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Critiques de Loys Masson (6)
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Le notaire des noirs

Alors qu'il n'est plus qu'un vieillard solitaire, celui que l'on nomme avec mépris ‘'le notaire des noirs'' , convoque les fantômes de son passé pour raconter sa trajectoire, celle d'un jeune homme bien sous tous rapports, amené à succéder à son oncle dans sa florissante étude notariale mais qui abandonna sa riche clientèle de colons blancs pour aider les mauriciens noirs opprimés, en mémoire d'un jeune garçon mort trop tôt. Ses souvenirs le ramènent au temps de sa jeunesse, il n'avait pas encore trente ans, vivait chez son oncle Emile Galantie et sa tante Marthe, un couple stérile qui se détestait férocement. Son cousin Fernand, un ivrogne et un escroc, exilé à Madagascar pour cause de malversations financières, laissait derrière lui le petit André, âgé de sept ans, recueilli par les Galantie. André était chétif, fragile, rêveur. Il voyait en son père un révolutionnaire au service des noirs et guettait tous les jours son retour sur une mer désespérément vide. Immédiatement attaché à cet enfant comme un père à son fils, l'apprenti notaire jalousait tous ceux qui auraient pu capter l'affection d'André mais il le délaissait parfois au profit d'Aline, une femme mariée aussi gironde que passionnée. Victime de la pingrerie de l'oncle Emile qui refusait de l'envoyer en pension où il aurait pu se faire des camarades de son âge, victime de l'égoïsme du narrateur trop occupé par sa liaison, victime de la cruauté des adultes qui brisèrent ses rêves d'enfant, André, petit à petit, sombra dans la fièvre, pour finir par s'éteindre à petit feu.



Roman du sentiment paternel, de l'enfance et de la cruauté du monde, le notaire des noirs est un huis-clos tragique dont l'issue est connue dès le début. André va mourir, six mois à peine après son arrivée chez les Galantie. Mort d'avoir été mal aimé, mort d'avoir trop rêvé, mort par la faute d'adultes égoïstes et jaloux. Car même si le narrateur voyait en lui un fils et l'aimait sincèrement, il n'a pas su le protéger de la trop dure réalité, il n'a pas su mettre de côté ses sentiments et ses instincts pour se consacrer entièrement à cet enfant trop fragile.

Mais le notaire des noirs est aussi le roman de l'île Maurice, sa végétation luxuriante, ses cyclones meurtriers et la colère sourde des noirs contre les colonialistes blancs. On y sent l'amour de l'auteur pour son île mais aussi une critique de la société blanche qui y règne, méprisante jusque dans sa générosité. Emile Galantie, soucieux de sa position et de ses biens en est le représentant, vacillant devant les changements profonds qui se préparent.

Un roman triste et cruel, porté par l'écriture poétique de Loys Masson.

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Les tortues

« Nous avons été je crois bien, à bord de la Rose de Mahé, les derniers aventuriers de ce coin du monde. Maintenant j'en ai fini avec la mer. Je lui ai tourné le dos, à jamais. »



Ainsi commence l'évocation des souvenirs du narrateur à bord de la Rose de Mahé. Nous sommes en 1904 et le navire de contrebande croise au large des Seychelles où sévit une épidémie de variole. A bord, 12 hommes dont le capitaine Eckardt, trafiquant d'armes, d'esclaves, d'alcool et d'opium, Maccaïbo, Barthélémy et surtout Bazire qui obsède tant le narrateur. Bazire qui aime et a toujours aimé les tortues, au contraire du narrateur qui en conserve un trauma d'enfance et les hait au point de prendre du plaisir à les tuer. C'est « Sisyphe pire, qui transporte son rocher et qui est son rocher. L'incarcéré qui est le prisonnier et sa geôle. » La tortue, animal fétiche, dont Bazire loue les pouvoirs protecteurs : « Elles sont gardiennes. Elles veillent sur notre fortune et sur nous. Elles nous protègent. Elles sont porte-bonheur… ».



