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Critiques de Kij Johnson (176)
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La quête onirique de Vellitt Boe

Décidément H.P.Lovecraft n’en finit plus d’inspirer les auteurs. Dans ce court roman de 2017, c’est Kip Johnson qui revisite une partie du partie du mythe de l’homme de Providence, en s’intéressant à une part presque jamais abordée dans son œuvre : la place des femmes. La Quête onirique de Vellitt Boe se passe dans les contrées du Rêves popularisées par le cycle de Randolph Carter (dont La Quête onirique de Kadath l’inconnue) et Les chats d’Ulthar. Elle suit les traces de Vellitt Boe, une professeure de mathématiques vieillissante, partie à la poursuite d’une de ses élèves voulant s’évader vers le monde de l’Éveil.

Non seulement avec La Quête onirique de Vellitt Boe, Kip Johnson revisite les aventures les plus proches de l’heroic fantasy écrites par H.P.Lovecraft, mais en plus elle nous présente une protagoniste originale : une femme vieillissante qui au soir de sa vie repart sur les chemins qu’elle avait parcourus adolescente dans un monde peu doux pour les femmes. Plus que les Dieux Anciens, les goules, les ghasts et autres horreurs peuplant cette contrée, c’est une simple mention au détour d’un chapitre plutôt calme qui m’a personnellement fait frémir : « on ne lui avait dérobé ses affaires qu’à trois reprises, et on ne l’avait violé qu’une fois, mésaventures qui n’avaient jamais éteint son brûlant besoin d’espace, de villes étranges, de nouveaux océans… » Peut-être trop proche de ce que risque une voyageuse ordinaire dans notre monde ? Tout au long de son chemin, Vellitt et le jeune chat noir (d’Ulthar évidemment) qui l’accompagne croiseront des lieux, des personnages et des créatures familiers au monde de Lovecraft, mais sous une perspective très différente. En effet, ce n’est pas un homme confronté à l’étrange et à l’inconnu, mais une femme qui a toujours vécu au milieu de ses merveilles et qui remonte son passé en cherchant son élève, retrouvant des souvenirs enfouis à chaque pas, qu’ils soient agréables ou bien traumatisants.

L’édition française du roman est enrichie par de très belles illustrations de Nicolas Fructus et par une interview de l’auteur. Pour le coup, je vous conseille plutôt de vous procurer la version papier que numérique de cet ouvrage pour mieux en profiter.
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La quête onirique de Vellitt Boe

Lecture fort plaisante aux nombreux développements parfois aussi lapidaires que pertinents, ce livre ne paie pas de mine, tout comme son personnage principal de prime abord, mais il est bien difficile de ne pas se laisser happer au bout de quelques lignes à peine.
Lien : http://www.elbakin.net/fanta..
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La quête onirique de Vellitt Boe

2016 a été une année Lovecraftienne avec la sortie coup sur coup de plusieurs bouquins revisitant en version "moderne" les textes de Lovecraft : La Ballade de Black Tom de Victor LaValle, La Quête Onirique de Vellitt Boe de Kij Johnson ou encore Lovecraft Country de Matt Ruff (que je n'ai pas encore lu).

Qui a lancé cette mode ? Pourquoi subitement, près d'un siècle après la parution des livres ? Mystère.



Le but de l'entreprise est évidemment de dénoncer quelque chose (tout en surfant sur la très rentable vague Cthulhu) : le racisme pour Victor LaValle, et la place des femmes pour Kij Johnson.



La Quête Onirique de Vellitt Boe est donc une version féminine de La Quête Onirique de Kadath l'Inconnu. Randolph Carter est remplacé par une femme mûre, déterminée et libre dans un monde dirigé par des Dieux omnipotents et surtout très masculins. Pourquoi pas après tout.



Malheureusement, le récit souffre pour moi de 3 défauts.



1/ C'est globalement la même histoire que le bouquin de Lovecraft, en moins bien.

2/ Là où les Contrées du Rêve de Lovecraft sont étranges, baroques, cauchemardesques, celles de Johnson sont juste mignonnes et bucoliques. Du coup, le parcours de Vellitt ne ressemble pas trop à une aventure, mais à une sympathique rando printanière en Provence.

3/ L'aspect féministe du bouquin est quand même plutôt soft.



Résultat, c'est une petite déception car j'avais beaucoup aimé Un Pont sur la brume du même auteur. J'ai ici réprimé à plusieurs reprises un baillement poli d'ennui : non pas que le livre soit nul mais la balade y est...monotone, contrairement à celle de Carter vers Kadath. C'est surement volontaire d'avoir voulu faire une version "gentille" de la quête Onirique, mais au final, c'est anti-spectaculaire au possible.
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La quête onirique de Vellitt Boe

Lecture fort plaisante aux nombreux développements parfois aussi lapidaires que pertinents, The Dream-Quest of Vellitt Boe ne paie pas de mine, tout comme son personnage principal de prime abord, mais il est bien difficile de ne pas se laisser happer au bout de quelques lignes à peine jusqu’à une conclusion finalement presque plus douce qu’amère…
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La quête onirique de Vellitt Boe

C’est bel et bien la couverture exceptionnelle du roman qui m’a poussée à le lire ! Et je ne le regrette pas car j’ai voyagé plaisamment dans un univers singulier.

Bien sûr, j’avais lu des avis et des informations autour de ce roman. Je sais qu’il est une sorte de prolongement d’une œuvre de Lovecraft, que je n’ai jamais lu et qui ne me tente pas du tout pour l’instant (n’en déplaise aux amateurs). Alors lorsque j’ai trouvé qu’il manquait des explications ou des descriptions pour appréhender le monde dans lequel évoluent les personnages, je savais que cela était dû à cette lacune. Cela dit, je n’ai pas été gênée outre mesure.

Je suis entrée progressivement dans cette lecture, me laissant porter par le style qui m’a touchée dès les premières lignes avec ce vocabulaire précis et riche, ces phrases mesurées et empruntes d’une certaine poésie. Le personnage de Vellitt est d’emblée charismatique et j’ai aussitôt apprécié son regard sur les choses et son recul vis-à-vis du passé. Il ne s’agit pas d’un roman initiatique puisque Vellitt est âgée et a déjà fait le plein de très nombreuses expériences avant de s’installer dans une vie calme et rangée. C’est peut-être davantage la conclusion de toutes ses expériences pour parvenir au bout de cette quête.

Si le parcours de Vellitt m’a semblé intéressant, j’en ai surtout apprécié la deuxième partie malgré quelques passages peu vraisemblables et des facilités excessives parfois.

Il me restera en mémoire de nombreuses images, certaines lumineuses d’autres plus sombres, de ce parcours.

