Lydie Lefèvre

Désagréable comme situation, surtout que mon père, mon très cher père, ne lésinait pas sur les « tu es ravissante ce soir », « je t'adore » et compagnie ! Un lâche ! Voilà à qui il me faisait penser quand je le regardais. Non, cet homme n'était plus mon père, c'était un traître !

Comment un enfant comme lui a-t-il pu écrire « Mon père m'a blessé … Mon beau-père m'a tué ... » ? Elle meurt d'envie de découvrir ce texte, mais une pointe de culpabilité l'en empêche. Lire ces lignes, revient pour elle, à violer l'intimité de son fils. Elle se demande qu'elle serait la réaction de Gabin, s'il apprenait qu'elle avait fouillé dans son ordinateur. Line doute, hésite à poursuivre sa lecture. Elle ne peut s'empêcher de parcourir en biais la page devant elle. Elle est bouleversée par la dureté des mots que son regard croise.

Je n’aime pas ce rictus au coin de la bouche. Il sous-entend des choses pas très catholiques.

Elle prend son verre, avale délicatement une gorgée de vin et d’une manière très sensuelle, se passe la langue sur les lèvres. La garce ! Une allumeuse de première ! Je la critique mais au fond de moi, j’envie cette femme. Elle ose faire ce qu’un tas de filles rêvent secrètement, de crainte de passer pour une aguicheuse, en restant polie. Simple jalousie féminine. La tigresse reprend de plus belle sa promo pour le libertinage.

Érika, la belle métisse, semble être tombée sous le charme d’Étienne. Elle le regarde droit dans les yeux comme si elle voulait le bouffer tout cru ! Telle une lionne attendant le moment propice pour se jeter sur sa proie. Elle doit être en mode chaud bouillant pour se frétiller à ce point sur son derrière. Étienne reste stoïque, trop occupé à me reluquer. Je crois que je tiens le célibat de la soirée. Il va falloir que je pose des barrières car je ne suis pas prête pour ce genre d’aventure. Bien que cet homme me séduise, je dois résister à la fougue qui pourrait s’emparer de moi et me laisser succomber aux charmes de ce Roméo. Je sens mon cœur battre, les chatouillis de la première fois envahir mon corps. Six mois que je n’ai pas senti l’odeur d’un homme, que je n’ai pas touché ni caressé sa peau. C’est dur ! Résiste Éléna, résiste ! Quoi qu’il en soit, cela fait du bien de voir l’effet que je fais à la gent masculine

Les effets de l’alcool augmentent les capacités verbales de certains. Les langues se délient et les mains baladeuses aussi…

La saint Valentin, tu connais ? C’est une fois par an ! C’est le jour des amoureux, ceux qui s’aiment ! Bien sûr j’ai allumé les bougies pour faire des économies d’électricité, je me suis déguisée en poupée Barbie pour mater la télé et comme je ne savais pas quoi faire, j’ai eu l’idée saugrenue de décorer la table de petits cœurs.

On ne largue pas son mari du jour au lendemain sans raison valable.

—    C’est tout frais. Et pour quelle raison ? Vous sembliez former un couple uni et heureux.
—    Oui, tu as trouvé le mot juste « sembler ». L’apparence, rien que de l’apparence. L’habit ne fait pas le moine ma chérie.

elle une bête de foire, les regards se posent sur lui et les chuchoteries moqueuses fusent. L'un des spectateurs lui lance :
—    Va cuver ton vin ailleurs ! Ivrogne !

Je vais prendre ta main dans la mienne, le passé va te sauter à la figure et tu vas comprendre.
Lou enferme la main de Joseph dans la sienne. Le vieil homme ressent une douleur intense qui inonde son corps. En un éclair, le flash-back de sa vie envahit son esprit. L'homme aux cheveux gominés, l'immeuble de la cité, les escaliers, l'appartement. Une femme, une petite fille. Des gémissements, des larmes. Des coups. Et, un placard fermé avec un vieux verrou. Lou libère la main de son père. Une multitude de sentiments l'accaparent. Honteux, choqué, effrayé, épuisé, il cherche un moyen de se tirer d'affaire.

Il n'est pas seul. Rien ne peut lui arriver. Il s'allonge au pied d'un chêne. Il est tendu. La vision de l'homme dans le miroir l'obsède. Il lui semble identifier cette face machiavélique. Il fouine dans sa mémoire. En vain. Il soupire. Un couple passe devant lui, main dans la main, suivit par une petite fille sur un tricycle. Un flash ! Il se souvient. Son cœur se serre. Cet étranger dans le miroir, c'est lui. Les images explosent dans sa tête ! Il se revoit trente années plus tôt. Les cheveux gominés, la cigarette au bec, les mains dans les poches, arpentant les trottoirs. Il se voit accoudé au bar, sirotant une bière. La vision d'un immeuble, celui où il était la nuit dernière, une porte qui s'ouvre. Un appartement d'où s'échappe des hurlements. Plus rien ! Le vieil homme tente de relier ces souvenirs aux faits étranges qui lui arrivent. Il ne comprend pas.

Les mois sont passés, jeune, veuve et riche, je suis partie à la conquête d'un homme pour me tenir compagnie. Je déteste la solitude. La femme n’est pas faite pour vivre seule, enfin, c’est ce que j’en dis.

Les paroles de sa fille l’ont profondément blessée. Elle n’avait pas besoin de lui rappeler son âge de cette manière, ni d’être arrogante. Elle sait qu’elle a des ridules bien ancrées au coin de la bouche, autour des yeux, que son corps n’a plus la même tonicité, mais tout de même, elle se trouve encore séduisante.

L’espoir fait vivre, mais jusqu’à un certain point.

On ne largue pas son mari du jour au lendemain sans raison valable.

Je fais ce qui me plaît, quand ça me plaît !
Tout ce dont j’ai besoin, c’est de changer d’air pour oublier ne serait-ce le temps d’une soirée, l’échec de mon mariage.

Sur cette terre, nous sommes tous de passage et celui-ci étant court, autant en profiter, chacun à sa manière, cela va de soi. Je passe cette journée plus sereine, convaincue que s'apitoyer sur son sort ne mène à rien si ce n'est à la dépression.

Les gens ne sont pas au courant de ce qui m’arrive, ils n'ont pas besoin de savoir, et même ceux qui en auraient connaissance ne peuvent pas imaginer à quel point cela est perturbant. Nous pouvons partager nos idées, nos passions mais pas la maladie. Celle-ci demeure propriétaire absolue de son terrain d'action, notre corps.

Il fait bon, personne à cette heure, c'est agréable. Je longe la plage. Le bruit des vagues, les mouettes et cette odeur d'iode m'apaisent, me rassurent. Dans la vie, nous nous prenons la tête pour des conneries, il n'y a pas d'autres mots ! Quoiqu'il advienne après ce rendez-vous du 24, je désire changer la routine, profiter des choses simples et oser dire ce que je pense tout bas. Je sais que ces jours d'attente ne changeront rien, donc autant se laisser aller vers des pensées positives plutôt que de broyer du noir !