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Critiques de Lola Lafon (1376)
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Chavirer

Cléo a treize ans et vit à Fontenay-sous-Bois. Elle a un rêve, comme beaucoup d'autres jeunes filles : devenir danseuse. Elle va tomber dans les rets de Cathy, qui travaille pour une mystérieuse fondation Galatée et lui fait miroiter une bourse et une brillante carrière pour peu qu'elle satisfasse aux exigences d'un jury uniquement composé d'hommes vieillissants. C'est en fait un piège qui va se refermer sur elle et empoisonner toute sa vie. ● le projet de Lola Lafon est louable et son livre est écrit avec une très belle plume. Mais l'éclatement de la narration et de la temporalité est tel que le récit est très confus. de nouveaux personnages ne cessent d'être introduits, et l'histoire se recentre sur eux de façon très déconcertante, si bien que lorsqu'à la fin on revient sur Cléo pour enfin savoir ce qu'elle est devenue, on s'est lassé de ces détours et on n'a qu'une envie : arriver au terme de ce récit désordonné. le sujet du roman méritait un autre traitement.
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Chavirer

Depuis La petite communiste qui ne souriait jamais, je lis les romans de Lola Lafon avec attention et décidément, c’est un écrivain que j’aime ! Elle traite de thèmes qui ne sont pas toujours ma tasse de thé, à priori, mais auxquels elle parvient à donner une intensité qui vous tient captive, en haleine, thèmes qui sont toujours intégrés dans la société et répondent à vos questionnements.

Il en est ainsi pour « chavirer « .

J’ai d’abord eu peur du sujet découvert en lisant la quatrième de couverture : "1984. Cléo, treize ans, qui vit entre ses parents une existence modeste en banlieue parisienne, se voit un jour proposer d’obtenir une bourse, délivrée par une mystérieuse Fondation, pour réaliser son rêve : devenir danseuse de modern jazz. Mais c’est un piège, sexuel, monnayable, qui se referme sur elle et dans lequel elle va entraîner d’autres collégiennes."

Mais connaissant Lola Lafon, je savais que cela n’avait pas été choisi par opportunisme, à l’heure du mouvement du Me too,  mais parce qu’elle avait beaucoup à dire sur la question!

On lit toute la première partie du livre en apnée sans pouvoir refermer le livre. Il y est racontée le piège qui se referme sur la jeune fille et sur celles qu’elle entraîne avec elle. Alors que dès le début nous savons ce qui va se passer, une impression d’angoisse naît, liée à notre impuissance à arrêter ça ! « Ça »? le saccage de l’enfance, du rêve et de l’innocence.

Le roman pose le problème de la culpabilité. Quand cesse-t-on d’être une victime pour devenir coupable? C’est la question que toute sa vie Cléo se posera, elle qui a envoyé ses camarades de collège dans le piège, sachant ce qui allait leur arriver. Pourquoi les fillettes n’en ont jamais parlé ? Honte, peur d’être jugées, coupables quelque part de ce que « on » leur a fait subir.

Mais Lola Lafon montre aussi que ce sont les classe sociales modestes qui sont le plus touchées. Cléo a pour consigne de ne  viser que les enfants des milieux et des quartiers  populaires, dont elle fait partie elle-même  : le milieu social, les fins de mois difficiles, les problèmes d’argent, l’ignorance de la famille désarmée, l’impossibilité de s’attaquer à des hommes haut placés, puissants, riches, intouchables, l’acceptation aussi de certains parents comme seul moyen pour leur fille d’échapper à la misère sociale, le laxisme de l’époque vis à vis des prédateurs, ces hommes âgés qui font de bons « fiancés » argentés. Nous sommes dans les années 80.

Culpabilité, innocence individuelle mais aussi collective, et par delà ce thème celui du pardon. Cléo pourra-t-elle un jour être pardonnée et surtout se pardonner ?

La construction du roman qui ne respecte pas l’ordre chronologique  introduit tout une galerie de personnages qui croisent la vie de Cléo :  Yonaz son ami de collège, qui ne « veut pas être juif », Claude, son habilleuse, si proche d’elle, comme une seconde « maman » et qui pourtant la déçoit, Betty jeune danseuse noire, victime comme elle, Ossip son Kiné, Lara son amante…

Ces nombreux personnages sont autant de portraits individuels, intéressants en eux-mêmes, mais qui ont aussi une fonction narrative puisqu’ils qui reflètent comme dans jeu de miroirs multiples les différentes personnalités de Cléo et nous donnent des points de vue différents. Mais c'est parfois Cléo qui nous renvoie l'image des autres.

Et puis nous pénétrons dans le milieu de la danse, non celle du classique, celle qui se produit sur la scène de Garnier, adoubée par la bourgeoisie mais celle des plateaux télévisés de Drucker, des danseuses du Lido :   strings et  paillettes. La danse populaire, la danse méprisée par la « bonne » société !

Savez-vous que les danseuses du Lido sont d'excellentes danseuses qui ont des années de travail assidu derrière elles, souvent issues du classique, mais trop grandes pour interpréter le répertoire ? Elles sont traitées comme des objets, dans les mains des chorégraphes, des directeurs des revues, des décideurs de tout bord et parfois d’un certain public.  Un taxi vient les chercher à la sortie de leur loge pour les soustraire aux empressements de ces messieurs libidineux.  Si, en plus, elles sont noires, alors, elles ne peuvent prétendre à faire du classique ! Une sylphide ou une Gisèle pourrait-elle être noire ? 
Savez-vous qu’il n’y a jamais leur nom sur les programmes comme il est d’usage pour n’importe quel artiste ? qu’elles sont payées des clopinettes, qu’elles risquent leur place si elles se blessent et s'arrêtent, que leur sécurité n’est pas assurée! 

