Kent Wascom

Il y eut quelques étés où la famille ne vint pas du tout sur l’île, à la différence des migrateurs qui n’y manquèrent jamais. Et si l’on avait dit à Isaac qu’un jour viendrait où ceux-ci n’y paraîtraient plus, leurs aires de ponte retournées, leurs œufs changés en gelée par les pesticides, il aurait voulu mourir sur-le-champ.

Je contemple les hommes de quart, qui fument leurs cigarettes en scrutant ce qui n’est pour moi qu’un grand vide, une distance à parcourir, et pour eux quelque chose plein de possibles. Ainsi en va-t-il des espaces et des silences. Il est des yeux qui savent y voir, des cœurs qui le voudraient bien.

Tenue pour morte à l’âge de sept ans, elle avait été jetée dans une fosse de chaux vive avec d’autres victimes de la fièvre de cette année-là, revenant bientôt à elle sous le ciel blanc uniforme de son suaire sur lequel crépitait une pluie de terre qui s’insinuait entre les cadavres enchevêtrés de sa famille.

Nous pourrions penser que notre vie est distincte quand cette distinction n'existe que dans la mesure où nous sommes là pour la percevoir. Les vies, comme les os qui brièvement les charpentent, sont toutes reliées, et allez savoir où s'achève l'une et où l'autre commence.

Ainsi en va-t-il des espaces et des silences. Il est des yeux qui savent y voir, des cœurs qui le voudraient bien.

On ne peut pas plus nommer la tourmente qu’on ne peut retenir le vent entre nos mains ou connaitre la nature de l’amour. Essayez et vos doigts se refermeront sur du vide, envolé le poids du monde et rien entre vous et le néant.

Aimer votre propre sexe fait de vous l'adultère du monde, et tous les adultères sont des clandestins, toujours cachés, toujours en fuite. Mais on ne peut être seuls à deux en permanence, une part de l'être aspire à se joindre au plus grand mouvement.

Les ouragans, comme les entreprises commerciales, ne sont humains que par la proximité de leurs destructions et par les vies qu'ils anéantissent.

Si vous restez suffisamment longtemps silencieux dans un lieu sauvage, vous vous éveillez aux mouvements gigantesques de votre cœur. Ce frémissement que vous éprouvez, indicible et constant, est celui des vies qui se sont égarées dans la vôtre.

Il en est qui condescendent à vous entretenir de l'amour et de la perte, quand ils n'ont connu ni l'un ni l'autre dans toute sa force, qui confine à la folie et nous envoie battre des contrées inconnues et noires en quête de ce qu'on ne peut avoir.

Le froid se dissipe tandis que fumées et brouillards suggèrent la possibilité des choses. Le déclin des glaciers et des civilisations n’est pas si différent du cours d’une vie.

S'il vous est jamais arrivé d'être blessé dans votre chair, vous savez ce que représente un être aimé venu panser vos plaies. La même chose vaut pour les blessures de l'âme. Dans un premier temps, vos réticences, de la honte, puis le flux chaleureux d'une attention pleine de bienveillance et la capitulation de vos forces. Quand on est blessé mais par ailleurs entier, il n'est rien de plus réconfortant.

- Si on devait dénombrer tous les mensonges qu'on nous sert dans une vie, on deviendrait fou.

Elle se rappelait avoir entendu sa mère dire que les États-Unis avaient habillé Cuba comme une femme aux vêtements déchirés sur le point d'être violentée, puis avaient aimablement bouté les Espagnols dehors pour s'installer à leur place.

Elle découvrait qu'avoir des enfants était un peu comme de se trouver au sommet d'une falaise vertigineuse dominant une étendue si vaste et inconnaissable que l'on était tenté de se plaquer au sol pour s'y accrocher.

Je pense que nul n'a le droit de forcer quiconque à tuer pour quelque chose auquel il ne croit pas, ni de faire des héros des hommes qui le font. Je pense que dix millions de morts, ça fait beaucoup.

Le déclin des glaciers et des civilisations n'est pas si différent du cours d'une vie.

Elle se rappelait avoir entendu sa mère dire que les États-Unis avaient habillé Cuba comme une femme aux vêtements déchirés sur le point d'être violentée, puis avaient aimablement bouté les Espagnols dehors pour s'installer à leur place.

Bien qu'il eût toujours pensé sur sa vie serait probablement écourtée par un Blanc muni d'une arme à feu, il ne put s'empêcher d'être passablement ébranlé.

Et chacun grandit avec ses découvertes à mesure que tombaient les jamais et qu'ils construisaient leur vie, un mur les isolant d'un monde qui, en ces années menant à l'entrée de leur pays dans la Grande Guerre, était de plus en plus porté vers sa propre destruction.