Une expérience de lecture enrichissante.
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La quête onirique de Vellitt Boe

Un récit étrange dans lequel je n’ai pas vraiment pu rentrer entièrement dans l’ambiance. Pourtant, l’écriture comme l’univers attisent l’imaginaire, puisque nous sommes plongés entre rêve et cauchemar. J’ai été laissée sur ma faim par de nombreuses choses : les dangers ne sont jamais vraiment menaçants (alors qu’on parle tout de même de Dieux), la fin est assez terne…
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La quête onirique de Vellitt Boe

Un court roman qui s'interroge sur la place des femmes dans l’œuvre de Lovecraft, et les sentiments contradictoires (admiration de l'écrivain / répulsion des idées de l'homme) que peut susciter la lecture de ce même auteur.

J'ai beaucoup aimé le style de Kij Johnson, simple et fluide, collant parfaitement à cette aventure que vit l'héroïne. Elle s'empare de ce sujet un peu casse-gueule très subtilement. En prime, une interview très intéressante de l'autrice en fin de bouquin, qui éclaire mieux encore la démarche. A lire si on aime Lovecraft et/ou s'interroge sur ces questions !
Lien : https://lesmotsdemahault.wor..
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La quête onirique de Vellitt Boe

Je croyais tout savoir sur « Le Contrées du Rêve » après l’avalanche éditoriale de ces dernières années. Tout faux, car Kij Johnson apporte un petit plus à ce monde fabuleux avec La Quête Onirique de Vellitt Boe (Le Bélial 2018). Un joli travail, illustré de surcroît par Nicolas Fructus. C’est en quelque sorte une version féminine des « Contrées », vue au travers de Vellitt Boe, professeur de mathématiques au Collège de femmes d’Ulthar. Une de ses élèves, Clarie Jurat, disparaît pour suivre un bel inconnu, un rêveur qui l’emmène dans le Monde de l’Éveil. Scandale, d’autant plus que Clarie est la fille d’un dieu, de surcroît partenaire stratégique de l’Institut Universitaire. Vellitt, avec la bénédiction de la directrice de l’établissement, décide de prendre son sac à dos et de partir à la recherche de la fugueuse pour la ramener à Ulthar. Périple assez classique, en compagnie d’un petit chaton, parsemé de combats avec les monstres habituels des « Contrées », et visite à Randolph Carter, un ex-amant, devenu roitelet qui lui donnera quelques gris-gris pour l’aider dans son aventure, sans se mouiller davantage. Vellitt, au prix de combats titanesques avec des shantaks, parviendra à percer le mur du sommeil et retrouvera Clarie. On a droit ici à de belles pages style « Huron » où la prof découvre avec stupeur l’Amérique profonde des années 80. La chute est à la hauteur du récit, mais ne spoilons pas plus ! Merci à Jij pour cette belle ballade.



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La quête onirique de Vellitt Boe

UN MIROIR À LOVECRAFT







Il y a, ces temps-ci, comme un tsunami de littérature lovecraftienne, para-lovecraftienne, post-lovecraftienne, etc. La production est telle, en quantité, qu’elle a de quoi effrayer l’amateur, bien obligé de se résoudre à ce constat, au fond pas si navrant, qu’il lui est impossible de tout lire en la matière. Alors faut sélectionner – et tant mieux ! Parce que, disons-le, ce sous-genre improbablement devenu un genre à part entière a longtemps été submergé par la médiocrité, voire pire. Les derletheries, les lumleyries, ont longtemps fait un tort considérable à l’exercice (en le perpétuant, certes) – et notamment en raison de leur vaste diffusion… avec l’escroquerie que l’on sait concernant les « collaborations posthumes ». Ce qui avait de quoi écœurer à jamais (ou presque) l’amateur insatiable d’Indicible et de Cyclopéen – j’ai donné. Ces livres ont été bien plus néfastes que la quantité de publications plus hermétiques, éventuellement liées au jeu de rôle L’Appel de Cthulhu, que d’obscurs ou moins obscurs éditeurs publiaient de temps à autre, sous le signe du Poulpe Cosmique – entre fanfictions et potacheries, je ne crache pas dessus de temps à autre, à chacun ses tares. Maintenant, que ça se vende ou pas, la qualité n’était qu’assez rarement au rendez-vous – c’est peu dire. Il y avait de belles exceptions, mais voilà – il s’agissait bien d’exceptions.







Les choses ont pu changer. La critique lovecraftienne américaine, avec s(ain)t Joshi pour patron, a fait le ménage dans l’héritage, et même ledit pourfendeur de la lovecrafterie non orthodoxe a pu changer son pseudopode d’épaule, en publiant à son tour des anthologies mieux pensées, plus fines, plus justes, enfin dégagées du schéma chiant « vieux sorcier + grimoire impie + tentacules cyclopéens + dieux putain d’imprononçables = Lovecraft ». Les anthologies Black Wings, pour ce que j’en ai lu, constituent de beaux exemples d’une nouvelle littérature lovecraftienne, para-lovecraftienne, post-lovecraftienne, etc., plus pertinente, et ô combien plus satisfaisante. Même si la nécessité du tri demeure – le contraire eût été étonnant.







Mais la vague va bien au-delà de ces publications qui demeurent globalement confidentielles – sachant que d’autres, s’affichant dans un registre similaire, perpétuent sans doute la vielle tradition de médiocrité du pastiche, et que le poulpe est devenu un argument commercial en tant que tel. Il est heureusement des auteurs plus intéressants qui s’exercent dans ce registre, et dont les œuvres passent moins inaperçues et/ou peuvent être davantage appelées à durer. Kij Johnson, avec le présent ouvrage, en témoigne – ou devrait en témoigner ? Et sans doute aussi Victor LaValle, dont les mêmes et bénies éditions du Bélial’ publieront prochainement The Ballard of Black Tom dans l’excellente collection « Une Heure-Lumière ». On verra ça.







De cette collection, Un pont sur la brume, de Kij Johnson, constituait d’ailleurs un des meilleurs titres. De cette autrice, en France, nous ne savions peu ou prou rien, et il était sans doute bien temps de réparer cette injustice. Un pont sur la brume a constitué un excellent argument pour avoir envie d’en lire d’autres choses. Et donc, La Quête onirique de Vellitt Boe ? Une relecture « moderne » de La Quête onirique de Kadath l’inconnue ? Et tant qu’à faire dans une jolie édition illustrée ? Je devais forcément lire ça… Avec une certaine impatience même.







