cuver ces jeux sans conséquence !
Oh ! n’avoir à songer qu’à ses propres ennuis !

- Bons aïeux qui geigniez semaine par semaine,
Vers mon Cœur, baobab des védiques terroirs,
Je m’agite aussi ! mais l’Inconscient me mène ;
Or, il sait ce qu’il fait, je n’ai rien à y voir.
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METTONS UN DOIGT SUR LA PLAIE

Que le pur du bonheur m'est bien si je l’escompte !...
Ou ne le cueille qu'en refrains de souvenance !...
Ô rêve, ou jamais plus ! Et fol je me balance
Au-dessus du Présent en Ariel qui a honte.

Mais, le cru, quotidien, et trop voyant Présent !
Et qui vous met au pied du mur, et qui vous dit :
" À l'instant, ou bonsoir ! " et ne fait pas crédit,
Et m'étourdit le cœur de ses airs suffisants !

Tout vibrant de passé, tout pâle d'espérance,
Je fais signe au Présent: " Oh ! sois plus diaphane ? "
Mais il me bat la charge et mine mes organes !
Puis, le bateau parti, j'ulule : " Oh ! recommence... "

Et lui seul est bien vrai ! ― mais je me mords la main
Plutôt (je suis trop jeune... ou, trop agonisant...)
Ah ! rien qu'un pont entre Mon Cœur et le Présent !
Ô lourd Passé, combien ai-je encor de demains ?...

Ô cœur aride
Mais sempiterne,
Ô ma citerne
Des Danaïdes !...

II – p.11
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XVII. ― CYTHERE

Quel lys sut ombrager ma sieste ?
C'était (ah ne sais plus comme !) au bois trop sacré
Où fleurir n'est pas un secret.
Et j'étais fui comme la peste,
" Je ne suis pas une âme leste ! "
Ai-je dit alors et leurs chœurs m'ont chanté : " Reste."

Et la plus grande, oh ! si mienne ! m'a expliqué
La floraison sans commentaires
De cette hermétique Cythère
Au sein des mers comme un bosquet,
Et comment quelques couples vraiment distingués
Un soir ici ont débarqué....

Non la nuit sait pas de pelouses,
D'un velours bleu plus brave que ces lents vallons !
Plus invitant au : dévalons !
Et déjoueur des airs d'épouse !
Et qui telle une chair jalouse,
En ses accrocs plus éperdûment se recouse !...

Et la faune et la flore étant comme ça vient,
On va comme ça vient ; des roses
Les sens ; des floraisons les poses ;
Nul souci du tien et du mien ;
Quant à des classements en chrétiens et païens,
Ni le climat ni les moyens.

Oui, fleurs de vie en confidences,
Mains oisives dans les toisons aux gros midis,
Tatouages des concettis ;
L'un mimant d'inédites danses,
L'autre sur la piste d'essences...
― Eh quoi ? Nouveau-venu, vos larmes recommencent !

― Réveil meurtri, je m'en irai je sais bien où ;
Un terrain vague, des clôtures,
Un âne plein de foi pâture
Des talons perdus sans dégoût,
Et brait vers moi (me sachant aussi rosse et doux)
Que je desserre son licou.

II - p.39-40
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COMPLAINTE DU FŒTUS DE POÈTE

Blasé dis-je ! En avant,
Déchirer la nuit gluante des racines,
À travers maman, amour tout d’albumine,
Vers le plus clair ! vers l'alme et riche étamine
D'un soleil levant !
― Chacun son tour, il est temps je m’émancipe,
Irradiant des Limbes mon inédit type !

En avant !
Sauvé des steppes du mucus, à la nage
Téter soleil et soûl de lait d'or, bavant,
Dodo à les seins dorloteurs des nuages,
Voyageurs savants !

― À rêve que veux-tu, là-bas, je vivrai dupe
D’une âme en coup de vent dans la fraîcheur des jupes !

