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L'oiseau de Jung-Hi Oh
Clarinette ? J'ai répété ce mot que je n'avais jamais entendu ; c'était comme si une petite chaîne d'argent tintinnabulait quelque part au fond de ma gorge.
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L'oiseau de Jung-Hi Oh
Clarinette ? J'ai répété ce mot que je n'avais jamais entendu ; c'était comme si une petite chaîne d'argent tintinnabulait quelque part au fond de ma gorge.
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L'oiseau de Jung-Hi Oh
Uil tressaute violemment. Il doit encore rêver qu'il vole. Son visage est tendu, ses lèvres serrées. Les mouvements rapides de ses yeux font frémir les minces paupières. Je soulève doucement son corps. Je voudrais bien voler moi aussi dans le ciel sombre de cette nuit. Je me déshabille et je me colle à lui pour entendre les battements de son coeur, sentir son haleine et le mouvement de ses intestins qui gargouillent dans le silence. Je suis rassurée. C'est bon de s'assoupir dans le calme et la nuit. J'entends un train. Une rumeur venant d'un lointain passé, en route pour un lointain avenir que je ne connais pas. L'eau coule en venant de très loin. Elle est soyeuse et chaude. Elle recouvre mes chevilles, mes mollets, mes genoux. Elle monte en immergeant les sinistres murmures et les sanglots étouffés de l'autre côté du mur. |
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L'oiseau de Jung-Hi Oh
Moi ce que je voulais, c'était devenir adulte le plus rapidement possible. Bien sûr les adultes que je voyais autour de moi avaient tous l'air de l'être devenus malgré eux, et pas particulièrement heureux du résultat ; bien sûr la vieille propriétaire et notre grand-mère maternelle allaient répétant qu'elles espéraient mourir vite pour quitter ce monde de misère ; mais malgré cela il m'arrivait d'avoir peur d'avoir onze ans toute ma vie.
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L'oiseau de Jung-Hi Oh
Vivre, c'est comme jouer à la dînette. Quand on s'est bien amusé après avoir étalé plein de trucs par terre, c'est bientôt le coucher du soleil. Alors, chacun laisse ses jouets et rentre chez soi. La vie, c'est exactement ça.
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L'oiseau de Jung-Hi Oh
Une personne qui marche solitaire sur un chemin désert a toujours l'air d'être plongée dans de profondes pensées. Elle semble toujours vouloir dissimuler un cœur qu'elle n'a pas envie de dévoiler aux autres.
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L'oiseau de Jung-Hi Oh
De petits oiseaux s'envolaient dans le ciel qui sombrait. Saisie par l'impression d'avoir oublié quelque chose, je me suis arrêtée, j'ai regardé le sol à mes pieds, puis mes mains vides que j'ai levées devant mon visage. Où ai-je mis la cage ? Où est l'oiseau ? ai-je dit à haute voix en regardant autour de moi. Je n'arrivais pas à me souvenir. Il faisait plus sombre à chaque pas. Mon père avait dit que si l'on suivait la voie ferrée, on pouvait aller n'importe où dans le monde. C'est par là qu'il avait dû partir. Le mari de madame Yônsuk aussi était parti par là en abandonnant sa femme. "Uil, Umi !" J'ai cru entendre quelqu'un appeler et je me suis retournée. Un appel mêlé au bruissement des herbes sèches qui se caressaient dans le vent le long de la voie ferrée, au murmure de l'eau du ruisseau invisible dans la pénombre. Madame Yônsuk disait que ce qui naît ici-bas ne disparaît jamais ; tout comme on voit maintenant la lumière d'une étoile qui déjà n'existe plus, tout ce qui a été laisse une empreinte qui se matérialise à nouveau, même longtemps après, devant qui attend. Un jour, quelqu'un avait imaginé deux prénoms : Umi pour celle qui devait être la plus belle fille du cosmos, Uil pour celui qui serait l'homme le plus formidable du cosmos, et une voix les avait murmurés. Sans doute cet appel me disait-il toute l'espérance qui avait habité cette voix. + Lire la suite |
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L'oiseau de Jung-Hi Oh
— Quand on n'a pas eu de bon parents, c'est fatal. On peut faire ce qu'on veut, on n'échappe pas à son destin.
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La pierre tombale de Jung-Hi Oh
Ceux qui ont quitté leur pays natal ne peuvent pas se fixer à un endroit. Parce qu'ils ne peuvent pas se faire à l'idée que c'est là qu'ils vont mourir.
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L'oiseau de Jung-Hi Oh
Quand la télévision marchait, on éteignait la lumière. Quand on mangeait en regardant la télévision, venait un moment où nos têtes se heurtaient et nos cuillers aussi. Cela voulait dire que nous avions fini tous le riz qui était dans la casserole.
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L'oiseau de Jung-Hi Oh
En rentrant de l'école, j'ai trouvé la chambre vivement éclairée. Le tissu qui masquait la fenêtre était tombé et le soleil découpait avec netteté le visage d'Uil voilé d'une ombre bleue. J'ai soulevé la couverture, de larges taches mouillaientses vêtements. Je l'ai déshabillé et je l'ai nettoyé. - Tu n'as pas honte de jouer au bébé ? Va falloir te mettre une couche. Pendant que je le rabrouais, Uil continuait à brailler son monologue comme s'il n'entendais rien. Il avait dû se vider le ventre pour essayer de s'envoler. J'ai scruté attentivement son corps. J'ai regardé la morsure du chien qui faisait une marque blanche sur sa main et j'ai regardé aussi son petit zizi. Sa peau s'ornait partout de larges taches bleues. Le petit tatouage sur son bras aussi était teinté de bleu. Les traces d'acupuncture étaient devenues des points bleus. Sous ses cheveux il y avait une bosse avec au centre une petite plaie ouverte. Etait-ce par là que son âme, son existence était parties ? J'ai compris. C'était par là que devait jaillir le halo qui entourait Toto l'enfant du cosmos et qui prouvait qu'il était né de la lumière. Tout nu, Uil continuait à parler : Notre père a battu maman. Qui a fait un dessin sur le visage de maman pendant qu'elle dormait ? Qui a fait partir son âme et l'a empêchée de revenir ? Mon père battait maman avec ses poings ronds et durs. Quand il entrait dans la chambre les mains gantées, en tapant dans sa paume gauche avec son poing droit, maman se réfugiait dans un coin en criant : "Ne me frappe pas, ne me frappe pas, je t'en supplie." Nous restions sans bouger dans un coin, les yeux fermés, les oreilles pleines de ses cris. Mon père battait maman, longuement, en prenant son temps. Maman avait alors des taches rouges et bleues. Pourquoi a-t-il fait ça, grande soeur ? Je répétais à Uil d'arrêter, de se taire, je le menaçais de le frapper, mais il continuait. Il criait tellement fort que je ne comprenais plus ce qu'il disait, je l'ai enfoui sous une couverture pour que ce vacarme ne s'entende pas dehors et je suis sortie. + Lire la suite |
Ténèbres, ????? moi la main (Dennis Lehane)