Mais sans doute faut-il noter que cette littérature lovecraftienne-ci (car ça vaut aussi pour le LaValle à venir, entre autres – et, tant qu’on y est là encore, pour l’excellente bande dessinée Providence d’Alan Moore et Jacen Burrows) ne peut faire autrement que composer avec l’héritage lovecraftien, mais en se réservant à bon droit le bénéfice d’inventaire. C’est une littérature critique – et c’est sans doute bienvenu. Le tsunami de publications lovecraftiennes, jusqu’à l’overdose, le sacre bien improbable du gentleman de Providence comme icône de la culture pop (ça lui aurait fait tout bizarre, ça), peluches Cthulhu incluses, s’est aussi accompagné d’échanges houleux (j’ai du mal à parler de « débats ») sur le, euh, « côté sombre » de l’auteur, son racisme au premier chef, l’absence sidérante des femmes dans son œuvre, etc. Bien au-delà du fandom – même s’il en a concentré les épisodes les plus notoires, encore.







Gag : La Quête onirique de Vellitt Boe a été récompensée par le World Fantasy Award 2017 – ce prix dont la figuration avait longtemps été un buste de Lovecraft lui-même, aussi s’est-on écharpé à ce propos dans les cercles intéressés (et au-delà). Avec plus ou moins de pertinence ? Kij Johnson en touche inévitablement quelques mots dans l’utile entretien en fin de volume, et c’est sans doute la voix de la sagesse. Les pro et les contra bourrins, en ce qui me concerne, bon… Dieu vomit les tièdes ? Heureusement qu’il n’existe pas, alors.







KADATH ET CARTER, QUAND ON EST ADO ET QUAND ON NE L’EST PLUS







La relecture critique est plus que légitime, elle est peut-être nécessaire. Avec La Quête onirique de Vellitt Boe, Kij Johnson tend comme de juste un miroir à La Quête onirique de Kadath l’inconnue. Toujours dans cet entretien en fin de volume, l’autrice expose son point de vue de manière très pertinente – le pourquoi de ce miroir.







La base devrait tenir de l’évidence, mais visiblement ce n’est pas toujours le cas : on ne lit pas Lovecraft ado comme on le relit adulte. Pour des raisons purement littéraires, et pour d’autres davantage… idéologiques ? politiques ? philosophiques ? Tout ça, sans doute. Peut-être d’autres choses encore. En même temps, Kij Johnson complète ainsi : même ado, elle sentait bien qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas… Quelque chose de probablement beaucoup moins évident pour un ado mâle. Et blanc. Etc. Serviteur.







Au plan de l’analyse littéraire, la critique de La Quête onirique de Kadath l’inconnue par Kij Johnson me paraît parfaitement fondée, irréfutable même. La trame ? Pas top-top, hein… Randolph Carter ? Un héros bidon, qui ne tient pas tout seul ; un bonhomme passablement puéril, par ailleurs, et pas toujours très sympathique… C’est ici que le miroir tendu par Kij Johnson se montre le plus pertinent, à vrai dire – y compris en jouant de cette idée d’un Carter très ado quand il vivait ses aventures. Restons-en pour l’heure au texte de Lovecraft : tout cela ne fait guère envie, hein ? Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain (enfin, si vous voulez, je dis pas, ça peut être fun), il y a des choses qui fonctionnent beaucoup mieux – notamment, ce récit très picaresque enchaîne les péripéties (sur un mode pas du tout typique de l’auteur, d’ailleurs), et ces péripéties sont toutes intéressantes, dixit Kij Johnson herself. Voire palpitantes. Ici, cependant, le miroir ne se montre pas aussi pertinent, en ce qui me concerne… Et il y a peut-être un oubli regrettable, celui qui pourtant associe tous ces aspects : un univers. Et là, en ce qui me concerne, Kij Johnson a raté son coup – et c’est notamment pour cela que, autant le dire dès maintenant, La Quête onirique de Vellitt Boe m’a plutôt déçu… à la mesure de mon adhésion pour le travail sur l’univers qui avait été fait dans Un pont sur la brume, et qui constituait un atout très marqué, essentiel même, de cette très chouette novella.







Au plan idéologique, etc., bien sûr, le, euh, « côté sombre » de Lovecraft resurgit, inévitablement. Ou les côtés sombres. Le court roman de Kij Johnson met l’accent sur la place des femmes, avec justesse, mais d’autres aspects sont envisagés, racisme et conservatisme exacerbé inclus – forcément. Mais ça, nous y reviendrons plus en détail.







DEUX VOYAGES – EN SENS INVERSE







Rapidement, un petit aperçu de l’intrigue, pour la forme – et attention, les gens, il n’est pas exclu que je SPOILE çà et là, au fil de cette chronique, aussi bien le texte de Kij Johnson que celui de Lovecraft (s’il est encore possible de SPOILER ce dernier) ; en fait, c’est même certain… Beware.







La Quête onirique de Kadath l’inconnue, résumée à la hache (ou à la tronçonneuse). Randolph Carter est un homme, et un rêveur – il est passé du monde de l’éveil aux Contrées du Rêve. Dans cet univers bigarré, il s’est assigné pour tâche d’aller à la rencontre des dieux, pour comprendre en dernier ressort que ce qu’il cherchait véritablement se trouvait en lui dès le départ – plus précisément dans le souvenir idéalisé de (la ville de) son enfance.







La Quête onirique de Vellitt Boe, toujours à la hache, mais en distinguant dans le tranchant le reflet de l’original. À l’homme Randolph Carter répond la femme Vellitt Boe. Carter était puéril, Vellitt est quinquagénaire (ou par-là, sauf erreur) et incomparablement plus mature. Le rêveur était passé du monde de l’éveil aux Contrées du Rêve, Vellitt Boe en bon reflet est amené à faire le voyage en sens inverse. Et la quête des dieux s’avère en dernier ressort (car entre-temps l’idée de revivre sa jeunesse demeure, même sacrément transformée) la quête d’un monde sans dieux – ou sans leur tyrannie, qui est explicitement la tyrannie des hommes ; c’est que le monde arpenté par Carter, comme, allez, 97,43 % de la fiction lovecraftienne, était un monde d’hommes, dont les femmes étaient tout bonnement absentes – l’approche de Kij Johnson est diamétralement opposée, dès la première page et jusqu’à la dernière. D’ici-là, au monde très fantasque que parcourt le rêveur, répond un monde « normal », entendez un monde où l’on vit – et pas seulement des aventures. L’idée d’un « ailleurs » n’en a que davantage des connotations distinctes dans les deux textes : depuis le rêve, on rêve l’éveil, et on a peut-être tort (sans se l’avouer).







Dès lors, dans ce miroir, il y a des choses qui marchent très bien… et d’autres moins bien.



UN VRAI PERSONNAGE







Déjà, un point essentiel, dès le titre : Vellitt Boe, à la différence de Randolph Carter, est un vrai personnage, et, mieux que ça, un bon personnage. Dans l’entretien, l’autrice semble avancer la possibilité de livrer d’autres histoires autour d’elle, pas nécessairement lovecraftiennes d’ailleurs, et, ben, oui, ça pourrait être très intéressant.







