—Cesse de maltraiter les femmes, lui ordonna Aveoth. C'est mauvais pour ton karma.
—Elle est sexy tant qu'elle n'ouvre pas la bouche, dit Balafré en se passant la langue sur les lèvres. Ça me plairait d'être celui qui va la mater. Ce ne serait pas de la tarte, elle ne respecte rien. (Il écarta les pans de son blouson et flatta sa boucle de ceinture.) Je me servirais de ça pour lui fouetter le cul jusqu'à ce qu'elle ravale ses sarcasmes.
—C'est super tentant, tête de nœud, mais j'ai une meilleure idée. Si tu allais plutôt te pendre aux chiottes avec ta ceinture ? Tu rendras service au monde en évitant d'engendrer des abrutis miniatures sur ton modèle. Et fais-moi plaisir : prends mes menottes et attache-toi les mains dans le dos, au cas où tu changerais d'avis à la dernière seconde. Allez, quoi, sois sympa.
—Ma chambre est à l'étage. Que préfères-tu, mon lit ou le canapé ?
—Dans tes rêves.
—J'en rêve, en effet.
—Tu souhaites les regarder souffrir ?
—Et comment !
—Te plairait-il que je leur brise quelques os ?
Sa voix s'était teintée d'humour et son regard pétillait de malice.
—Ce serait chouette, oui.
—J'ai horreur des costumes, maugréa Fray. Plus inconfortable, tu meurs. Comment ça se fait qu'un vamplycan en porte un ? Celui-ci est cinglé, ça ne fait aucun doute. Mieux vaut l'abattre pour le salut de toute l'espèce.
—Si j'avais su que tu tailladerais tes vêtements à chaque fois qu'on se prend une balle, j'aurais tiré sur Lune dès le premier soir.
—J'ai entendu ! dit son camarade depuis l'étage.
L'expression sur le visage de Rage collait au nom qu'il s'était choisi. Il lui va comme un gant, estima la jeune femme.
—Ce n'est pas la première fois que je m'enquiers de toi, Gerri. (Le bleu de ses yeux s'était de nouveau assombri.) Je n'ai jamais quitté le territoire du clan sans qu'un allié soit passé te voir. Le lycan que j'emploie m'a chaque fois signalé que tu étais avec un type. Mais, cette fois, s'il avait fallu que je t'arrache à un autre, je l'aurais fait sans hésiter. J'ai besoin de toi et j'en ai ma claque d'attendre le moment propice pour savoir ce qui se passe entre nous. Trouve-toi des excuses, rouspète tout ce que tu voudras, ça n'empêchera pas l'inévitable de se produire.
Son regard descendit jusqu'à la ceinture de sa robe de chambre.
—Je vais te faire l'amour, Gerri, dit-il en la dévorant du regard. Ce soir même.
—Je t'ai entendue plusieurs fois m'appeler "dieu", la nuit dernière.
—J'ai crié "Dieu du ciel", pas "Wen, mon dieu à moi'.

Il suivit la musique et s’arrêta sous l’arcade menant au salon. Becca était assise au bar, accoudée devant une bouteille et un verre minuscule. Comme si elle devinait sa présence, elle tourna la tête. Il vit à son sourire et à ses yeux brillants qu’elle avait trop bu. Maladroitement, elle lui fit signe d’approcher.
— Salut, beau gosse. Tu veux un verre ?
Elle avait la voix pâteuse, et la manière dont elle venait de l’apostropher le mettait mal à l’aise.
— Je m’appelle Brute. Je ne connais aucun Hybride capable de se choisir un tel nom.
— Je sais comment tu t’appelles, répliqua-t-elle avec un petit gloussement. Tu es mignon et tu le sais, hein ?
Elle le trouvait attirant. Cela le laissait sans voix.
— Tu veux un verre ? répéta-t-elle en tapotant le siège voisin du sien. Ça ne brûle même plus le gosier.
Il fit un pas dans la pièce.
— Je ne bois pas d’alcool, mais merci quand même. Tu en as bu combien ?
— J’en sais rien. (Elle bougea un peu sur son siège et manqua de tomber). Pas assez, en tout cas. Je suis encore consciente.
— La consommation d’alcool rend ivre, émousse les réflexes et fausse la logique.
Elle éclata de rire.
— Tu es trop mignon.
Il haussa les sourcils. Personne ne lui avait encore dit cela. On l’avait traité de bête féroce ou de salopard, entre autres termes fleuris, mais jamais on ne lui avait fait un tel compliment. Il commençait à se faire du souci pour l’équilibre mental de la jeune femme.
— Tu ferais peut-être mieux d’aller te coucher. Il paraît que les choses paraissent toujours plus roses le matin.
— Il est trop tôt. Viens par là, l’invita-t-elle en tapotant de nouveau le tabouret. Je vais pas te mordre.
— Tu n’as pas peur que ce soit moi qui te morde ?
Il ne put résister à l’envie d’entrouvrir les lèvres pour lui montrer ses canines, mais, curieusement, elle ne semblait pas en avoir peur, contrairement à tous les autres humains qu’il avait rencontrés.