Ce matin, vous êtes d’un autre caractère. Traquée par la police, une journaliste ne vous connaissant pas, n’ayant aucune raison d’avoir votre numéro. Par
la fenêtre, une vue sans intérêt, votre horizon se dresse à cinq mètres, le mur poisseux d’une courette étriquée. Vous n’étiez personne la veille, voilà que vous êtes noire. L’ironie c’est qu’en dehors de votre thyroïde foireuse, la vie ne vous a pas accablée. Le peu de désespoir auquel vous ayez dû faire
face n’a eu d’autre cause que vous-même. Vous avez excellé dans la noyade en détruisant les multitudes de vies qui s’offraient à vous, soi-disant pour des
raisons psychanalytiques.
Quelques signes. La peau colorée, le cheveu énervé, les traits arrondis. L’histoire de votre père,lointaine, trop lointaine, son paysage haïtien a été noyé par des années de désappropriation, son mariage avec votre mère aux couleurs laiteuses.
Je me suis accordée à tes échéances. J'ai refusé de me contraindre à terminer l'intégralité de mon travail au mois de juillet. Pourtant tu m'as appelée tous les jours, plusieurs fois par jour, parfois plusieurs fois par heure, me pressant d'accélérer. Tous les jours, plusieurs fois par jour, parfois plusieurs fois par heure.
C’était toi et moi, or c'est parce que c'était toi et moi que c'etait impossible
Se tisse en ces mots une décision commune, la mienne dans l’écriture et la tienne dans le dénouement. Seulement s’achève ici mon retranchement de toi. L’espérance de mon existence avouée.