Ce beau titre, je l'ai vu tout d'abord à côté de l'entrée de l'installation proposée par Lamia Ziadé aux visiteurs de la magnifique exposition "Divas, d'Oum Kalthoum à Dalida" (Institut du Monde Arabe à Paris, de juin à septembre 2021).
"Ô nuit, Ô mes yeux", en lettres de néon, réminiscence de ces enseignes de cabarets des années 1950…
Grâce à l'exposition "Divas…" j'ai découvert nombre de femmes remarquables ayant travaillé et contribué à l'émergence d'un courant culturel au Caire qui a secoué tout le Moyen Orient entre la fin du XIXème siècle et les années 1970.
L'ouvrage "Ô nuit, Ô mes yeux" m'a permis de les retrouver, avec bien d'autres.
Lamia Ziadé nous propose en effet une traversée de cette période exceptionnelle à la suite d'artistes mythiques, hommes et femmes, tels Asmahan et son frère Farid el Atrache, Oum Kalthoum, Mohamed Abdelwahab, Mohamed el Qasabgi, Badia Massabni, Taheya Carioca, Samia Gamal, Fayrouz, Leïla Mourad et tant d'autres, qui ont élevé leur art, musique, chant, danse, théâtre, cinéma, à un tel niveau d'excellence.
Le Caire est au centre de ce bouillonnement culturel, qui irradie jusqu'à Beyrouth, Damas, Jérusalem, Casablanca, Alger, Tunis…
Aux faits se mêlent les souvenirs des grands-parents de Lamia Ziadé, qui ont croisé l'un ou l'autre, assisté à un concert, entendu dire que…
Aux textes s'ajoutent des évocations de photos d'époque peintes à la gouache par la narratrice.
Deux étoiles brillent particulièrement au firmament de "Ô nuit, Ô mes yeux" : Asmahan, une voix magnifique, une sensibilité à fleur de peau, une beauté solaire, une courte vie de scandales ; Oum Kalthoum, la Quatrième Pyramide, l'Astre d'Orient, dont la voix résonne encore aujourd'hui dans tout le Moyen-Orient.
La première a été couverte d'opprobre, la seconde portée aux nues.
Lamia Ziadé, par son récit et ses gouaches, leur redonne vie et à tout ce monde qui les entoure.
Les succès éclatants, les esclandres, les rivalités, les liens avec le pouvoir avant et après la révolution égyptienne, les chutes, les échecs, les destins brisés, rien ne manque à cette trajectoire collective qui s'achève sur la guerre du Liban et le concert de Fayrouz à l'Olympia, après la mort de tant de ces talents, l'incendie de l'Opéra royal du Caire, la destruction de la villa d'Oum Kalthoum, remplacés par un parking pour l'un, un hôtel pour l'autre.
J'ai pris un immense plaisir à cette lecture, à cette immersion, devrais-je dire, dans une reconstruction de cet âge d'or saisissante et diablement séduisante, pleine de musique, de drames et d'éclats de voix, de fantômes légers et de fantômes pesants selon leur destinée et le chagrin qu'ils portent en eux, enveloppée d'une profonde nostalgie.
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J’ai découvert ce livre lors de l’exposition sur les Divas à l’Institut du monde arabe. J’ai tout de suite eu envie de le lire et je ne le regrette pas du tout.
Il nous plonge dans la vie culturelle du Proche-Orient (essentiellement l’Egypte et le Liban) entre 1900 et 1970. On suit tout particulièrement les carrières de femmes artistes : chanteuses, actrices, danseuses, directrices de cabaret, journalistes… Leurs destins sont incroyables. Je me suis souvent demandé au cours de la lecture si tout cela était réel (oui !). Il y a en effet là des histoires qui défient la fiction. Tous les éléments des grandes aventures littéraires sont réunis : l’art, le talent et le travail ; la gloire et la déchéance ; l’amour, la passion et les amants ; les fêtes sans fin ; la folie et la tragédie ; les rivalités et la vengeance ; la politique et l’espionnage ; les interdits et l’audace…
Lamia Ziadé partage à merveille par un récit très agréable et des illustrations magnifiques ses connaissances, son admiration et sa nostalgie de la culture arabe de cette époque. Elle nous donne envie de poursuivre cette rencontre par la découverte de ces musiques et de ces films. Son livre est une vraie pépite qui appelle à pousser la porte de ce monde. Je ne sais pas pourquoi il n’est pas plus lu et critiqué sur Babelio. Foncez ! C’est étonnant, plein de rebondissements et tellement inspirant.
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Cela se déroule au Le Caire, à Damas ou à Beyrouth entre1917 et 1967. Cinquante années tumultueuses dans cette zone bouillonnante du Moyen-Orient. Mais là n’est pas l’objet central de cet épais et lumineux documentaire graphique.
Une autre histoire du Moyen-Orient s’y raconte par la danse, la musique, le cinéma et surtout par le prisme de ses quasi demi dieux et déesses. Oum Kalthoum, Farid El Atrache ou Fayrouz brillent tels des astres dans des cieux agités entre la post-décolonisation et les premières guerres fratricides.
