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Citations de Luc Dietrich (98)


Les hommes disent : "Une vie de chien." Ils croient que les animaux sont humiliés et malheureux. Mais j'avais bien observé les animaux et je savais que les hommes se trompent, car jamais une fourmi ne s'arrête pour soupirer que la vie ne vaut pas la peine, et jamais un âne ne se dit : "Comme je suis vexé d'être âne." Et quant aux plantes, elles sont si fières d'être ce qu'elles sont, qu'elles ne disent rien à personne. (...)
Nous, nous sommes malheureux parce que nous ne sommes pas du tout contents d'être ce que nous sommes, sans non plus savoir ce que nous voudrions être. (p.45)
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Les bêtes ne demandent jamais l'heure, c'est pourquoi elles ne sont jamais pressées et elles font tout ce qu'elles veulent comme sil elles avaient toujours le temps. C'est pourquoi aussi, elles n'ont jamais peur quand il n' y a pas de danger; elles ne ferment jamais les portes. Mais les hommes sont toujours pressés, doivent prendre une voiture, un train, pensent : "Nous allons être en retard", car ils savent qu'il y a une fin et qu'il y a tant de choses à faire avant la fin. (p.42)
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Il y avait des voix de femmes déchirantes comme des oiseaux qui s'envolent, heureuses comme des matins de départ, et des voix graves comme des orages qui approchent, comme le soleil lorsqu'il tombe , comme le silence quand les hommes sont morts.
Et Dieu allait venir. (p.51)
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Mes yeux s'usent, mes forces s'usent mais ma vie ne s'use pas parce que mes forces sont en dehors de moi.

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Si dès l'enfance la vie ne l'épargna pas, Luc Dietrich avait "soif d'apprendre; je veux descendre pour aller loin, jusqu'à ma propre perte si c'est nécessaire", écrivait-il dans son journal. (Présentation de Frédéric Richaud, p.8)
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J'ai vécu très longtemps au fil de la terre. J'ai dormi des saisons dans des trous de chênes, les éboulis de rochers. Je connaissais l'heure de la graine, de la tige, de la feuille. Je savais les vents qui mettent le désordre dans le ciel, ceux qui mettent le désordre dans les branches et ceux qui troublent les sèves, ceux qui brûlent les feuilles et sèchent les branches
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C'était une chambre pleine de passé. Sur le mur il y avait un militaire avec des moustaches, un collégien à casquette galonnée, une première communiante et tous ces gens-là étaient morts. Sur la cheminée, dans un vase noir, séchaient des monnaies-du-pape. Le piano, les fauteuils, le guéridon se souvenaient de ceux qui étaient morts. L'usure du tapis conduisait leurs pas vers la porte. Seul le feu vivait dans sa grille.
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Au bout de la rue était une étendue grise, délavée, dévastée de vent.
Je respirais à grands coups comme au bord de la mer.
La cathédrale se dressa dans le ciel avec une grandeur et une droiture intolérables.

C’est un rocher qui émerge des vagues, frotté de sable et bruni d’algues.
La pierre des tours chante de vent. C’est un rocher couché dans la hauteur.
Des corps décapités s’y multiplient jusqu’au sommet.

C’est un vaisseau frappé par sept naufrages.
Et moi, Dieu merci, je ne sais plus d’où je viens.
Je ne sais pas où je vais, je suis noyé et débarrassé de toute vie.

Je suis un corps que le flux aspire et rejette.
Je vais buter sur les pointes, sous les prophètes,
contre les guerriers, devant les reines aux tresses de cordage.

