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Critiques de Laurence de Cock (23)
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Dans la classe de l'homme blanc

À partir des archives de l’Éducation nationale, des textes officiels et des manuels scolaires, Laurence De Cock retrace les débats qui ont agité l’enseignement de l’histoire de la colonisation, depuis les années 1980. Si l’histoire coloniale a toujours figuré dans le récit national scolaire comme support de valorisation de la fierté patriotique, surtout à partir de la IIIe République, elle est l’un des contenus les plus mobilisés dans les débats publics. Le système colonial était fondé sur les principes d’inégalités juridiques, de domination et d’usage légitime de la violence. Comment la transmission des valeurs et idéaux républicains dont se targue la France, peut-elle être compatible avec celle de cette histoire de leur violation légitimée ?

(...)

Enquête extrêmement pointue sur un sujet certes très précis, mais qui déborde rapidement sur nombre de débats qui agitent la sphère publique. Vraiment très intéressant.



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Ecole

C’est parce qu’il finit par caractériser tout et son contraire que le mot « école » est faible. Laurence De Cock dénonce une crise démocratique, l’inscrivant dans l’histoire de l’institution, réformes après réformes, postulant « que l’école a pour mission non pas de préparer au monde déjà là mais d’accompagner celui qui vient, et partant de contribuer à le transformer ». Ce livre est un plaidoyer « contre la vision politique responsable du brouillage actuel des repères pour penser l’école comme espace de démocratisation, de justice sociale et de partage des connaissances. »

(...)

En redéfinissant l’école, Laurence De Cock interroge sa place et son rôle dans la société. Son texte éclaire les enjeux des débats (et des réformes) actuels, au-delà des polémiques souvent caricaturales.



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Une journée fasciste

Le 24 avril 1933, des habitants de Saint-Paul de Vence, emmenés par leur maire, proche des Jeunesse patriotes, menacent d’envahir l’école publique dans laquelle enseigne Célestin Freinet, sali par une campagne de diffamation. L’historienne Laurence De Cock a enquêté sur cette journée, emblématique des luttes sociales face aux périls fascistes dans l’entre-deux-guerres, et de la répression subie par les enseignants et les syndicalistes.

(...)

Laurence De Cock retrace avec brio le parcours de ce couple de pédagogues en proie à « l’autoritarisme des ministères et des rectorats », évocation d'autant plus criante aujourd’hui que « la confusion entre endoctrinement et apprentissage d'un esprit critique reste volontairement entretenue par les autorités, arc-boutées sur une vision conservatrice, voire réactionnaire, et surtout élitiste de l'éducation publique ».



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Ecole publique et émancipation sociale

Ce livre n'est pas un pamphlet, ce n'est pas une charge contre l'école ni un panégyrique de la vénérable institution scolaire.

C'est un essai, plutôt mesuré, à propos de l'école publique, dans son intégralité, de l'école maternelle aux universités, de la révolution à aujourd'hui, de Condorcet au suicide de Christine Renon sous le ministère Blanquer.

L'auteur(e / trice, on ne sait plus comment dire) revient sur les paradigmes et contraintes qui ont structurés l'école publique telle qu'on la connait aujourd’hui, ainsi que sur les personnages qui ont réfléchi aux pédagogie à y appliquer, selon les buts visés...

Pour conclure, elle propose évidemment quelques pistes, simples et concrètes, à mettre en œuvre pour y arriver.

Car Laurence de Cock est plutôt optimiste, malgré le suicide de la gauche, l'abandon de l'école publique par les bourgeois (y compris de gauche !), la charge des libéraux, la managérisation des équipes, la perte de repère, la scission qui s’opère entre ceux qui veulent inclure tous les élèves et ceux qui restent perclus dans l’enseignement pour une certaine élite...



Un texte instructif, argumenté, mesuré, renseigné, vécu aussi, qui donne envie d'y croire...
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Explorateurs de l'Histoire : Pourquoi a-t-o..

Ah sacré Jules Ferry !

Rendre l'école gratuite et obligatoire, quelle idée !

En tout cas, ça ne plaît pas au petit Jules qui préfèrerait rester tranquillement chez lui plutôt que de perdre un temps fou à l'école. Éole, son baby-sitter Passeur de Temps décide alors de l'emmener, lui et sa grande soeur Sara, en 1882, dans une petite école de campagne.



J'ai découvert cette nouvelle série - "Explorateurs de l'Histoire" - en faisant ma veille professionnelle. De courts romans, avec deux pages documentaires à la fin, permettant de découvrir une période historique marquante grâce à un voyage dans le temps.

Je n'ai pas encore lu celui sur Christophe Colomb mais je peux déjà vous dire que celui sur l'instruction obligatoire et gratuite est bien écrit, entraînant et adapté aux lectrices/lecteurs à partir de 8/9 ans. C'est simple, pédagogique, il y a un peu d'humour, un peu d'aventure et beaucoup de petits détails bien amenés. Un roman jeunesse historique très chouette, en somme.
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Les éditocrates, tome 2 : Le cauchemar contin..

En 2009, un premier tome intitulé « Les éditocrates » présentait le parcours de plusieurs figures médiatiques de premier plan, à l’image d’Alexandre Adler, de Jacques Attali, de Christophe Barbier, d’Alain Duhamel, de Laurent Joffrin, de BHL, d’Ivan Rioufol ou encore de Philippe Val. Autant d’éditocrates qui continuent aujourd’hui encore à être présents sur tous les plateaux de télévision aussi bien que dans les colonnes des principaux journaux du pays ou à l’antenne de nos radios. Neuf ans plus tard, Sébastien Fontenelle (journaliste à Politis et auteur de plusieurs essais sur le monde médiatique dont récemment « Les empoisonneurs »), Mona Chollet (cheffe d’édition au Monde diplomatique), Olivier Cyran (journaliste) et Laurence de Cock (enseignante et historienne) reviennent dans un nouvel ouvrage sur dix autres éditorialistes vedettes, de Brice Couturier à Eric Zemmour en passant par Franz-Olivier Giesbert, Jacques Julliard, Arnaud Leparmentier et Jean Quatremer, Elisabeth Lévy, Plantu, Natacha Plony et Valérie Toranian. Le paysage médiatique a globalement peu changé en dix ans, de même que le profil de ces « toutologues » qui ont toujours un avis sur tout et l’exposent quotidiennement dans quantité de médias. Tous disent, à peu près, la même chose, et tous s’érigent en briseurs de tabous imaginaires et victimes de censure de la part d’une obscure « bien-pensance » (comique, dans la mesure où ils déroulent leur pensée à longueur de journée dans tous les plus grands médias depuis des décennies). Ce qui change par rapport à 2009, c’est l’inquiétante reconfiguration droitière du paysage médiatique, avec « l’installation d’un registre journalistique qui feint de vouloir fissurer l’ordre dominant mais qui ne vise, en réalité, qu’à le durcir. » Ainsi, si la défense d’un libéralisme débridé et la nécessité de mettre aux pas les travailleurs occupent toujours une place centrale dans leurs diatribes, le danger que représenterait l’Islam, et donc les musulmans, a pris de plus en plus de place dans leurs discours, au point de les voir réutiliser des termes et des théories forgés par l’extrême-droite. Pour Sébastien Fontenelle, « il n’est plus seulement question, lorsque les « arbitres du débat public » ajoutent l’anathémisation d’une minorité à leurs fustigations des luttes sociales, de contenir l’opinion dans son consentement à un ordre injuste : il s’agit, bien plus dangereusement, de la gagner au pire. ». Passons donc en revue ce qui caractérise le discours de ces « éditocrates ».



Parmi les nombreuses obsessions qui agitent nos éditorialistes vedettes, l’Islam et sa supposée incompatibilité avec les valeurs de la République occupent, sans grande surprise, le devant de la scène. Ce qui marque à la lecture de ces portraits, c’est la radicalisation de la pensée de ces éditocrates, illustration flagrante de la « lepénisation » des esprits en cours notre pays. Une bonne partie des interventions de ces éditorialistes visent ainsi à stigmatiser une religion, l’Islam, et, par extension, les personnes qui la pratiquent. L’exemple le plus criant de cet islamophobie décomplexé reste évidemment Eric Zemmour dont on connaît le goût pour la provocation et qui n’hésite pas à multiplier les sorties racistes et les exhortations à s’en prendre aux musulmans (pour un portrait plus détaillé du personnage ainsi que de sa « grammaire identitaire », je vous conseille l’essai « Le venin dans la plume » de Gérard Noiriel qui fait ici le parallèle avec Édouard Drumont, éditorialiste antisémite du XIXe et auteur de « La France juive »). Mais il n’est pas le seul, et de loin, à être obsédé par l’idée que les musulmans représenteraient un danger pour notre civilisation. C’est le cas, aussi, d’Elisabeth Lévy, ancienne journaliste à Jeune Afrique ou Le Nouveau Quotidien où elle couvrait l’actualité internationale, qui déroule aujourd’hui sa pensée réactionnaire faussement subversive dans les colonnes de Marianne, du Point et du Figaro, ou sur les antennes d’RTL, de Sud Radio, d’Europe 1, de France culture et, surtout, de Cnews. Fondatrice en 2007 de la revue « Causeur » elle éructe à longueur de journée sur ce grand tabou dont on ne pourrait parler et fait régulièrement l’éloge de figures notoirement d’extrême-droite, à l’image de Renaud Camus, à l’origine de la théorie raciste et complotiste du « grand remplacement ».



Il en va de même de Natacha Polony, qui affirme en 2012 partager « à peu près 90 à 95 % des analyses » d’Eric Zemmour, ou encore de Jacques Julliard, historien spécialiste du mouvement ouvrier passé par le Nouvel Obs, Europe 1, LCI, le Point, Marianne ou encore le Figaro, et qui n’hésite pas non plus à intervenir dans des revues apparentées à l’extrême droite comme « Limite » ou « Nouvelle droite ». Affirmant ouvertement qu’il existe un lien entre immigration et délinquance, ou que le port du voile est un appel au viol, l’intellectuel participe depuis des années à la banalisation des idées d’extrême-droite et à la dédiabolisation d’un RN qui n’a, pourtant, pas changé d’un iota. Du côté du dessin de presse, les musulmans et les migrants constituent aussi une cible de choix, comme l’illustre le portrait proposé ici de Plantu, qu’il recycle le cliché éculé des travailleurs immigrés venus prendre le travail des « Français de souche », ou qu’il n’hésite pas à sous-entendre que le port d’un signe distinctif musulman serait la première étape vers le djihadisme. Même chose du côté de la presse dite « féminine », comme l’illustre cette fois le portrait de Valérie Toranian, directrice de publication à la « Revue des deux mondes » et compagne de Franz-Olivier Giesbert. A la tête du magazine « Elle » pendant treize ans, elle a fait régulièrement la promotion de penseurs et d’éditocrates réactionnaires comme Caroline Fourest, Elizabeth Badinter, Elizabeth Lévy et même Oriana Fallaci, écrivaine italienne autrice d’un pamphlet abject sur ces immigrés qui seraient « l’avant-garde d’une invasion ».



