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Citations de Luc Dietrich (98)


Je savais bien deux choses pour les avoir vues moi-même, je savais les fleurs et les étoiles.
J'avais pris un pot de géranium et planté les fleurs dans la terre et les racines vers le haut. Mais lui s'était tordu la tête comme quelqu'un qui se bat et était remonté par-dessus ses racines.
Les fleurs remontent vers les étoiles parce que les étoiles leur donnent à boire. On voit les étoiles dans les puits, mais au contraire les étoiles sont des puits et la pluie et la rosée tombent de là.
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La plante ne ment pas, n'imite pas, ne se répand pas, n'attaque pas, ne sort pas d'elle-même, elle reste conforme à sa semence et fidèle à ses racines, aussi ignore-t-elle la laideur, punition de ceux qui font tout pour l'apparence.
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Couchés dans le dortoir, Plessis me dit :
« J'ai une idée inouïe.
- Quoi ?
- Si nous allions rendre visite à la demoiselle Blanche ? »
J'eus un moment d'effroi.
Nous nous aventurâmes tous deux dans le couloir. Nous frappâmes. La voix très douce renouvela notre effroi.
« Qui est-ce ?
- C'est nous. Ouvrez vite...
- Qu'y a-t-il ?
- Une grande nouvelle à vous annoncer. »
Elle ouvrit. Elle était vêtue d'une grande chemise avec une collerette et des manches de dentelle.

Elle nous interrogea sur la grande nouvelle.

« Eh bien voilà : à Plessis et à moi il nous est arrivé une chose effrayante.
- Laquelle ?
- Oui, effrayante.
- Mais quoi donc ?
- Eh bien, nous avons pensé à ce que nous deviendrions si vous n'êtiez pas là ».

*

Et chaque soir, nous allions la retrouver :
« Ouvrez vite !
- Qu'y a-t-il ?
- Une grande nouvelle.
- La même qu'hier ?
- Oui. »
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L'arbre
Il a crevé la terre compacte, puis il est monté dans le ciel comme une tour de silence. Son torse a durci sous le froid et noirci dans les pluies. Il a multiplié ses membres au creux chaud des années. Il a fouillé la terre d'une chevelure noire. Ia mis de l'ombre au-dessus de sa terre et rendu l'herbe tendre. Il est devenu comme une grande montagne toute pénétrée d'oiseaux.
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Luc Dietrich
EMBLÈMES VÉGÉTAUX
 
La Feuille

C'est un nuage dans sa forme dernière, c'est un lac habité de ramures, c'est tout un continent que les racines aventureuses ont haussé jusqu'au jour : la feuille (la feuille ouverte comme un temple, la feuille close comme un temple).
Elle est la transparence : quand le matin brille dans ses vaisseaux, elle rayonne comme un vitrail. Et dans ses nervures palpite la fusion du soleil et de l'eau, se nouent nos peines et leurs sentiers, montent la route blanche où nous marchons aveugles.
Elle est dressée car c'est debout que nous devons combattre. Sans armes nous devons combattre et c'est ainsi qu'elle est offerte aux fureurs du dehors. Elle monte jusqu'à sa fin puisque telle est la loi.
 
*
 
La Main et La Feuille

Tout s'inscrit aux nervures de la feuille : les cassures des saisons, le sol solide, l'air et sa chevelure d'onde, le voisinage, l'âge où l'on pousse au gré du vent, l'âge où l'on s'élève et se dédouble, l'âge où l'on porte fruit avant de dépérir pour repartir au creux d'un autre germe.
Tout est gravé dans le creux de la main : les défaites qui sont tombées sur nous comme la pluie et les inévitables succès qui ont soufflé sur nous du dehors. Notre infime et secret destin est inscrit jusque dans les étoiles.
Notre main est une étoile de chair, cette feuille est une paume céleste et s'ouvre selon les directions dont l'espace s'irrigue.
 
 
« Emblèmes végétaux », Textes et photographies de Luc Dietrich ; postface par Jean-Daniel Jolly Monge, Le Temps qu'il fait, 1993 / Réédition de l'édition de 1936.
 
Extraits présentés dans la Revue « Entregas de La Licorne N° 12 », sous la direction de publication de Susana Soca. Montevideo, 1959. (pp. 92, 95)
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On entrait dans la classe au petit jour, terrorisés d'avance par le maître rouge, qui du haut de sa chaire, beuglait : " Je vas vous l'apprendre l'éducation, je vas vous foutre ma main sur la gueule ". Il me demandait : " qu'est-ce que c'est que Louis XI ? " si brusquement que, même si je l'avais su, je ne l'aurais pas su. Il me mettait au piquet et pour m'accabler il ajoutait : " sept fois huit ? " Je n'ai jamais pu apprendre ma table de multiplication. Il donnait des coups de règle sur mes doigts déjà crevés d'engelures.
Et il criait : "Celui qui ne sait pas compter n'arrivera pas dans la vie car, on arrive en comptant. Ceux qui ne savent pas compter, ce sont des poètes et tu n'es pas un poète ".

Luc Dietrich, Le bonheur des tristes, Le temos qu'il fait, 2016, p. 25.
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Luc Dietrich
Sachons toujours nous souvenir



Pour gagner le verger aux arbres toujours verts
Aux fleurs fraîches et neuves, aux herbes courageuses
Au ruisseau non souillé coulant entre les mousses
C’est debout qu’il faut vivre dans la force du monde
La chevelure au vent et le cœur en éveil.

Il faut marcher encore dans les herbes brûlées
Où nous avons senti la beauté de la route
Il faut garder toujours cette fleur de fraisier
Dernière de cet automne mais pour nous la première.

