La veille de mon départ de la famille pour la maison de mes beaux-parents, ma mère m'a raconté pour la première fois l'expérience de ses premières années d'union avec mon père.
-Après le mariage, j'ai vécu trois ans sourde, muette et aveugle. Ma mère m'avait dit qu'en tant que femme mariée, il fallait que je me comporte ainsi pour la paix de la famille. C'est un monde dangereux. personne ne sait ce que les lendemains te réservent. Pour rester en vie, fais comme si tu n'avais rien entendu, comme si tu ne savais rien même si tu connais la vérité. Lorsque tu auras des enfants, tu sauras qu'il n'y a rien au monde de plus précieux qu'eux. La guerre doit prendre fin le plus tôt possible pour que ton frère puisse rentrer. Tu dois protéger ta famille, tes enfants. C'est là le rôle d'une mère.
Une femme devait respecter et servir ses beaux-parents. Aider son mari à trouver le bien-être et atteindre le succès. Faire de beaux enfants et les élever correctement. Bien cuisiner et prendre soin de sa famille.
[souvenir d'enfance]
-Dis, Maman, Papa et mes frères mangent du riz blanc. Pourquoi pas moi?
En plus, les garçon et les filles mangeaient à des tables séparées.
-Maman, je veux du riz blanc, moi aussi. Je ne suis pas différente de mes frères?
-Pourquoi tu te plains soudainement des repas? Toi, tu es une fille. Ton père travaille dur pour la famille.
-Et mes frères?
-Ton frère aîné est le chef de famille quand ton père n'est pas là. Et Sungmo doit grandir.
A partir de ce moment-là, je n'ai plus tenté de revendiquer quoi que ce soit. Ma mère mangeait des céréales tout comme moi. Lorsqu'il y avait du poisson grillé, elle servait les filets aux hommes. Quant à moi, je grignotais la queue du poisson. Et ma mère, la tête.
-J'adore la tête, c'est ce qu'il y a de meilleur dans le poisson.
J'étais jeune, je croyais vraiment ce qu'elle disait.
-Maman, les arêtes.
-Un instant.
[Dans le présent]
Avec le temps, j'ai fini par répéter la même chose que ma mère.
-J'adore la tête. C'est ce qu'il y a de meilleur dans le poisson.
A présent, on trouve beaucoup de poisson bon marché.
[son fils]-Sers à Maman la tête du poisson. C'est ce qu'elle préfère.
[sa fille]-Frère. Tu crois vraiment cela? Elle a menti, pour nous laisser les meilleurs morceaux.
-Maman, c'est vrai? Tu aurais dû nous dire la vérité. Tiens, prends cela.
-Ne t'en fais pas pour moi. Je vous vois manger avec appétit, cela me suffit. Mange, mon fils, mange.
Les vivants doivent continuer à vivre.
J'étais jeune. Je croyais vraiment ce qu'elle disait.
Même lorsque les habitants du village sourient gentiment, ils me paraissent monstrueux. Ils nous offrent des légumes, un panier de fraises sans qu'on demande quoi que ce soit. Ils sont gentils et généreux. Mais le chien reste pour eux comme une vache ou un cochon qu'on élève pour le manger.
Le cœur et la raison sont deux choses distinctes. La promener, la nourrir, jouer avec, l’emmener chez le vétérinaire, cela demandait un investissement.
Voir un chien attaché dans une cour, croiser un chien abandonné sur le route ou en apercevoir un enfermé dans une cage. Tout cela me fait mal au cœur.
On avait bien fait d’emménager à la campagne, on se réveillait tous les matins au écoutant le chant des oiseaux.
C'est moi le patron ! C'est moi qui décide.
Je n'ai pas le coeur à manger seule.
Un hiver long s'en est allé.
Si long que j'en avais presque oublié le soleil.
Mais sans un bruit, tout en douceur,
Le printemps a pris sa place
Dans le Tokyo Nichi Nichi Shimbun parut un article parlant d'un concours de décapitation mené par deux lieutenants japonais [à Nankin].
Le quotidien titrait fièrement "Incroyable record" : Mukai 106 - 105 Noda.
"Les deux lieutenants effectuent une manche supplémentaire". En effet, le score de 105 à 106 ne permettait pas de les départager.
Le concours a poussé jusqu'à 150 décapitations.
Oksun était un otage et les soldats japonais aussi, en quelque sorte, étaient otages du gouvernement impérialiste. Comment des êtres humains pouvaient-ils survivre ? Il faut dans doute puiser quelque part cette force nécessaire.
Et c'est peut-être dans la rencontre avec une autre personne qu'on peut trouver une certaine consolation qui nous fait oublier quelque temps l'enfer tout autour ?
Enfin, je tiens à dire que ce roman graphique ne cherche pas à raviver la douleur des habitants de Jeju lui aussi, mais plutôt à les réconforter, comme la main d'une mère, et j'espère qu'ils le verront ainsi.
Nous vivions dans une jolie maison traditionnelle que mon père avait construite de ses propres mains.