Outre leur haine de l’Islam et des musulmans, il est une autre obsession que partagent la quasi totalité de ces éditrocrates : ils sont (presque) tous partisans d’un libéralisme débridé qui les pousse à militer pour la nécessité de mener des réformes antisociales. Et ils n’hésitent pas à assumer le service-après-vente de ces réformes lorsqu’un gouvernement se décide à les mettre en place. Cette obsession portée à la libéralisation du marché à et la flexibilisation du monde du travail se traduit inévitablement par une haine exacerbée envers ceux qui s’y opposent, qu’ils soient politiciens de gauches, syndicalistes, ou encore grévistes. On trouve parmi eux Brice Couturier qui n’hésite pas à affirmer ouvertement qu’il « roule pour Macron » et que la France est un pays qui penche bien trop à gauche. C’est d’ailleurs un autre point commun entre tous ces éditorialistes, persuadés de vivre entourés de gauchistes, voire même dans « la dernière nation communiste de la planète » selon Franz-Olivier Giesberg. Habité par une détestation hallucinée de la CGT et une hantise maladive de la dépense publique (sauf lorsqu’elle va a des entreprises qui l’emploient), FOG se montre intarissable sur la nécessité d’assouplir le « droit social » et sur le coût de notre système de protection. Idem en ce qui concerne Jacques Julliard, partisan d’une « gauche modérée » et d’un « capitalisme réel et assumé ». Car oui, certains de ces éditocrates se targuent d’être de gauche (ou plutôt d’avoir « une sensibilité de gauche), et ne voient aucune contradiction entre leur supposé positionnement politique et le discours, au mieux conservateur, au pire réactionnaire, qu’ils tiennent en permanence.



Parmi la brochette de portraits proposés, il en est deux qui se distinguent sur le sujet, à savoir ceux de Jean Quatremer, correspondant de Libération à la Commission européenne, et Arnaud Leparmentier, correspondance à New York pour le journal Le Monde. Comme beaucoup de personnalités publiques aujourd’hui, tous deux ont la fâcheuse manie de publier abondamment sur les réseaux sociaux, et notamment twitter qui sert dans le cas présent autant à leur autopromotion qu’à en découdre avec leurs détracteurs, quitte à user de l’insulte pour couper court à un échange lorsqu’un internaute les met face à leurs contradictions. Fans de Macron, Europhiles acharnés pour qui, comme le résume fort bien le journal Le Plan B : « toute réussite s’explique par l’Europe, tout échec est imputable au manque d’Europe, toute réussite et tout échec appellent davantage d’Europe. », Leparmentier et Quatremer sont, sans surprise, partisans d’une libéralisation renforcée du marché et d’une flexibilisation accélérée du monde du travail. Le Smic est trop haut, les indemnités chômage trop longues, les mesures de protections sociales inutiles et coûteuses, la fiscalité accablante pour les plus riches… : on connaît le refrain, et ces deux là le chantent ad nauseam depuis des décennies.



Plantu se révèle lui aussi particulièrement virulent sur le sujet, multipliant notamment les dessins soulignant la proximité du rouge/brun, à savoir de l’extrême-gauche (dont la définition donné par Plantu se révèle particulièrement large) et de l’extrême-droite. Les extrêmes se rejoignent, Mélenchon vaut Le Pen… : là encore, on connaît le refrain. Chez Plantu, la haine de tout ce qui peut s’apparenter à une volonté de lutter pour plus de justice sociale et de meilleures conditions de travail se manifeste évidemment également par une abondance de caricatures péjoratives, voire carrément insultantes, de grévistes et de syndicalistes. L’illustrateur n’hésite pas, par exemple, à faire une parallèle odieux entre des grévistes d’EDF et des tortionnaires en Irak, ou à affubler des grévistes d’Air France de symboles nazis et à les dépeindre en ivrognes sanguinaires. Il n’est toutefois pas le seul à mêler ainsi régulièrement ses deux obsessions, Franz-Olivier Giesbert n’ayant pas hésité il y a quelques années a comparer Daech et la CGT, deux « ennemis de l’intérieur » pour la France. Il fallait oser !



Le discours de tous ces éditorialistes a également pour point commun de fustiger un certain type de féminisme, jugé trop radical ou aux méthodes déraisonnables, voire même d’estimer que la société dans laquelle nous vivons n’a rien d’inégalitaire pour les femmes et que, quand bien même ce serait le cas, tout serait finalement pour le mieux. Jacques Julliard est ainsi le premier à déplorer la perte de repères provoqués par la remise en cause du patriarcat, quand Eric Zemmour dénonce la « dévirilisation du monde » et insiste sur le rapport entre pouvoir et virilité. Elizabeth Levy ne tarit pas non plus sur les dérives du féminisme d’aujourd’hui, à commencer par le mouvement #Metoo qui n’aurait pas participé à libérer la parole des femmes mais plutôt à les cantonner dans un rôle de victime tout en réduisant les hommes à de dangereux obsédés. Les accusations d’agression sexuelles ne deviennent intéressantes pour Elisabeth Lévy que lorsqu’elles visent… des migrants ou des musulmans ! Elle est rejointe en cela par Valérie Toranian qui affiche un féminisme de façade, brandit comme faux-nez du racisme. Pour Mona Chollet, « elle a largement contribué à forger ce que beaucoup considèrent aujourd’hui comme « le » féminisme : soit l’idéologie de la bourgeoisie blanche qui s’inquiète d’avoir pris un kilo, se bousille les pieds et le dos sur des talons de quinze centimètres, admire les Femen après avoir admiré Ni putes ni soumises, considère Nicolas Bedos ou Raphaël Entoven comme des amis des femmes, mais regarde avec commisération ou hostilité celles de ces concitoyennes musulmanes qui, n’ayant pas la chance d’être aussi libérées qu’elles, ont choisi de porter le foulard. » Et de résumer, « en un mot comme en cent, [pour Valérie Toranian] le féminise n’a plus de raison d’être, sauf à Kaboul et à Trappes. »



Parmi les nombreux points communs présents dans la plupart des discours des personnes portraiturées ici, on retrouve aussi le recours fréquent à des parallèles pour le moins douteux, généralement avec l’Allemagne nazie ou le totalitarisme stalinien. Jacques Julliard est notamment particulièrement friand des amalgames et raccourcis renvoyant au nazisme, puisqu’il n’hésite pas à comparer le féminisme américain à la solution finale, ou encore la candidature de Mélenchon en 2012 et la ferveur qu’elle suscite aux engouements collectifs du IIIe Reich et du totalitarisme soviétique. Zemmour se livre, lui aussi, à de nombreuses comparaisons de ce type, dépeignant l’antiracisme actuel comme le communisme du XXIe, usant des mêmes méthodes totalitaires, ou rapprochant la dénonciation de leur agresseur par des femmes victimes de violence de la dénonciation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Tous ou presque ont également pour point commun de se présenter comme victimes de la bien-pensance, qui exercerait sur eux une censure contre laquelle ils entendent, courageusement, se défendre. Tant pis si la contradiction entre la supposée censure dont ils seraient victimes et leur surexposition médiatique saute aux yeux : l’important, c’est de répéter partout qu’on « ne peut plus rien dire ». Dans le registre, Eric Zemmour, chroniqueur régulier à RTL2, au Figaro, sur Cnews, et même, fut un temps, sur France 2, est un spécialiste, de même que sa complice Elisabeth Lévy, elle aussi présente dans quantité de médias, radios et chaînes de télé aussi bien que presse papier ou en ligne.



A la lecture de tous ces portraits, une autre similitude saute immédiatement aux yeux : l’entre-soi dans lequel baignent tous ces éditocrates. L’exemple le plus marquant est sans doute celui de Franz-Olivier Giesbert, dont on peut trouver les avis dans le Point, la Provence (dont il fut le directeur éditorial), le Nouvel Obs’ ou encore le Figaro, et dont la femme n’est autre que Valérie Toranian, ancienne de « Elle » qu’il a rejoint en 2015 au comité de rédaction de « La Revue des deux mondes », dont elle est désormais la directrice. Revue propulsée sur le devant de la scène médiatique au moment de l’affaire Fillon, puisque c’est pour elle que Pénélope Fillon aurait rédigé des articles pour la coquette somme de 100 000€ sur un an et demi. Revue dont le propriétaire n’est autre que Marc Ladreit de Lacharrière, ami proche du couple FOG/Toranian qui compte également parmi sont entourage Bernard Tapie et... François Fillon ! Autant de personnalités à qui il réserve des articles laudateurs dans les différents journaux dans lesquels il intervient. On retrouve sensiblement la même chose avec Jacques Julliard qui, à travers les chroniques détaillées de ses journées qu’il a jugé bon de publier (si, si), révèle la porosité des liens entre politiques et journalistes, dînant tour à tour chez Sarkozy, BHL, DSK et Anne Sinclair, Olivier Duhamel ou encore Vincent Bolloré et Jean-Luc Lagardère. Un entre-soi manifeste qui n’empêche pas Jacques Julliard de fustiger la perte de contact des élites avec le peuple...



