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Critiques de Makenzy Orcel (96)
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Une somme humaine

Une somme humaine est le second volet, ancré en France, d’une trilogie commencée en Haïti et qui s'achèvera en Amérique. Chaque livre du triptyque fait entendre la voix fantomatique d’une femme morte qui revient sur le triste écoulement de sa vie, courant mêlé à l’écheveau de tous ces destins anonymes formant le fleuve tumultueux et boueux de la condition humaine. Après L’ombre animale et le sort d’une vieille Haïtienne noire, inscrit dans celui, non moins terrible, de son pays, nous voilà cette fois aspirés dans le siphon qui mena une jeune Française au suicide.





Qu’a donc de si particulier et de si représentatif le parcours anonyme d’une jeune femme jetée par le désespoir sous un métro parisien ? Ombre parmi les ombres, disparue sans laisser de traces après une existence quelconque, c’est précisément sa banalité qui la rend universelle, incarnation d’une multitude silencieuse dont elle devient le spectral emblème par le truchement de l’écrivain. A travers elle, insignifiante poussière extraite le temps de son récit de la myriade de ses semblables, se laisse appréhender la bien noire « somme humaine » de ces innombrables et misérables destins.





Les carnets laissés par cette ombre sans nom retracent d'abord une enfance meurtrie et une adolescence abusée, dans l’indifférence hypocrite d’une petite ville de province, cramponnée à l'illusoire protection des apparences et des conventions sociales. Laissée à la merci d’un oncle incestueux - intouchable dans sa position de notable - par les frustrations jalouses d’une mère égocentrique et par la veulerie d’un père démissionnaire, elle pense échapper à la malédiction attachée à son corps de femme en gagnant la capitale pour des études de lettres, qu’elle tente avec plus ou moins de succès de faire déboucher sur le cinéma et le théâtre. Elle y rencontre les deux visages de l’amour, rendus génériques, comme les deux faces possibles de la relation des hommes aux femmes, par les prénoms Orcel et Makenzy que l’auteur prête à ses personnages. Le lumineux Orcel, réfugié malien tué dans l’attaque du Bataclan, a à peine le temps de la réconcilier avec elle-même que sa mort la laisse à nouveau déchirée et pantelante. Dans son errance affective, elle tombe sous l’emprise du pervers narcissique Makenzy, qui achève de la transformer en loque humaine désespérée.





Le murmure de cette voix d’outre-tombe se répand en une phrase unique, sans majuscule ni point, marquant par là son inscription dans un écoulement plus global : celui de la vie, se dévidant sans fin de génération en génération, chacune transmettant comme elle peut son fardeau à la suivante. Car la souffrance de la narratrice ne lui appartient pas : elle s’est nourrie de celle de ses parents avant elle, leur cruauté et leur lâcheté elles-mêmes induites par la médiocrité de leur parcours, à la merci de plus malfaisants encore. Cette litanie infinie suggère peu à peu une vision intensément noire de notre absurde insignifiance, la vie n’y paraissant rien d’autre que le passage de flambeau de notre souffrance ici-bas.





Cette lecture d’une profonde signifiance, si audacieusement transcrite jusque dans la forme du récit, s’est avérée pour moi, qui plus est avec ses plus de six cents pages, un interminable chemin de croix. Malgré ses qualités littéraires, le texte a très vite revêtu, dans mon esprit, l’allure d’une logorrhée digressive au-delà du supportable, qui a bien failli avoir raison de ma détermination à ne jamais abandonner un livre commencé. Une somme humaine s’inscrit parmi ces ouvrages qui ont l’étoffe et l’ambition d’une œuvre littéraire en tout point remarquable, quitte pour cela à risquer de ne point plaire. Reste alors la question : un livre qu’on apprécie sans l’aimer peut-il être un si grand livre que cela ?


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L'ombre animale

Une rare pépite avec cet ovni où je voudrais y mettre tous les adjectifs positifs.

Une femme mourante raconte sa vie et celle de sa famille à Haïti. La pauvreté, l’exploitation, la promiscuité, les viols, l’inceste, etc. Une seule phrase, pas de point final. La prose est originale et toute en puissance en divers points. La mère est nommée Toi. Son père Makenzy, son frère Orcel. Tiens bizarre ! Prénom et nom de l’auteur qui a voulu se mettre dans un personnage sans être lui. Drôle ! Une écriture, façon slam ou rap. L’impression d’être tombée dans un torrent qui nous ballotte parfois sur des gros rochers qui font mal, puis sur le côté, là où il y a le sable et où c’est chantant, calme, poétique. Plus imposant que 'Les immortels' du même auteur mais toujours unique. J’adore le regard qu’à cet écrivain sur la société. Des passages d’une force incroyable. Mes respects.