C’est un grand rocher évidé sur le ciel, et le ciel même glisse dans ses brumes,
mais ce roc humain est une montagne de foi.
Le rocher le plus sûr peut-il retenir le noyé qui s’y cogne ?
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Oui, une femme qui cuit une soupe pense qu'elle va la faire goûter à quelqu'un qui rentrera. Tous ces hommes qui se hâtent, c'est qu'ils sont attendus par quelqu'un (...)
Même ceux qui vont lâchés comme des mouches, aiment ou haïssent d'autres hommes et s'accrochent à eux de la sorte. Ils ont bâti des maisons pour se protéger du grand nombre; mais la porte s'ouvre à quelques- uns, car l'homme est un animal de petite société. Chacun se déplace dans la sphère de ceux qu'il attire ou dont il est attiré. Et ils répètent en chœur comme des écoliers: " J'ai, tu as, il a , nous avons, vous avez, ils ont une importance". C'est pourquoi ils travaillent tant: pour se tenir par les bras et par les mains à ceux qu'ils ne peuvent toucher par le cœur et la pensée.... (p.209)
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Je regardai la clarté de la bougie tourbillonner au plafond. Je m'accrochai avec acharnement à la pensée que, l'année passée, à cette heure, exactement, je rentrais dans notre chambre.
Abri contre tout le mal et la laideur du monde, où était-elle, à présent notre chambre ? Elle flottait à la dérive, en arrière dans le temps, et nul effort humain ne pouvait me la rendre.
"Tu as de l'appétit, j'espère," disait ma mère en versant la soupe. Mais la cuillère restait suspendue entre l'assiette et les lèvres, et je la regardais.
Il me vint un désir violent de la voir. J'ouvris dans un coin une mallette. J'en tirai une photographie.
Elle était là sous une ombrelle dans un jardin, jeune fille et telle que j'aurais voulu la connaître. Je m'arrêtais au bord de l'image. Rien ne pouvait me faire pénétrer sous le glacis, marcher, courir sur le gravier de l'allée, l'appeler, lui faire relever la tête et tourner vers moi ses yeux qui fixaient un autre que moi.
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Je m'avisais que le premier de mes défauts était la dépense de moi-même. Je résolus de supprimer la moitié de mes pas, les trois quarts de mes mots, les neuf dixièmes de mes gestes afin de garder quelque chose pour moi.
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Mais, comme j'avais dit que je l'aimais, je n'allai pas chez elle. Je rentrai chez moi tout droit. La première chose que j'y rencontrai fut la glace, et moi dans la glace.
Je restai suspendu à mon propre regard sans battre la paupière. Un ruisseau d'ombres passait entre les îlots pâles du visage, qui peu à peu les entraîna, les noya, les mêla.
Puis le mélange se sépara : les éléments de boue et d'eaux s'écoulèrent, ceux de roche durcirent, ceux de glace et de feu se ramassèrent au milieu dans le regard qui commençait à creuser la masse solide, à éventrer les souterrains pourris.
Les dents me frappèrent, comme une poignée de cailloux une vitre. Je cessai d'être moi-même pour devenir celui qui, de la glace me regardait. Puis j'hésitai ne sachant qui j'étais.
Le visage de ma mère couvrit ma laideur et pleura. Puis la face de mon père se plaça devant la mienne, dure, pour me défendre et puis pour m'accuser.
Une auréole de ténèbres et de vide circulait autour de ma tête. Un grand trou s'ouvrit derrière mes épaules et d'un moment à l'autre une main allait me saisir par la nuque et me tirer en arrière, mais doucement, délicatement, pour ne pas me tuer, pour m'enfermer face à face avec mon infamie pendant toute l'éternité.
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La lecture.
Tout ce que je trouvais, je le lisais. Bien sûr, ce n'était pas toujours de la prose faite pour les délicats. Quand je tombais sur quelque chose de bien, je l'apprenais par coeur et, la nuit, je le beuglais avec de grands gestes. De la sorte, je devins comme un second auteur, plus bruyant, mais modeste.
Les crimes mal racontés m'enchantaient; les noms me donnaient de la joie : le docteur Couilloux, le pharmacien Bourouge, Adolphe Canne l'épicier.
J'aurais aimé m'appeler Bougie ou Hérisson, Fromage ou Pinard ou Choucroute.
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Je savais bien deux choses pour les avoir vues moi-même, je savais les fleurs et les étoiles.
J'avais pris un pot de géranium et planté les fleurs dans la terre et les racines vers le haut. Mais lui s'était tordu la tête comme quelqu'un qui se bat et était remonté par-dessus ses racines.
Les fleurs remontent vers les étoiles parce que les étoiles leur donnent à boire. On voit les étoiles dans les puits, mais au contraire les étoiles sont des puits et la pluie et la rosée tombent de là.
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Elle sortit des joncs en secouant ses cheveux.
Elle dit : "Je suis Plumette la fille d'ici", et elle montra la ligne flottante des herbes, la courbe de l'eau et les peupliers sages.
"Moi je suis le commis, je tire la charrette.
- C'est lourd ?
- Non, mais ce qui est lourd c'est l'indifférence des autres.
- J'ai compris", et elle m'entraîna.
Alors j'ai su que l'herbe des rivières cache des vallées sans charrettes, des palais sans hommes, des royaumes habités de courant, de reflets et de bulles.
Elle me permit d'être roi et quand je parlais tout le monde m'écoutait et personne ne me dit que j'étais bête.
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Luc Dietrich
EMBLÈMES VÉGÉTAUX
 