Parmi les cibles favorites de ces brillants éditocrates, on peut enfin mentionner l’école (et par extension les enseignants, ces fainéants payés à rien faire et qui remplissent la tête des enfants de propagande pro LGBT et/ou islamogauchiste). Cette fois, c’est Natacha Polony qui sort du lot, tant il est vrai que sa seule et unique année d’enseignement fait d’elle une experte sur le sujet. Intervenant dans quantité de médias, à commencer par Marianne, dont elle est désormais la rédactrice en cheffe, ou encore sur BFM (dans une émission qui porte carrément son nom), mais aussi sur le service public (elle livre un édito chaque semaine sur Franceinter), elle a créé en 2016 le Comité Orwell, un think-tank souverainiste, et est la première à s’inquiéter du déclin de l’école et des ravages du « puerocentrisme », tous deux imputables à la main mise sur l’institution du courant « pédagogiste ». Elle déplore également la perte du roman national et soutient le réseau « Espérance banlieues », à l’origine de la création dans des « quartiers sensibles » d’écoles privés hors-contrat qui visent justement à remédier au mal qui, selon l’éditocrate, est en train de ronger l’école publique (amusons-nous au passage : le réseau a pour fervent défenseur… le ministre de l’éducation national, j’ai nommé Mr. Jean-Michel Blanquer !).



Proposant dix nouveaux portraits d’éditorialistes en vogue dans notre paysage médiatique, les auteur.e.s de ce petit essai mettent en lumière le profil similaire de ces « éditocrates » (origines bourgeoises, situés à droite, voire à l’extrême-droite sur l’échiquier politique, capables de parler de tout et n’importe quoi, présents (parfois simultanément) dans la plupart des grands médias) et surtout la similitude de leur discours. Les musulmans, les féministes, les migrants, les syndicalistes, les grévistes, les gens de gauche… : les cibles de leurs diatribes sont toujours les mêmes, et leurs « analyses » sont, elles aussi, globalement identiques. Il est frappant de constater à la lecture de ces portraits la radicalisation et la droitisation du paysage médiatique français, un milieu dans lequel on cultive l’entre-soi et où l’on se plaît à sans arrêt tordre la réalité pour la faire correspondre à une idéologie réactionnaire dont les musulman.es et les travailleurs et travailleuses mobilisé.es sont les premiers à faire les frais. Le cauchemar continue, oui, et il n’est pas fini !
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Ecole publique et émancipation sociale

A travers cet essai, l'auteur retrace l'historique de l'Education Nationale en montrant les différents partis pris des hommes concernant l'enseignement, de la Révolution française à nos jours.

Laurence de Cock, non sans plaisir, fait dans ce livre, un réquisitoire contre la politique de Blanquer et fait un éloge de l'enseignement comme il devrait être.
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Les pédagogies critiques

La saveur de la fabrique collective de savoirs



Dans son introduction, Irène Pereira souligne les spécificités des pédagogies critiques, leurs liens avec la transformation sociale. L’autrice parle, entre autres, de Paulo Freire, de la question des opprimé·es, de Célestin Freinet, de la question de l’émancipation, des traditions de pédagogies émancipatrices en France ou des nouvelles pratiques à l’étranger, de la récupération néolibérale de thématiques issues de l’éducation nouvelle…



Les pédagogies néolibérales ne visent ni à l’émancipation des individu·es ni à favoriser la critique sociale. Bien au contraire, il s’agit de rendre chacun·e responsable de son unique et narcissique devenir, dans la négation des rapports sociaux et des dominations, du caractère imbriqué et systémique de ceux-ci.



Pédagogie critique, pédagogie féministe, « Les approches de pédagogies féministes s’attachent en particulier à permettre aux filles d’exprimer leur expérience d’oppression, d’augmenter leurs capacités d’agir ou encore de réguler les interactions sexuées dans la salle de classe », biais interprétatifs susceptibles de masquer d’autres savoirs, rappel du caractère non-neutre de l’éducation, curriculum caché, éducation populaire, expériences inspirées du community organizing, posture d’allié·e, faire avec et non à la place des élèves, alliance et coalition, espace non-mixte et espace inclusif…



« la pédagogie critique permet d’aider les apprenants et les apprenantes à mieux s’approprier des courants théoriques critiques qui peuvent constituer des armes intellectuelles pour analyser le monde ».



L’autrice indique que le principal objectif de ce livre est « de contribuer à remettre la question de la transformation et de la justice sociale au cœur de la réflexion sur l’école », de lutter « contre le silence qui a peu à peu recouvert les enjeux d’égalité et d’émancipation dans le domaine scolaire ».







Table des matières



Irène Pereira : Introduction



1. Gauthier Tolini : Célestin Freinet et Paulo Freire, des pédagogies de transformation sociale



2. Irène Pereira : Panorama international des pédagogies critiques



3. Groupe « Traces » : Qu’est-ce qu’une pédagogie féministe ?



4. Laurence De Cock : Faut-il décoloniser l’enseignement de l’histoire ?



5. Jean-Yves Mas : La récupération néolibérale des pédagogies alternatives



6. Adeline de Lepinay : L’éducation populaire



Laurence De Cock : Conclusion







Célestin Freinet, Paulo Freire, les processus de recherche, l’idéologie de la « neutralité » comme forme politique inavouée, la permanence de l’aujourd’hui « à laquelle se réduit le futur déproblématisé », le caractère intrinsèquement politique de l’éducation, l’école comme lieu d’apprentissage et d’expérimentation de la démocratie, les expériences concrètes, les lieux et les conditions de vie des enfants, les activités de libre expression, la compréhension critique des causes des difficultés…



Une petite cartographie et présentation des pédagogies critiques, ne pas en rester au relations inter-personnelles mais prendre en compte les rapports sociaux de pouvoir qui structurent la société, l’imbrication des dominations, les lectures critiques du monde, la mise à jour des privilèges et des « évidences » qui les fondent, la critique des normes et de leur naturalisation, le questionnement sur l’universel et le « de tout temps », l’hétéro-normativité, le privilège blanc, l’euro-centrage du monde, le mythe de la culture de la pauvreté, l’environnement conçu comme système, les allié·es possibles…



J’ai particulièrement été intéressé par l’article sur la pédagogie féministe, les rencontres « des étapes d’un cheminement nourri de vécus de femmes, de violences sexistes, des questionnements que pose la pratique d’enseignement-animation-formation par rapport à la pensée féministe », l’articulation de la théorie à la pratique, la pensée de l’espace et de sa répartition sexuée, la dé-masculinisation du langage, les inégalités en termes de parole, la prévention des violences sexuelles, la différenciation des contacts physiques agréables et voulus ou pas, les jouets socialement genrés et les jeux absents de la maison, l’identification et la nomination des émotions, la construction du sentiment de légitimité…



Les linéaments du colonial dans les rapports sociaux contemporains, les justifications de la colonisation, la racialisation des rapports sociaux, les colonisé·es « de leur point de vue et non seulement comme celui de simples agents aliénés par la situation coloniale », les connaissances « non-occidentales » et leur dimension universelle, l’enseignement de l’histoire comme une longue continuité mythique, les fins patriotiques et identitaires, la fabrication de l’histoire et le projet national-républicain, les dépossessions et les occultations, la construction de l’altérité – hier biologique, aujourd’hui culturelle -, les liens entre question migratoire et coloniale, les rapports de domination et leurs fondations coloniales…



L’éducation populaire, les pratiques pédagogiques pour adultes, l’action transformatrice, nos auto-limitations, nos auto-censures, « Les outils peuvent aider mais aucun outil ne provoque, par le simple fait qu’on l’utilise de la conscientisation et du passage émancipateur à l’action »…



En conclusion, Laurence De Cock souligne la vitalité internationale des réflexions sur la pédagogie critique, ce qui aide à fissurer « le noyau universel républicain que d’aucuns et d’aucunes imaginent comme éternel, incréé, échappant aux vicissitudes de l’histoire » ou les normes autoproclamées soi-disant garantes du maintien d’un certain ordre – qu’il soit nommé républicain ou libéral. Derrière le « développement personnel » néo-libéral, se cache bien un projet social et politique fait de concurrences et d’inégalités. Le gavage n’est pas une posture d’apprentissage émancipateur, la critique et l’« administration de la preuve » participent des apprentissages raisonnés de savoirs. « Contre la naturalisation des inégalités et pour l’émancipation collective, tel est le défi d’une pédagogie résolument critique pour laquelle ce livre a posé quelques jalons »



Je n’ai abordé que certaines des questions traitées. Et au delà de vocabulaires ou de formules qui me paraissent discutables, une invitation aux débats pour se construire et permettre à chacun·e de se construire.



Les possibles émancipateurs nécessitent que chacun·e puisse participer et agir dans des expériences collectives. L’émancipation ne peut-être qu’une auto-émancipation pas un octroi. Les pédagogies critiques participent de ce projet.




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Sur l'enseignement de l'histoire

Pour une histoire émancipatrices loin des geôlier·es du roman national



« l’histoire est une « passion française » comme en témoigne les innombrables usages et mésusages dont elle fait l’objet ». Dans son introduction, Laurence De Cock souligne, entre autres, la spectacularisation du passé, l’utilisation du « roman national » dans les campagnes électorales, les liens tissés entre l’histoire et certaines conceptions de la nation.



« Ce sera l’un des objets de cet ouvrage que de comprendre la genèse et l’institutionnalisation de cette croyance dans les vertus de l’enseignement du roman national, mais aussi de saisir la nature et les finalités des débats autour de cette question ». L’autrice parle des pratiques enseignantes, « nous travaillons à partir d’une matière première qu’il nous est possible de transformer tant que l’on ne nous en dépossède pas ».



Dans les premiers chapitres, l’autrice revient sur les transformations du système scolaire, l’alphabétisation, la moindre scolarisation des filles, la prise de conscience de la responsabilité étatique, la loi Falloux de 1850 replaçant l’école sous le contrôle de l’Eglise, les lois Ferry…



Laurence De Cock aborde, entre autres, la sélectivité, l’élitisme, la méritocratie, la concurrence permanente, l’uniformisation de l’enseignement secondaire des filles et des garçons en 1924, le minimum à connaître ou la « culture de base ».



