Julien Vidal

Mieux travailler donc, dans des structures à taille humaine, où les décisions sont prises de manière plus horizontale, où l'activité libère au lieu d'asservir, où la richesse est plus justement répartie.

Seul est digne de toi ce qui est bon pour tous. Seul mérite d'être produit ce qui ne privilège ni n'abaisse personne. Nous pouvons être plus heureux avec moins d'opulence, car dans une société sans privilège, il n'y a pas de pauvres.

André Gorz par Michel Bosquet.

La société est organisée pour annihiler toute trace d'espoir utopiste et pour nous ramener immédiatement à une réalité uniforme, conformiste et paralysante qui se traduit au final par une apathie généralisée où éclosent les fleurs mortes de l'indifférence et la passivité.

A force de vouloir posséder, c'est nous qui sommes devenus possédés.

de Victor Hugo.

Difficile de penser que nous n'arrivons pas à envisager de manière constructive la profonde remise en question de notre rôle sur Terre. Pourtant, tôt ou tard et idéalement le plus vite possible, il va falloir que nous acceptions d'ancrer le respect du Vivant dans les pans de notre société où il a été trop longtemps absent.

Terminant son discours vengeur, il éclata d’un rire froid et cruel qui résonna dans toute la forêt. Le fond de la gueule du molosse nommé « Mathématiques », qui venait de refermer sa mâchoire sur son crâne, ainsi que l’assaut des autres chiens, furent les dernières images que Pierre perçut avant de se réveiller, hurlant comme un diable et les yeux remplis d’effroi.

De la responsabilité du sens, au sens de la responsabilité.

Que nous le voulions ou non, de notre première à notre dernière respiration, nos faits et gestes entraînent des échanges d’argent. Dans bien des cas, nos parents nous ouvrent un compte dès notre plus jeune âge, nous faisant entrer dans “le système”. Puis nous gagnons notre argent de poche, enchaînons les jobs d’été qui laissent place à un salaire régulier, viré en banque… À notre insu, nous alimentons dès lors le réseau financier mondial, au cœur de l’économie d’aujourd’hui, mais aussi au centre des problématiques écologiques et sociales. Subir ou décider ? Chaque citoyen a le pouvoir de redonner à l’argent son rôle premier de moyen d’échange, en veillant à ce que les financements d’aujourd’hui construisent la société de demain.

Pour aller à la rencontre des acteurs de 2030 Glorieuses, je pars comme on part en voyage. Car voyager vers une destination nouvelle ou avec comme ligne de mire un horizon utopiste recèle le même pouvoir. D'ailleurs en anglais, le mot "voyage", qui se dit "travel", vient du mot français "travailler". C'est une des vertus majeures du voyage puisqu'il induit un travail sur soi qui nous permet de changer le regard sur le monde.

Pourtant, comme le dit Théodore Monod très simplement : "L'utopie n'est pas l'irréalisable mais l'irréalisés."
Pourquoi donc inscrire les utopistes dans le camp des irréalistes alors qu'ils sont en réalité lucides et clairvoyants, et entretiennent une relation particulière avec les variantes du futur qui pourraient advenir à condition de le désirer et de s'y consacrer pleinement ? Grâce à ces romans qui se dévorent, l'utopie révèle plusieurs pouvoirs. Ces histoires recèlent des critiques virulentes de la société de l'époque de l'auteur.

Choisir d'être heureux, c'est un acte de résistance politique.

propos tenus par Patrick Viveret.

L'enjeu n'est pas de sauvegarder le monde tel qu'il est mais de décider des nouveaux horizons à viser pour sauver notre avenir. Une tâche à mener à grand renfort d'utopies. L'autre deviendra un allié dont il sera essentiel de respecter la singularité pour en tirer de nouvelles formes de richesses collectives.

Lors de l'une de ses prises de parole, Patrick Viveret nous invite à remettre l'argent à sa juste place, c'est-à-dire comme un sous-ensemble du temps, et donc d'inverser la phrase qui dit "le temps, c'est de l'argent". Il propose de faire l'exercice suivant pour montrer à quel point notre société fait fausse route : remplacer le mot "argent" par le mot "vie" car oui, "le temps, c'est la vie" et notre vie est trop précieuse pour la passer uniquement à la gagner !

Tant que la gouvernance des entreprises permettra à des fonds spéculatifs qui pèsent 4% de l'actionnariat d'une entreprise de remplacer son PDG s'il fait autre chose que maximiser le rendement/action, nos entreprises seront prisonnières du diktat financier.
propos de Gaël Giraud

Je suis certain que vous n'êtes pas indifférents à bon nombre des propositions référencées ci-dessus (p108). Certaines alimentent les débats depuis des années et pourtant, elles n'ont pas été intégrées à notre corpus de loi. Que faire ? Continuer avec obstination persuadés que la victoire sera nôtre à l'avenir? Ne devons-nous pas nous montrer plus fins stratèges? Car si nous ne pouvons pas abandonner ces combats où le front écologique doit se montrer résistant et persévérant, d'autres chantiers plus accessibles peuvent faire basculer la bataille culturelle plus rapidement. Pour ensuite mieux revenir sur le terrain des luttes réglementaires.

nous disposons en France d'une puissance "pilotable" (que l'on peut mettre en route quand on le désire : nucléaire, fossile, barrage, mais ni rien ni solaire) d'environ 100 GW (gigawatts) électriques. Si on imagine recharger tous les soirs 30 millions de voitures électriques pendant deux heures, il faudrait appeler... 700 GW. Même en été en étalant sur toute la nuit, et même en ne rechargeant pas tous les véhicules, il y a un moment où ça coince dans l'équation."

"il y a 5000 milliards d'euros d'épargne en France, et c'est de l'épargne de particuliers... qui ont un vrai pouvoir grâce à l'épargne individuelle : ils peuvent réorienter les choix des investisseurs financiers." Une somme considérable si on la compare aux 1100 milliards que demandent l'économie Pierre Larrouturou et le climatologue Jean Jouzel pour mener la transition écologique et sociale en Europe.

En liant le démarrage de sa quête du changement avec ses désirs profonds, je pense qu'on met toutes les chances de son côté pour pouvoir commencer en douceur et accumuler suffisamment de confiance en ses capacités pour tenir dans la durée.
La vie n'est pas une ligne mais un cycle, un perpétuel recommencement qui nous permet de saisir sans cesse une nouvelle opportunité de nous améliorer. Il est essentiel que le changement soit un jeu, donc pas de panique si vous n'y arrivez pas du premier coup. L'important est de tenir dans la durée plutôt que de tout essayer de faire en même temps. Ce qui est formidable, c'est que chaque nouvelle journée est l'occasion de devenir une version encore meilleure de soi-même.

L'épidémie mondiale en cours en est un exemple criant. Notre notion du temps qui nous bloque dans notre vision du progrès, auquel nulle pause n'est accordée sous prétexte d'être considérée comme une régression. Cette frise chronologique ne nous laisse pas d'autre choix que d'avancer avec toujours l'évolution en ligne de mire. Et si nous changions notre manière plus cyclique, propre aux cultures plus traditionnelles, pour mettre un terme à cette course en avant permanente dont personne ne sort gagnant ?

Le pouvoir ne se trouve pas dans la solution apportée mais dans la manière de raconter l'histoire.