Les héros, on le sait, ce n’est vraiment pas le fort de Lovecraft. Ou même, pour employer un terme moins ambigu, disons que, les personnages, ça n’est vraiment pas son fort. Au travers de l’ensemble du corpus lovecraftien, il est difficile de mentionner un personnage un tant soit peu marquant. Les narrateurs ou points de vue sont généralement en creux, voire creux tout court. Ils reproduisent presque tous un schéma qui est en même temps une (double) fonction : savoir, et ressentir – dans cet ordre ou dans l’autre. Et ils doivent beaucoup à l'auteur lui-même, ces érudits un peu rêveurs. S’il fallait en relever d’un peu plus mémorables que les autres, j’aurais tendance à les chercher dans les dernières œuvres de Lovecraft – Robert Olmstead dans « Le Cauchemar d’Innsmouth » (peut-être – parce qu’en définitive ce personnage très naïf n’acquiert une véritable ampleur que dans la conclusion de la nouvelle, en forme de bascule), ou plus probablement Nathaniel Wingate Peaslee dans « Dans l’abîme du temps ». Les « méchants » sont un peu plus convaincants – parfois (les Whateley dans « L’Abomination de Dunwich », le cas très particulier d’Asenath Waite dans « Le Monstre sur le seuil »). L’héroïsme, a fortiori, ça n’est vraiment pas la came de Lovecraft – de son propre aveu.







(No shit, Sherlock.)







Alors on avance parfois le nom de Randolph Carter… mais du simple fait de son caractère récurrent, je suppose. Comme les autres, mais de manière peut-être plus marquée, il est un alter-ego de l’auteur. Il n’a absolument rien d’héroïque dans les premiers textes où il figure – et pourtant ce rôle lui échoit dans ce récit très singulier qu’est La Quête onirique de Kadath l’inconnue (et rappelons que cet « exercice », unique, Lovecraft ne l’a jamais soumis pour publication). Mais il n’y brille pas exactement… Kij Johnson souligne que ce faux héros ne peut absolument rien faire seul. Presque au point de constituer un très ironique avatar de « damsel in distress » ? Il s’évanouit, il se fait kidnapper, il doit être sauvé de l’extérieur – vive les chats, etc. Et sa personnalité, si c’est bien le mot ? Pas grand-chose à son crédit. Et je crois que l’autrice, là encore, a raison de pointer son caractère un tantinet puéril. Par ailleurs, il n’est pas forcément très sympathique – ou du moins peut-il à bon droit agacer…







Vellitt Boe, on l’a vu, est son opposée à tous points de vue. Mais il ne faut certainement pas pour autant la réduire à ce bête jeu des contraires : ce personnage a de la chair et de l’âme – et c’est surtout cela qui fait défaut à Randolph Carter. Elle est une femme, bien plus âgée, incomparablement plus mure ; mais aussi plus solide, car elle a beaucoup encaissé ; et, si elle n’est pas toujours parfaitement sympathique elle non plus, c’est parce qu’elle est humaine, elle – bien qu’étant une créature du rêve, c’est en cela surtout qu’elle l’emporte sur le falot en même temps qu’arrogant Randolph Carter. Elle n’est pas une fonction en forme de coquille, mais quelqu’un qui a vécu, et compte vivre encore un bout de temps. Elle est intégrée dans une société sinon la société, elle côtoie ses semblables – sans pour autant tout accepter, car la jeune rebelle demeure dans le corps de la vieille dame (dont à vrai dire la fonction de prof constitue en elle-même la cristallisation adaptée à son âge de sa rébellion juvénile). La quête onirique, ici, ne porte pas sur un lieu, mais sur un personnage – qui est amené à revenir sur son passé, avec un mélange subtilement équilibré de nostalgie et de lucidité, de regrets et d’envies. De la chair, et de l’âme. Ce qui ne ressort jamais autant que de la confrontation des deux voyageurs – car Veline (à l’époque) et Randolph ont voyagé ensemble, il y a de cela quelque temps ; ils se sont même aimés – ou pas tant que ça. Quand ils se retrouvent, l’un est un roi qui se morfond dans sa propre pompe et s’est interdit sa propre raison de vivre, l’autre accepte son âge tout en renouant avec son passé, l'avenir sous les yeux – il est passif, elle est active.







Et parfaitement convaincante.







UN VRAI SUJET







En même temps, elle est un véhicule pour le traitement d’un thème, mais sans jamais être réduite à ce caractère purement fonctionnel – et c’est peut-être là que réside l’opposition la plus marquée avec Randolph Carter. Ce thème, de toute évidence à l’origine du projet littéraire, c’est la condition des femmes.







Ah, Lovecraft et les femmes… Sans faire dans la psychanalyse à dix balles (pitié !), on peut légitimement poser que le gentleman de Providence avait comme un souci avec… une bonne moitié de l’humanité ? Je veux dire, sans même faire intervenir la race et compagnie. Eh. Il n’est pas tout seul, notez…







Si ce n’était qu’un trait de sa biographie, ma foi, il n’y aurait peut-être pas grand-chose de plus à en dire. Seulement, cela ressort de son œuvre littéraire – par défaut, et l’illustration n’en est que plus éclatante. Je reste convaincu que cela allait plus loin que son conditionnement WASP (qui dans son cas n’est probablement jamais une explication suffisante – ça serait un peu trop facile, trouvé-je). Quoi qu’il en soit, les femmes sont tout bonnement absentes de la quasi-totalité de son œuvre. Ce qui n’avait probablement rien de délibéré de sa part – reste que sa fiction, si elle est tout sauf virile (au sens le plus vulgaire et machiste donc re-vulgaire), opère dans un monde d’hommes, presque naturellement. Cas des révisions (très) éventuellement mis à part, il n’y a guère que trois personnages féminins un minimum développés dans toute la fiction de l'Oncle Theobald : la première est une simplette albinos violée par un dieu-truc et qui accouche d’abominations (à vrai dire, parler de « personnage féminin un minimum développé » pour Lavinia Whateley sonne déjà comme une triste blague), la deuxième est une sorcière géniale mais dingue et profondément maléfique et re-dingue et re-maléfique (Keziah Mason), et la dernière… SPOIL ! est un homme (et ça reste la plus singulière « réussite » de l’auteur dans cet « exercice », ironiquement).