Lola Lafon, avec son style efficace, sensuel, réaliste et élégant à la fois, sait comme nulle autre nous montrer l’envers du décor, la souffrance sous le sourire obligatoire, les odeurs de sueur et de pommade de camphre, les irritations des aisselles, le sang sous les paillettes, tout un monde de faux-semblant dans lequel, toujours, les femmes sont des victimes. 

Et pourtant, l’amour de leur art les pousse à endurer la souffrance, à repousser les limites de leur corps pour un dépassement d’elles-mêmes avant que la désillusion, l’amertume, l’échec, les poussent au renoncement. 

Un beau roman, très bien écrit, riche en émotions ! Une des belles découvertes de cette rentrée littéraire 2020 !



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Chavirer

“Danser était apprendre à dissocier. Pieds poignards est poignets rubans. Puissance et langueur. Sourire en dépit d’une douleur persistante, sourire en dépit de la nausée, un effet secondaire des anti-inflammatoires.”



Au cours de Madame Nicole, Cléo apprend à plier son corps aux exigences de la danse. Elle découvre aussi que la grâce se mesure à l’aune du port altier des petites filles bourgeoises qui l’entourent, et qu’elle-même en est dépourvue, parole de professeure de classique. C’est devant la télé que sa vie bascule: Champs-Elysées, Drucker, des paillettes et des pirouettes. Elle débute le modern-jazz, et s’approprie un monde d’efforts, de joies et de contraintes loin de son quotidien morne à Fontenay. Un jour, une dame très élégante l’aborde à la fin du cours. Elle a flairé le potentiel de Cléo et veut la présenter à une bourse d’excellence. Follement éprise de cette ange gardien, Cléo se pare des chaînes que lui ajuste Cathy, jusqu’à devenir un maillon du réseau prédateur que la femme sert.



Derrière le fait divers, il est surtout question de rapports de domination. Salle de danse, patinoire, collège, les lieux les plus communs en sont d’emblée saturés. Vient la Fondation Galatée, qui cible les adolescentes issues de milieux populaires et les étourdit à coup de marques luxueuses et d’avenir brillant, équilibre savant entre appâts matériels et promesse d’exister. Puis Cléo traverse le temps, bute sur d’autres violences. De rencontres en révoltes, elle se libère du silence. Pour énoncer, tout d’abord, les faits passés. Pour raconter ensuite la fascination exercée par une femme au rôle ambigu. Enfin sortir du renoncement à soi.

Dans le langage, dans la construction du récit, le poids des mots partout rougeoie. Jusqu’aux temps plus récents, où l’appropriation collective du récit commence par une question: “Est-ce que ça, c’est meetoo ?”. Cet avènement de la parole se dessine doucement à travers le parcours de Cléo et la variation des points de vue.

Lola Lafon marque par la délicatesse et l’efficacité de son écriture, qui déploie un texte riche de symboles, tout en donnant corps à des personnages crédibles, intrigants, souvent ambivalents, et laisse percer au travers de cette description sombre des rapports humains la possibilité, sinon d’effacer l’historique, de décider que soit autre. C’est un livre qui se lit très vite et qui très vite se réouvre, tant certaines phrases vous rappellent, tant certains détails reviennent vous frapper.

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Chavirer

Chavirer de Lola Lafon, éditions Actes sud, 2020





L’histoire commence en 1984 dans une banlieue sans histoires de la région parisienne. Cléo vit modestement avec ses parents salariés pour lesquels un sou est un sou.

Cléo se passionne pour la danse, classique dans un premier temps, mais elle ne trouve pas sa place au milieu de filles de la bourgeoisie locale, elle se tourne alors vers la danse modern jazz. Un jour, Cathy l’aborde après le cours. Très belle jeune femme, élégante, cultivée, elle lui dit avoir discerné un vrai talent en elle, et elle lui fait miroiter une bourse qui lui permettrait de réaliser ses rêves. Cléo, couverte de cadeaux de prix par Cathy est dès lors ensorcelée, prête à tout. Elle a treize ans et se voit en danseuse célèbre.

En 2019, on découvre sur le net un fichier de photos de petites filles, provenant d’un membre d’une mystérieuse fondation Galathée. Un appel à témoins est lancé, nous sommes sur la piste d’un réseau de prostitution enfantine.

Au travers de récits des personnages qui ont rencontré Cléo, l’auteure reconstitue sa vie éparpillée comme un puzzle par la violence de ce qui lui est arrivé dans son parcours pour obtenir cette soi-disant bourse, et par la honte qui la submerge depuis, que pour se « racheter » de ne pas l’avoir obtenue, sous entendu de ne pas avoir été assez docile, elle est devenue la rabatteuse de Cathy.

Un roman dans l’air du temps. Bien écrit, bien construit et, sans doute, malheureusement,très « vrai ».
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Chavirer

À 13 ans, parce qu'on hésite sans cesse entre deux territoires, celui de la tendre insouciance et celui des importantes décisions, parce que le corps lui-même est à peine dessiné, on est sans doute à l’âge le plus vulnérable. On a des rêves plus vastes que la terre, on a besoin de devenir exceptionnelle, sans savoir que chaque être humain l’est déjà.

Étourdie par les compliments d’une femme très chic à la sortie de son cours de modern jazz, Cléo se sent élue, choisie pour son talent. Elle croit ouvrir les portes d’un palais, quand c’est une main délicate qui l’étrangle.

Le jour où elle sent dans sa chair « le métal froid d’une bague », son corps ne lui appartient plus.

Décomposée, accablée par la honte, Cléo s’accroche, obéit sans véritablement consentir, hantée par la peur de décevoir et le besoin de reconnaissance, au point d’entraîner d’autres proies dans sa chute.