Elle analyse l’écriture de l’histoire au XIXème siècle et l’invention du roman national, « la légitimation d’un existence nationale s’inscrivant dans une épaisseur historique », les constructions du passé, les fabrications de des imaginaires historiques, les formes interprétatives de l’histoire, les réflexions sur « les finalités de l’histoire » et de son enseignement, les phénomènes de déconfessionnalisation et de dépolitisation, la place d’Ernest Lavisse, les pédagogies au fil du temps, la « scolarisation de l’histoire sainte », l’histoire et la morale, l’histoire comme trame providentielle, les légitimations de l’ordre social, l’« approche concentrique de l’histoire de France », la mise en ordre chronologique, les cycles bornés par des marqueurs chronologiques, la place des images, l’anachronisme comme stratégie pédagogique, les vecteurs « de fabrication d’un sentiment national et patriotique », l’histoire enchantée qui relève plus de la fiction que des réalités passées…



L’autrice examine ce qui se passe dans les classes, les écarts entre les « directives » et les réalités scolaires ou les pratiques des enseignant·es, les leçons de choses, le rôle des émotions, les vertus civiques, la mémorisation et les manuels, les pédagogies, la volonté d’« homogénéiser la culture nationale », la « congruence chronologique entre la construction d’une école commune et l’expansion coloniale »…



Elle souligne que Jules Ferry est autant « un théoricien de la mission civilisatrice dans les colonies que de la généralisation de l’instruction ».



L’école commune signifie aussi la volonté d’éradiquer les langues régionales et les divers patois. Ici il fallait convaincre de l’unité de la République. Ailleurs, « des bienfaits de la présence coloniale et de la mission civilisatrice »…



Si le secondaire fut d’abord au service de la reproduction des élites et en particulier de sa partie mâle, dès le début du XXème siècle, un certain élargissement, une certaine démocratisation se produit… accompagnée d’un apprentissage des périodes les plus récentes, « une manière d’insister sur la dimension utilitaire de l’histoire scolaire » en regard du monde contemporain…



Sans m’y attarder, je souligne les évolutions de la démocratisation scolaire, les critiques et inflexions de l’historiographie dominante, l’installation de routines professionnelles, « Une discipline scolaire est née, avec ses codes, ses rites et ses acteurs »…



Dans le second chapitre « Fissures et contestations du roman national, réécritures et expérimentations pédagogiques : 1945-fin des années 1970 », Laurence De Cock souligne la rupture que constitue la guerre, « L’école est interpellée à l’échelle de tous les acteurs de la guerre pour comprendre à la fois le rôle qu’elle a pu jouer dans cette banalisation et consensualisation de croyances et convictions criminelles ». Des interrogations sur l’antisémitisme et le nationalisme, donc sur les classifications raciales ,mais moins sur le colonialisme et j’ajoute rien sur le masculinisme…



Refonte de l’école républicaine, revalorisation de l’école primaire, légitimation du courant des Annales, rénovation des programmes d’histoire-géographie, changement des rythmes scolaires, introduction de nouveaux éléments, nouvelles pédagogies, quelques expérimentations, influence de l‘Education nouvelle, sensibilisation à la compréhension des faits historiques et à la prise de conscience du temps et de la durée, enseignement des civilisations (le programme de Fernand Braudel de 1957), débats sur les pratiques pédagogiques, multiplication de l’usage de matériel diversifié, sensibilisation à l’histoire locale… L’autrice analyse les débats, les expérimentations, les possibles et les résistances, les contradictions aussi entre les discours et les pratiques. Elle souligne les bouleversements de la sociologie des élèves et des enseignant·es d’histoire, les impacts de la massification de l’école.



J’ai notamment été intéressé par les passages sur la critique de l’institution et de l’enseignement, les positions par exemple de Suzanne Citron, « Elle appelle, pour finir, à une véritable rupture, en cessant de raisonner à partir des contenus mais en fonction des besoins des enfants et des adolescents, en procédant par objectifs généraux en coopération avec l’ensemble des disciplines » ou du groupe Enseignement 70.



L’apprentissage de l’histoire devrait permettre, entre autres, d’exercer une distanciation, de comprendre l’altérité induite par la différence temporelle, de penser l’historicité, d’appréhender les différences d’échelles et le temps long…



1968, « il est ridicule d’en faire l’acte de naissance de l’effondrement d’un système, autant il est exagéré de croire que l’école a attendu mai 68 avant de se réformer », la critique du cloisonnement disciplinaire, les propositions lycéennes, les travaux pratiques, la formation méthodologique, les débats sur l’actualité, démocratisation et émancipation, les activités dites d’« éveil », chronologie et thématique, les traces historiques, la naturalisation des faits, le plaisir…



« La massification scolaire ne va pas naturellement de pair avec la démocratisation ; des régulations sont nécessaires et la réécriture des programmes en est une ».



Dans le troisième chapitre, « Politisation, mise sous surveillance de l’enseignement de l’histoire et résistances routinières : des années 1980 aux années 1990 », Laurence De Cock aborde, entre autres, la ritournelle « on n’enseigne plus l’histoire à nos enfants », la « culturisation » de la question de l’immigration, les constructions essentialisantes autour de l’« altérité culturelle », la critique de l’école comme critique de sa démocratisation, l’ampleur des interventions sur l’apprentissage de l’histoire, (« la mise sous surveillance de l’histoire scolaire tant d’un point de vue médiatique que politique »), les textes clairement orientés « vers la préférence nationale », la place à accorder à « l’étude des cultures étrangères, surtout méditerranéennes », les changements de programme, la classique présentation de la citoyenneté adossée à la République, l’articulation entre enseignement de l’histoire et de l’éducation civile, le « virage normatif, nationalo-centré et focalisé sur l’adhésion aux valeurs républicaines » (par ailleurs jamais explicitées et souvent violées par ceux-mêmes qui les brandissent comme un étendard), « Matière à scandale, matière thérapeutique pour soigner tous les maux de la société, la discipline historique devient le spectacle des angoisses des uns et la solution miracle des autres », les évolutions pédagogiques et des relations entre enseignant·es et élèves, l’histoire comme « demande sociale », le rôle de la télévision, l’histoire vulgarisée, les enjeux mémoriels, la redéfinition de l’histoire politique, les réflexions historiographiques portant « sur l’articulation entre l’histoire et la mémoire », les émanations de l’extrême droite et en particulier du Club de l’Horloge, la perception des ruptures socio-économiques…



Je souligne le traitement des « possibles non advenus », le travail sur les archives, la tentative d’une « histoire régressive et critique », la remise en question de la linéarité des enchainements, les propositions de manuel unique…



« Les pressions mémorielles, les concurrences disciplinaires, la dimension thérapeutique ou encore la mutation du monde éditorial scolaire ne vont cesser de s’amplifier dans la période suivante jusqu’à aujourd’hui ».



Le quatrième chapitre est consacré à « Une histoire scolaire sous pression politique et sociale des années 2000 à nos jours ». Laurence De Cock analyse l’insistance sur « la vocation identitaire et patrimonial », les appels à commémorations l’ethnicisation des discours politiques, l’enseignement de l’extermination des Juifs (dans l’oubli souvent de celui des rroms…). L’autrice souligne à très juste titre : « Le poids moral de ce sujet est si fort qu’il peut empêcher l’historicisation ». Les programmes empêchent de travailler sur les origines et les modifications de l’antisémitisme dans la durée.



J’ai été particulièrement intéressé par le chapitre sur l’enseignement des faits religieux et les liens faits avec la laïcité ou la culturalisation d’enjeux politiques, Les débats publics sur ces sujets sont souvent caricaturaux et concourent à légitimer les violences racistes et la stigmatisation des jeunes dits des quartiers. D’autant que comme l’indique l’autrice l’enseignement du fait colonial reste une sorte de tabou, « La colonisation a été l’oeuvre de la République avec un sytème colonial fondé sur le principe d’inégalités juridiques entre les hommes, de la domination et de l’usage légitime de la violence ». Nous n’en avons ni fini avec cette république coloniale ni avec le parti colonial et sa défense des soit-disant missions civilisatrices… Pour celles et ceux qui en douteraient, les événements – dont le refus de l’autodétermination des populations colonisée , par exemple, en Kanaky ou à Mayotte en disent très long. La colonisation a été et reste un élément structurant des constructions institutionnelles.



L’autrice réinterroge quelques unes des propositions des nostalgiques de l’ordre historique, dont les manuels comme « outils d’endoctrinement » (les doctrinaires sont toujours les autres, mais bien sûr pas celles et ceux qui défendent la naturalisation des constructions sociales et historiques, la grandeur de leur civilisation, les justifications des inégalités ou la religion du tout marché !). Il ne faut par ailleurs pas oublier que le marché éditorial scolaire est totalement privatisé. Il convient donc d’étudier les réalités des manuels, leurs usages par les enseignant·es ou les élèves, les pratiques scolaires réelles et leurs contradictions.



L’autrice insiste sur les polémiques récentes, le recyclage de critiques anciennes et récurrentes, la sanctification de la chronologie – code de ralliement à une certaine vision de l’histoire – ou mantra pour signifier que « le pouvoir des grands ordonne l’histoire », le centrage sur l’unique France et son roman national, cette France soit-disant « toujours déjà là » comme l’écrivait Suzanne Citron, le nationalisme rance et ses ennemis intérieurs, l’affirmation décomplexée de la « supériorité civilisationnelle de l’Europe »…



Laurence De Cock propose ensuite « Quelques lignes de fuite pour une histoire scolaire émancipatrice ». Des réflexions sur une histoire « qui agirait comme tremplin d’un rapport critique au monde d’abord, puis d’une prise de conscience des élèves de leur place à occuper en tant qu’acteurs de ce même monde ».



Ouverture pluriculturelle, prise en compte de la didactique, activités intellectuelles nécessaires à l’apprentissage de l’histoire : « la mise en relation, l’interprétation et la généralisation », principe actif de la connaissance et compréhension de l’histoire…



Je souligne les propositions du collectif Aggiornamento histoire-géographie, dont par exemple, des programmes plus souples dans leurs libellés, les changements d’échelles, « pour des variations des échelles géographiques, du local au mondial, permettant de décentrer les regards », le travail sur l’historicité, le prisme des relations entre les femmes et les hommes « une grille de lecture obligatoire de l’ensemble des thématiques abordées », une plus forte présence d’une histoire économique et sociale, une histoire de l’humanité, l’intérêt pour les formes d’enseignements de l’histoire-géographie de part le monde, le questionnement rigoureux de l’épistémologie et de ses finalités, un projet plus global de refondation de l’école et des autres disciplines scolaires, la réhabilitation du « potentiel mobilisateur dans l’accompagnement d’une responsabilité politique au présent et à l’avenir », la conscientisation des rapports de domination, l’apprentissage à « sélectionner, agencer, interroger », l’importance de la formulation des questions – des pourquoi -, la distinction entre fiction et histoire, l’apprentissage du doute, la non-linéarité du passé et les possibles arborescences, les réflexions raisonnées, la place de l’« ordinaire », l’inclusivité…



En conclusion, Laurence De Cock revient sur le « dispositif malsain de politisation et d’éditocratie », les historien·nes de garde, les entrepreneur·es de réaction, les gardien·nes de tradition, les imaginaires historico-lyriques, la mise en spectacle… Elle prône « une histoire émancipatrice, débarrassée de ses oripeaux identitaires ou de sa surcharge morale et civique ; une histoire au service d’un monde plus juste et égalitaire, bâti par des acteurs et actrices anonymes, animés par la conviction qu’ils et elle sont un rôle à y tenir, eux aussi ».