Ceci, quand on relit Lovecraft passé un certain âge, saute à la gueule. Mais, si un lecteur peut perpétuer un peu trop longtemps comme un triste aveuglement à cet égard, peut-être une lectrice, par contre, peut-elle s’en rendre compte bien plus tôt ? C’est même assez probable – et Kij Johnson, ici, parle de son expérience personnelle ; même ado, elle ne pouvait que remarquer que les femmes sont totalement absentes, en l'espèce, des Contrées du Rêve. Comme si elles n’y avaient pas leur place – inconciliable avec un idéal onirique. Les femmes ne rêvent pas, sans doute – ou font des rêves vulgaires, ce qui n’est pas mieux, peut-être même pire…







Ce qui faisait tout un univers à peupler de femmes – soudain accroissement démographique ! Kij Johnson s’y emploie. D’abord via ce collège des femmes, à Ulthar, qui est le lieu du départ, ensuite au fil des rencontres de l’aventurière dans son long périple – celles du présent comme celles qui sont remémorées. Au fond, une fois sorti du collège, il ne s’agit même pas spécialement d’y insister : les femmes apparaissent dans les Contrées comme elles devraient le faire – naturellement. Ce qui dépasse d’ailleurs l’espèce humaine : figurez-vous qu’il y a des chattes parmi les chats, et des femelles au sein des goules (tiens, le masculin ne l’emporte pas, là ?).







Pour autant, ces Contrées du Rêve n’ont certes rien d’une utopie féministe, et c’est peu dire. Être une femme, dans ce monde, implique comme trop souvent dans le nôtre une forme d’infériorité intrinsèque, perpétuée de temps immémorial par les hommes. C’est un monde dur, pour les femmes – au point parfois de la nausée : dans un passage glaçant, Vellitt estime avoir de la chance de n’avoir été violée « qu’une seule fois » (et il faut lire les commentaires très justes de l’autrice à ce propos dans l’entretien final)… Sur un mode en vérité guère moins révoltant, l’idée même que des femmes puissent être instruites et instruire à leur tour paraît inconcevable au quidam mâle (tu parles d’un rêve !) : c’est bien pourquoi une simple fugue peut mettre en péril le collège des femmes à Ulthar, où enseigne Vellitt Boe – ce collège n’est qu’à peine toléré, et depuis peu encore, par les vieilles institutions académiques nécessairement mâles. Une incartade, et hop ! Voici un prétexte tout trouvé pour renvoyer les femmes à leurs fourneaux – ou plus exactement à leur rôle social : au fond, la femme n’existe jamais en tant que telle, mais toujours dans son rapport aux hommes – d’abord fille, ensuite épouse, après quoi mère.







Autant de rôles que Vellitt Boe a refusé d’endosser. Jeune femme, elle affiche sa liberté – constitutive en elle-même d’une menace pour les hommes. Femme plus âgée, elle ne l’affiche pas moins, simplement sous d’autres formes. Elle n’est pas épouse de, elle n’est pas mère de, elle est Vellitt Boe, et elle vous emmerde.







(Et elle a bien raison.)







Mais, en fait, cela peut aller au-delà – comme dans notre Triste Monde Tragique, semble-t-il, la simple prise en compte de l’existence des femmes peut être poursuivie utilement dans le champ de l’identité sexuelle – l’autrice n’y insiste pas forcément dans le texte même (davantage en commentaire), mais toutes ces femmes ne sont pas hétérosexuelles ; les hommes, du coup, ne le sont pas davantage. Allons bon !







Et, chose folle, il est même possible que, dans ce monde-là, qui n’a souvent rien d’un rêve, la pigmentation de la peau ne suffise pas à elle seule à constituer une échelle bien organisée de la légitimité et en sens inverse de la suspicion de maléfice. Dingue.







À
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La quête onirique de Vellitt Boe

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La quête onirique de Vellitt Boe

J’avais beaucoup aimé Un pont sur la brume de Kij Johnson paru dans la collection Une heure lumière chez Le Bélial aussi quand j’ai su qu’un nouveau roman de l’auteure était prévu, cela a suscité ma curiosité. La quête onirique de Vellitt Boe fait référence à La quête onirique de Kadath l’inconnue et aux contrées du rêve de Lovecraft. Les illustrations sont signées Nicolas Fructus. Avec tout ça, je ne pouvais que céder à la tentation et lire ce livre.



J’ai lu beaucoup de textes de Lovecraft et je connais assez bien son univers même si je n’ai pas lu les textes se passant dans les contrées du rêve comme La quête onirique de Kadath l’inconnue. Cependant, cela ne m’a pas gêné dans ma lecture, même si je pense qu’on comprend mieux certaines références quand on connait cette œuvre. Je me suis lancée dans ma lecture un peu comme lorsque l’on découvre un pays pour la première fois, en en connaissant seulement quelques bribes. Et je ressors de ma lecture plus que ravie en espérant lire bientôt d’autres textes de Kij Johnson.



Même si j’apprécie beaucoup H.P.Lovecraft, il faut reconnaitre de gros défauts à son œuvre, parmi lesquels le rôle des femmes. La femme chez Lovecraft n’est pas absente, elle est simplement réduite au rôle de couveuse pour dieu ancien, ou de sorcière horrible et malsaine, ou encore à être possédée par un vil sorcier. Des rôles fort peu enviables en somme. En partant de ce constat, Kij Johnson rend un hommage au Maître de Providence mais en mettant en avant la place des femmes avec un personnage principal féminin d’un certain âge: Vellitt Boe.



Vellitt Boe est enseignante en mathématiques à l’illustre université pour femmes d’Ulthar. Un matin, elle apprend qu’une de ses meilleures étudiantes a fugué en compagnie d’un homme venant du royaume de l’éveil (notre monde). Le problème est que cette fugue pourrait avoir de fâcheuses conséquences pour l’université et ensuite pour le monde. Vellitt décide donc de partir à la recherche des 2 fugitifs pour ramener son élève dans le droit chemin. Ce qui semblait au début être une simple poursuite va se transformer en véritable quête dans laquelle Vellitt va accomplir un long voyage au sein des contrées du rêve en allant de la forêt des zoogs à Ilek-vad où règne Randolph Carter, nous offrant ainsi un bel aperçu du monde du rêve. Cet univers est très dépaysant et on prend plaisir à le découvrir sous la plume de Kij Johnson, toujours aussi ensorcelante et soignée. Elle apporte sa touche personnelle au monde de Lovecraft sans jamais tomber dans la parodie.



Une des grandes réussites du roman est son personnage principal, une femme au fort tempérament et indépendante. L’auteure prend le temps de nous parler du passé de Vellitt qui a vécu de nombreuses aventures avant de se poser en tant que professeure à l’Université. C’est une cinquantenaire qui a bien vécu, elle a beaucoup d’expériences dans les voyages au sein des contrées du rêve et sait très bien où elle va. Au travers de ce personnage très attachant, l’auteure parle du rôle de la femme de façon subtile en évoquant le regard des hommes sur une femme qui prend de l’âge, ou encore l’indépendance des femmes. Kij Johnson réussit un sacré tour de force avec ce personnage féminin indépendant dans l’univers de Lovecraft.