Ce roman est une grande réussite. J’ai une profonde admiration pour le travail de Lola Lafon dont l’écriture a la grâce et la délicatesse d’une vraie « plume », celle de l’encre et celle de l’oiseau : tout est beau et subtil. J’ai vu l’oiseau égaré en chaque danseuse, chaque effort déployé, chaque muscle tendu, chaque plumage de costume. J’ai surtout aimé ça, la souplesse et l’esthétique des mots, la pudeur et la suggestion.

J’ai trouvé à ce roman une multitude de facettes :

✨C’est un texte bigarré et sensoriel où se mêlent mille parfums et mille textures, qui fait honneur au travail des danseuses. J’ai adoré l’immersion dans un monde où lumières, paillettes, faux-cils, résilles et poudres retiennent la magie en cachant la sueur, les plaies, l’épuisement.

✨J’ai trouvé aussi en ce livre un très grand hommage aux femmes, à leur corps, à leur résistance et à leur dignité.

✨C’est enfin un roman parfaitement construit et documenté qui aborde de nombreuses questions politiques, religieuses et sociales, qui témoigne d’une époque et des abus sexuels sur mineurs, dans la droite ligne de MeToo.



♡ Le coeur du livre, c’est le pardon et la réparation, mais si je continue je risque de trop raconter. Lisez-le absolument, moi j’ai pleuré.
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Chavirer

#Rentrée littéraire 6

Wouah, coup de coeur!

C’est l’histoire de Cléo, une jeune adolescente passionnée de danse, qui se fait remarquer par Cathy lors d’un des cours de danse donné à la MJC de Fontenay. Cathy promet à cette toute jeune fille une bourse de la Fondation Galatée. Cathy sait, à renfort de grands cadeaux et de petites attentions, convaincre Cléo de passer une audition devant ce jury masculin composé de cinquantenaires dans un appartement du 16ème arrondissement de Paris. Et, là, la pauvre Cléo vient de mettre le doigt dans l’engrenage de ce réseau qui, sous le couvert de cette fondation, parviendra à tisser sa toile. Cléo en portera les stigmates pendant de longues, très longues années.

C’est une magnifique histoire, certes déprimante, mais jamais vulgaire, crue ou voyeuriste.

C’est le destin de cette toute jeune adolescente cassée physiquement et psychologiquement qui peine à se construire une vie d’adulte. Un corps et une âme détruits sur lesquels plus rien n’a de prise, une vie vécue sans ressenti, dans la crainte d’accorder sa confiance à autrui, de peur de se blesser à nouveau.

Une écriture magnifique également, tout en retenue, pleine de non-dits, à la fois rude et tendre.

Un vrai coup de cœur! A mes yeux, Lola Lafon mérite amplement sa place de nominée pour le prix Goncourt 2020…
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Chavirer

« Chavirer » Lola Lafon

Dans ce roman nous sommes en 1984, dans la banlieue parisienne, nous faisons connaissance avec Cléo, une jeune fille de 13 ans et quelque, passionnée de danse (modern-jazz) qu’elle pratique dans une MJC près de chez elle. Nous allons suivre son parcours de vie ainsi que celui d’autres jeunes filles, notamment la jeune métisse Betty, jusqu’à nos jours, en 2019.

Cléo est une jeune fille sans histoire. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Cathy, en 1984, jeune femme belle et élégante, qui dit vouloir l’aider dans sa « carrière » et lui propose d’obtenir une bourse d’un mystérieux institut : « Galatée ». Mais pour cela il faut qu’elle passe devant un jury composé de vieux messieurs au cours de dîners informels. Le piège se referme. Elle n’aura jamais la bourse mais sera sexuellement abusée par les « messieurs ». Tout comme Betty, ainsi que bien d’autres jeunes filles.

Le roman se positionne du point de vue de ces très jeunes filles, retraçant leur parcours, leurs espoirs, leurs doutes et leurs angoisses. Elles seront profondément meurtries par ce qui leur est arrivé, cela changera le cours de leur vie. Même, elles ne seront pas exemptes d’un sentiment de culpabilité vis-à-vis de ce qui leur est arrivé. Par exemple Cléo après avoir été sexuellement abusée, sera chargée de recruter elle-même d’autres jeunes filles pour « Galatée ». Cela donne un récit tout en douceur, sensibilité et subtilité, mais sans pathos, rendant de manière vraie et sensible, la force et l’impact du drame qui a frappé ces jeunes filles.

Un roman juste et touchant sur les dérives d’une époque pas très loin de nous.

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Chavirer

Surement un des romans qui a le plus fait parler de lui lors de cette rentrée littéraire 2020, en grande partie à cause de son sujet : les réseaux pédophiles. C’est un sujet qui fait un écho glaçant à l’affaire Epstein.



Cléo n’a que douze ans quand elle est abordée par une femme qui lui parle de la Fondation Galatée et l’entraine à devenir recruteuse à son tour. Mais à douze ans, Cléo ne sait pas la gravité de ce qu’elle fait ça la hantera tout au long de sa vie. Car sans le savoir, elle recrute parmi ses amies, des victimes pour un réseau pédophile.



Le texte est dur, certains passages sont immondes, le tout est porté par la culpabilité sans fin de Cléo. A travers elle mais aussi les personnes qui l’ont connue au cours de sa vie, on retrace son parcours jusqu’à l’absolution offerte par les témoignages lors de l’enquête sur la fondation. Ce roman est un coup de poing dans le ventre. On y découvre ou redécouvre la dureté du milieu de la danse, la passion dévorante qui anime les danseur.se.s qui sont prêt.e.s à tout pour réussir. L’autrice nous montre les biais de manipulation des réseaux pédophiles, la sélection des profils de victimes, la culpabilisation constante alliée à une valorisation des enfants.



