Entretien avec Lucius Shepard aux Imaginales
Entretien avec Lucius Shepard enregistrée aux Imaginales (Epinal, mai 2013) L'audio de la rencontre : http://www.actusf.com/spip/Imaginales-2013-Conference,1...
La peur était enfouie dans les replis obscurs de sa personnalité, telle la lame du meurtrier dissimulé dans un vieux manteau sur une étagère de placard. Luisant en secret, attendant le moment de flamboyer. Tôt ou tard, elle l'embrocherait, mais pour le moment, c'était une alliée dont il se servait pour affûter ses sens.
Il avait eu beau passer les neuf derniers mois à penser à la mort, il avait du mal à prendre cette possibilité au sérieux. Il ne lui semblait pas équitable qu'un type de couleur efflanqué pût incarner sa Némésis. Sa mort devrait impliquer d'énormes explosions de lumière, des rayons mortels Spécial Mingolla, de tristes présages astronomiques. Pas un petit salaud rachitique armé d'un fusil.
Quand elle réussit à obtenir ce qu’elle veut en te manipulant, affirmes-tu, tu ne te sens jamais exploité parce que tu en retires toujours un avantage, et aussi parce qu’elle agit avec une telle subtilité que c’est comme s’il était impossible de la critiquer.
Un fantôme n'est qu'une relique d'humanité, un lambeau de l'âme déchirée, pris au piège et s'agitant sur un clou métaphysique.
C'est comme s'il allait bosser au Mordor, parmi les ombres omniprésentes. Les cendres et la peine. Au bout d'un temps, vous avez l'impression que le lieu vous transforme en fantôme. Vous n'êtes plus réel, vous n'êtes qu'une relique, un fragment de vie. Quand vous racontez ce genre de merde ça vous fait rire. C'est vraiment de la connerie. Puis vous arrêtez de rire et vous savez que c'est vrai. Ground Zero est un champ de mort. Comme le Cambodge. Ou Hiroshima. Ils parlent déjà de reconstruire quelque chose, mais ils sont cinglés. Autant construire un Dairy Queen à Dachau. Qui aurait envie de manger là-bas ? (La présence)
-Il s'inquiète pour toi, tu sais.
-C'est ça oui.
-Sans déconner ! Il se prend un peu pour ton père, tu sais bien.
-Ça m’étonnerait, il n'arrête pas de me traiter d'enfoiré.
-C'est comme ça qu'on dit « fiston » en polonais. (La présence)
Même le pire d'entre nous trouverait sans peine son égal dans le genre humain.
La beauté ne suffit pas à compenser une nature de parasite.
Etant donné que la mort de Griaule demeurait incertaine, ce dernier inspirait toujours de la crainte à ces braves gens. Si jamais il était encore vivant, on imaginait sans peine sa réaction en cas de tentative de dissection.
Tu crois savoir comment te protéger des autres, mais tu es un livre ouvert, mon garçon. Tu penses porter une armure, mais c'est plutôt une cible.