La Feuille

C'est un nuage dans sa forme dernière, c'est un lac habité de ramures, c'est tout un continent que les racines aventureuses ont haussé jusqu'au jour : la feuille (la feuille ouverte comme un temple, la feuille close comme un temple).
Elle est la transparence : quand le matin brille dans ses vaisseaux, elle rayonne comme un vitrail. Et dans ses nervures palpite la fusion du soleil et de l'eau, se nouent nos peines et leurs sentiers, montent la route blanche où nous marchons aveugles.
Elle est dressée car c'est debout que nous devons combattre. Sans armes nous devons combattre et c'est ainsi qu'elle est offerte aux fureurs du dehors. Elle monte jusqu'à sa fin puisque telle est la loi.
 
*
 
La Main et La Feuille

Tout s'inscrit aux nervures de la feuille : les cassures des saisons, le sol solide, l'air et sa chevelure d'onde, le voisinage, l'âge où l'on pousse au gré du vent, l'âge où l'on s'élève et se dédouble, l'âge où l'on porte fruit avant de dépérir pour repartir au creux d'un autre germe.
Tout est gravé dans le creux de la main : les défaites qui sont tombées sur nous comme la pluie et les inévitables succès qui ont soufflé sur nous du dehors. Notre infime et secret destin est inscrit jusque dans les étoiles.
Notre main est une étoile de chair, cette feuille est une paume céleste et s'ouvre selon les directions dont l'espace s'irrigue.
 
 
« Emblèmes végétaux », Textes et photographies de Luc Dietrich ; postface par Jean-Daniel Jolly Monge, Le Temps qu'il fait, 1993 / Réédition de l'édition de 1936.
 
Extraits présentés dans la Revue « Entregas de La Licorne N° 12 », sous la direction de publication de Susana Soca. Montevideo, 1959. (pp. 92, 95)
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Autour des arbres et des carrés de gazon ils mettent des grilles comme s'ils craignaient que ces êtres paisibles entre tous, tristes et diminués, allaient les mordre.
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Luc Dietrich
Le fleuve

Il coule entre l'herbe et la pierre.
Il coule entre la laine des vallons et les averses illuminées,
Entre la terre au travail et les hommes en sommeil,
Entre hiver et printemps ,
Entre les doigts des routes et la paume des villages,
Entre les buis amers et les ancolies bleues,
Entre les nuages et les houx,
Les robes claires des filles du dimanche
Tandis que coule un jour entre les autres jours.
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" Que deviendrai-Je ?
- Écrivain, répondait une voix comme par un téléphone mal branché. Et à qui lirai-Je ce que j'écrirai? À eux? Ils sont trop et chacun est occupé d'autre chose."
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Rares sont les livres que l'on peut poser sur l'herbe et qui résistent à la comparaison avec les brins tout droits, le filigrane des graminées, le silence que traverse un murmure de feuilles."
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