Cléo est un personnage particulier, qui nous touche tout en nous rebutant. Car elle est aussi bourreau que victime. Parfois égoïste, elle s’enferme dans un monde rongé par la culpabilité. Je n’arrive pas à mettre des mots assez forts sur ce qu’elle m’a fait ressentir tant ce livre m’a chamboulée.



Lola Lafon nous décrit tout cela avec une plume incisive et en même temps plein de pudeur pour les violences sexuelles dont sont victimes ces jeunes filles. La narration qui parait décousue dans les premières pages, révèle son sens sur les dernières phrases et achève un tableau à la fois triste et plein d’espoir de pardon pour chacune.
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Chavirer

Chavirer m'a laissée pantoise. le rythme d'abord qui emporte comme un ballet à travers les différentes étapes de la vie de Cleo et les rencontres qui ont compté pour elle: Cathy la rabatteuse qui recrute de très jeunes enfants pour un réseau pédophile sous couvert d'une Fondation artistique, Jonazs Son meilleur ami qui l'abandonnera, peut être non sans raison, Lara sa colocataire, Claude l'habilleuse, Betty l'une de ses victimes etc...ensuite, le fonds de l'histoire qui décrit l'ambiance libertaire des années 80-90, le monde du spectacle et de la nuit, le déclenchement du mouvement metoo. Dans ce contexte, Cleo est comme une coquille de noix sur la mer, prête à Chavirer à tout moment. A 13 ans, elle subit un outrage dont elle ne pourra parler à personne et surtout, rejetée par la « fondation », elle sert de rabatteuse dans son collège et dans son école de danse. Elle portera toute sa vie le poids de la culpabilité, l'impossibilité de se pardonner, de parler, et elle couvre cette douleur, ce dégoût de soi comme une danseuse de cabaret maquille son corps et ses douleurs: sous une épaisse couche de maquillage.

Ce que j'en pense: mon intérêt a été inégal en fonction des chapitres, certains moments ne sont pas faciles à suivre car les chapitres sautent d'une période à une autre, d'un personnage à un autre. Néanmoins, j'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteur décrit cette période, cette technique qu'ont les prédateurs pour rabattre leurs proies sous le regard rassuré et fier des parents ainsi que la lutte et le courage des victimes qui tentent de se construire. Cette loi du silence aussi.
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Chavirer

1984. Cléo, treize ans, qui vit entre ses parents une existence modeste en banlieue parisienne, se voit un jour proposer d'obtenir une bourse, délivrée par une mystérieuse Fondation, pour réaliser son rêve : devenir danseuse de modern jazz. Mais c'est un piège, sexuel, monnayable, qui se referme sur elle et dans lequel elle va entraîner d'autres collégiennes.

2019. Un fichier de photos est retrouvé sur le net, la police lance un appel à témoins à celles qui ont été victimes de la Fondation.

Chavirer suit les diverses étapes du destin de Cléo à travers le regard de ceux qui l'ont connue tandis que son personnage se diffracte et se recompose à l'envi, à l'image de nos identités mutantes et des mystères qui les gouvernent.



Un sujet sensible et très difficile. Lola Lafon a choisi de le traiter en taisant l’horreur à travers l’innocence et l’inconséquence de l’adolescence, l’âpreté du métier de danseuse sans mettre les mots qu’il aurait fallu mettre sur la réalité des maux et les dégâts que répercute une telle horreur. Méandres alambiqués,demi mots et non dits nuisent à ce récit qui devient confus.

L’écriture se recentre de façon déconcertante et trop prenante sur les personnes qui ont croisé le chemin de Cléo comme si l’on passait à une autre histoire. On en oublie presque le sujet et le personnage principal du livre.

Quel chemin a parcouru Cléo pour transformer sa fragilité, sa vulnérabilité, son impuissance en culpabilité ? Sa reconstruction est en suspend car pour cela il faudrait oublier. Cléo peut-elle oublier ?

Des questions, un sujet qui auraient mérité plus de profondeur.

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Chavirer

C’est un réseau de prostitution de mineures qui se met en place en marge du cours de danse de la MJC de Fontenay-sous-bois, dans la banlieue Est de Paris.

En 1984 Cléo, aujourd’hui danseuse sur les plateaux télé, a 13 ans quand elle est approchée par une mystérieuse et élégante Cathy qui lui fait croire à un recrutement par la Fondation Galatée, mécène pour jeunes talents.

Elle entre en fait dans un réseau de riches pédophiles qui se cachent derrière un jury de sélection.

Après avoir été elle-même abusée sexuellement, Cléo, subjuguée par la mystérieuse entremetteuse, est sollicitée pour recruter pour la Fondation, d’autres jeunes filles au sein de son collège.

Ce roman est une réflexion sur la culpabilité qui va poursuivre Cléo des années durant car elle se sait autant coupable que victime. La religion juive lui apportera cette pensée qui la portera tout au long de sa vie « A défaut de pardon, laisse venir l’oubli ».

Et si elle arrive finalement à se reconstruire, ça ne sera pas le cas de toutes les jeunes filles abusées.

L’histoire nous interpelle à la fois sur la volonté sans limites de briller de ces adolescentes avides de célébrité, mais également sur la responsabilité des adultes qui se sont trouvés proches de ce réseau sans intervenir, les parents d’abord, soit indifférents, soit inconsciemment complices, le professeur de danse ignorant ce recrutement dans son propre cours et toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin aux « repas » de sélection.

Le thème du traumatisme d’un «passé irréversible» est aujourd’hui soulevé avec le mouvement #metoo mais il est traité ici de façon trop détournée pour réaliser son incidence sur la vie d’adulte des victimes. A trop suggérer, on en perd le sens de la réalité.

