AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Madeleine Assas (24)


Quand, peu à peu, moi et New York était devenu New York et moi, j'ai senti que , sujet minuscule avalé par le monstre, il me fallait respirer, prendre des pauses. J'ai compris que si je ne voulais pas être digéré par l'énergie colossale de la ville et rejeté comme un débris par sa mécanique sans pitié, je devais me construire, ou plus exactement, me reconstruire.
Commenter  J’apprécie          273
Herman est resté presque une année avec nous. Doorman de nuit, il était doux, discret. Il envoyait presque tout l'argent qu'il gagnait de ses trois emplois à sa famille, restée en Colombie. Ses yeux pétillaient de malice et je le sentais frustré de ne pas assez maîtriser l'anglais pour nous faire rire de traits d'humour qu'il devait manier, j'en étais certain, avec talent dans sa langue. Herman habitait le Bronx et prenait le métro pour se rendre tous les jours, en début de soirée, au 10. Il repartait au lever du jour, à six heures, pour rejoindre son lit et quelques heures de sommeil avant de travailler à la plonge dans un restaurant de Washington Heights, à l'heure du déjeuner. Il retournait chez lui pour faire une sieste et de nouveau, prenait le métro vers le sud, où nous l'attendions. Je savais que le week-end, ces deux jours où il ne travaillait pas chez nous ni au restaurant, il faisait de petits travaux de construction et d'aménagement, non déclarés, en compagnie de compatriotes ou d'autres Hispaniques d'Amérique du Sud. Peinture, maçonnerie, menuiserie, rien n'était trop pénible pour gagner quelques dollars supplémentaires. Pour ne pas montrer les marques de ces durs labeurs, il gardait souvent ses mains calleuses dans ses poches même si cela nous était interdit. Herman est mort un matin de mai 1987, poignardé dans le métro, alors que, rentrant d’une nuit de veille au 10, il s'était assoupi, le corps écrasé de fatigue, le visage plissé contre la vitre sale.
Zacharie a rempli de toute sa haute stature et de son élégance princière la porte du 10 pendant trois ans, Ce fut Hannah Belamitz qui le dénicha, je ne sais où. Il était d'une beauté stupéfiante, et noir, de ce noir profond qui devenait sous certains éclairages presque bleu. Il ne marchait pas, il dansait, Même lorsqu'il était immobile, près des portes, il semblait animé d'un rythme intérieur, d'une musique mystérieuse connue de lui seul qui le faisait se mouvoir imperceptiblement. p. 209
Commenter  J’apprécie          130
La famille nous voit toujours tel qu'on a été enfant et tel qu'elle aimerait qu'on soit. On reste figé dans une image idéale...
Commenter  J’apprécie          110
Chaque passant, chaque individu croisé est un monde à lui seul, un voyage mystérieux. La ville vibre de millions de promesses. Elle est puissante, dangereuse, imprévisible. On ne peut vivre qu’aux aguets, à New York. La vie vous submerge, la mort est partout.
Commenter  J’apprécie          80
Le temps m'avait appris que les êtres tremblants avaient aussi leur force, qu'une âme fragile pouvait aussi faire son chemin avec adresse et habileté. Il s'agissait juste de savoir où et quelle était sa place. La cohérence pouvait apporter une acuité incroyable quand la conscience de ses propres faiblesses était reconnue, et acceptée.
Commenter  J’apprécie          60
Vous me direz, pourquoi une lettre ?
Pourquoi du papier quand aujourd'hui on peut faire ça très vite, presque sans réfléchir, pfuiit c'est parti et, avec un peu de chance, ding ding, on reçoit la réponse à la seconde.
JTM.
I LOVE U
Moi aussi.
Pareil.
Parce que j'aime écrire. Parce qu'une lettre, elle existe. On la touche, on la caresse, on la respire, on la plie, on la garde dans sa main, dans sa poche, dans un tiroir. On peut la déchirer, la brûler, la faire disparaître, mais il faut y mettre du sien. Ça prend du temps. On ne DELETE pas une LETTRE. Et puis il y a les mots, l'écriture. L'écriture d'une personne, c'est de la vie. C'est comme un corps. On la voit, la personne, on la touche presque. Une lettre, c'est physique, voilà. Quand on écrit, c'est un peu de soi qu'on couche sur le papier et cette présence demeure indélébile. (p.37-38)
Commenter  J’apprécie          51
La ville était en crise, en déséquilibre permanent. Elle vivait, et nous avec, ces années extrêmes, de misère, de criminalité, de saleté, d'insécurité mais des points de renaissance somptueuse Jaillissaient çà et là. On détruisait, on construisait, on rénovait, on aménageait . New-York continuait sans repos son existence de créature monstrueuse et mouvante.
Commenter  J’apprécie          40
Il y a des lieux à New York où je me sens étranger, en visite et j’aime ça. Au lieu de me déstabiliser, le dépaysement me recentre. Et tous les voyages passés reviennent en vagues dans ma mémoire et mon corps. Si le gène du voyage existe, il a gagné depuis la nuit de mes temps mes cellules et continue de croître en moi sous diverses variations. 