Le roman est assez court mais aborde beaucoup de thèmes: la place des femmes chez Lovecraft et de manière plus générale, le voyage sous forme de quête initiatique, les choix de vie ou encore la notion de sacrifice. Le sacrifice est présent à plusieurs reprises: pour Vellitt qui prend beaucoup de risques tout au long de sa quête en rencontrant des créatures dangereuses mais aussi pour son élève Clarie Jurat qui se voit contrainte de sacrifier une partie de ses aspirations. Après tout, pourquoi n’aurait elle pas droit de vivre son histoire d’amour et de fuir son destin tout tracé de bonne élève.



Il faut également souligner le travail fait par Nicolas Fructus et Serena Malyon qui signe une très belle carte en couleur des contrées du rêve. Nicolas Fructus signe la superbe couverture du livre et des illustrations intérieures à l’encre. Une interview de l’autrice est également présente à la fin du livre. Elle permet d’en apprendre un peu plus sur Kij Johnson et son rapport à Lovecraft.



La quête onirique de Vellitt Boe est ainsi un splendide roman sans aucun temps mort qui peut se lire d’une traite. Kij Johnson rend hommage à l’univers de Lovecraft tout en mettant en scène un personnage féminin indépendant et charismatique. Le style élégant et envoutant de l’auteure nous entraine dans un magnifique voyage où on l’impression de rêver éveillé. Ce roman est un vrai bijou servi dans un magnifique écrin.
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La quête onirique de Vellitt Boe

J'ai été très décontenancée par le début du livre car je ne connaissait pas du tout la Contrées du Rêve de Lovecraft dont l'histoire s'inspire.

J'avais l'impression de ne pas avoir toutes les cartes en main pour comprendre l'univers.

Mais après un bon tier, je me suis laissée embarquée par la quête de Vellie et j'ai pris plaisir à la suivre dans ses aventures et j'ai vraiment apprécié ce roman.

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La quête onirique de Vellitt Boe

L'autrice revisite Les contrées du rêve de Lovecraft en balayant la misogynie de l'oeuvre originale. Vellitt Boe est une femme forte et déterminée, professeure, qui renoue avec son passé pour retrouver son élève disparue dans le monde de l'Eveil. J'ai beaucoup aimé ce récit novateur et cette réécriture. Je ne connaissais pas ces nouvelles de Lovecraft, que j'ai à présent très envie de lire !




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La quête onirique de Vellitt Boe

Je termine "la Quête onirique de Vellit Boe".

Le personnage de Vellit Boe m'a plut. Son courage, son adaptation, son passé de voyageuse, sa capacité à nouer des relations avec d'autres êtres totalement différents m'ont séduit.

Je me suis parfois perdu dans le monde de Vellit Boe. Il y a beaucoup de lieux, je devrai dire de mondes, de personnages, d'êtres, d'entités qui m'ont dérouté dans la lecture. En fin de compte, il ne faut pas être trop rationnel dans ces bouquins, mais se laisser porter et ensuite ça va.



De Kij Johnson, je voudrais lire "Un pont sur la brume" que je n'ai pas encore trouvé.

Comme le journal Le Monde conseillait "la Quête onirique de Vellit Boe", j'ai reconnu le nom de l'auteure. Et comme il était disponible à ma médiathèque, je l'ai emprunté et lu. Il m'a plu même si je ne lui donne que deux étoiles et demi, c'est un bon roman de divertissement. J'ai aussi bien aimé les illustrations.



Du coup, je vais maintenant rechercher plus activement "un pont sur la brume" et peut être lire quelques nouvelles de Kij Johnson sur son site.
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La quête onirique de Vellitt Boe

Un bien étrange roman a paru chez les éditions Le Bélial' en ce mois de mars 2018...



Oui, La Quête onirique de Vellitt Boe est d’abord un récit étrange et beau. Nous suivons l’aventure, au début charmante, de Vellitt Boe, enseignante cinquantenaire au Collège de femmes d’Ulthar, est réveillée en sursaut car l’une des pensionnaires, la meilleure même semble-t-il, a quitté l’institution en catimini pour suivre un « Rêveur ». Imaginez donc une professeure McGonagall réveillée en panique par Ginny Weasley parce que Hermione Granger a fugué pour rejoindre un puissant Moldu dont elle est amoureuse… Minerva ne s’en laisserait pas compter, eh bien Vellitt encore moins, d’autant que celle-ci a connu dans sa jeunesse des aventures ô combien trépidantes et aventureuses. Courir après la fugueuse est ainsi l’occasion de reprendre la route, de s’échapper d’un quotidien peut-être devenu banal et de retrouver l’onirisme des Contrées du rêve. Dans cette quête, tout semble à la fois logique et réaliste dans les descriptions, mais tout aussi bizarre et impossible quand des étrangetés surviennent, comme le fait que certaines distances des Contrées du rêve dépendent au fond du bon vouloir des dieux endormis et peuvent parfois s’étirer ou se rapprocher sans cohérence. La beauté du texte tient à la fois au contenu (des portes enchantées, des villes qui émergent de l’océan, ce chat qui suit constamment l’héroïne, etc.), à la forme (l’autrice aime s’appuyer sur les sensations de son héroïne, cela est visible dès l’incipit et son réveil progressif, comme un retour à la réalité, alors qu’elle s’éveille dans les Contrées du rêve) et à l’onirisme trouble qui rôde à chaque coin de forêt, de montagne ou de rivière.

Les sous-entendus sont particulièrement évidents pour ceux qui connaissent l’œuvre de H. P. Lovecraft, mais ce n’est sûrement pas le cas pour tous. Donc, il faut bien préciser que ce roman est un hommage particulièrement référencé aux Contrées du rêve de ce maître du fantastique horrifique. Toutefois, c’est un hommage à double sens. En effet, d’un côté, tous les détails (en tout cas, à ce que je peux en cerner) des canons lovecraftiens sont respectés (les lieux, certains personnages et créatures, la puissance des dieux endormis), au point que la quête ressemble parfois à un méticuleux guide de voyage. D’un autre côté, Kij Johnson use de cet hommage pour glisser vers le pastiche astucieux en pointant l’un des grands travers de Locevraft : le sexisme. Là où celui-ci ne considérait que des hommes, société patriarcale oblige (et on peut faire les mêmes remarques pour le racisme d’époque), Kij Johnson propose une aventure où les personnages féminins ont le beau rôle : elles déclenchent l’intrigue, elles tentent des choses, elles résolvent leurs problèmes… au fond, elles se débrouillent seules. L’apparition voulue du héros lovecraftien, Randolph Carter, renvoit à sa propre Quête onirique de Kadath l’inconnue, mais c’est surtout l’occasion de placer un contrepoint bienvenu mais un brin machiste face à cette héroïne qui dépote au fur et à mesure qu’elle retrouve ses habitudes de jeune aventurière.