J’ai eu du mal à entrer dans ce roman très décousu où l’on ne comprend le lien entre les chapitres que vers la fin de l’histoire mais son sujet d’actualité aide à dépasser cette chronologie bousculée.

Autant la vie de danseuse de Cléo est détaillée et intéressante, autant le pardon qu’elle attend n’est que survolé et je suis restée sur ma faim quant au devenir de la démarche de témoignages, engagée par des journalistes trente ans après.

Un fil conducteur confus et un avis mitigé sur ce roman de Lola LAFON.
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Chavirer



Années 80, Cléo 13 ans cherche un sens à sa vie dans sa banlieue grisâtre. Elle est passionnée de danse qu’elle pratique assidument à la MJC de son quartier.

Un jour, elle est abordée par une certaine Cathy, parisienne chic et cultivée qui lui parle d’une Fondation Galatée en recherche de jeunes talents et lui fait miroiter une bourse pour financer son projet lui offrant au passage de somptueux cadeaux qui l’éblouissent.



Le piège sexuel est lancé, redoutable d’efficacité, la banalité face aux paillettes, la naïveté et l’innocence confrontées à une prédation aux rouages bien huilés.



Cette première partie m’a prise aux tripes et littéralement scotchée.



Le pire étant ensuite de « recruter » la victime pour les basses manœuvres de ce réseau – disons le mot – pédophile ; c’est implacable d’efficacité et Cléo devra vivre avec ce fardeau de culpabilité une fois adulte. Une victime devenue coupable de collaboration.



Puis le récit est transporté en 2019. Le laxisme coupable des années 80 à l’égard des mineurs est très loin.

Le mouvement Me Too a réveillé les consciences.

Un appel à témoins est lancé par la police suite à la découverte de photos de cette mystérieuse fondation Galatée



De son côté Cléo est devenue danseuse professionnelle.

Elle arpente les plateaux TV, une travailleuse danseuse de l’ombre au corps traumatisé et épuisé par les entrainements, les maquillages, les horaires ingrats. Des danseurs "ouvriers de l'art, sans gloire".



D'ailleurs Lola LAFON aborde avec acuité les différences sociales.

Cléo, de milieu modeste, est d’abord fascinée par Cathy venue d’un monde qu’elle ne côtoie pas tandis que ses parents peinent et trouvent du repos devant des émissions dites populaires.

Ensuite danseuse sur des plateaux dont les divertissements sont destinés à un public non moins populaire, raillé et méprisé le plus souvent.



Il y a énormément de thèmes qui sont brassés dans ce roman, le pardon, la culpabilité, la souffrance des corps, le remord et surtout le consentement.



J’ai aimé l’écriture sobre, quasi journalistique, nuancée et le traitement sensible et intelligent du récit, aucun jugement, aucune scène glauque.



Même si la deuxième partie du livre m’a un peu perdue avec tous les personnages qui entrent en scène, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un excellent roman qui ouvre la voie à de multiples constats et interrogations. Comment pardonner et se pardonner ?



J’ai lu ce roman dans le cadre de ma participation au Jury du Prix Landerneau 2020 dont la sélection est prometteuse.



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Chavirer

Mon coup de coeur de cette rentrée littéraire.



Cléo de 13 à 48 ans. Cléo qui a 13 ans en 1984, qui fait de la danse et rêve de devenir une grande danseuse de modern jazz. Cathy, une belle dame qui attend la fin des cours de danse, repère Cléo, la charme, lui fait miroiter la possibilité d'obtenir une bourse pour réaliser son rêve d'être danseuse car la fondation Galatée, dont fait partie Cathy, aide des jeunes filles à réaliser leur rêve. Seulement, il faut convaincre le jury, un jury exclusivement composé d'hommes d'âge mûr, qui n'aime pas les filles frigides, que signifie ce mot, quand on a 13 ans on se pose la question, et qui demande aux jeunes filles d'avoir de la maturité. Mais pour réaliser son rêve, on est prêt à tout, même si on ne comprend pas vraiment, on n'ose pas poser de question. On veut être mature ; alors, on ne dit pas non, ni oui. On ne refuse pas, mais on n'accepte pas non plus...



Cléo, Betty, et d'autres, mais surtout Cléo. Leurs vies nous sont dévoilées par petites touches, en finesse, subtilement, en suggestion, souvent à travers des personnes ayant croisées leurs chemins. Tour à tour se souviennent, Yonasz, le camarade de lycée de Cléo, Alan, rencontré lors d'un concert en 1995, Lara, son ancienne petite amie, Claude, sa couturière. Pour Betty, ce sera Ossip, son ancien kiné, Anton, son neveu...



Un roman fort écrit tout en finesse, en délicatesse pour aborder la pédophilie et surtout la notion de pardon ; pardonner aux autres mais encore plus difficile, à soi-même.

Une réussite portée par une très belle écriture et une construction magistrale. BRAVO
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Chavirer

Cléo, 13 ans en 1984, des rêves d'une vie meilleure et de devenir une danseuse célèbre, rencontre Cathy, une femme charmeuse, attentionnée, qui lui fait des cadeaux et s'intéresse à elle; Cathy lui propose de postuler pour une bourse de la fondation Galatée qui lui permettra d'intégrer une prestigieuse école de danse américaine. Mais il s'agit en fait d'un réseau de pédophiles qui va salir Cléo à jamais et en fera même une rabatteuse ; honte et remords hanteront la vie de Cléo que nous suivons jusqu'à 48 ans, à travers ceux et celles qu'elle a rencontrés, aimés, avec lesquels elle a travaillé.