Commenter  J’apprécie          40
Il y a des mots qui se disent, et d'autres qui s'expriment. Celui-là en est un.
Commenter  J’apprécie          20
Comment se rendre intéressante quand on est persuadée qu'on ne l'est pas.
Je suis suis PA-THÉ-TIQUE.
Bon. J'ai compris. Rester soi-même.
Mais c'est dur.
Parce que... qui est-ce, moi ?
Qui je suis ? (p.34)
Commenter  J’apprécie          20
Je voulais l'étranger pour l'étranger que j'étais, je voulais l'immensité pour mieux me trouver, mais au milieu des hommes, de la multitude, dans une des plus grandes villes du monde, New-York.
Commenter  J’apprécie          20
Le temps m'avait appris que les êtres tremblants avaient aussi leur force, qu'une âme fragile pouvait aussi faire son chemin avec adresse et habileté. Il s'agissait surtout de savoir où et quelle était sa place. La cohérence pouvait apporter une acuité incroyable quand la conscience de ses propres faiblesses était reconnue, et acceptée.
Commenter  J’apprécie          10
J’ai senti sa main légère sur mon bras. J’ai senti sa chaleur. Et puis ses lèvres sur les miennes. L’oubli. Le silence. Nos souffles. La lumière est soudain revenue, tremblante, nouvelle. L’ascenseur a hoqueté, soupiré et il s’est lentement élevé, comme par magie. Je n’ai pas bougé. Elle me regardait, elle m’a souri. Un sourire doux, triste, qui m’a serré le cœur d’une tendre poigne incompréhensible. L’ascenseur s’est arrêté, les portes se sont ouvertes et elle est sortie, ses escarpins à la main, sans se retourner.
Commenter  J’apprécie          10
Nous marchions et Bentzion parlait, en faisant de grands gestes. je compris que son désarroi ne venait pas seulement du dépeuplement de son quartier chéri mais du changement de population qui gagnait les rues par le sud, petit à petit, comme une vague, Chinatown s'étendait, grandissait. Déjà, East Broadway, là où se dressait l'immeuble du Forward, avait été colonisé par restaurants et magasins asiatiques. La population suivait dans les immeubles, les nouveaux arrivants remplissaient les étages. Chinatown avait commencé à grignoter Little Italy, qui s'était vidé pour les mêmes raisons que celles qui avaient dépeuplé le Lower East Side. Le quartier juif s’effritait à son tour. Un autre phénomène naissait, qui annonçait la gentrification du XXI siècle et qui transformerait définitivement les vieux quartiers de New York et des grandes capitales occidentales. La New York Historic Preservation se battait pour classer des blocs entiers d'immeubles, d’anciens ateliers à l’armature en fonte. La carcasse était conservée mais le cœur de ce qui avait été les foyers obscurs et insalubres de maisonnées surpeuplées serait rénové en intérieurs luxueux. Vieux bars et delis deviendraient cafés branchés : magasins de cornichons en saumure, bazars de tout et de n'importe quoi laisseraient la place à des boutiques de créateurs et galeries d'art. La transformation était lente, elle se faisait touche par touche, elle prendrait des années. Mais Bentzion avait déjà l’impression d’être en terre étrangère. p. 168
Commenter  J’apprécie          10
New York est sacrément, salement et merveilleusement humaine. Elle est brutale, dure, âpre. hautaine. L'agressivité et l’impatience disparurent des canyons de pierre, des avenues bondées, des rues surpeuplées, des parcs, des bureaux, des magasins, de la fin de l'après-midi jusqu'au lendemain matin.
Le 9 novembre 1965, dans ascenseur du 10 Park Avenue, Hannah Belamitz et moi nous nous sommes embrassés. On ne sait pas vraiment quand le baiser commence. Même espéré, même attendu, cet instant fugace est en général oublié. Je pense que c’est elle qui m'a embrassé. D'abord. Ce baiser ne fut ni le début mi la fin de quelque chose. Il s'inscrivit, à l'instar de la panne, comme un soupir, une interruption infinitésimale sur l'échelle du temps, avant que le monde ne reprenne sa course, le chaos urbain son désordre organisé et l’ascenseur, sa montée vers le dixième étage.
Commenter  J’apprécie          10
 Je suis frappé par la familiarité que cette femme me témoigne. (...) elle est la seule avec qui, même aux portes de l’immeuble, j’oublie que je suis le doorman, et à son service en quelque sorte.
Commenter  J’apprécie          10
Les livres, c’est la seule chose qui me console depuis des mois. Grâce à eux, j’ai l’impression que je suis dans la réalité et ça me fait du bien. Ce qui est un peu dingue puisque ce sont des histoires, et inventées en plus.
Commenter  J’apprécie          00
C'était nouveau, curieux, très très léger, une caresse, pfff, et en même temps énorme, comme si le monde me tombait sur le coeur.
Commenter  J’apprécie          00
Dix ans après mon arrivée à New York, le point le plus lointain que j’ai atteint, partant du cœur de Manhattan, fut City Island, un petit bout de terre qui n’avait d’île que le nom, appartenant au Bronx. »