Reste une question, pourquoi ne pas avoir utilisée une écriture plus inclusive ? – le point médian, l’accord de proximité, pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes.
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Explorateurs de l'Histoire : Pourquoi a-t-o..

Un ouvrage très instructif sur la création de l'école ''gratuite'' sous Jules Ferry.

On suit, comme toujours, Sara et Jules et Eole en 1881.

Pourquoi l'école est-elle obligatoire ?



Une histoire basée sur des faits réels et sur des écrits historiques. Un beau résumé sur la vie au 19ème siècle. Une leçon de morale et d'humanité sur des questions sociétales encore aujourd'hui présentes dans certains pays.
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Christophe Colomb a-t-il vraiment découvert l..

Une lecture agréable et très instructive.

Comment était tellement Christophe Colomb ?

C'est ce que Sara et son petit frère Jules se demandent.

En regardant la télévision, ils voient des personnes déboulonner des statues du célèbre navigateur. Mais pourquoi ?



Eole, leur baby sitter, a un don extraordinaire. Il fait partie des passeurs du temps. A l'aide de son carnet, il peut noter une date et se rendre à l'époque souhaitée. N'est ce pas incroyable ?



Découvrir l'histoire à travers des enfants, c'est tellement ingénieux et pédagogique. Quoi de mieux que de vivre réellement une époque pour comprendre les réactions du monde actuel ?



Et bien voilà, Christophe Colomb était, au-delà d'être un excellent navigateur, un homme égoïste, violent, autoritaire et j'en passe. L'appât du gain, la recherche de la notoriété ainsi que l'attente constante de l'approbation des rois et des reines d'Espagne ont eu raison de lui.



Un histoire simple, fluide et pédagogique. Une bonne manière de faire découvrir l'histoire aux plus jeunes.
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Christophe Colomb a-t-il vraiment découvert l..

Un gros coup de cœur pour ce nouvel opus de la collection "Explorateurs de l'Histoire" des éditions Nathan. Dans ce titre, deux petits héros, Sara et Jules, ainsi que leur babysitter enquêtent sur le vrai rôle de Christophe Colomb.

Nous avons particulièrement aimé :



- les deux petits héros et leur baby-sitter, qui sont extrêmement attachants. Leur aventure est jalonnée par des rencontres, par des événements réels ou imaginés, destinés à saisir la singularité d'une époque et à trouver des réponses aux questions qu'ils formulent.



- l'idée très pertinente de Passeur de Temps, qui permet de rendre l'Histoire attractive.



- l'histoire qui est extrêmement bien construite, avec un langage claire, précis, aisément compréhensible et qui permet d'apprendre énormément de choses, l'auteure ne cédant rien aux exigences de la connaissance historique.



- le bonus "Dis, Monsieur l'historien" qui se compose d'un dossier de 4 pages où le lecteur peut trouver des réponses à ses questions qui lui sont données par Patrick Boucheron, professeur au collège de France.
Lien : http://lescoupsdecoeurdecmet..
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Paniques identitaires

Identit(é)s fantasmée(s) ou figée(s) : le refus de l’égalité et de la liberté





Dans leur introduction,Laurence De Cock et Régis Meyran reviennent sur des emportements médiatiques autour du burkini, d’une rixe entre deux bandes rivales sur la plage de Sisco, des affirmations autour du « pays menacé dans son identité », de prises de positions des un-e-s et des autres sur l’« ordre », la « laïcité », les « valeurs de la République » et parlent de « panique identitaire ».



Pour les auteur-e-s, la « panique identitaire » est un cas particulier de « panique morale ». Ce concept a été élaboré par Stanley Cohen qui « définit la panique morale par la forte préoccupation de l’opinion publique (mesurable par des sondages) vis-à-vis d’un groupe dont le comportement est vu comme une menace pour les valeurs de la société ou pour l’existence même de cette société ». « Panique morale » qui nécessite comme porte-voix, des « entrepreneurs de morale » sorte de nouveaux croisé-e-s modernes ou de Don Quichotte…



Elle et il proposent une définition : « La panique identitaire, qui met en jeu à la fois les représentations de soi d’un groupe social – sa supposée identité, pensée de façon essentialiste et culturaliste1 – et la perception que ce groupe a d’un autre groupe social – pensé lui aussi de façon essentialiste et culturaliste, présenté comme une menace et dès lors diabolisé. » Ici le groupe « inquiétant » est le plus souvent « les musulmans », celles et ceux qui ne sont pas « blanc-he-s », « chrétien-ne-s », « de souche ».



Quelques remarques personnelles sur ces sujets.



Ces « entrepreneurs de morales » créent à la fois le « problème » et le « groupe » source assigné au problème. Dois-je souligner, que nul-le individu-e ne peut être réduit à une seule « détermination », que celle-ci soit la couleur de peau, la religion supposée (et supposée identique pour toutes et tous les membres du groupe ainsi inventé/constitué), l’origine, les pratiques sexuelles, etc. ?



Chacun-e naît en un lieu, un « pays » au hasard de l’habitation de ses parent-e-s et en devient, éventuellement, citoyen-ne par des législations… cela ne dit que peu de chose, voire rien, sur la personne, son devenir, ses possibles… La même chose prévaut pour un éventuel rattachement à un espace religieux, jamais réductible à « une » religion, et susceptible de multiples interprétations et pratiques.



Mêmes les bureaucrates nazis, malgré d’âpres discutions, ont du recourir à d’étonnants arbitrages pour définir ce que pourrait-être un « Juif ». Aucune définition identitaire, essentialiste ou culturaliste ne permet de fournir une réponse. Celle-ci pour exister implique toujours un choix politique.



Par ailleurs, je rappelle que si l’on ne naît pas « Z » mais qu’on peut le devenir, il reste possible de démissionner de cette attribution que d’autres vous octroient (Dans ma note de lecture de l’ouvrage de Shlomo Sand : Comment j’ai cessé d’être juif, j’avais écrit : « Ne pas accepter une « identité » octroyée, se libérer de « cette étreinte déterministe », ne pas accepter les mythologies construites pour l’étayer, ne pas passer sous silence les crimes commis en son nom, est un cri politique salutaire. Un cri souvent poussé par les dominé-e-s dans des rapports sociaux, enfermé-e-s dans des identités inventées – « La politique moderne des identités est faite de fils barbelés, de murailles et de barrages qui définissent et bornent des collectifs, petits ou grands » – pour mieux les essentialiser ou les naturaliser, pour justifier les ordres sociaux bénéficiant aux dominant-e-s ». je faisais aussi référence à « Refuser d’être un homme » de John Stoltenberg.

Ces remarques, d’autant plus que je reste dubitatif sur la notion même d’« identité » ne sont donc pas un pas de côté…



Donc, les auteur-e-s « supposerons ici qu’une panique identitaire est causée par un groupe donné qui diffuse dans l’espace public un mélange de faits discutables et d’idéologies, avec l’objectif plus ou moins explicite de canaliser les peurs des individus, dans le but de convaincre le plus grand nombre de rejoindre leur groupe. Cette démarche est appuyée par des entrepreneurs identitaires qui entretiennent ainsi une croisade identitaire, à laquelle on peut supposer qu’ils croient à des degrés divers ».



Elle et ils abordent, entre autres, ces « paniques identitaires », les « nouveaux régimes de vérité », des « théories du complot », les ennemis imaginaires, les groupes « bouc émissaire », la fédération d’« individus autour d’une appartenance identitaire figée, fermée, pure et fantasmatique (par exemple, la nation, vue comme ethniquement et culturellement homogène) et éventuellement d’un chef providentiel qui incarne le peuple et parle en son nom – ce dernier point étant commun avec la logique des vieux fascismes et systèmes autoritaires du XXe siècle ».



Laurence De Cock et Régis Meyran analysent « l’histoire longue des figures françaises de l’altérité », les reconfigurations racistes d’« un nouvel ennemi prototypique et chimérique » après les décolonisations et l’arrivée massive de travailleurs venant du Maghreb, la renaissance de l’antisémitisme, les nouvelles figures stéréotypées : « Le jeune à capuche ou le barbu islamiste (tous les deux potentiellement djihadistes). Surtout, une autre figure occupe désormais toute la place médiatique, celle de la femme musulmane. »



Les « paniques » ne sont pas des nuages flottants dans la nébuleuse des craintes, des rêves ou des cauchemars, de simples idées, des constructions mentales. Outres qu’elles ont des effets matériels, elles participent bien des rapports sociaux, « cet opus a pour vocation de fournir des outils intellectuels directement transposables dans l’engagement – qui nous semble urgent – contre le discrédit de justes causes et contre la banalisation des rhétoriques et pratiques du pouvoir autoritaires dont le contexte récent des dramatiques attentats terroristes semble masquer le danger pour la démocratie »



Les auteures proposent de multiples champs de réflexion sur le racisme, les discriminations de genre, l’immigration, les obsessions, le culturalisme, les enjeux mémoriels, le color blindness, l’imbrication des dominations… et présentent brièvement les différents textes du livre.



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Sommaire :



Introduction, par Laurence De Cock et Régis Meyran



« Malaise identitaire » contre « affirmation identitaire » : les usages du mot « identité », par Régis Meyran



1968 ou le début de la fin. Catastrophisme anticontestataire et contre-sens identitaire, par Ludivine Bantigny



Le roman national au cœur des paniques identitaires, par Laurence de Cock



Le discours du « communautarisme », une logique de la guerre identitaire, par Fabrice Dhume



Le bon genre de l’identité nationale, par Fanny Gallot



L’insécurité culturelle : usages et ambivalences. Notes critiques à propos du livre de Laurent Bouvet, par Klaus-Gerd Giesen



Paniques identitaires, paniques territoriales : une spatialisation des crispations identitaires, par Cécile Gintrac



La diversité « à la française » ou la tentation d’une égalité sous conditions de performance identitaire pour les « non-frères », par Réjane Sénac



Panique sécuritaire et panique identitaire : quelques usages de « l’insécurité », par Laurent Mucchielli



L’ Algérie à Cologne, par Jocelyne Dakhlia



J’ai choisi de m’attarder sur l’introduction. En ne prenant que certains éléments traités dans les textes, je voudrais en discuter certaines facettes, quitte à m’éloigner de la thématique centrale de l’ouvrage. Je ne reviens pas sur les quelques remarques déjà exprimées.