En avant !
Dodo sur le lait caillé des bons nuages
Dans la main de Dieu, bleue, aux mille yeux vivants
Aux pays du vin viril faire naufrage !
Courage

― Et je communierai, le front vers l'orient,
Sous les espèces des baisers inconscients !

En avant !
Cogne, glas des nuits ! filtre, soleil solide !
Adieu, forêts d'aquarium qui, me couvant,
Avez mis ce levain dans ma chrysalide !
Mais j'ai froid ? En avant !
Ah ! maman....

Vous, Madame, allaitez le plus longtemps possible
Et du plus Seul de vous ce pauvre enfant-terrible.

p.94-95

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COMPLAINTE DU ROI DE THULÉ

Il était un roi de Thulé,
Immaculé,
Qui, loin des jupes et des choses,
Pleurait sur la métempsychose
Des lys en roses,
Et quel palais !

Ses fleurs dormant, il s'en allait,
Traînant des clés,
Broder aux seuls yeux des étoiles
Sur une tour, un certain Voile
De vive toile,
Aux nuits de lait !

Quand le voile fut bien ourlé,
Loin de Thulé,
Il rama fort sur les mers grises,
Vers le soleil qui s'agonise,
Féerique Eglise !
Il ululait :

« Soleil-crevant, encore un jour,
Vous avez tendu votre phare
Aux holocaustes vivipares,
Du culte qu'ils nomment l'Amour.

« Et comme, devant la nuit fauve,
Vous vous sentez défaillir,
D'un dernier flot d'un sang martyr
Vous lavez le seuil de l’Alcôve !

« Soleil ! Soleil ! moi je descends
Vers vos navrants palais polaires,
Dorloter dans ce Saint-Suaire
Votre cœur bien en sang,
En le berçant ! »

Il dit, et, le Voile étendu,
Tout éperdu,
Vers les coraux et les naufrages,
Le roi raillé des doux corsages,
Beau comme un Mage
Est descendu !

Braves amants ! aux nuits de lait,
Tournez vos clés !
Une ombre, d'amour pur transie,
Viendrait vous gémir cette scie :
« Il était un roi de Thulé
Immaculé... »

p.149-150-151
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II
FIGUREZ-VOUS UN PEU

Oh ! qu'une, d'Elle-même, un beau soir, sût venir,
Ne voyant que boire à Mes Lèvres ! ou mourir......

Je m’enlève rien que d'y penser ! Quel baptême
De gloire intrinsèque, attirer un « Je vous aime » !

L'attirer à travers la société, de loin,
Comme l'aimant la foudre; un', deux ! ni plus, ni moins.

Je t’aime ! comprend-on ? Pour moi tu n'es pas comme
Les autres ; jusqu'ici c'était des messieurs, l'Homme...

Ta bouche me fait baisser les yeux ! et ton port
Me transporte ! (et je m'en découvre des trésors...)

Et c'est ma destinée incurable et dernière
D'épier un battement à moi de tes paupières !

Oh ! je ne songe pas au reste ! J'attendrai,
Dans la simplicité de ma vie faite exprès...

Te dirai-je au moins que depuis des nuits je pleure,
Et que mes parents ont bien peur que je n'en meure ?...

Je pleure dans des coins ; je n'ai plus goût à rien ;
Oh ! j'ai tant pleuré, dimanche, en mon paroissien !

Tu me demandes pourquoi Toi ? et non un autre…
Je ne sais ; mais c'est bien Toi, et point un autre !

J'en suis sûre comme du vide de mon cœur,
Et.., comme de votre air mortellement moqueur...

— Ainsi, elle viendrait, évadée, demi-morte,
Se rouler sur le paillasson qu'est à ma porte !

Ainsi, elle viendrait à Moi ! les yeux bien fous !
Et elle me suivrait avec cet air partout !