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L'ombre animale

J'ai lu ce livre, il y a quelques mois. Très surpris par le style et la teneur du propos, je n'en ai pas rédigé la critique immédiatement, ayant besoin de réflexion. Je ne suis jamais allé à Haïti, et peut-être n'irais-je jamais. Ce premier pays libéré du joug de l'esclavage semble être maintenant un des pires enfers sur terre, surtout si on y ajoute les catastrophes naturelles en tout genres.

Ce livre est surprenant. La narratrice est une jeune femme morte, peut-être suicidée, je ne me souviens plus. Mais sa voix d'outre tombe raconte la vie de sa famille, sa mère, son père et son jeune frère. L'action semble se situer non loin de la capitale Port-au-Prince où se terminera le roman. C'est donc elle qui nous fera part de cette vie sans cesse recommencée, de la soumission de Toi, sa mère et de l'incapacité de son père Makenzy à se sortir de cette misère où ils sont tous englués comme une bonne part de la population les environnant. Un statut un peu part est réservé à son frère Orcel, qui, préfère se réfugier au bord de la mer, avec les pêcheurs, donnant libre cours à ses rêveries pour échapper à l'immondice de sa vie. C'est tout simplement l'histoire de cette famille, au jour le jour, qui nous est narrée, avec parfois, quelques intervenants, comme ce prêtre, lors d'une communion, il me semble, ou cette journaliste étrangère venant rendre conte de la situation du pays, nous offrant au passage, à nous lecteurs, quelques moments de lyrisme et nous faire croire que le bonheur est encore possible. L'auteur nous plonge dans la réalité de son pays avec un lyrisme mêlé de réalisme cru, ce qui fait toute la qualité de son roman. C'est de cette manière qu'il rend supportable l'insupportable de la situation de ces gens. Le parti pris, également, de prendre un cadavre comme narrateur est très astucieux, puisque cela renforce l'objectivité des faits. Un cadavre n'a plus rien à perdre !

C'est un roman passionnant que je recommande vivement. Finalement, cet auteur formidable, Orcel Makenzy nous laisse penser, que tout n'est peut-être pas perdu pour son pays...

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Les Immortelles

Elle est prostituée, il est écrivain et client de passage. Elle promet de lui laisser faire "tout ce qu'il voudra", s'il met en mots son histoire - ou plutôt celle de "la petite", en hommage, et pour la rendre immortelle. Cette petite, elle l'a tout de suite prise sous son aile quand elle a frappé à sa porte et a commencé à se vendre à douze ans, douze années plus tôt. La jeune femme se réfugiait dans les livres, la poésie ; elle est morte après douze jours d'agonie sous les décombres, suite au tremblement de terre qui a détruit Port-au-Prince en janvier 2010.



Une histoire sur la prostitution, les relations mère-fille, l'amitié, le deuil, les catastrophes naturelles où tout bascule en quelques minutes dans une ville... Des phrases courtes, des chapitres très brefs (souvent 1/2 page), un récit intense, à lire d'une traite si possible, pour s'imprégner de cette narration à trois voix : celle de l'amie, celle de la mère imaginée par l'amie, celle de la jeune défunte via son journal intime.



Un leitmotiv : le nombre "douze". Pourquoi ? Je l'ignore... C'est aussi la "note" que je lui attribue, et je ne saurais pas dire là non plus pourquoi je n'ai pas davantage apprécié ce roman.
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Les Immortelles

Dans sa chambre, une pute se raconte. Contre ce qu'elle a à lui offrir, elle propose à son client d'un soir, alors écrivain, de raconter l'histoire de la petite. Se prénommant Shakira, cette jeune prostituée de 12 ans a disparu lors d'un séisme que le pays a subi en 2010. Passionnée par l'auteur haïtien Jacques Stephen Alexis, elle était éprise de liberté et était la prostituée la plus convoitée de la Grand-Rue, sous la protection bienfaitrice de la narratrice...



Makenzy Orcel nous offre un texte brut, fort, dans un contexte dramatique. Roman à multiples voix, la pute, l'écrivain, Shakira et la mère de celle-ci, on oscille entre les bons sentiments, l'amour, la haine et la mort. Sans jamais nommer ce qui est arrivé et qui a tout dévasté, « La chose » a emporté avec elle bon nombre de souvenirs et de regrets que la prostituée veut justement rendre immortels grâce à cet écrivain de passage. A la fois fulgurant et cru, à l'écriture enlevée et hachée, ce roman est un très fort témoignage sur le souvenir et dépeint avec justesse et sensibilité ces destins à tout jamais détruits.