L'auteur démonte magnifiquement le mécanisme de la pression psychologique et de l'emprise par un adulte, en particulier quand c'est une femme qui est, en quelque sorte, la figure maternelle idéalisée sur une adolescente qui trouve sa vie et sa famille étriquées, qui veut être aimée et admirée. C'est tellement bien décortiqué qu'on a envie de crier à Cléo "stop, danger".

Le corps est très prégnant dans ce roman : le corps d'adolescente désiré par des vieux lubriques, le corps sali par des attouchements subis, le corps dompté jusqu'à la douleur et l'épuisement, le corps, miroir de l'âme et du mal-être qui se rebelle (blessures, eczéma...) mais aussi le corps plaisir et le corps maternel.

Ce roman est également un réquisitoire contre le monde impitoyable de la danse qui, non seulement, mate les corps jusqu'à la limite de la rupture mais qui brise aussi les rêves de nombreuses adolescentes qui doivent se contenter de de troupes mineures, de cachets aléatoires pour survivre.

On retrouve certains thèmes de "La petite communiste qui ne souriait jamais" : rêve volé, corps martyrisé, adolescence saccagée.

Seule la première partie du roman sur Cléo aux prises avec Cathy m'a vraiment emballée ainsi que le style tranchant, direct puis j'ai été désarçonnée par une construction surprenante en allers-retours temporels et avec l'apparition de nombreux personnages nouveaux dont on ne comprend que difficilement qui ils sont et quel rôle ils ont joué dans la vie de Cléo.
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Chavirer

Le roman est anxiogène, sombre, presque glauque. Il est lourd, pesant, imposant. Il raconte une histoire qui ne fait pas rire. On ne sourit pas ici. On s'attriste, on s'émeut car les personnages sont touchants, attachants. Lola Lafon s'invite dans les coulisses, pénétre un monde qui se dissimule derrière les strasses et les paillettes, les sourires et les peintures. Ça ne donne pas envie. Ça ne fait pas rêver. Ça fait tomber les masques, les rideaux et les faux semblants. C'est, ici, réussit.



En revanche, petit bémol, je trouve que le roman perd de vue son sujet. Disons qu'on ne sait plus lequel il est: le réseau pédophile, ses drames et conséquences ou, plus généralement, le monde de la danse? Il parle d'une danseuse victime d'un réseau pédophile, me dira-t-on. Certes mais au terme de ma lecture j'ai plutôt l'impression d'avoir lu un roman sur une danseuse au passé trouble plutôt qu'une victime d'un réseau pédophile. Celui-là n'est pas évoqué en profondeur; on ne sait pas comment il parvient à s'élaborer; à voir le jour; comment il fonctionne, se déploie; quelles sont ses règles de fonctionnement; comment se maintient l'emprise sur les petites filles. Le sujet, pour moi, n'est pas étudié; ou superficiellement. Il n'est qu'effleuré. Il n'est qu'un décor lointain où se meurt une petite fille qui voulait être danseuse. Il n'est pas le principal sujet. Lola Lafon écrit davantage la danseuse mystérieuse que la petite fille, la femme qui chavire. Elle se disperse. Dommage.
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Chavirer

Ce roman est une déflagration. Une déflagration tout en finesse. Nous sommes début 80, Cléo à 13 ans, elle vit dans une banlieue à l’est de Paris. Issue d’une famille de la classe moyenne, c’est en regardant Champs Élysées, l’émission favorite de sa maman, qu’elle découvre et tombe amoureuse de la danse. C’est la révélation et ses projets d’avenir sont tout tracés : elle veut devenir une danseuse professionnelle, porter des plumes et des paillettes et étinceler devant les caméras de télévision.



Un jour, à la fin de son cours de danse, Cathy vient aborder Cléo. Qu’elle est splendide, Cathy ! Qu’elle a de la classe, le goût des belles et bonnes choses. Et puis, elle est si gentille, attentionnée et généreuse envers Cléo. Comment ne pas avoir confiance ? Cathy lui dit qu’elle a du talent, c’est certain. Maintenant, ce qu’il faut, c’est avoir de l’ambition, décrocher une bourse d’études, sortir de l’ombre. Ça tombe bien, elle travaille pour une fondation qui cherche à dénicher des talents et à leur offrir une bourse d’études… Ainsi ensorcelée, Cléo fonce tête baissée. Elle n’a que treize ans. A treize ans, on n’imagine pas à quel point le monde peut être vicieux.



Seulement, derrière les sorties shopping, les cadeaux à tout-va et les billets que Cathy lui donne comme argent de poche, il y a le revers de la médaille. Dans un hôtel luxueux, à l’abri des regards, dans une ambiance sombre et cloitrée, autour d’un déjeuner fastueux. C’est là que tout se joue. Ils sont quelques hommes à les accueillir, ces gamines. On les aborde, on leur fait miroiter cette fameuse bourse d’études. Elle y est presque, Cléo… il faut simplement qu’elle semble plus ouverte, moins sur la défensive. Il faut dire oui. Montrer qu’elle n’a pas froid aux yeux, qu’elle n’est pas une gamine de treize ans. Et pourtant.



Alors, derrière les rideaux tirés, Cléo devient une victime. Victime d’un système dont la machine est extrêmement bien huilée. Cléo n’a pas dit non. Mais elle n’a pas dit oui non plus. À treize ans, on ne connaît rien de la vie. Comment aurait-elle pu imaginer ? La bourse, elle ne l’aura pas. En revanche, Cathy va lui proposer de travailler pour elle. De trouver les futurs récipiendaires de cette fameuse bourse d’études.



