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Citations de Karine Tuil (1463)


J’avais beaucoup lu à l’adolescence, ma conscience politique s’était formée là, dans des pages incandescentes qui racontaient la barbarie sans jamais la nommer. Quand la violence submerge votre quotidien, elle chemine et se répand dans tout votre être, elle détermine votre condition et influence votre existence. La littérature exploitait et révélait la complexité des êtres ; ceux que j’avais chaque jour en face de moi cherchaient sinon à la dissimuler, du moins à la rendre moins visible, à lisser tout ce qu’il y avait de brutal et de féroce en eux et, derrière ce procédé, je voyais moins une manipulation qu’une tentative désespérée de ne pas se heurter à soi-même. Lire, c’était se confronter à l’altérité, c’était refuser les représentations falsifiées du monde.
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J’avais fait mienne l’antienne de l’ancien président de la Cour de cassation Pierre Drai. Évoquant les juges qui avaient réhabilité le capitaine Dreyfus en 1906 et dont l’histoire n’avait pas retenu les noms, il avait écrit : ils « nous ont appris que juger, c’est aimer écouter, essayer de comprendre et vouloir décider ». Comprendre pour mieux juger, ce n’était pas excuser. Mais je savais aussi que certains étaient irrécupérables (…).
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Je finis par me convaincre que je dois le juger pour ce qu’il a fait et non pour la crainte qu’il m’inspire.
On passe des heures avec les mis en examen, pendant des années, des heures compliquées au cours desquelles on manipule une matière noire, dure. À la fin de mon instruction, je dois déterminer si j’ai suffisamment de charges pour que ces individus soient jugés par d’autres. C’est une torture mentale : est-ce que je prends la bonne décision ? Et qu’est-ce qu’une bonne décision ? Bonne pour qui ? Le mis en examen ? La société ? Ma conscience ?
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On se trompe sur les gens. D’eux, on ne sait rien, ou si peu. Mentent-ils ? Sont-ils sincères ? Mon métier m’a appris que l’homme n’est pas un bloc monolithique mais un être mouvant, opaque et d’une extrême ambiguïté, qui peut à tout moment vous surprendre par sa monstruosité comme par son humanité. Pourquoi saccage-t-on sa vie ou celle d’un autre avec un acharnement arbitraire ? Je ne sais pas, je ne détiens pas la vérité, je la cherche, inlassablement ; mon seul but, c’est la manifestation de cette vérité. Je suis comme une journaliste, une historienne, un écrivain, je fais un travail de reconstitution et de restitution, je tente de comprendre le magnétisme morbide de la violence, les cavités les plus opaques de la conscience, celles que l’on n’explore pas sans s’abîmer soi-même – tout ce que je retiens de ces années, c’est à quel point les hommes sont complexes. Ils sont imprévisibles, insaisissables ; ils agissent comme possédés ; c’est souvent une affaire de place sociale, ils se sentent blessés, humiliés, au mauvais endroit, ils se mettent à haïr et ils tuent ; mais ils tuent aussi comme ça, par pulsion, et c’est le pire pour nous, de ne pas pouvoir expliquer le passage à l’acte. On sonde les esprits, la sincérité des propos, on cherche les intentions, on a besoin de rationaliser – et dans quel but car, à la fin, on ne trouve rien d’autre que le vide et la fragilité humaine.
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Au-delà de l'aspect coercitif, il y a quelque chose de fascinant dans mon activité : juge, ça vous plonge dans les abysses de la nature humaine, les gens se mettent dans des situations terribles, et moi, j'accompagne ces humanités tragiques. p. 25
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Tout ce que je retiens de ces années, c’est à quel point les hommes sont complexes. Ils sont imprévisibles, insaisissables ; ils agissent comme possédés ; c’est souvent une affaire de place sociale, ils se sentent blessés, humiliés, au mauvais endroit, ils se mettent à haïr et ils tuent…
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L'auteur de l'attentat, c'est moi qui l'ai fait libérer.
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Les démocraties ont prouvé leur vulnérabilité en imposant la sécurité comme nouvelle obsession nationale.
