Citations de Katherine Mosby (47)
Elle lui avait dit de ne pas se préoccuper de Dieu.
-- L'important, c'est ici et maintenant. Le paradis, c'est le nocturne de Chopin que tu viens de jouer au piano, ce sont les champs et les arbres qui l'ont entendu.Ce n'est pas au futur que tu dois chuchoter, mais au présent.
Elle mesurait à quel point elle en était venue à bien comprendre les classiques depuis qu'elle avait quitté la salle de classe, à comprendre la nature de la tragédie, la manière dont la ruine de quelqu'un commence par un acte ou un mot tout simple, en soi sans importance.
Il avait songé à Mme Belmont, qui avait brièvement occupé l'appartement d'en face et s'asseyait, en sous-vêtements, devant la coiffeuse de sa chambre. Spencer la regardait se maquiller et se brosser les cheveux sans imaginer qu'il puisse y avoir quoi que ce soit d'inconvenant dans son attitude ou dans celle de la voisine, jusqu'au jour où notre père s'était enquis d'un M. Belmont ; Spencer avait spontanément déclaré que Mme Belmont était veuve. Père avait reposé son journal et demandé à Spencer ce qui lui faisait croire ça, et il avait répondu, très fier de ses capacités de déduction : "Parce qu'elle porte des sous-vêtements noirs." Une réponse qui lui avait valu sa première et unique gifle.
Les gens ne sont pas des noix qu'on ouvre d'un coup. Apprendre à connaître quelqu'un est un plaisir à savourer, comme du chocolat. On ne peut pas l'avaler tout rond, il faut le laisser fondre lentement afin que le palais en goûte chaque infime nuance.
La vérité est le refuge des gens ordinaires et sans imagination, et elle est souvent décevante, tandis qu'un mensonge digne d'être prononcé ou bien tourné est, disons, une sorte de don.
Fayette se révéla extrêmement douée à ce jeu, et si elle n'avait pas dû souvent passer son tour pour aller préparer les sandwichs au concombre et au cresson que Gray mangeait sans discontinuer jusqu'au dîner, elle aurait été déclarée championne de la maisonnée.
Lorsque Gray montait l'escalier à six heures du soir pour aller prendre son bain, une affaire de quarante-cinq minutes pour laquelle il emportait des provisions afin de parer à toute éventualité - des chocolats ou des biscuits au gingembre, un recueil de poésie (une seule fois, il avait fait tomber un livre dans la baignoire et, après trois jours à sécher au soleil, l'ouvrage était demeuré gonflé, débordant de sa reliure comme un gros bonhomme de son costume trop petit), un verre de sherry, une fiole d'huile de bois de santal et une cigarette turque -, Vienna suivait invariablement.
La vie ne devrait pas avoir d'autres limites que celles de l'imagination.
- Mais assez de questions pour le moment. Les gens ne sont pas des noix qu'on ouvre d'un coup. Apprendre à connaître quelqu'un est un plaisir à savourer, comme du chocolat. On ne peut pas l'avaler tout rond, il faut le laisser fondre lentement afin que le palais en goûte chaque infime nuance.
Je finis par m'endormir aux sons étouffés de la machine à écrire de Spencer, semblables à de grosses gouttes de pluie tombant d'un avant-toit. Ils emplissaient ma chambre de mots invisibles sûrement destinés à Lilian, des mots qui restaient en suspens dans l'air lourd, pleins de désir et d'une crainte respectueuse.
La pièce possédait cette stérilité propre aux chambres d'amis, tous les attributs familiers d'une chambre à coucher mais sans l'emprunte d'un propriétaire, qui confère invariablement un caractère particulier à l'espace qu'il habite.
Lilian rama vigoureusement. Chaque impulsion semblait l'éloigner un peu plus du bavardage de Vanessa, qui s'élevait dans l'air comme de la brume s'évaporant avant que les mots aient refroidi. La barque laissait derrière elle non pas un sillage, mais la trace tourbillonnante des rames fendant la surface verte.
Comme du champagne débouché depuis très longtemps, la soirée perdait de son effervescence.
L'effet combiné des tournants, des palourdes frites et de l'attente fébrile me donnait envie de sortir la tête par la fenêtre comme un gros chien et de faire face à la force de l'air que nous traversions, la vitesse créant une résistance qui cédait devant notre masse comme de l'eau s'ouvre autour d'un plongeur.
J'attrapai une poignée de chocolats, espérant en trouver un au caramel ou à la noix de coco. Nous avions depuis longtemps perdu la fiche qui accompagnait la boîte, si bien que la seule façon de savoir quel chocolat on mangeait, à moins d'y goûter, était de piquer une épingle par en dessous et de regarder la couleur de la petite perle qui en sortait. De cette façon, on pouvait, ni vu ni connu, reposer ceux qu'on aimait pas - ceux à la pâte d'amande par exemple.
Le printemps arriva du jour au lendemain, avec une exubérance contagieuse. Des employés pâlichons envahissaient les rues à l'heure du déjeuner, arborant des cravates aux couleurs éclatantes. Les secrétaires s'aspergeaient de parfum aux noms tels que "Surprise de Paris" ou "Folie de Minuit", des fragances qui restaient en suspension dans les ascenseurs et les halls vides et laissaient des traînées de gardénia, de jasmin et de mousse de chêne dans les corridors, composant des tapisseries florales aussi complexes que des tapis d'Orient.
C'est vrai qu'il avait toujours aimé la compagnie des livres et qu'il était capable de quitter un cours de tennis à la recherche d'une balle perdue, pour se retrouver dix minutes plus tard plongé dans la lecture d'un recueil de poésie oublié sur le gazon ou dans la contemplation des carpes au bord de l'étang à nénuphars.
Dans son tailleur austère en maille de soie à chevrons brun et noir, avec son nez aquilin et son front haut, Lavinia Gibbs ressemblait plus à un rapace qu'à une femme au passé tumultueux. Son maintien avait quelque chose de sévère et la fine ligne de sa bouche suggérait la rectitude. Seules ses spectaculaires chapeaux empanachés et les bracelets qui cliquetaient à ses poignets avec l'insistance aléatoire d'un carillon à vent contrastaient avec son apparence strict et collet monté.
Il y a presque toujours dans la vie un moment clé, un point divisant le temps entre un avant et un après - un accident ou une histoire d'amour, un voyage ou peut-être un décès. Dans le cas de Spencer, les quatre, tels les points cardinaux sur une boussole, se combinèrent sous la forme de Lillian Dawes. Et comme il est impossible d'être le témoin d'un drame sans en conserver l'empreinte, cette femme marqua, pour moi aussi, le grand tournant.
Elle me raconta une longue histoire, étrange, poignante et familière, dans le sens où tout récit qui nous touche fait résonner une mélodie déjà connue mais cachée dans notre cœur, attendant d'être jouée par telle phrase particulière ou telle image et qui, une fois exprimée, prend sa place dans le lieu indéfinissable de l'âme. (p279)