II – p.9-10
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LITANIES
DES PREMIERS QUARTIERS DE LA LUNE

Lune bénie
Des insomnies,

Blanc médaillon
Des Endymions,

Astre fossile
Que tout exile,

Jaloux tombeau
De Salammbô,

Embarcadère
Des grands Mystères,

Madone et miss
Diane-Artémis,

Sainte Vigie
De nos orgies,

Jettatura
Des baccarats,

Dame très lasse
De nos terrasses,

Philtre attisant
Les vers-luisants,

Rosace et dôme
Des derniers psaumes,

Bel œil-de-chat
De nos rachats,

Sois l'Ambulance
De nos croyances !

Sois l'édredon
Du Grand-Pardon !

p.210-211
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MÉDIOCRITE

Dans l'Infini criblé d'éternelles splendeurs,
Perdu comme un atome, inconnu, solitaire,
Pour quelques jours comptés, un bloc appelé Terre
Vole avec sa vermine aux vastes profondeurs.

Ses fils, blêmes, fiévreux, sous le fouet des labeurs,
Marchent, insoucieux de l'immense mystère,
Et quand ils voient passer un des leurs qu'on enterre,
Saluent, et ne sont pas hérissés de stupeurs.

La plupart vit et meurt sans soupçonner l'histoire
Du globe, sa misère en l'éternelle gloire,
Sa future agonie au soleil moribond.

Vertiges d'univers, cieux à jamais en fête !
Rien, ils n'auront rien su. Combien même s'en vont
Sans avoir seulement visité leur planète.

p.23
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XXVI
BALLADE

Oyez, au physique comme au moral,
Ne suis qu'une colonie de cellules
De raccroc; et ce sieur que j’intitule
Moi, n'est, dit-on, qu'un polypier fatal !

De mon cœur un tel, à ma chair védique,
Comme de mes orteils à mes cheveux,
Va-et-vient de cellules sans aveu,
Rien de bien solvable et rien d’authentique.

Quand j’organise une descente en Moi,
J’en conviens, je trouve là, attablée,
Une société un peu bien mêlée,
Et que je n'ai point vue à mes octrois.

Une chair bêtement staminifère,
Un cœur illusoirement pistillé,
Sauf certains soirs, sans foi, ni loi, ni clé,
Où c’est précisément tout le contraire.

Allez, c'est bon. Mon fatal polypier
A distingué certaine polypière ;
Son monde n'est pas trop mêlé, j’espère...
Deux yeux café, voilà tous ses papiers.

POESIE II p.57-58


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APOTHEOSE

En tous sens, à jamais, le silence fourmille
De grappes d'astres d'or mêlant leurs tournoiements.
On dirait des jardins sablés de diamants,
Mais, chacun, morne et très solitaire, scintille.

Or, là-bas, dans ce coin inconnu, qui pétille
D'un sillon de rubis mélancoliquement,
Tremblote une étincelle au doux clignotement :
Patriarche éclaireur conduisant sa famille,

Sa famille : un essaim de globes lourds fleuris.
Et sur l'un, c'est la terre, un point jaune, Paris,
Où, pendue, une lampe, un pauvre fou qui veille

Dans l'ordre universel, frêle, unique merveille.
Il en est le miroir d'un jour et le connaît.
Il y rêve longtemps, puis en fait un sonnet.

p.20
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Seul, pur, songeur,
Me croyant hypertrophique ! comme un plongeur
Aux mouvants bosquets des savanes sous-marines,
J'avais roulé par les livres, bon misogyne.
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"Puis des intermèdes d'horizontaux cyclones de fleurs électrisées, une trombe horizontale de bouquets hors d'eux-mêmes ! ...
Puis des clowns musiciens portant au cœur la manivelle de réels orgues de Barbari qu'ils tournaient avec des airs de Messies qui ne se laisseront pas influencer et iront jusqu'au bout de leur apostolat.
Et trois autres clowns jouèrent l'Idée, la Volonté, l'Inconscient. L'idée bavardait sur tout, la Volonté donnait de la tête contre les décors, et l'Inconscient faisant de grands gestes mystérieux comme un qui en sait au fond plus qu'il n'en peut dire encore. Cette trinité avait d'ailleurs un seul et même refrain :

O Chanaan,
Du bon néant !

