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Citations de Julie Otsuka (393)


Loin de la ferme, disait-on, où que l'on aille, on demeurait toujours un étranger, et si on se trompait de bus, on risquait de ne plus jamais rentrer chez toi.
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Sur le bateau, nous ne pouvions imaginer qu'en voyant notre mari pour la première fois, nous n'aurions aucune idée de qui il était. Que ces hommes massés aux casquettes en tricot, aux manteaux noirs miteux qui nous attendaient sur le quai, ne ressemblaient en rien aux beaux jeunes gens des photographies. Que les portraits envoyés dans les enveloppes dataient de vingt ans. Que les lettres qu'ils nous avaient adressées avaient été rédigées par d'autres, des professionnels à la belle écriture dont le métier consistait à raconter des mensonges pour ravir le cœur. Qu'en entendant l'appel de nos noms, depuis le quai, l'une d'entre nous se couvrirait les yeux en se détournant - je veux rentrer chez moi - mais que les autres baisseraient la tête, lisseraient leur kimono, et franchiraient la passerelle pour débarquer dans le jour encore tiède. Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n'y a pas à s'inquiéter. Et nous aurions tort.
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Certaines d’entre nous préféraient leurs filles, qui étaient douces et bonnes, et d’autres, comme nos mères avant nous, leurs fils. Ils sont plus productifs à la ferme. Nous les nourrissions davantage que leurs sœurs. Nous prenions leur parti lors des querelles. Nous les vêtions mieux. Nous dépensions jusqu’à notre dernier penny pour les emmener chez le médecin quand ils avaient la fièvre, alors que nous soignions nous-mêmes nos filles à la maison. J’applique un cataplasme à la moutarde sur sa poitrine et j’adresse une prière au dieu du vent et des mauvais rhumes. Car nous savions que nos filles nous quitteraient à l’instant où elles se marieraient, alors que nos fils s’occuperaient de nous quand nous serions vieilles.
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Un garçon de Milpitas est parti, inquiet pour Franck, son coq domestique, qu'il avait confié à ses voisins. " Vous croyez qu'ils vont le manger ? " demandait-il. Un garçon d'Ocean Park est parti alors que ses oreilles résonnaient encore des hurlements déchirants de son chien, Chibi.
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Existe il tribu plus sauvage que les américains ? L'une des nôtres les rendait responsables de tout et souhaitait qu'ils meurent. L'une des nôtres les rendait responsables de tout et souhaitait mourir. D'autres apprenaient à vivre sans penser à eux. Nous nous jetions à corps perdu dans le travail, obsédées par l'idée d'arracher une mauvaise herbe de plus. Nous avions rangé nos miroirs. Cesser de nous peigner. Nous oubliions de nous maquiller. Nous oubliions Bouddha. Nous oubliions Dieu. Nous étions glacées à l'intérieur, et notre cœur n'a toujours pas dégelé.
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Misuyoko est partie avec grâce sans en vouloir à personne. Chiyoko, qui avait toujours insisté pour que nous l'appelions charlotte, est partie en insistant pour que nous l'appelions Chiyko. C'est la dernière fois que je change d'avis.
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Elle est partie en riant. Elle est partie sans se retourner.
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Un Japonais peut vivre avec une cuillerée de riz par jour. Nous étions la meilleure race de travailleurs qu'ils aient jamais employée au cours de leur vie.
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Nous avons accouché à cinq heures du matin dans la salle de repassage de l'Eagle Hand Laundry et dès la nuit suivante notre mari a voulu nous embrasser.Je lui ai dit : "Mais tu ne peux pas attendre ? " Nous avons accouché en silence, comme nos mères, qui n'avaient jamais émis ni cri ni plainte. ............. Nous avons accouché en pleurant, comme Nogiku, qui a attrapé les fièvres et n'a pas pu se lever pendant trois mois. Nous avons accouché facilement, en deux heures, et puis nous avons eu la migraine pendant cinq ans. Nous avons accouché six semaines après que notre mari nous eut quittées, d'une enfant qu'aujourd'hui nous regrettons d'avoir abandonnée............ Nous avons accouché en secret, dans les bois, d'un enfant dont notre mari savait qu'il n'était pas de lui. Sur un dessus-de-lit passé, orné de fleurs, dans un bordel d'Oakland, en écoutant les gémissements, à travers la cloison........... (page 67)
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Nous avons accouché sous un chêne, l'été, par quarante-cinq degrés. Nous avons accouché près d'un poêle à bois dans une la pièce unique de notre cabane par la plus froide nuit de l'année. Nous avons accouché sur des îles venteuses du Delta, six mois après notre arrivée, nos bébés étaient minuscules, translucides, et ils sont morts au bout de trois jours. Nous avons accouché neuf mois après avoir débarqué de bébés parfaits, à la tête couverte de cheveux noirs.
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Quoi ? Quoi ? Quoi ?
La viande de cheval.
Quoi, la viande de cheval ?
Où est-ce qu'ils la prennent ?
Elle avança les lèvres.
- Sur des chevaux.
- Quel genre de chevaux ?
Elle le regarda dans le miroir.
- Le genre mort.
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Chaque semaine, ils entendaient circuler de nouvelles rumeurs.