Il faut faire la différence entre l’auto-nomination soit une « identité revendiquée » et l’assignation par d’autres et donc une « identité imposée ». Contre les assignations, les auto-définitions des populations et des personnes se sentant concernées sont en effet importantes, (voir les propositions d’auto-définition, « What is this person’s race ? » dans des formulaires de recensement aux Etats-Unis, un exemple est donné dans le livre de l’Union juive française pour la paix : Une parole juive contre le racisme.

Mais que nomme vraiment cette « identité » ? Une assignation, son refus, un retournement de stigmate, une référence au passé, une tension vers le futur ? Quoiqu’il en soit, une expression toujours partielle de soi.



Combinaison de dimensions variables, inscrites dans un temps historique plus ou moins épais, les identités ne sont ni uniques ni figées. Quant à l’extension/attribution d’une identité à un groupe, quel qu’il soit, la chose en devient plus hasardeuse…



Nommer dans l’imbrication des rapport sociaux et des dominations, c’est toujours prendre en compte – même dans sa négation – la division et la hiérarchisation. Hier, la matrice des rapports sociaux de racisation relevait, le plus souvent, d’une fantasmatique notion de « race » aux pseudo-fondements biologiques, aujourd’hui certain-e-s voudraient imposer une version, le plus souvent culturelle (avec des variantes religieuses ou non, des orientations liées à la descendance ou à l’origine socio-géographique, etc.). Il s’agit toujours de hiérarchiser des individu-e-s en groupe désigné… comme communauté à l’« identité » particulièrement identitaire.



En passant, un grand silence est imposé sur les « communautés » majoritaires, celles qui servent de « référence » dans cette construction socio-idéologique. Trois exemples : le masculin qui incarnerait le neutre dans l’invisibilité ou la spécification des femmes, la peau blanche comme sans couleur contrairement aux autres pigmentations, l’hétérosexualité comme sexualité légitime ; sans oublier ces prolétaires qui semblent avoir disparu-e-s…



A cela, il faut aussi ajouter, comme présents et non comme traces effaçables du passé, hors des éclosions du messianisme républicain ou de l’universalisme abstrait, les manifestations polymorphes des dimensions nationalitaires de minorités « extra-territoriales » ou de personnes aux attachements pluri-nationaux. (Didier Epsztajn, Patrick Le Tréhondat, Patrick Silberstein : « Avant-propos » à la réédition de la Question des nationalités d’Otto Bauer, aux éditions Syllepse – mise en ligne prochainement sur ce blog). Dit autrement : des groupes de personnes ayant de manière plus ou moins étendue et contradictoire une expérience sociale partagée.



Quelque soit la position prise sur ces sujets, nous restons loin de la liaison entre « identité » et « nation » ou Etat et « valeur », caractérisation de la « France », de la « République ». République qui n’est pas sociale, malgré les révolutions de 1793 ou de 1848 ; République à l’étendard de « liberté, égalité, fraternité » mais où le sacro-saint droit de la propriété lucrative écrase et nie les autres droits ; sans oublier que ce qui semble faire la fierté des nouveaux « identitaires » a été conquis par des luttes, arraché à tous les réactionnaires, aux défenseurs intransigeants de « valeurs » exclusives : droit de vote – longtemps resté masculin, malgré sa caractérisation d’universel et toujours nationalitaire privant ainsi des millions de citoyen-ne-s résident-es de ce droit, Code du travail pour limiter la subordination des travailleurs et des travailleuses, droit à la contraception et à l’avortement, dépénalisation de l’homosexualité et droit au mariage non lié à une forme particulière de sexualité, etc.



Leur « perte d’identité », leur « panique identitaire » ont avant tout comme base(s) les avancées de l’égalité des droits, de l’égalité – contre la prétention confiscatoire d’une communauté auto-proclamée référencielle -, de l’égalité et de la liberté de toutes et tous…



Combattant les avancées sociales et les droits obtenus, les un-e-s regardent la période d’avant Mai 68 avec « une certaine mélancolie pour l’ordre ancien », dénient la place d’une gigantesque grève de salarié-e-s – celle qui posait d’une certaine façon la question du « pouvoir ouvrier ». D’autres, parfois les mêmes, nous inventent un « roman national » écrit par des vainqueurs, une histoire « reposant sur une ligne du temps chronologique, linéaire et progressiste, jalonnée et rythmée par des grands personnages et des événements considérés comme significatifs et objets de fierté » et oublieuse des femmes, des esclaves, des colonisé-e-s, des minorités, des ouvrier-e-s, de toutes celles et tous ceux – la majorité de la population – qui justement ne sont pas « significatifs/significatives »… Un roman de la France éternelle, toujours existante – même avant son invention ou sa construction – dans une continuité mythique (En complément possible, Suzanne Citron : Le mythe national, L’histoire de France revisitée.

Certain-e-s semblent omnibulé-e-s par des communautés – mais bien évidemment pas par les leurs -, un « communautarisme » jamais défini mais considéré comme incompatible avec le creuset fantasmatique de la « nation » française, oubliant bien vite les rapports sociaux et les rapports de domination qui fractionnent réellement un « ensemble » déterminé par les institutions et où l’adhésion des un-e-s et des autres ne semble pas requise mais « naturellement » acquise par le fait de naissance et parfois par les naturalisations… Ainsi nous naîtrions identitairement constitué-e-e !



Il y aurait donc des éléments sains et d’autres « étrangers » au corps identifié France. Il y aurait des « pratiques françaises » et d’autres de « populations minoritaires » ; car il faut bien « maintenir le monopole du groupe majoritaire sur la définition de l’ordre de la Cité » qui ne relèverait pas de choix citoyens et politiques mais d’une essence transcendantale a-historique !



Du communautarisme à l’insécurité, de l’insécurité à la guerre des civilisations, le chemin construit d’« un discours de la guerre ouvrant une incrimination et une prohibition visiblement sans fin », d’une « racialisation de l’identité nationale », dont je souligne, comme l’écrit un des auteurs le point primaire d’invention : « la croyance dans l’exceptionnalité d’une nation qui s’imagine être le point d’articulation de la civilisation ».



Et lorsque cette exceptionnalité revendiquée se fait sur les droits des femmes, l’égalité soit-disant déjà-là, l’absence de sexisme et d’hétéro-sexisme de la société française, l’absence des violences et des viols au sein des familles, la non-différence des rémunérations, le beau partage des tâches domestiques, la parité en politique et en responsabilité, la laïcité mais sans liberté de conscience et de pratique, y compris dans l’espace public… sa traduction réelle est une altérité des un-e-s en regard d’une autre altérité fantasmée et mensongère. (En complément possible, Christine Delphy : Un universalisme si particulier. Féminisme et exception française (1980-2010).

Les nouveaux identitaires mettent en avant des questions dites culturelles soit-disant indifférentes aux questions sociales. Les réalités sociales sont résumées à un découpage spatial des groupes sociaux, une invention « sociologique » de classes moyennes à l’extension sans borne, un « aplatissement du monde au profit de quelques catégories », une survalorisation d’éléments réduisant des personnes à leur ascendance, leur passé (réel ou imaginaire), leur pensée ou pratique « religieuse » – particulièrement pour les immigré-e-s (dont celles et ceux français-e-s considéré-e-s comme pas tout à fait français-e-s) ou pour l’islam, alors que la montée des fondamentalismes touche tous les corpus de religion (catholicisme, évangélisme, autres chrétientés, judaïsme, hindouisme, islam, etc.), un déterminisme « religieux » remplaçant le déterminisme « racial » difficile aujourd’hui à revendiquer…



Au delà des points commentés, chacun-e pourra trouver des pistes de réflexion, des invitations à agir contre ces paniques identitaires construites à l’ombre des politiques néo-libérales et d’une certaine forme de mondialisation, de la dégradation des conditions de travail et du vivre ensemble, du régime de la « concurrence libre et non faussée » entre individu-e-s seul-e-s responsables de leur situation – comme hors de tous rapports sociaux et de l’histoire… Il ne faut pas s’y tromper la montée des « identités » est aussi un effet de l’individualisation narcissique ou de la guerre de toustes contre toustes prônée par le néolibéralisme, la méritocratie et la concurrence. A l’opposé des valeurs discriminatoires, nationales ou non, religieuses ou non, nous pouvons opposer l’égalité et la liberté pour toutes et tous, la mise en commun de pratiques historiques et sociales diversifiées, dans le respect de l’égalité et des droits de toustes – de tous les droits, faut-il le préciser… Ce qui nécessite des combats politiques, la construction de nouvelles formes institutionnelles prenant en compte les choix et les formes de sociabilité auto-définies et choisies par les un-e-s et les autres, etc.
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Dans la classe de l'homme blanc

Interrogations sur une dimension spécifique d’un programme scolaire



En introduction, Laurence De Cock parle, entre autres, des débats sur le passé colonial, des tensions identitaires, de l’école, « En France, l’école est l’un des objets privilégiés de controverse. L’enseignement de l’histoire y occupe en outre une place telle que les débats autour des contenus d’enseignement y sont réguliers et tendus, nous le verrons en détail », des espaces politiques et des programmes, « Nous touchons ici du doigt l’objet de ce travail, qui consiste à interroger cette progressive problématisation et politisation d’un contenu scolaire devenu l’un des révélateurs des tensions entre l’école, la société, la République et la nation »…



Je souligne les « quelques éléments d’auto-analyse », le passé colonial au miroir du métier d’enseignante et de formatrice, l’immigration, la lutte antiraciste, l’engagement, « Cette question de l’engagement et de son articulation avec la production scientifique est aussi au cœur de mon travail » ou dit autrement « L’objectivation des engagements est donc une première étape de leur mise à distance sans sombrer dans l’illusion de la neutralité axiologique »…



L’autrice explique « Le fait colonial et son enseignement », le projet colonial constitutif de la construction nationale, l’écriture du roman national, le mode de relations asymétriques et d’inégalité juridique, les regard européo-centrés, une certaine conception de l’universalisme abstrait, les immigrations, les cirricula d’histoire…



Sommaire



Le fait colonial comme question vive : hypothèses et méthodes de travaillais



L’altérité culturelle dans la crise dans la « crise de l’enseignement de l’histoire » des années 1980



Une nouvelle place pour le passé colonial dans les cirricula ?