Alors Cléo, bien malgré elle, devient complice. Et au fil des ans, elle prendra la mesure de ce qu’elle a fait, par dévotion pour Cathy. De ce qu’on lui a demandé de faire, du haut de ses treize ans. Et la culpabilité entre en jeu, elle ne lâchera pas Cléo. Parce que Cléo a grandi, est devenue une femme. Même si une partie d’elle aura treize ans pour toujours.



L’écriture de Lola Lafon est splendide et elle dépeint à merveille les mécanismes mis en place par les prédateurs, ainsi que l’engrenage dont a été victime Cléo. La construction narrative – bien qu’elle puisse paraître déroutante au premier abord – permet de mettre en exergue les différentes étapes de la vie de Cléo, ainsi que les rencontres qu’elle a pu faire. Je ne vous parle même pas de la fin, qui nous laisse le cœur au bord des lèvres.



Une lecture à ne pas manquer, qui interroge sur les notions de consentement, de libre arbitre, de liberté et de d’appropriation du corps. Une lecture somme toute dérangeante, mais indispensable.

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Chavirer

"Cette histoire est une écharde sur laquelle sa chair s’est recomposée, à force d’années."

Voilà comment, j’essaierai de décrire ce récit, on ne résume pas une vie. Comme ces arbres poussant en haut de murs de pierre, ou ces corps vivant avec une balle. La furieuse vie est toujours là. Et le corps se fait souffrance pour oublier (?), ne pas penser. L’autrice nous dévoile en puzzle chronologique, la vie de Cléo. Danseuse en devenir dans une MJC, l’approche prédatrice de Cathy changera / tordra la vie de la si jeune Cléo, dans un effet boule de neige jusqu’à MeToo. On y croise le destin de femmes fortes dans leurs blessures leurs cassures, Betty, Claude, Lara, qui déterminées ne rompent pas.

« rien ne sera pardonné mais tout sera oublié » Kundera

Puis le puzzle se reconstituera. Lucie, la lumière.



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Chavirer



Chavirer est un roman brillant !



Le lecteur suit la vie de Cloé, de 13 à 48 ans, petite gamine qui rêve de devenir une danseuse comme celles qu'elle voit dans l’émission de variété de Michel Drucker, le samedi soir.



Paillettes, célébrités, show-biz, spectacles, un monde féerique que la jeune fille fantasme et rêve de vivre…



Un jour, à la sortie de son cours de danse, une inconnue se présente à elle et lui propose de l'aider à concrétiser son rêve : devenir une danseuse professionnelle, et ce, grâce à la Fondation Galatée.



Il lui suffit de décrocher une bourse pour réaliser son projet, Cloé accepte la proposition de Cathy, représentante de cette organisation.



Ce sera le début d'un piège effroyable qui se met en place, petit à petit, sur elle comme sur d'autres jeunes filles innocentes.



Cloé tombe dans un réseau pédophile, non seulement elle est une victime mais aussi deviendra une rabatteuse. Elle acceptera de recruter d'autres candidates de son âge, pour les présenter à la fondation.



↜↝↜↝↜



C'est la voix de Cloé qui résonne dans ce roman, celle d'une victime qui n'a pas su mettre les mots sur ce qui lui est arrivé à 13 ans !



C'est la voix d'une femme qui culpabilise et qui s'interroge sur ce qui s'est passé pour ses autres camarades.



Les abus sexuels, la manipulation, la honte…



Un questionnement insupportable, une culpabilité permanente, refoulée au plus profond d'elle jusqu'à ce jour en 2019, un appel à témoins est lancé.



De cela, les souvenirs de Cloé remontent à la surface…



Le lecteur comprend petit à petit, l'effroyable vérité sur ce réseau pédophile qui a commencé en 1984.



↜↝↜↝↜



Chavirer est une plongée en enfer, de ces jeunes filles abusées, utilisées par des prédateurs profitant de la naïveté de leur victime et du milieu social modeste dont elles sont issues.



La plume de l'auteure est remarquable, d'une subtilité et d'une élégance incroyable, pour réussir à parler de sujets aussi graves que les abus, le consentement, la culpabilité.



C'est aussi le portrait de notre société et de son évolution pendant ces 30 dernières années.



C'est écrit avec une extrême pudeur et de délicatesse, ce qui fait la force de ce roman puissant et percutant.



C'est aussi une plongée dans l'univers de la danse et du métier difficile des danseuses professionnelles.



J'ai été particulièrement séduite par la première partie de la vie de Cloé, un peu moins par la seconde partie, où elle est adulte.



Même si parfois, j'avoue m’être un peu perdue dans le texte car il m'a semblé confus à certains moments, je reste admirative d'un aussi bel ouvrage, aussi réussi et lumineux que l'auteure nous offre.



Longtemps, il me restera en mémoire, ces jeunes filles dont la seule erreur, est d'avoir fait confiance à des adultes.



Un roman inoubliable, à lire évidemment de la nouvelle rentrée littéraire.
Lien : https://leslecturesdeclaudia..
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Chavirer