Enfin, il ne faut pas négliger l’aspect graphique et visuel de ce roman. En effet, les éditions Le Bélial’ ont opté pour un objet particulièrement décoré, histoire d’agrémenter le texte qui, au départ, n’est pas très long (une novella pour la terminologie anglo-saxonne). C’est Nicolas Fructus qui officie ici, non seulement à la couverture, où le symbole du roman est bien saisi et attire l’œil, mais aussi et surtout dans les illustrations intérieures. Ainsi, c’est l’occasion d’avoir des visions parfois ensorcelantes, parfois cauchemardesques de certains lieux et personnages du roman, c’est à voir. Et si jamais vous le croisez en dédicace, il semble partant pour ajouter un visuel à votre exemplaire. Enfin, notez bien que le roman est agrémenté dans les rabais de début et de fin d’ouvrage d’une carte des Contrées du rêve tout à fait charmante, qui se révèle bien utile pour suivre le long périple de Vellitt Boe pour trouver la clé du monde de l’Éveil.



La Quête onirique de Vellitt Boe est donc un bien bel ouvrage recellant un récit charmant (c’est définitivement ce mot qui correspond le mieux). Lisez-le avant de rêver.

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La quête onirique de Vellitt Boe

Si ce roman avait a priori tout pour me plaire, je ressors malheureusement plus que mitigée de cette lecture et ce, pour plusieurs raisons… La première et la principale étant que je n’ai absolument pas accroché à l’univers de l’autrice, certes très novateur et qui, après renseignements, explore l’univers de H. P. Lovecraft en balayant tous les aspects plus négatifs de cet auteur, comme par exemple sa misogynie, ce qui est plutôt sympa… mais dont découle aussi ma seconde problématique, je pense, à savoir ma méconnaissance totale des oeuvres de ce dernier, qui m’a à coup sûr porté préjudice et m’a vraiment donné la sensation d’être totalement perdue.



Mis à part cela et hormis le côté très prenant et mystérieux de l’ambiance générale du roman, le reste ne m’a malheureusement pas non plus convaincue. J’ai trouvé le tout assez lent, me suis ennuyée à plusieurs reprises, me suis clairement perdue dans le récit, et si certains passages étaient assez « plombants » à mes yeux, d’autres étaient à contrario beaucoup trop rapides à l’image de la fin qui m’a pour le coup totalement laissée sur ma faim...



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La quête onirique de Vellitt Boe

Je remercie Babelio et les éditions Le Bélial pour l’envoi de ce livre lors de la dernière Masse Critique des mauvais genres. Je fais partie de ces gens qui ne connaissent Lovecraft que par d’autres médias que ces œuvres : jeux de société, jeux vidéo, l’anthologie La clé d’argent des contrées du rêve, film, série, etc. Je compte bien un jour lire Lovecraft, car son univers me plait beaucoup, mais je n’en ai juste pas encore eu l’occasion. Je savais en postulant pour ce livre qu’il s’agissait d’une réécriture de l’univers de Lovecraft (le titre donne un gros indice :p), mais plutôt dans la veine young adult et j’étais curieuse de voir comment l’auteure se réappropriait ce monde à part pour un public plus jeune.



Le livre-objet est très beau : la couverture étoilée et mystique rappelle différents éléments typiquement lovecraftiens. L’intérieur de cette couverture représente une carte du monde, sur laquelle on peut suivre l’itinéraire de la protagoniste. Il y a aussi pas mal d’illustrations noir et blanc, pleine page ou plus petites, réalisées par Nicolas Fructus, illustrateur de Lovecraft par excellence. Les 20 dernières pages de l’ouvrage sont consacrées à une interview de l’auteure très intéressante, qui éclairent certains points de la lecture.



Clarie Jurat est une jeune étudiante modèle à l’université des femmes d’Ulthar, jusqu’au jour où…elle rencontre un jeune homme du monde de l’éveil. Ils décident de fuir ensemble pour se rendre dans ce monde. Le problème, c’est que Clarie est la fille d’un des mécènes de l’université, qui pourrait bien la faire fermer s’il se rend compte que sa fille est partie ! Sa professeure Vellitt Boe décide de partir à sa poursuite pour lui faire entendre raison. Arrivera-t-elle à la rattraper avant qu’elle passe les portes du monde de l’éveil?



L’univers de Lovecraft, du moins de ce que j’en connais, m’a semblé particulièrement bien représenté dans ce livre, que ce soit au niveau des paysages, des lieux ou encore du bestiaire et des coutumes. Il y a même une brève apparition du célèbre Rêveur Randolph Carter ! Je ne pense pas qu’il faille avoir lu Lovecraft pour apprécier ce récit. J’y ai pour ma part découvert un aspect que je ne connaissais pas : la place de la femme dans les Contrées du Rêve. En fait, elle n’en a pas vraiment ! La population est majoritairement masculine, les femmes souvent ne voyagent pas, ne sont pas éduquées, bref sont considérées comme des moins que rien. Si j’avais entendu parler du racisme présent dans l’oeuvre de l’auteur, cette part misogyne m’avait jusqu’à présent échappé.



Vellitt Boe est une dame déjà d’un certain âge, qui entreprend une incroyable quête, dont on doute de plus en plus de la réussite au fil des pages qui avancent. Elle a déjà beaucoup voyagé dans sa jeunesse, vécu mille aventures, visité des tas d’endroits. Elle connait déjà un peu la route à prendre, mais les Contrées du Rêve évoluent en continu, les distances ne sont jamais les mêmes, la faune n’est pas très amicale, les femmes ne sont pas toujours bien vues et donc acceptées et les dieux veulent pimenter sa quête en lui mettant des obstacles supplémentaires sur la route. Ce fut un véritable plaisir que de parcourir les chemins avec Vellitt, de trembler avec elle la nuit, de patienter lors de longues traversées ou encore de courir pour sauver sa peau.



Vellitt est accompagnée d’un chat depuis son départ d’Ulthar. Il a décidé de la suivre et c’est une présence bienvenue dans ce récit, à la fois réconfortante et rassurante, qui a souvent évité à Vellitt de sombrer dans la folie de la solitude, dans les endroits les plus sombres et les plus isolés.



Le monde de l’éveil est présenté comme un monde de rêve : on y vit en toute liberté, sans dieux pour jouer avec le destin. Qu’en est-il réellement? La fin de l’ouvrage est ouverte : que va-t-il se passer ensuite pour Clarie et Vellitt ? On ne peut que le supposer, c’est à la fois frustrant et très fort.