Malgré l'épidémie dans l'archipel, le capitaine Eckardt descend à terre pour organiser un dernier coup : capturer son ancien complice Vahély pour le forcer à révéler l'endroit où se trouve le trésor perdu de l'Iman de Mascate, en pèlerinage vers La Mecque, « un véritable monceau d'offrandes, pierreries, or, ivoire et compagnie, afin de saluer dignement le souvenir du Prophète »… Pour masquer ses véritables intentions, Eckardt embarque une soixantaine de tortues géantes à destination d'Aden. Mais tout ne se passe pas aussi vite que prévu et chaque jour à terre augmente le risque de contracter la variole.



Enfin le navire appareille. Dès lors, on croit lire un roman d'aventure dans la veine de L'Île au trésor, c'est en fait une histoire trouble et enfiévrée où s'entrelacent la peur grandissante de la variole et les visions éthyliques du narrateur porté sur le rhum et obsédé par la présence des tortues comme une malédiction à bord du bateau. L'équipage sera confronté à un dilemme : relâcher à terre pour chercher un vaccin quitte à être arrêté par la police pour la capture de Vahély, perdre tout espoir de trésor, ou alors poursuivre la route et être riche ou mourir.



Originaire de l'île Maurice, Loys Masson, poète avant que d'être romancier a été nommé le « Melville français » par la critique. Son oeuvre phare, Les tortues, inspirée du livre Les Encantadas ou Iles Enchantées de l'écrivain américain, lui vaut consécration. Ceux qui ont lu et apprécié Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry se retrouveront également dans ce roman parfumé de poésie, où la langue française fleurit de mots exotiques : palissandre, vanillier, fangourin, boulboul, oiseau-banane, badamier, bétel, varangue, mangue, citronnelle…



En conclusion, malgré d'indéniables qualités, Les Tortues n'est pas une lecture facile. C'est un roman qui résiste et qui nécessite du temps pour en mieux pénétrer la signification. Je le recommande à ceux qui cherchent des trésors oubliés et aiment déchiffrer les parchemins obscurs qui mènent à leur découverte. Je ne suis pas vraiment de ceux-là.

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Les tortues

Plongée sensuelle dans la folie, avec un goût de sel, de soleil et de mort, le choc mat des carapaces à l’heure du rut et la cupidité des hommes, d’or et de feu. Un chef d’œuvre.
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Les tortues

Chef-d’œuvre !

A propos des tortues, L’Express s’était écrié : « C’est L’Île au Trésor écrite par un poète de la race de Saint John Perse. »

« D’autant qu’il y aura toujours, comme le savait fort bien ce fictionneur hors pair, « des histoires ourlées de cyclones et de requins à conter. » Éric Dussert.

Magnétique, culte, « Les tortues » est Le livre. Celui qui honore la littérature. Sa richesse infinie est garante d’une œuvre rare. Écrit en 1956, pas une ride sur le filigrane. Son souffle perdure, la lecture est une sacrée chance. Merci L’Arbre Vengeur pour sa renaissance ! Ce classique est un récit voyageur dirions-nous, mais non. Il est un esprit, l’emblème maritime. Une rencontre fabuleuse avec des hommes, aventuriers, éperdus d’espace et de déraison. La fraternité chevillée dans les lames de fond.

Le narrateur (anonyme) s’allie au capitaine Eckardt avec « une douzaine sous ses ordres à bord de la Rose de Mahé, fin voilier. » Contrebandes, « tout nous était argent sans odeur. »

L’histoire se déroule dès novembre 1904.

On ressent des destinations avides de richesses, des marins complices des transports d’esclaves « entre l’Abyssinie et le Yémen et, à deux reprises même, piraterie caractérisée sur la Côte des Somalis. »

Eckardt est vil, avide d’argent, un homme oublié, égaré dans les affres nauséabondes. « Eckardt, énorme comme son destin. » Surnommant les marins « mes petits frelons. »