Cléo a treize ans dans les années 80. Elle adore la danse moderne qu’elle pratique à la MJC de Fontenay où elle habite. Un jour, une femme élégante, Cathy, vient à sa rencontre à la fin d’un cours de danse et lui parle de la fondation Galatée qui attribue des bourses à des jeunes filles talentueuses et prometteuses comme elle pour les aider à réaliser leurs rêves. Cléo est flattée d’être ainsi distinguée et accepte de monter un dossier et de rencontrer les membres du jury de sélection. Ce qu’elle ne comprend que trop tard c’est qu’il ne s’agit pas d’un jury classique. Ce sont des hommes mûrs qui reçoivent ces candidates dans un appartement…On ne les force à rien mais on leur fait comprendre que de leur obéissance dépendra le résultat de la sélection et l’attribution de la bourse tant espérée. Cléo ne dit pas « oui « « mais elle ne dit pas « non » non plus. Elle n’obtient pas la bourse mais elle accepte la proposition de Cathy de la seconder en recrutant dans son collège des filles à lui présenter. A partir de ce moment-là l’engrenage infernal se met en place pour Cléo qui n’arrive pas à se sentir victime car elle se sent coupable de ce qu’elle a fait. On retrouve Cléo à différentes périodes de sa vie tout au long du roman. On comprend à quel point ce passé la mine et pourquoi elle a tant de mal à se décider à témoigner quand l’affaire Galatée éclate. C’est un livre qui éclaire sur la condition des victimes de viol, d’agressions sexuelles, sur la difficulté qu’elles ont à se reconnaître victime et qui met en avant également la question des complicités (comme l’écrit Lola Lafon de nombreuses personnes ont dû fermer les yeux pour que de telles choses se produisent ; il n’y a pas qu’un « grand méchant loup » dans ces histoires).


Lien : http://monpetitcarnetdelectu..
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Chavirer

A quoi rêvent les jeunes filles ?, titre d’une comédie d’Alfred de Musset pourrait être en exergue de la première partie du roman, en écho à ce vers du même poète « à défaut du pardon, laisse venir l’oubli » mis en épigraphe par l’auteure, sauf que les rêves des adolescentes des années 80 ne sont pas ceux des romantiques et qu’il ne s’agit pas d’une comédie.

Cléo a 13 ans et quelques mois, appartient à un milieu modeste et rêve de devenir danseuse de modern jazz. Miracle : elle rencontre une jeune femme « bien comme il faut » qui lui fait miroiter la possibilité d’une bourse conséquente pour apprendre le métier auprès des leaders de la profession, grâce à une généreuse fondation « Galatée ». La voilà candidate et séduite avant d’être abandonnée (elle n’obtiendra pas la bourse) par le charme d’un coach (Cathy) qui la couvre de cadeaux, et le luxe d’un milieu dans lequel elle est introduite. En réalité toute cette mise en scène n’est que miroir aux alouettes et cache de riches prédateurs sexuels vieillissant, présentés comme des membres d’un jury imaginaire. Encore plus grave, n’ayant pas eu le courage de refuser, (ni oui, ni non) elle devient agent recruteur auprès de ses camarades. Le lecteur saisit vite l’escroquerie, elle plus lentement. Elle sera ensuite danseuse dans un groupe très connu (paillettes et body couleur de peau) qui se produit à la télévision dans une émission de Michel Drucker C’est l’occasion pour Lola Lafon qui connait bien ce milieu, d’en montrer la noblesse relative en matière de culture populaire, les dures exigences professionnelles avec « sourire contractuel », et les vedettes du moment. Entre 1989, année de l’arnaque et 2019 où une enquête sur la pseudo-fondation est enfin mise en route après la découverte de photos compromettantes, la vie de Cléo est exposée à travers le prisme de rencontres importantes : l’habilleuse (Claude), une colocataire qui devient son amante (Lara), un ami juif (Yonasz) et son père (Serge), une autre victime (Betty)… Finalement on retrouve Cléo mariée avec une fille, et on peut imaginer la suite.

L’intérêt du livre n’est pas vraiment l’intrigue, avec un récit par ailleurs très pudique, c’est un peu le document sur le milieu de la danse dite de « divertissement des années 80-90, c’est aussi une illustration de la mise en garde du mouvement « Me-too », (Mitou ?) mais il est à mon avis essentiellement ailleurs :

-la mise en perspective des ondes destructrices de la personne qui se propagent sur quatre décennies après le traumatisme initial, et ceci d’autant qu’il n’y a pas les mots pour le dire ou quelqu’un pour écouter : « il faut que je te dise quelque chose ». Double peine : d’être victime côté pile et coupable côté face, d’une « histoire » comme une « écharde sur laquelle sa chair s’est composée » .

-la question du pardon ou du seul remède l’oubli (proche du déni : « les familles étaient semblables aux clients des grandes surfaces qui entassaient dans leur caddie des jouets chinois ou des jeans fabriqués au Pakistan tout en ignorant les conditions dans lesquelles ces objets ont été fabriqués »…° « Le passé était irréversible. Aucun pardon ne pourrait défaire ce qui avait été »

-la confrontation de deux mondes : celui de Fontenay et celui des beaux quartiers, avec la sensation de révolte que cela peut entrainer, quand on a été trahie après avoir rêvé de franchir le mur qui les sépare.

Puis-je dire enfin que la plus grande qualité de ce roman est le style : des portraits et des descriptions très réussis, par exemple : « elle était convenablement jolie, sans le désir de le faire savoir … », très peu de dialogues avec une langue parlée intégrée dans le texte narratif ,un usage subtil des italiques, un art consommé de l’ellipse ,un beau passage sur le chœur des « filles » inspiré peut-être du dîner de têtes » de Prévert…, bref un travail d’écrivain, ce qu’on peut attendre de la littérature (notez l’italique façon Lola) Une réserve possible, en guise de mise en garde : la construction du roman. En effet, l’irruption au milieu du livre de plusieurs personnages essentiels, mais que l’on met un certain temps à identifier peut entrainer un peu de confusion, à une lecture rapide, malgré le découpage en onze fragments (de vie). Ne pas se décourager, c’est la volonté de l’auteure qui a tous les droits et vous amènera comme dans mon cas à une seconde lecture…plus lente.

Je ne sais pas pourquoi ce roman a fait remonter dans ma mémoire : « La vie devant soi », d’un certain Emile Ajar et « En vieillissant les hommes pleurent » de Jean Luc Seigle…, peut-être le bonheur malgré tout.

Hugues Rousset

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