Le fait colonial : un enjeu civique en tension



La mémoire de la guerre d’Algérie : un problème public (1990-2000)



L’enseignement de la guerre d’Algérie : un objet d’intervention politqiue



La réécriture du fait colonial dans les programmes



Les années 2000 : exacerbation des débats sur le lien entre passé colonial et immigrationsDe nouveaux cadres pour penser l’enseignement du fait colonial



Tentatives controversées et échec final d’un nouveau récit scolaire postcolonial



« J’avais conscience que ma perte de mémoire avait effacé tout rapport à ma propre personne, mais cette altérité si radicale, qui surgissait dans ce que mon moi-même avait de plus fondamental, m’était très difficile à vivre ; j’habitais un étranger. » (Patrick Chamoiseau, 2012)



En conclusion, Laurence De Cock revient, entre autres, sur la distorsion entre « une directive européenne très libre sur les problématiques coloniales et le continuum et les résistances en France face à ces catégorisations corrélant l’immigration et la colonisation de façon parfois anhistorique », les conditions d’émergence et de publicisation de ces questions comme problème public, les configurations mémorielles, les finalités contradictoires de l’enseignement de l’histoire coloniale, des non-dits et des tabous, la « nature spécifique d’un programme scolaire », le curriculum réel et le curriculum caché, les déplacements entre « le prescrit, le transmis, le reçu, l’approprié et le restitué »…



Une remarque, il a fallu des années pour que soit reconnu la guerre d’Algérie. Cette notion reste un euphémisme. Il s’agit de la guerre menée par l’Etat francais contre le peuple algérien dans sa lutte pour la décolonisation et l’autodétermination. Une violation du droit des peuples à décider eux-mêmes, une violation du droit international, sans oublier les crimes de guerres. Sans oublier non plus ce parti colonial dont les membres sont toujours honorés, dans les livres d’histoire et la topologie des villes (rues, places, etc.). Sans oublier les confettis de l’empire. Une insulte contemporaine à tous les peuples.



Je ne suis ni historien ni enseignant. Je ne sais comment le fait colonial pourrait être abordé dans les écoles. Une chose est cependant sûre, pas au nom des fantasmagories de l’unité nationale, des soi-disants interêts de la France.



Il faut a minima faire discuter autour du droit des peuples et des individus, de la colonisation comme négation de la liberté des un·es pour le bénéfice d’autres, des crimes commis par l’armée « française » et des hommes politiques qui ont décidé, soutenu, voté les crédits pour la conquête, les massacres, la soumission et le refus de la décolonisation… Sans oublier celleux qui ont contribué à la falsification de l’histoire.



Ce livre permet d’aborder ces sujets, de questionner les comment, de rendre mémoire aussi aux enfants des colonisé·es, des victimes et aussi des criminels. (sur ce dernier point, en complément possible, Sabine Moller, Karoline Tschuggnall, Harald Welzer : « Grand-Père n’était pas un nazi ». National-socialisme et Shoah dans la mémoire familiale). Il invite à débattre d’une reconfiguration des disciplines historiques dans les écoles, de ce qui est enseigné et de quelle manière.



Si nous ne sommes pas coupables des crimes de l’Etat où nous sommes né·es, nous avons bien une responsabilité sur ce qui est aujourd’hui raconté, enseigné, falsifié ou nié.



L’histoire sans les populations, sans les résistances aux projets de domination, sans les colonisé·es, sans les femmes (la majorité de la population), n’est pas l’histoire mais une conception étriqué des passés, un mensonge idéologique, un frein à la compréhension des phénomènes sociaux et une barrière à l’émancipation à construire par et pour chacun·e…
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Explorateurs de l'Histoire : Pourquoi a-t-o..

Sara et Jules partent pour une nouvelle aventure sous la vigilance bienveillante d’Eole, le Passeur de Temps. Jules ne souhaite plus aller à l’école. C’est l’occasion rêvée pour découvrir pourquoi et par qui l’école est devenue obligatoire. Direction la fin du 19eme siècle pour participer à la classe de l’époque. Une découverte pour les deux jeunes enfants du 21eme siècle. Classes séparées, discipline stricte, mais une volonté du professeur de faire participer le plus grand nombre car c’est la clef de l’éducation. Sara, mais surtout Jules, vont vivre une expérience riche en rencontres et en émotions. Ces explorateurs nous enchantent par les thèmes abordés et par la qualité de l’écriture. C’est divertissant, riche et descriptif de moments oubliés, mais bien réels et qui font ce que nous sommes aujourd’hui. Une aventure destinée aux plus jeunes, mais qui pourra éclairer les plus expérimentés. Un récit aussi agréable que réussi paru aux éditions Nathan.
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Explorateurs de l'Histoire : Pourquoi a-t-o..

Alors qu’il s’arrache les cheveux sur ses devoirs, Jules, 8 ans, prend une décision : il n’ira plus jamais à l’école. De toute façon, les mathématiques, ça ne sert à rien, tout le monde le sait ! Sa sœur, amusée, pose la question à leur baby-sitter Éole : pourquoi a-t-on inventé l’école ?

Le Passeur de Temps leur propose un nouveau voyage : direction 1881, l’année où l’école est devenue gratuite et obligatoire



Un roman anti fake-news qui rend l’Histoire accessible et attrayante pour les enfants de 8 ans et plus.



Mon avis :



Jules et sa sœur se demandent pourquoi ils sont obligés d’aller à l’école… une question que se posent beaucoup d’enfants ! Ils vont faire un voyage dans le passé pour trouver la réponse en se plongeant au cœur de l’année 1881.



Les plus :



le roman répond de manière précise mais adaptée au lectorat à une question qu’on entend souvent : pourquoi je dois aller à l’école ?

le vocabulaire est adapté
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Explorateurs de l'Histoire : Pourquoi a-t-o..

Un gros coup de cœur pour cet opus, d'une toute nouvelle collection des éditions Nathan, écrit par l'historienne Laurence De Cock, qui a pour objectif de faire aimer l'Histoire aux enfants, mais également de les faire rêver et de les faire réfléchir.
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Manifs et Stations - le Métro des Militant-E-S

Déjà le titre m'a séduit.

Et que dire du sous-titre "l'anti-métronome", qui me ravit !

Désolé @Lorànt Deutsch mais je suis foncièrement anti-royaliste (même si en 2020, un "roi de circonstance" est au pouvoir).



Bon, pas besoin de propos liminaires, je suis un rouge teinté de noir.



Communiste ?

Si nous parlons des biens communes, alors oui sans aucune hésitation.

Mais, si nous parlons de Trotski ou Lénine, alors non.



Anarchiste ?

Oui, en partie.



Mais revenons au titre !



Anecdote personnelle, j'ai quitté (et bien m'en a pris !) Paris début 1996, après la grande grève de 1995.

J'habitais Yerres et était en mission à Charenton-le-pont mais aussi en audit à Garges-les gonesses.

Je venais au travail vers 5h30 (avec un pote imprimeur) et repartais chez moi vers 21h (avec un autre pote, vétérinaire à Maison-Alfort).

La boîte qui employait mes compétences d'expert IT m'avait accordé la semaine de 3j (merci à eux... Banques Populaires, pour les citer).

J'ai toujours été en soutien avec le mouvement, même si j'ai déploré l'individualisme du tout-venant des usagers (RER/RATP).



Bref, revenons à ce titre.

Bien sûr, je suis comme un "poisson dans l'eau" dans ces histoires de révoltes ou simples rébellions.

Les autrices sont d'excellentes passeuses de savoir ! Sisi !

Leurs expertises teintent mes pauvres connaissances ;-)



Et mon côté Monk (ce besoin de noter, tracer les liens entres les acteurs et les événements) a été très efficacement réduit grâce au site https://maitron.fr/



Bref, 24 ans après mon exil de Paris, cette balade, via le métro, dans la capitale m'a procuré un réel plaisir (et remonté des souvenirs joyeux).

Aucune envie de revenir de manière pérenne dans cette ville, mais dans mes visites ponctuelles, ce titre sera dans ma mémoire (voire ma poche).



Merci sincère aux autrices

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La fabrique scolaire de l'histoire

Focaliser sur les questions que l’histoire permet de poser plutôt que sur les réponses



Je souligne d’abord la belle préface de Suzanne Citron, « Pesanteurs er frustration autour de l’histoire scolaire ». L’auteure y parle de sa relation à l’histoire et à son enseignement, « Depuis, je n’ai jamais cessé d’interroger cette histoire que j’ai à mon tour enseignée, scrutant ses montages, ses usages politiques, et réfléchissant en retour à une histoire commune débarrassée de ses avatars mythologiques ». Elle aborde, entre autres, les représentations immuables découpant le passé en tranches, l’histoire éclatée, l’histoire des mentalités émiettant le réel, le retour d’« une histoire nationale plaçant la France au centre du monde », la « mémoire brisée » des enfants de l’immigration, l’urgence d’une « histoire multidimensionnelle », les légendes scolaires de la IIIème République…



Suzanne Citron reste convaincue « qu’un récit campé sur l’hexagone et déroulé comme une succession linéaire de souverainetés et de pouvoirs ne saurait être la matrice d’un regard lucide et responsable sur la France du XXIe siècle ». Elle y oppose la défense d’« un récit pluriel, une francité inscrite dans le monde, métissée et généreuse, ajustée à la réalité sociologique, économique, écologique d’aujourd’hui ».



