[RARE] LI PO Une Vie, une uvre : Ivre sous la lune (France Culture, 2007)
Émission "Une Vie, une uvre" par Lydia Ben Ytzhak, consacrée à Li Po ou Li Bai, sous-titrée « Ivre sous la lune », diffusée le 4 février 2007 sur France Culture. Invités : Fernand Stocès, Françoise Wang, Hoai Hong Aubert-Nguyen, Wing-Fong Leung et Dominique Hoizey.
Pensée dans une nuit tranquille
Devant mon lit clarté lunaire
Est-ce du givre couvrant la terre ?
Levant la tête, je vois la lune ;
Les yeux baissés : le sol natal
Traduit par François Cheng
Un jour de printemps,
le poète exprime ses sentiments au sortir de l’ivresse
Si la vie est comme un grand songe,
A quoi bon tourmenter son existence !
Pour moi je m’enivre tout le jour,
Et quand je viens à chanceler, je m’endors au pied des premières colonnes
A mon réveil je jette les yeux devant moi :
Un oiseau chante au milieu des fleurs ;
Je lui demande à quelle époque de l’année nous sommes.
Il me répond : A l’époque où le souffle du printemps fait chanter l’oiseau.
Je me sens ému et prêt à soupirer,
Mais je me verse encore à boire ;
Je chante à haute voix jusqu’à ce que la lune brille,
Et à l’heure où finissent mes chants, j’ai de nouveau perdu le sentiment de ce qui m’entoure.
Libation solitaire au clair de lune
Parmi les fleurs un pot de vin !
Je bois tout seul sans un ami.
Levant ma coupe, je convie le clair de lune ;
Voici mon ombre devant moi : nous sommes trois.
La lune, hélas ne sait pas boire ;
Et l'ombre en vain me suit.
Compagnes d'un instant; ô vous la lune et l'ombre !
Par de joyeux ébats, faisons fête au printemps !
Quand je chante, la lune indolente musarde ;
Quand je danse, mon ombre égarée se déforme.
Tant que nous veillerons, ensemble égayons-nous ;
Et, l'ivresse venue, que chacun se retourne.
Que dure à tout jamais notre liaison sans âme :
Retrouvons-nous sur la lointaine Voie Lactée !
La Montagne de la porte céleste
Comme un sabre,
Le fleuve Ts'ou a fendu la montagne.
Cette jonque d'or, là-bas, sur le fleuve... Non
C'est la lune qui se lève
L’ivresse venue, nous coucherons sur la montagne nue
Avec le ciel pour couverture et la terre pour oreiller.
LES DEUX FLÛTES
Un soir que je respirais le parfum des fleurs,
Au bord de la rivière,
Le vent m'apporta la chanson d'une flûte lointaine.
Pour lui répondre, je coupai une branche de saule,
Et la chanson de ma flûte berça la nuit charmée.
Depuis ce soir-lâ, tous les jours,
À l'heure où la campagne s'endort,
Les oiseaux entendent répondre à leur chant,
Celui d'un oiseau inconnu
Dont ils comprennent cependant le langage.
SI LA VIE EST UN SONGE
Si la vie est un songe
A quoi bon me tourmenter
Je puis m'enivrer sans remords
Et si j'en viens à tituber
Je m'endormirai sous le porche de ma demeure
A mon réveil un oiseau chante parmi les fleurs.
Je lui demande quel jour nous sommes.
Il me répond : au printemps,
la saison où l'oiseau chante !
Je me sens étrangement ému
Et prêt à m'épancher.
Mais je me reverse à boire
Et je chante tout le jour
Jusqu'à ce qu'apparaisse la lune du soir.
Et quand mes chants se taisent
Je n'ai plus conscience de ce qui m'entoure.
Bleue est l'eau et claire la lune d'automne.
Nous cueillons dans le lac du Sud des lis blancs.
Ils paraissent soupirer d'amour
remplissant de mélancolie le cœur de l'homme dans la barque.
Vous me demandez quel est le bonheur suprême ici-bas ? C'est d'écouter la chanson d'une petite fille qui s'éloigne après vous avoir demander son chemin.
DIALOGUE EN MONTAGNE
On me demande pourquoi j'habite la montagne de jade
Je ris alors sans répondre, le coeur naturellement en paix
Les fleurs de pêchers s'éloignent ainsi au fil de l'eau
Il est un autre ciel, une autre terre que parmi les gens