On allait mettre les hommes et les femmes dans des camps séparés. On allait les stériliser. On allait leur retirer leur citoyenneté américaine. On allait les emmener en haute mer pour les exécuter. On allait les envoyer sur une île déserte et les y abandonner. On allait tous les déporter au Japon. On ne les autoriserait jamais à quitter l'Amérique. On allait les garder en otages tant que tous les prisonniers de guerre américains jusqu'au dernier ne seraient pas rentrés sains et saufs au pays. On allait les confier à la garde des Chinois dès que la guerre serait terminée.
« On vous a amenés ici pour votre propre protection » leur avait-on assuré.
C'était dans l'intérêt de la sûreté nationale.
C'était une question de nécessité militaire.
C'était pour eux l'occasion de prouver leur loyalisme.
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Les Japonais se sont-ils rendus dans les centres d'accueil de leur plein gré ou sous la contrainte ? Quelle est leur destination finale ? Pourquoi n'avons-nous pas été informés de leur départ à l'avance ? Qui va les défendre, si la chose est possible ? Sont-ils innocents ? Sont-ils coupables ? Sont-ils vraiment partis ?
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Certaines des nôtres travaillaient comme cuisinières dans les campements ouvriers, d'autres faisaient la plonge, abîmant leurs mains délicates. Certaines avaient été emmenées dans des vallées reculées pour y tondre les moutons. Peut-être nos maris avaient-ils loué huit hectares de terre à un dénommé Caldwell, qui en possédaient des des milliers en plein coeur de la vallée de San Joaquin, et chaque année nous devions lui remettre soixante pour cent de notre récolte. Nous vivions dans une une hutte de terre battue sous un saule, au milieu d'un vaste champ sans clôture, et dormions sur des matelas de paille. Nous allions faire nos besoins dehors, dans un trou. Nous tirions notre eau du puits. Nous passions nos journées à planter et ramasser des tomates du lever au coucher du soleil, et nous ne parlions à personne hormis à nos maris pendant des semaines d'affilée. Nous avions un chat pour nous tenir compagnie et chasser les rats, et le soir depuis le seuil de la porte, en regardant vers l'ouest, nous distinguions une lueur diffuse au loin. C'est là, nous avaient dit nos maris, que vivaient les gens. Et nous comprenions que jamais nous n'aurions dû partir de chez nous.
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Tout ce que nous savons c'est que les Japonais sont là-bas quelque part, dans tel ou tel lieu, et que nous ne les verront sans doute jamais plus en ce bas monde

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Un jour, nous étions-nous promis à nous-mêmes, nous partirions. (…)
Mais en attendant nous resterions en Amérique un peu plus longtemps à travailler pour eux, car sans nous, que feraient-ils ? Qui ramasserait les fraises dans leurs champs ? Qui laverait leurs carottes ? Qui récurerait leurs toilettes ? Qui raccommoderait leurs vêtements ? Qui repasserait leurs chemises ? Qui redonnerait du moelleux à leurs oreillers ? Qui changerait leurs draps ? Qui leur préparerait leur petit déjeuner ? Qui débarrasserait leur table ? Qui consolerait leurs enfants ? Qui baignerait leurs anciens ? Qui écouterait leurs histoires ? Qui préserverait leurs secrets ? Qui chanterait pour eux ? Qui danserait pour eux ? Qui pleurerait pour eux ? Qui tendrait l’autre joue, et puis, un jour – parce que nous serions fatigués, parce que nous serions vieux, parce que nous en serions capables –, leur pardonnerait ? Un imbécile, forcément. Alors nous repliions nos kimonos pour les ranger dans nos malles, et ne plus les ressortir pendant de longues années.
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Beaucoup d'entre nous reprenaient les mêmes chants des moissons que dans leur enfance, essayant d'imaginer qu'elles étaient de retour chez elles au Japon. Car si nos maris nous avaient dit la vérité dans leurs lettres - qu'ils étaient pas négociants en soieries mais cueillaient des fruits, qu'ils ne vivaient pas dans de vastes demeures aux pièces nombreuses mais dans des tentes, des granges, voire des champs, à la belle étoile - jamais nous ne serions venues en Amérique accomplir une besogne qu'aucun Américain qui se respecte n'eût acceptée.
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Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. Certaines venaient de la ville et portaient d’élégants vêtements, mais la plupart d’entre nous venaient de la campagne, et nous portions pour le voyage le même vieux kimono que nous avions toujours porté – hérité de nos sœurs, passé, rapiécé, et bien des fois reteint. Certaines descendaient des montagnes et n’avaient jamais vu la mer, sauf en image, certaines étaient filles de pêcheur et elles avaient toujours vécu sur le rivage. Parfois l’océan nous avait pris un frère, un père, ou un fiancé, parfois une personne que nous aimions s’était jetée à l’eau par un triste matin pour nager vers le large, et il était temps pour nous, à présent, de partir à notre tour.
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Nous les aimions. Nous les haïssions. Nous voulions être elles. Si grandes, si belles, si blanches. Leurs longs membres gracieux. Leurs dents éclatantes. Leur teint pâle et lumineux, qui masquait les sept défauts du visage. Leurs manières étranges mais attachantes, leurs souliers pointus à talons, leur drôle de démarche avec les orteils à l'extérieur, leur habitude de se rassembler dans le salon.
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Quand on lui demande s'il se sentait en sécurité en vivant en face des Miyamoto, un ouvrier de l'usine de glace répond: "Pas vraiment." Lui et sa femme se sont toujours montrés très prudents à leur endroit, explique-t-il, parce que, "en fait, on n'était pas sûrs. Il y en a des bons et des mauvais, je suppose. Moi, je ne fais pas la différence".
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