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(...) je veux simplement que l'on comprenne la réalité de mon métier, la violence de ce qui nous est révélé, je ne suis pas plus forte qu'une autre, pas plus courageuse, je subis les interactions humaines sans chercher à en éluder la dureté, là se cristallise la gravité de ma fonction. Je veux qu'on sache les nuits d'insomnie, le sentiment de défaite, l'impossibilité parfois de maîtriser ses émotions - ce moment où l'on pleure en cachette dans son bureau ou dans les toilettes du Palais en se répétant que ce métier exige trop de nous. (p56)
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-Le risque de prendre une mauvaise décision n'est rien comparé à la terreur de l'indécision (p185)
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Les désarrois contemporains ne se résolvaient plus que sur ordonnance.
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Oui, elle était là la violence, dans le reniement subreptice - mais au début de l'année 2016, qui, n'avait pas sombré dans le désordre d'une société mondialisée saturée de besoins et de désirs, au bord de la déflagration.
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Karine Tuil
Lire, c'était se confronter à l'altérité, c'était refuser les représentations falsifiées du monde.
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Le risque de prendre une mauvaise décision n'est rien comparé à la terreur de l'indécision.
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Les cas de conscience étaient quotidiens. Après un attentat, je recevais les familles des victimes : elles réclamaient des coupables qui, généralement, étaient morts. Pour apaiser leur besoin de justice, je maintenais en détention - parfois pendant des années –des gens dont la faute était d’avoir eu, à un moment donné, un lien lointain, incertain avec les auteurs des crimes ; en agissant ainsi, étais-je juste ?
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Souvent j'ai eu peur; mais au bout d'un certain temps, la peur, on finit par la dominer.
La réalité, c'est qu'on s'habitue à la possibilité de sa propre mort, mais la haine, jamais. La haine surgit et contamine tout. Elle est là quand j'ouvre les courriers des détenus, le copte-rendu d'écoutes interceptées dans les parloirs sonorisés; elle est là quand je visionne des vidéos d'exécutions ou les images prises sur les scènes de carnage, elle est là quand j'interroge des hommes, des femmes, des adolescents, et elle est là au moment où je reçois des SMS de menace.
page 23
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Il n'existe pas de mot dans la langue française pour désigner celui qui a perdu son enfant, alors qu'il y en a un - "orphelin" - pour celui qui a perdu son père ou sa mère, comme s'il s'agissait d'une situation hors de l'entendement, hors du langage, un statut impossible à définir, à qualifier : un vide moral et juridique.
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C’est le moment que l’on redoute tous : le passage de la quiétude au drame et on a beau être préparé mentalement à cette éventualité, on est toujours démunis quand elle survient. Toute notre vie durant, on essaye de tenir le malheur à distance, et c’est encore plus vrai dans une société qui a fait de l’exhibition d’un bonheur factice le gage d’une intégration réussie, une société qui cache ses morts, ses pauvres, ses malades, qui réclame de la vitalité, de la jeunesse, de la beauté, rien de déformé, rien d’âpre, personne n’en parle par superstition, on développe nos propres subterfuges, on espère passer entre les mailles du filet, et un jour, on reçoit un appel et on comprend que c’est fini, on a été pris dans la nasse.
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Toute notre vie durant, on essaye de tenir le malheur à distance, et c'est encore plus vrai dans une société qui a fait de l'exhibition d'un bonheur factice le gage d'une intégration réussie, une société qui cache ses morts, ses pauvres, ses malades, qui réclame de la vitalité, de la jeunesse, de la beauté, rien de déformé, rien d'âpre ; on développe nos propres subterfuges, on espère passer entre les mailles du filet, et un jour, on reçoit un appel et on comprend que c'est fini, on a été pris dans la nasse.
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Au bout d'un certain temps de vie commune, pourquoi se mentir, une lassitude s'installe, on se surprend à rêver ailleurs. Certains franchissent le pas, d'autres renoncent pour préserver une stabilité illusoire, par sens moral peut être, sans trop y croire- dans les deux cas, ça devient rapidement déceptif, le delitement d'un couple, c'est une expérience tragique.
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