L’auteure parle aussi des discours de droite et de gauche sur une République au-dessus de tout soupçon, de l’école républicaine qui n’a jamais été égalitaire, d’un autre imaginaire historique…



Dans son avant-propos, Laurence De Cook nous rappelle qu’« il n’y a pas de descente directe des savoirs historiques de l’université à l’école ; il y a des montages, des interventions diverses sur la chaîne qui relie la production historique à son appropriation par les élèves ». Elle fait un retour, entre autres, sur la première édition de l’ouvrage, la récusation « du cours d’histoire idéal et réussi », la période sarkozyste, les débats sur l’identité nationale, la question des modalités et des finalités de l’écriture des programmes scolaires, les acteurs et les actrices impliqué-e-s dans les processus de redéfinition, l’impossibilité d’évoquer les enjeux scolaires « sans passer par une analyse de nature politique », la dénaturalisation nécessaire des contenus d’enseignement, les premiers programmes d’histoire de l’école publique et la fabrication du « consensus civique et patriotique », les débats sur la chronologie, les récits lisses et bien ordonnés, la « multiplicité de nos pratiques routinières », l’histoire transformée en « un objet frénétique de consommation sur le registre de la pensée magique », la puissance des arguments-poncifs, « le rapport au passé des élèves reste confiné par la matrice socialement majoritaire du récit national-républicain », les manières de lutter contre le complotisme, la « saveur des savoirs » selon la belle expression de Jean-Pierre Astolfi, cité par l’auteure…



Sommaire :



Les programmes d’histoire à l’épreuve des réformes et des pratiques

Programmes d’histoire : un consensus impossible ? Patricia Legris

L’histoire au service de l’éducation civique : la permanence d’une ambition à l’école primaire Géraldine Bozec

Des minorités qui bousculent : l’histoire scolaire entre récit national et politiques de la reconnaissance

L’enseignement du fait colonial entre universalisme républicain et mémoires singulières Françoise Lantheaume

Multiculturalisme et grand récit national : aux Etats-Unis, l’histoire scolaire sous tension Samuel Kuhn

La liberté comme solution ? Un exemple d’histoire de l’immigration en EMC Véronique Servat

Jalons pour une approche renouvelée des objets de l’histoire scolaire

Le Monde pour horizon, et tant d’histoire à enseigner Vincent Capdepuy

L’angle géopolitique et ses impasses Vincent Casanova

Le Besoin de savoir, l’urgence de la critique

L’injonction ou le travail critique. Comment déjouer le complotisme en classe ? Servane Marzin

Retrouver le projet d’une école permanente : misère et refondation nécessaire de la formation continue Hayat El Kaaouachi

Regarder et comprendre le monde par l’histoire, nouvelles perspectives didactiques Charles Heimberg



Je n’aborde que certaines analyses.



Le premier chapitre « se propose de montrer comment l’ouverture du processus d’écriture de ces textes, associé à la segmentation qui frappe la discipline et le corps enseignant depuis les années 1950, ou encore le contrôle à des degrés divers mais constant par le politique rendent de plus en plus difficiles les possibilités d’une écriture pacifiée des programmes et l’émergence d’un consensus ».



A l’école primaire, l’histoire a longtemps au service de l’« éducation civique ». Géraldine Bozec aborde, entre autres, la construction d’« une histoire nationale en partie mythique », l’héroïsation de personnages historiques, du centrage sur le cadre national, du mythe d’« une France « pays des droits de l’homme » », du caractère homogénéisant de l’histoire enseignée, des migrations réduites aux « grandes invasions », du primat donné au pouvoir central au détriment des diverses entités régionales, du peu de présence des minorités religieuses, de l’idée d’« une exception politique française »…



Elle parle aussi de sensibilisation des élèves sur différents points, comme « à la valeur de l’égalité et à la commune appartenance de tous à l’humanité », des registres émotionnels et moraux, de la place réduite de l’histoire dans la formation des professeur-e-s des écoles, de donner intérêt et faire sens, « Mais encore faudrait-il que cette histoire soit élargie dans les savoirs qu’elle délivre et les questions qu’elle pose pour le présent… »



« Le projet scolaire de la IIIe République est en entreprise d’homogénéisation tant nationale que politique et civique ». Une façon bien républicaine-à-la-française de combattre la « mosaïque culturelle » et de freiner l’« élaboration d’un récit polyphonique » (Sur ce sujet, voire le positionnement autrement plus émancipateur d’Otto Bauer dans La question des nationalités). D’où, dès le second empire, des textes prescriptifs, la forme traditionnelle du récit national-républicain, l’invisibilisation des acteurs et des actrices sociales – « mais aussi des gens ordinaires, et plus encore des acteurs porteurs d’héritages culturels a priori exogènes aux critères d’une identité nationale en construction » et des femmes, une définition exclusive d’un « universel républicain dont le propre est de permettre le dépassement des appartenances identitaires par la mobilisation de la citoyenneté par essence corrélée au droit et aveugle aux particularisme » (Une citoyenneté masculine, n’incluant pas les populations colonisées, ni les résident-e-s d’autres nationalités).



J’ai notamment apprécié les chapitres sur « L’enseignement du fait colonial entre universalisme républicain et mémoires singulières » et sur « Multiculturalisme et grand récit national : aux Etats-Unis, l’histoire scolaire sous tension ». Les études comparatives sont instructives et indispensables pour comprendre les inventions particulières, les constructions institutionnelles et culturelles, ces façons « nationales » de conter le temps passé – entre dénis, fantasmes et choix idéologiques…



L’histoire de l’immigration. Comme le souligne Véronique Servat, « Le fort potentiel heuristique et transdisciplinaire de cet objet d’étude justifie à lui seul sa présence dans le cours d’histoire-géographie-éducation morale et civique » (Wikipédia : En histoire, l’heuristique désigne la science qui permet à l’historien de chercher, de découvrir, de sélectionner et de hiérarchiser les documents qu’il utilise pour son travail de recherche). La place de l’enseignement des questions économiques et sociales est réduite en regard de la priorité traditionnelle donnée aux régimes politiques et aux conflits. Si aujourd’hui le fait colonial est présent dans les programmes (sous des formes plus que discutables), l’histoire de l’immigration « n’apparait que furtivement et fait l’objet d’une récurrente marginalisation »…



L’auteure développe une proposition pour enseigner l’histoire de l’immigration au collège (recherches permettant aux élèves de « poser des exemples concrets sur les notions et le vocabulaire spécifique du cours », exemple de mise en commun, retour sur la Marche pour l’Egalité, décloisonnement des disciplines, liberté pédagogique contre le carcan constitué par « les prescriptions programmatiques et la litanie de textes d’accompagnement qui vont avec »)



Dans la troisième partie, les auteur-e-s traitent des « Jalons pour une approche renouvelée des objets de l’histoire scolaire ». Histoire globale, « ne pas limiter l’enseignement de l’histoire aux frontières », processus de construction du « Monde », migrations préhistoriques, empires mongols « au centre du système-monde eurasiatique entre la fin du XIIe siècle et le début du XVe siècle », histoire coloniale incluant les USA et le Japon comme puissances colonisatrices, prise en compte de la Vision des vaincus suivant le beau titre d’un ouvrage de Nathan Wachtel, entrée dans l’Anthropocène, histoire régionale et macro-régionale, horizon mondial commun, décloisonnement des champs d’étude, conjugaison entre passé et présent ou espace et temps, « ce prisme en contexte scolaire conjugue de manière très spécifique le passé et le présent, l’espace et le temps, dans une démarche où l’aboutissement est toujours postulé dans les origines (c’est ce qui est parfois dénoncé sous le terme de « téléologie ») et où le futur possible est toujours supposé (soit une vision déterministe) » (Sur la linéarité inventée et la notion d e progrès, il convient de lire ou relire les thèses de Walter Benjamin sur le concept d’histoire).



Vincent Casanova aborde, entre autres la conception continuiste de l’histoire, la production d’un récit linéaire de causalités, l’héroïsation de protagonistes, l’absence de prise en considération des contradictions et des dynamiques traversant les sociétés, la logique téléologique du « comment on en est arrivé là », l’effacement des hommes et des femmes et leurs trajectoires sociales, les trajectoires « incarnées, contraires et contrariés », le découpage en États-nations et la réification des territoires et des populations comme des entités closes sur elle-mêmes, « Introduire un peu de socio-histoire, c’est-à-dire une histoire qui se soucie des logiques de construction des institutions et des rapports entre individus à celles-ci, une histoire où le pouvoir n’est pas un donné mais une relation, aurait pourtant l’avantage de rappeler que les choses ne sont pas automatiquement réglées et prédestinées, que l’histoire ne suit pas une flèche dont on connaît la direction »



Dans la dernière partie, « Le Besoin de savoir, l’urgence de la critique », il est question d’épistémologie propre à la discipline historique, de déjouer les scénarios de complot, de pluralisme de pensée, d’interrogations sur les corrélations entre les concepts, du sentiment libérateur de la satisfaction cognitive, d’école permanente et de formation des formateurs/formatrices, de savoir historique scolaire, de sens critique, de comparaison et de périodisation, de ruptures et de continuités, de l’histoire des « univers mentaux », d’intégration du point de vue des vaincu-e-s, de « savoirs savoureux »…



Le titre de cette note est inspiré de l’introduction de la quatrième partie du livre.



Reste que pour écrire « une histoire scolaire faisant place à toutes les composantes d’une société plurielle sachant les rassembler autour d’un rapport critique et confiant au savoir » (quatrième de couverture), cela implique d’intégrer le prisme du genre – de prendre en compte la majorité de la population mondiale, les femmes, ces grandes oubliées de toutes les histoires…



Un livre pour toustes, pas seulement pour celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire et son enseignement. Pour ce libérer des carcans et des prêts-à-penser…
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Christophe Colomb a-t-il vraiment découvert l..

Sara et Jules partent à l'aventure grâce à Eole, un Passeur un peu atypique qui les conduit dans le passé qu'ils revisitent pour mieux comprendre la grande Histoire. Les enfants se voient donc téléportés sur la caravelle de Christophe Colomb, le 15 juin 1502, pour élucider un mystère : ce dernier a-t-il réellement découvert l'Amérique ? Ce petit roman historique pour les enfants est aussi savoureux qu'intelligent. Laurence De Cock apporte une véritable caution scientifique à ce texte très documenté tout en se mettant à hauteur d'enfant. Le style est fluide, très dialogué, avec un vocabulaire spécifique savamment distillé. Les deux enfants sont très attachants et cela rend l'intrigue d'autant plus prenante. Les dernières pages documentaires apportent un contrepoint explicatif intéressant à la fiction proposée. Un roman délicieux à découvrir pour faire de "Grandes découvertes" pendant les vacances... Un vrai coup de coeur !
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