Le capitaine Seamus Eckardt à défaut d’autres marchandises va transporter sur son voilier des tortues géantes, celles des Seychelles, île ravagée par la variole. De ce fait, le voilier reste accroché tel l’étendard d’un malheur sous-jacent aux regards de l’île qui va sournoisement prendre au piège les marins. Pas de vaccin pour eux. Plus un seul à disposition. Une soixantaine de tortues géantes sont embarquées. Eckardt promet aux marins de l’or « au bout du voyage ». Le narrateur tremble. Les tortues sont pour lui le symbole de la malédiction. Un rejet venu de sa plus tendre enfance. Une métaphore cruelle et dévorante. Des tortues fantomatiques qui dévorent ses pensées, sa condition même d’homme. Imaginez ces mastodontes marcher sur le plancher qui craque. Cette vision d’horreur qui prend vie et encercle sa raison jusqu’à frôler la folie. Des tortues paraboliques d’une phobie intestine. Le voilier est un microcosme grouillant de vie. Comme si le monde naviguait sur les flots. Ici, il y a des hommes, une hiérarchie de fer, la peur de la variole qui va être un tsunami. Pourtant la douceur de la trame est lagune. Tout, ici, peut être annoté, certifié. Un auteur de génie (Loys Masson) qui souffle sur les voiles, fait briller les regards et attise une histoire forte, scellée à la beauté humaine envers et contre tout. Ce livre est une émotion. Un passage obligé pour s’endurcir face aux tempêtes.

« Éléazar avait cessé de chanter. D’en bas montait l’archange bleu de sommeil. Il se postait à l’avant, il était le veilleur de la tranquillité et du rêve, le grand cousin radieux de l’espoir. C’était le calme d’avant orage : l’araignée du silence marchait sur la peau. La mer ne frappait plus la Rose que dans un gant de plume. »

Les tortues se figent dans l’orée de cette épidémie. Assignées au sceau de la perdition. Le symbole détourné à l’instar d’un navire fantôme échappé de l’irrévocable. La promesse de l’or au bout du voyage est l’homme qui se noie en pleine mer.

« L’homme n’est pas chez lui sur l’eau ; il y voyage, c’est une intrusion : ces vagues, ce bleu, cet horizon fondant ne sont pas de son domaine naturel. »

Que va-t-il se passer dans le cœur même de « La Rose de Mahé » ?

« A chaque fois le monde des tortues se rapproche. »

L’épidémie griffe, les tortues géantes, la variole ? Lisez, lisez ce livre splendide.

Sur l’autre rive, le plus beau chant d’une littérature de renom : l’accolade langagière.

Prendre soin de la préface d’Éric Dussert. Lire attentivement « une lumière d’Acropole avec un goût de laurier. » Loys Masson « Ce poète est pour moi l’un des seuls d’à présent qui ait une voix. Et elle va droit en moi. » Henri Michaux. Loc-bloc, dame-jeanne et livre de loch…

Dans l’écrin d’une collection : l’alambic dirigée par Éric Dussert. Publié par les majeures Éditions de L’Arbre Vengeur.





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Les tortues

Le capitaine Eckardt, dont les veines du cou explosent presque tant la rage et l'obsession les irriguent, entraîne douze matelots, ses "frelons", à la recherche d'un trésor. Leur brick, le Rose de Mahé, quitte bientôt les Seychelles après avoir embarqué quelques passagers de cauchemar: le virus de la variole, un mort en sursis du nom de Vahély qui seul connaît l'emplacement du trésor, et une soixantaine de tortues géantes. De leur enclos monte "le frottement doux, pressant, amoureux, des coques entre elles quand le temps de la parade approche". La fièvre, le rhum, le soleil

cognent dur, des visions étranges faseyent parmi les haubans; la folie rôde - mais n'est-ce que la folie?



Commencée sous les bonnes étoiles de Melville et de Conrad, cette étrange croisière s'affranchit bien vite de tout sextant et explore des parages que nul explorateur n'avait encore cartographiés.



Mais l'on en a déjà trop dit... "Ah, c'est le silence, plutôt, qui devrait suivre", écrivait jadis Max-Pol Fouchet en refermant un autre grand livre.
Lien : https://bibliogite.jimdofree..
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Les tortues

Une histoire de contrebandiers, de vérole et de tortues, qui dans son apparente simplicité nous transporte dans un univers exclusivement masculin en pleine dérive, en proie à la cupidité, aux fantasmes, à la superstition, et qui s'écroule lentement sous le poids de la culpabilité de ses personnages. Un roman très bien écrit, dont certaines scènes brillent par leur intensité et par leur majestueuse description des îles de l'Océan Indien.
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