J’avais envie de finir cet avis sur une petite réflexion. Kij Johnson a gagné le prix World Fantasy Award pour cette novella. Ça me choque un peu qu’un auteur reçoive un prix pour un univers qu’il n’a pas créé et qui n’est pas le sien. N’est-ce pas une sorte de vol par rapport à l’auteur original? Quelle légitimité peut avoir un tel texte pour un prix littéraire, alors que rien de nouveau n’a vraiment été ajouté au monde de départ? Attention, j’ai bien aimé cette lecture, mais je ne pense pas qu’elle mérite un prix littéraire considérant le fait qu’il s’agit de l’univers d’un autre… Est-ce que je suis la seule que cela choque? :p



Une expérience de voyage hors du commun qui nous emmène visiter les Contrées du Rêve, ses merveilles…et ses horreurs ! Une protagoniste posée et réfléchie qui prend beaucoup de risques pour retrouver son élève disparue. Un très beau livre-objet, que j’ai aimé parcourir !
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La quête onirique de Vellitt Boe

Ce court roman débute avec une bonne idée. Il s'agit d'explorer l'univers de Lovecraft, mais d'un point de vue féminin.



Un peu comme l'a fait Lovecraft Country sur les questions raciales.



On y suit Vellitt Boe, une aventurière devenue professeure de mathématique au seul collège pour femme du monde des rêves. Une étudiante s'enfuit avec un rêveur (un humain de notre monde), et Boe doit la retrouver.



Et le début du livre est intéressant, ainsi que sa fin. Donc le gros défaut de ce roman est d'avoir sa partie centrale, où l'histoire stagne, où rien n'a vraiment d'impact sur aucun personnage.



Ce qui aurait pu être une excellente nouvelle devient ici un roman moyen.
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La quête onirique de Vellitt Boe

"La quête onirique de Velitt Boe" est un prolongement de l'œuvre culte "La quête onirique de Kadath l'inconnue", qui charme par son personnage, son atmosphère et par la plume de Kij Johnson. Un roman aussi beau que son édition illustrée par Nicolas Fructus.
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La quête onirique de Vellitt Boe

Quand une autrice américaine décide de revisiter un des classiques de son enfance, cela donne La Quête Onirique de Vellit Boe, une réécriture La quête onorique de Kadath l'Inconnue avec cette fois une héroïne, une première pour moi dans l'univers si masculin de Lovecraft. Est-ce que j'ai aimé cette proposition ? Étrangement oui mais elle m'a aussi laissée perplexe parfois.





Lovecraft est un auteur très controversé, avec son gros vivier de fans et d'autres qui en font une lecture plus critique, Kij Johnson appartient aux deux comme elle le raconte dans l'interview qui clôt le livre. Elle a découvert l'auteur très tôt mais s'est aussi rendu compte de ses failles et notamment de son racisme un peu trop présent dans ses oeuvres. Devenue écrivaine, elle a donc eu envie de rendre hommage à cet auteur classique de son enfance dont elle a tout lu, mais en le dépoussiérant un peu. Du coup, à la place d'un héros, nous avons une héroïne, et pour chaque action que ce dernier a commis, nous avons son inverse ici. Simple mais brillant !



Ce texte s'inscrit dans les récits des Contrées des rêves de Lovecraft. Pas de chance pour moi, ce sont des textes que je n'ai pas lus, je n'ai donc pas de point de comparaison. En revanche, j'ai lu certains autres de ses classiques grâce à Bragelonne, Mnémos et les adaptations mangas de Ki-Oon. Ainsi même sans saisir toutes les références - et c'est frustrant - j'ai tout de même pris plaisir à retrouver l'univers étrange et insaisissable de l'auteur où réalité et rêve se chevauchent et se confondent parfois.





Dans ce court texte de 200 pages, l'autrice nous emmène à travers les univers dans les pas d'une enseignantes qui part à la recherche d'une élève qui a fait une fugue amoureuse et qui pourrait soit le regretter soit avoir des ennuis. Ancienne arpenteuse des Contrées des rêves, elle se lance à sa poursuite. C'est de suite assez étrange, on a l'impression de naviguer entre les mondes et les dimensions, notre monde étant l'un de ceux-ci et celui dont vient Vellitt Boe et son élève un autre. Notre héroïne va donc côtoyer éléments réalistes et éléments forts étranges dans sa quête qui se révèle être également un voyage intérieur.



J'ai beaucoup aimé la plume bien imagée de l'autrice qui m'a fait retrouver certains sentiments perturbants de mes lectures de l'auteur, notamment dans le recueil Le Molosse sorti il y a peu chez Ki-Oon où Lovecraft nous emmenait dans de drôles de temples et croiser de drôles de créatures de cauchemar. On retrouve la même sensation de glissement entre les voiles de ces mondes et la même crainte envers ses créatures fantasmées mais mythiques.



C'était plaisant de se mettre dans les pas de Vellitt pour qui j'ai eu tout du long l'image d'une femme de l'ère victorienne partant sur des routes de campagnes plus étranges les unes que les autres en allant à la poursuite de son élève, voire traversant les collines de la Conté de Tolkien. Il y a du Lewis Carroll et du Lyman Frank Baum dans ce texte et cette aventure, mais une grosse teinte de modernité. L'héroïne est une femme qui ose aller contre les conventions pour se lancer dans cette aventure. Elle est très ouverte d'esprit. Elle croise des gens aux genres et sexualités variés même si ce n'est pas le propos, ça montre juste la diversité proposé par l'autrice pour contrecarrer l'esprit étriqué de l'auteur d'origine.



Cependant au fil des pages, son entreprise s'est révélée un peu sans queue ni tête pour moi. Elle avançait faille que faille à travers les différents voiles et mondes se trouvant sur sa route. Elle y faisait quelques rencontres et retrouvailles. Elle parlait d'elle-même et de son passé, ainsi que des Contrées des rêves, de ses Anciens et divinités cruelles. Mais j'avais l'impression qu'elle n'atteindrait jamais son but et quand cela survient, j'ai trouvé ça assez brutal dans la mise en scène, comme si elle avait freiné brusquement pour stopper sa quête.



L'ensemble manque de développement à mon goût. C'est un format novella, en général j'aime cela, je n'ai rien contre les textes courts, mais n'ayant pas lu l'oeuvre d'origine, ni les autres récits de Lovecraft dans l'univers, j'ai eu le sentiment qu'elle survolait plein d'éléments qu'elle citait et qui devaient s'y trouver. J'ai été frustrée également que chacune des étapes du voyage de Vellitt ne prenne pas plus de pages. J'ai presque eu l'impression d'un catalogue ici...



J'ai donc été à la fois émerveillée par l'objet qu'est ce récit pour les lecteurs de Lovecraft et la prouesse de faire ainsi évoluer le récit d'origine à contre-courant tout en en gardant son essence avec cette étrangeté effrayante qu'on y trouve toujours. J'ai aimé la plume très onirique, justement, et visuelle également de l'autrice, mais j'ai vraiment eu un sentiment de trop peu. J'aurais aimé prolonger l'expérience, le voyage et la rencontre avec cette héroïne qui était une femme à la tête sur les épaules mais ouverte à l'étrange comme je les aime.
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