Sachons toujours nous souvenir que le mot le plus beau
Sera toi sur mes lèvres, sera tien dans ton cœur.
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Que trouvons -nous au fond de nous ? qu'y a-t-il de plus réel que la peur, de plus solide que la certitude de notre déchéance ? Quand avons-nous commencé de vieillir ? Seules les plantes grandissent jusqu'à la mort. Moi, depuis le jour de ma naissance, je n'ai fait que dépérir.
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Luc Dietrich
La haine vient bien quand les hommes se touchent : haine du sali contre le bien tenu, de l'ignorant contre l'endoctriné, de l'étriqué contre le musculeux, du dépensier contre le ramasseur d'épingles ; haine des damnés qui meurent deux fois en tuant avec des gestes de colère ou des lenteurs de joie ; haine du troupeau qui ne tue pas, mais qui hait sans risque entre les brancards de la loi.
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Il ne te manque qu’une chose, c’est de savoir qui tu es.
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Avant je voyais la foule, mais maintenant pour la première fois je regarde la foule.
Je m'appuyais contre un garde-fou qui me séparait des hommes, des femmes, de tous ceux-là qui moutonnaient, affluaient, semblaient se lier, puis disparaissaient dans d'autres tuyaux, dans des portes ouvertes, fraîchement ouvertes comme des tombes.
Alors le destin de l'humanité tout entière m'apparut dans ce mouvement de mauvaise marée: destins fondus dans le même glissement, destins lâchés par milliards comme poussières vivantes.
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Pendant ce temps, je fais pour lui la terre, les saisons et les villes; lui fournis les véhicules, les affaires , les femmes et tout ce qu'il va casser. Et moi, avec une bonne foi et une bonne volonté qu'on peut qualifier de divines, je m'évertue à ne lui mettre en main que des actes et des desseins parfaitement agencés ; car la règle ďu jeu consiste précisément à prouver qu'il n'y a rien à tirer de ce malotru.
Au moment où tout lui croule à la fois sous les pieds et sur la tête, le voilà qui se plaint et proteste que c'est la faute des autres.
À ce moment il se retourne et je le reconnais: c'est moi.
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Je suis le grand nombre à demi vivant, et voilà que mille et mille bouches ont fait notre vérité : car seul, je sens le désordre des autres rejoindre mon propre désordre et notre solitude augmente d'autant, car nous ne sommes ni un, ni tout, ni un monde, mais une conscience perpétuellement en chute, et l'heure de notre mort est toujours maintenant.
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Et maintenant qui suis-je ? sinon l''homme qui vient pirater le poison à la ville: les poudres, les fumées, les ampoules, les torpeurs, les frénésies, la mort, qui me sont familières. Et ceci marque toute la distance qui sépare l'enfant de l'homme : que je me livre à ce manège sans amour et sans tremblement, sans même un désir de profit, mais non pas sans complaisance à savourer l'angoisse.
Tant il est vrai que les peurs de l'enfance sont les seules qui nous rejoignent dans la sécurité de notre âge et que, pour autant que nous cherchions les chemins de traverse, nous retombons toujours dans les tranchées parallèles, qui, cependant, se rencontrent toutes dans l'unité de notre mort.
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(..) je sais qu'il est beau pour une bête de mettre le premier la griffe dans la chair la plus tendre, qu'il est beau pour celui dont les désirs sont usés de se frotter un peu à la peau la plus neuve, pour celui dont l'âme est sale de salir le premier la chose la plus blanche, et pour celui qui rampe et suinte , beau de faire glisser dans la boue ce qui marche dans l'innocence et dans la rectitude.
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Je ne possède en fait de gloire que ma misère, mon abandon, mon incapacité à tout.
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" Que deviendrai-Je ?
- Écrivain, répondait une voix comme par un téléphone mal branché. Et à qui lirai-Je ce que j'écrirai? À eux? Ils sont trop et chacun est occupé d'autre chose."
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C'était moi, mais quel drôle de moi! Mon visage était comme une racine avec ses barbes follettes! Mon regard fendait cette noirceur, comme un coutre la terre. Ma bouche y vivait comme une balafre fraîche. Et par-dessus le tout, poussait un pin qui débordait sur les oreilles et le cou.
Je ne savais si c'était ridicule, désolant ou beau, mais je ne ressemblais pas aux autres: j'étais plus grand et plus visible.
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Alors, à quelques pas devant moi j'entrevis un éclat de métal : une épingle de sûreté comme celles que ma mère portait toujours sur elle.
Et comme une vrille de vigne s'accroche à une branche qu'elle rencontre, les souvenirs montaient et s'attachaient à cette épingle.
Des coins obscurs de l'étendue où elle s'était dispersée, ma mère se réunit autour de cet objet présent. L'air d'alentour reconstruisit sa chair vivante, me rendit sa couleur vivante, sa voix vivante me pénétra, moi qui étais son image et qui vivais.
Et la douceur de celle qui était morte, en se mêlant à moi, emportait un peu de ma vie et la souffrance descendait en moi plus profonde.
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Dehors , la ville me montra tous ses trous, ses coins, ses appels, ses escaliers comme des trappes, ses boîtes qui se referment, ses lumières sèches qui s'allument et s'éteignent, ses rideaux qui se tirent, ses rues où les foules remontent comme de mauvaises digestions, ses souterrains où elles pendent par grappes, ses ronds-points où elles font exprès d'être nombreuses et de grouiller sur place et de coller ensemble comme les oeufs des poissons, ses cafés où les jambes s'entremêlent sous les tables, ses taxis où les bras se croisent sur des dos. L'amour mouillait tout ça, coulait dessus comme une rinçure de vaisselle, y gloussait comme un évier qui se vide.
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