Citations de Madeleine Riffaud (68)
Étoile de sang
à Charles martini,
mon camarade,
dit Picpus.
Deux. Trois étoiles dans le ciel.
Deux. Trois étoiles dans la Seine.
Étoile qui brûle en tremblant
- O notre peine ! -
Trois étoiles de sang
Sont là sur les draps blancs.
O notre frère blessé à mort
Peut-être bien que, toi, tu dors...
Et c'est pourtant ta nuit, dernière
- Toute dernière -
Trois étoiles de sang
S'elargissant, sur les draps blancs.
Est-ce bien toi ?...(ou est-ce moi ?)
Qui fut blessé ? Trou percé dans le ventre -
Sueurs de la mort... Trou dans mon coeur !
Nos deux douleurs :
Deux étoiles de sang
L'une dans l'autre se fondant.
Oh la lumière fait très mal !
Et tout ce blanc aux draps, aux murs...
L'odeur d'éther des pansements
-Etouffement.-
Trois étoiles de sang
Implacablement au drap blanc.
"Mais, le pauvre homme, il va mourir !"
la salle d'attente, elle est ici;
On y attend depuis longtemps
- On y attend -
La fin, la grande Fin
Par le train du matin...
Dehors, la rue, la guérilla
En retour de flammes, en retous
Meurtriers; Jets d'eau jaillissants
Où nous avons bu.
Etoiles en fleurs là-haut dans le ciel
Etoiles vertes aux yeux des chats.
... Nous préparons une autre nuit
Saignant avec toi, notre frère.
La grande nuit de la vengeance
-De la naissance !-
Etoiles de feu, étoiles de sang
Etoiles nouvelles plein le firmament ! ...
Madeleine RIFFAUD.
( Ce poème dédié à son ami, je ne pouvai l'ignorer et je vous le donne en partage.)
page 113.
Neuf balles
à Jean-Pierre m. ( 16 ans)
Neuf balles dans mon chargeur
Pour venger tous nos frères.
Ça fait mal de tuer.
C'est la première fois.
Sept balles dans mon chargeur.
C'était si simple.
l'homme qui tirait l'autre nuit
C'était moi.
page 135.
Toi, je te l'interdis, tu es dans le triangle de direction maintenant. Déjà qu'on a perdu Picpus... Si tu te fais prendre, tout le groupe sera comme un poulet sans tête.
page 119.
Regarde les poulets... Ils ne remuent pas une plume !
page 97.
J'ai abattu un officier sur ordre et sang-froid... Mais tu sais, on regrette toujours d'avoir ôté la vie à quelqu'un... Pas tout de suite, mais après... Très longtemps après.
Page 95.
Trois jours, ça ne parait rien...Mais dans ces circonstances, je te prie de me croire...ça ressemble à une éternité.
Ils m'ont cassé le nez et démis la mâchoire en guise de bienvenue...Au sol, roulée en boule, j'espérais qu'ils me tuent sur place. Un coup mal placé, ça arrive dans les films.
Pas dans la vraie vie, visiblement.
Tout était devenu gris, même le printemps. Il ne restait plus de vert que les uniformes de l'occupant.
Mademoiselle, nous pratiquons toujours un curetage sans anesthésie en cas d'avortement provoqué. Ceci vous apprendra madame, à ne pas recommencer.
- L'espérance de vie chez nous est de 3 à 5 mois. Paul te l'a dit ?
- Oui, mais...je m'en fous.
Des gestes de plus en plus nerveux, des phrases de plus en plus courtes, des regards de plus en plus durs ! A force de vouloir coller à ce qu'ils représentaient, ils ont fini par se perdre eux-mêmes.
- Rainer ! Comme Rainer Maria Rilke !
- N'importe quoi !! C'est un prénom de boche, ça !! T'es pas folle ?!
- Moi , je trouve que la petite a une très bonne idée ! Après tout, on est pas en guerre contre le peuple allemand. Mais contre les nazis. On le prononcera à la française, et puis voilà.
J'avais pas mal de travail, comme toutes les femmes qui ont raccommodé le filet brisé de la Résistance. A chaque fois que quelqu'un était arrêté, ça cassait une maille. Et nous, nous faisions du rapiéçage en rétablissant les liaisons. Nous étions les petites mains des réseaux.
Beaucoup de ces femmes ont été arrêtées, suppliciées, déportées et éliminées.
"Malgré-nous", cette expression m'interroge toujours.
Bien sûr, on a menacé leurs vies et leurs familles pour qu'ils disent OUI. Mais nous, on a vécu la même chose, et on a dit NON.
On peut toujours dire non, quitte à se faire exécuter. J'aurais 1000 fois préféré mourir que de tuer tous ces innocents.
Les Français n'avaient pas tous la folie nécessaire pour s'engager dans nos rangs...
... mas aider les partisans en danger était devenu presque naturel, avec les années.
Dire que tout le monde était résistant - ou collabo - serait ridicule. Mais en 44, les gens en avaient soupé, de l'Occupation. Le peuple était mûr !
Mes copains étaient trop bien élevés pour tuer quelqu'un de sang-froid... aussi nazi soit-il.
Je ne pensais pas non plus avoir assez de cran, et pourtant...
J'ai abattu un officier sur ordre et de sang-froid...
Mais tu sais, on regrette toujours d'avoir ôté la vie à quelqu'un.
Pas tout de suite, mais après...
Très longtemps après.
Le ciel de Paris était toujours le même, mais si on baissait les yeux, on voyait la différence.
Tout était devenu gris, même le printemps. Il ne restait plus de vert que les uniformes de l'occupant.
Contrairement aux feuillages, ils n'invitaient pas à la rêverie.
Ils avaient coupé aux arbres leurs branches vivantes.
Ces salauds-là avaient atteint leur but...
... même nos joies avaient fané.
« Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place. » Joseph Kessel
- Ces salauds-là, ils envoient des belles gamines pour nous flinguer. Moi aussi, je me serais fait avoir. C’est pas les lois de la guerre, ça!
- Et Oradour, c’était les lois de la guerre peut-être?
Alors il est tombé. Comme un sac de blé. Il n’a pas crié. C’était peut-être un type bien, peut-être un salaud. Je n’ai jamais cherché à connaître son nom. C’est l’uniforme que je visais. Ce qui est malheureux, c’est qu’il y a toujours un homme dedans.