Loin des bombes et des guerres, la population chante, danse, rêve devant les mêmes étoiles, les mêmes histoires comme un lien qu’aucune arme ne pourra blesser.
Les chapitres brefs et bien documentés alternent avec de très jolies aquarelles qui apportent légèreté et grâce à cette histoire faite de passion et de tension.
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Un livre très fort où Nasser, Arafat et Bachir Gemayel sont placés sur le même plan, des martyrs d'un orient explosé. Où les premières martyres, femmes chrétiennes de gauche , rejoignent les victimes de Sabra et Chatila. Tout est écrit du point de vue intimiste d'une franco-libanaise qui ne parle que d'attentats, d'échecs et de cimetières mais veut encore croire que le modèle libanais a du sens. Au-delà d'une vision politique, je crois qu'elle traduit bien ce que peuvent ressentir tous les arabes, même les plus pacifiques, vis-à-vis de l'occident. C'est magnifique, très informé sans volonté de faire oeuvre d'historienne, un témoignage très fort.
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Un magnifique roman graphique, joliment illustré, sur l'émancipation des femmes au proche-orient à travers la musique, l'art. Écriture fluide, simple, agréable. Le texte regorge d'anecdotes sur ces femmes aux destins incroyables et inspirant. Bref, c'est beau, frais, original et passionnant !
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Une plongée dans la réalité du Liban et plus précisément de Beyrouth. On ressent la douleur mais aussi le courage de ce peuple à travers les textes et les dessins. L'auteur nous transcrit le traumatisme généré par l'explosion des silos en 2020 tout en retraçant des événements politiques marquants du Liban. Merci pour ce témoignage, ce partage.
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Un témoignage bouleversant, qui relate concrètement la vie des libanais pendant, et après cette explosion du 04 août 2022. Chacun a été touché, certains physiquement, mais tous psychologiquement. Mettre des mots sur les maux, et des visages sur les noms.
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J'ai beaucoup aimé ce style moitié roman moitié BD. En fait, c'est un roman très imagé et qui nous permet dêtre plus proche de l'histoire. Sionon, c'est l'histoire d'une petite fille qui vit à Beyrouth. On la suit de 7 à 20 ans , toujours sous les bombes...
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Le récit de la guerre au Liban mais surtout de son arrivée dans les yeux de l'enfant qu'était l'auteur à cette époque. Accompagné de dessins pop, vifs et naïfs, très touchants dans ce rapport de l'enfance à la guerre.
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Un univers graphique à la palette douce, qui tranche avec le chaos d'une capitale en proie à de nombreuses milices. Une fillette comme témoin d'une guerre sans fin. Un récit sensoriel tantôt teinté d'humour noir, tantôt journalistique. Très touchant.
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Un ouvrage très intéressant sur la culture musicale de l'Égypte et du Liban. On apprend beaucoup de choses et on rencontre ces figures historiques et célèbres pour ces peuples mais inconnues pour nous. C'est un livre très riche qui se picore. Les illustrations sont splendides.
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COUP DE COEUR !
Quel livre, quel hommage puissant.
4 août 2020, 18h07
Cette date, c'est celle de l'explosion qui a eu lieu au port de Beyrouth, au Liban, il y a un an jour pour jour maintenant.
Après avoir passé quinze années de guerre, après des mois de révolution, en lutte perpétuelle contre un gouvernement toujours plus menaçant, plus corrompu, plus meurtrier. Et en pleine crise du coronavirus, comme un ultime coup de massue. Pourtant d'ultime coup de massue il n'y aura pas puisque la population libanaise s'est levée, pour réparer son propre pays à mains nues dès le lendemain. Sortir des inconnus ou des proches des décombres, les conduire dans les hôpitaux les plus proches qui n'avaient pas été détruits pas l'explosion, trier les gravats dans le but de reconstruire, encore.
Lamia Ziadé est tout d'abord une illustratrice. Pour nous partager sa peine et sa colère, elle est devenue autrice. Elle se confie ici, entre mots et illustrations, sur son chagrin face à la destruction du port de Beyrouth, Beyrouth son berceau, sa ville natale. Elle rend un hommage indélébile à de nombreuses victimes à travers ses coups de crayons colorés et courageux, ils ont un nom contrairement à ce que semble croire le gouvernement libanais. Lamia Ziadé a vécu ce terrible évènement depuis la France, elle crie et écrit ici son impuissance et la force de ses souvenirs. Elle en a pris des photos dans ces rues, elle y a manifesté, elle y a chanté, elle y a pleuré. Elle y a perdu espoir et repris espoir. Elle y est toujours revenu même en temps de guerre, c'est là chez elle.
Cette lecture était vraiment incroyablement belle. Réussir à raconter toutes ces choses affreuses qui ont pu la traumatiser avec autant de rage et de douceur. Réussir à livrer ainsi tous ses sentiments passés et présents, ce qu'elle ressent de plus profond. Cet ouvrage est beau et fort, comme Lamia Ziadé. Et je suis heureuse de l'avoir dans ma bibliothèque, comme une pensée éternelle.
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