Néant, la Mecque
Des Bibliothèques !

Elle obtint un succès de fou rire."
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Elle fuyait par l’avenue
Je la suivais illuminé,
Ses yeux disaient : « J’ai deviné
Hélas ! que tu m’as reconnue ! »

Je la suivais illuminé
Yeux désolés, bouche ingénue,
Pourquoi l’avais-je reconnue,
Elle,loyal rêve mort-né ?

Yeux trop mûrs, mais bouche ingénue ;
Œillet blanc, d’azur trop veiné ;
Oh ! oui, rien qu’un rêve mort-né,
Car, défunte elle est devenue.

Gris, œillet, d’azur trop veiné,
La vie humaine continue
Sans toi, défunte devenue.
— Oh ! je rentrerai sans dîner !

Vrai, je ne l’ai jamais connue.
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Jules Laforgue

BOUFFÉE DE PRINTEMPS.

TOUT poudroie au soleil, l’air sent bon le printemps.
Les femmes vont au Bois sous leurs ombrelles claires.
Chiens, bourgeois et voyous, chacun a ses affaires.
Tout marche. Les chevaux de fiacre « ont vingt ans ».
Dans les jardins publics Guignol parle aux enfants
Aux tremblants crescendos des concerts militaires
Que viennent écouter de jaunes poitrinaires
Frissonnant aux éclats des cuivres triomphants.
Aux magasins flambants les commis font l’article,
Derrière les comptoirs des hommes à l’air fin
Pour vérifier un compte ont chaussé leur bésicle,
Chacun trime, rit, flâne ou pleure, vit enfin !
Seul, j’erre à travers tout, la lèvre appesantie
Comme d’une nausée immense de la vie. .
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Silence et lune… Cimetière et nature…
– Hamlet ! Hamlet ! appelle bientôt la grelottante voix de Kate ; Hamlet !

La lune inonde tout d’un silence polaire.
Kate se décide à venir voir.
Elle voit. Elle palpe ce cadavre livide de lune et de décès.
– Il s’est poignardé, ô Ciel !
Elle se penche sur cette tombe et lit :
OPHÉLIE, FILLE DE LORD POLONIUS ET
DE LADY ANNE MORTE À DIX-HUIT ANS.
Et la date d’aujourd’hui.
– C’était celle qu’il aimait ! Alors, pourquoi m’emmenait-il avec amour ?
Pauvre héros… Que faire ?
Elle se penche, l’embrasse, l’appelle.
– Hamlet, my little Hamlet !
Mais la mort est la mort, c’est connu depuis la vie.
– Je vais retourner au Château avec les chevaux, retrouver l’écuyer
témoin de notre départ, et je dirai tout.
Elle repart au même trop, tournant le dos à la pleine lune qui devait faire
si bien, là-bas, sur les plaines, les plaines, vers Paris et les brillants Valois,
tenant cour plénière.
On sut tout, le répréhensible coup du drame à personnalités,
l’enlèvement, etc. On envoya chercher le cadavre avec des flambeaux de
première qualité. – Ô soir historique, après tout !
Or, Kate était la maîtresse de William.
– Ah ! ah ! fit cet homme, c’est comme ça qu’on voulait lâcher Bibi !
(Bibi est un abréviation de Billy, diminutif de William).
Et Kate reçut une belle volée qui n’était pas la première et ne devait
pas être la dernière, hélas ! – Et cependant elle était si belle, Kate, que, en
d’autres temps, la Grèce lui eût élevé des autels.
Et tout rentra dans l’ordre.
Un Hamlet de moins ; la race n’en est pas perdue, qu’on se le dise !
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