Je savoure le calme qui règne dans mon refuge sous les toits. La solitude est sécurisante. Elle m’enveloppe de certitudes. Ainsi, je ne crains pas les autres, ni de me sentir rejetée, humiliée, mal jugée, blessée, déçue. Cloisonnée dans les méandres de mon for intérieur, j’erre, sereine. Et au sein de cette errance affective, j’ai le mérite d’être seule maîtresse à bord. Certes, ce n’est pas l’idéal, somme toute le moindre mal. Qui a décidé que l’effet de groupe était la normalité, d’abord ? Il est vrai que les êtres humains sont conçus pour vivre en société, les loups en meute. La différence, c’est que l’animal sauvage, lui, se meut à l’instinct, aux besoins viscéraux qui l’animent. Les hommes se soumettent consciemment aux préjugés, aux faux-semblants. Et quelque part entre la loi du plus fort et le paraître, il y a moi. Isolée volontaire, floue, mais pas perdue. Je m’accroche à ce roc qui me maintient debout : l’infime espoir. Dans mes heures les plus sombres, au bord du précipice de noirceur qui menace de m’engloutir, une faible lueur scintille au fin fond des abysses pour me rappeler que je ne suis pas encore morte. Pas vivante non plus.
- tu comptes marquer l'histoire toi ? Me moqué-je.
- ton histoire oui. Et si jy parviens je serais le plus heureux des hommes
Cupidon me décoche mille flèches en plein cœur tandis que ses joues rosissent. D'un coup, d'un seul, toutes mes barrières s'effondrent. Ma tour d'ivoire est prise d'assaut, ce que je pensais impossible s'avère réel.
— Will, je crois que je suis folle de toi, poursuit-elle. Je n'ai confiance en personne d'autre que toi pour me réparer.
Je crains que le baiser que je m'apprête à lui donner ne me fasse exploser en un million de particules d'amour. Pourtant, sans une hésitation, je me lance à la conquête de cet être humain hors du commun qui m'animera toute ma vie, je le sais, de cette même fougue que je me suis toujours refusé de vivre.
Il est si compliqué de faire confiance, de se livrer, de se foutre à poil et de conserver un semblant de dignité. J'ai toujours évolué soumise, pas vraiment éteinte, mais pas éclairée non plus. Introvertie, mais pas timide. Téméraire, mais pas intrépide. Trop souvent affectée par le jugement des autres.
Il est vrai que les êtres humains sont conçus pour vivre en société, les loups en meute. La différence, c'est que l'animal sauvage, lui, se meut à l'instinct, aux besoins viscéraux qui l'animent. Les hommes se soumettent consciemment aux préjugés, aux faux-semblants.
J’ai faim d’elle. J’ai soif d’elle. De toute urgence. La vie, c’est maintenant.
J'imagine que lorsque deux loups solitaires se croisent, ils se toisent et se reniflent un bon moment avant de faire route ensemble. Nous, humains, allons picoler pour accélérer le processus.
Mes sens sont en ébullition. Mon odorat s'enivre de son parfum indicible, coupé au malt ce soir. Ma vue se noie dans le lagon de ses yeux. Mes papilles salivent à l'idée de le goûter, tandis que mon toucher se perd timidement autour de sa taille. Et lorsque mon oreille frétille au son de sa voix rauque qui me chuchote : « Danse avec moi… pas ici sur du rock pourri, mais plus tard dans ta vie, accorde-moi une belle et longue danse », je craque irrésistiblement et me blottis dans ses bras forts et chauds.
— Nous ne sommes que des poussières dans l'Univers, Stan. Nul besoin de nous agiter dans tous les sens, de nous créer des problèmes, nous ne sommes rien.
— Au contraire, Lucie. Tu dois vivre, t'agiter, pleurer, rire, aimer, danser, tomber, te relever toujours avec la même ferveur. Quand nous disparaîtrons, nous serons poussière, mais pas avant d'avoir marqué l'Univers.
— Tu comptes marquer l'histoire, toi ? me moqué-je.
— Ton histoire, oui. Et si j'y parviens, je serai le plus heureux des hommes.