« Pendant plus de trente ans, je ne suis jamais sorti de New York. Je n’en ai jamais ressenti l’envie profonde ni le besoin indispensable. Pourtant, les grands espaces de l’Ouest, que j’admirais au cinéma, les images des autres grandes villes américaines comme Los Angeles et Chicago, la Louisiane et son héritage français mâtiné d’espagnol, les récits que j’entendais autour de moi, de ceux qui partaient en vacances, en week-end, pour les lieux les plus enchanteurs et les plus spectaculaires de ce continent aux multiples pays, réveillaient quelquefois de leurs attraits ma curiosité et un besoin de me déplacer, de bouger, plus que de voyager, à proprement parler, vers des terres inconnues. New York suffisait largement à mes pulsions. Ville aux multiples territoires, aux différentes langues, aux populations diverses, perpétuellement renouvelées, ville mouvante aux transformations permanentes, ville à laquelle j’appartenais et qui était mienne, je pouvais au prix d’un token de métro partir en exploration et rentrer chez moi le soir, rassasié de découvertes. Je m’en voulais, au début, de me découvrir aussi sédentaire, casanier. Je ne me reconnaissais pas dans cet immobilisme, cette acceptation à la fois résignée et volontaire de ne plus franchir de frontières. Voyager, ce n’était pas prendre le métro et rester dans le périmètre circonscrit d’une ville, si grande et diverse soit-elle. Voyager signifiait passeport, valises, billets d’avion ou de train, monnaies étrangères et inconnues. Il y eut des projets, jamais réalisés, vers le Mexique, le Canada. Mais quand me monta, par relents, l’aigre chagrin profondément enfoui, presque oublié, de la traversée Oran-Marseille, à la vue de ma valise qui m’avait accompagné jusqu’ici et dont je n’avais jamais pu me résoudre à me débarrasser, je compris que ce n’était pas le moment, que je n’étais pas prêt, que plus tard, peut-être, je pourrais quitter une terre sans avoir peur de la perdre, partant rassuré de savoir qu’à mon retour, elle serait toujours là pour m’accueillir.
Commenter  J’apprécie          00
Le 10 Park Avenue est un ancien hôtel. Construit dans les années 1930, il a été reconverti, comme nombre de ces grands bâtiments édifiés dans le New York de l’entre-deux-guerres, en immeuble d’habitation. Après toutes ces années à mon poste de Doorman, je reste surpris par la pénombre du grand hall quand, les jours d’été, je laisse derrière moi l’avenue brûlée de soleil. Tourne la large porte à tambour et c’est entrer dans un autre monde, retrouver un passé luxueux figé en couleurs sombres, bois, cuivre et velours. La réception du concierge est restée la même depuis les riches heures oisives, où escarpins et richelieux vernis foulaient élégamment le sol à damier noir et blanc. Derrière le comptoir de marbre, le mur de bois sculpté en arabesques compliquées garde la marque des clés des chambres et l’empreinte de missives aux couleurs pâles. Depuis les années 1950, les crochets de cuivre sont inutiles et les niches cirées muettes.
Les voyageurs de passage sont aujourd’hui des résidents, la plupart d’entre eux propriétaires d’appartements de diverses superficies mais au standing à peu près égal. La moyenne d’âge est plutôt élevée, la population aisée, le 10 Park Avenue est une adresse sinon prestigieuse du moins recherchée, telle qu’elle sera définie à l’aube du XXe siècle, quand la fièvre immobilière s’emparera de la ville. Sur vingt-deux étages, les cent dix logements diffèrent selon le goût de chacun, classique, excentrique, minimaliste, kitsch. Il y a le style américain, le genre européen, anglais ou français, l’ambiance orientale, quelques capharnaüms qui tiennent plus du garde-meuble d’antiquités que du lieu de vie. Je les découvrirai peu à peu.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Madeleine Assas (129)Voir plus

Quiz Voir plus

Autobiographies de l'enfance

C’est un roman autobiographique publié en 1894 par Jules Renard, qui raconte l'enfance et les déboires d'un garçon roux mal aimé.

Confession d’un enfant du siècle
La mare au diable
Poil de Carotte

12 questions
147 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}