Les immortelles... la voix du souvenir...
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Les Immortelles

Récit fragmenté comme les décombres épars du tremblement de terre qui a frappé Haïti et sa capitale Port-au-Prince le 12 janvier 2010.

Un énième tremblement de terre qui a endeuillé ce pays pauvre, en proie à des régimes politiques gangrenés, instables, dictatoriaux souvent, corrompus toujours, violents, criminels, sanguinaires, sur une île où se multiplient les catastrophes naturelles contre lesquelles, pour toutes les raisons évoquées précédemment, la population est démunie.

Aucun système de gestion des risques comme il y en a dans des pays comme le Japon ( c'est l'exemple le plus parlant ).

Au sortir du séisme du 12 janvier 2010, le bilan fait état de plus de 220 000 morts, 300 000 blessés et 1,5 million de sans-abri.

Makenzy Orcel à travers ce qui est une ode aux anonymes, aux petits, aux oubliés, rend hommage aux putains pour les immortaliser, elles et leurs "semblables"...

Au bordel, une putain propose à un écrivain des passes "gratuites" :

- "Elle s'est dirigée vers la fenêtre pour regarder, non sans amertume, l'immense vallée de béton et de poussière blanche dehors. L'irréparable. L'inénarrable. Le désespoir qui coule dans les yeux des gens. La ville-décombres, déchiquetée, saturée de morts connus, inconnus, synthétisés, dessinant toutes sortes de figures géométriques..."

Son marché est le suivant :

- "Je parle, tu écris. Tu transcris."

Il accepte.

- "Je devais juste d'abord écrire et ensuite la sauter. Ça me plaisait bien cette idée...Éditer à compte de sexe."

La prostituée va lui conter l'histoire de sa rencontre avec Shakira, une belle gamine fugueuse de douze ans, qu'elle va prendre sous son aile, héberger, à qui elle va apprendre le métier et dont elle va s'éprendre à la manière de la mère qu'elle fut.

Shakira qui a fui un père et mari violent, une mère bigote, lâche, vendeuse de bibles, qu'elle déteste, va devenir la coqueluche de la Grand-Rue.

Il faut dire que outre sa beauté, Shakira n'est pas une putain ordinaire.

C'est une jeune fille libre, rêveuse, passionnée par les livres et la lecture... elle voue un véritable culte au grand écrivain haïtien Jacques Stépen Alexis qui, en dehors d'avoir été pressenti pour le Goncourt, est connu pour son opposition sans failles au régime de "Papa Doc".

Exilé, il tentera un débarquement clandestin sur son île, tentative qui lui vaudra d'être torturé, exécuté... sa dépouille "inhumée" sans laisser de trace.

Shakira, c'est aussi celle qui va s'éprendre d'un professeur de lettres de trente-six ans son aîné, avec lequel elle a des discussions sur la littérature et autres sujets déroutants pour ses coreligionnaires.

Shakira a un vrai don de voyance... troublant pour lesdites coreligionnaires...

Une dispute va opposer Shakira à sa "mère d'adoption", dispute à la suite de laquelle la jeune fille va disparaître un an sans donner de nouvelles... au grand dam de sa protectrice.

De retour après cette année mystérieuse, la terre va s'ouvrir sous ses pieds et le béton d'un building l'ensevelir douze jours.

Douze jours sans secours, sans eau et sans nourriture.

Douze, un chiffre récurrent dans cette histoire ( je vous laisse découvrir ).

Avant de mourir, elle va confier à la "narratrice" qu'elle a un enfant... quelque part.

Ce va être désormais la raison de vivre de la porte-voix de ces prostituées de Port-au-Prince, désormais immortalisées par l'écrivain... comme les légendaires Fedna-la-pipeuse ou Geralda Grand-Devant.

Un livre à trois voix.

Un livre qui, s'il ne nous apprend pas grand-chose que ne nous aient déjà appris des Lyonel Trouillot, des Denis Laferrière, des Émile Ollivier, des René Philoctère et autres... nous offre des bribes habitées d'un authentique souffle poétique.

Et dans ce genre, les plumes haïtiennes excellent.

Pour conclure, je laisse les mots de la fin à l'auteur :

- "Loin des clichés ou de la complaisance graveleuse, Makenzy Orcel, élève ici un somptueux tombeau à une petite morte qui porte en elle toutes ses sœurs de misère." "On n'a pas fini d'ausculter le corps abîmé d'Haïti, mais les bien-pensants se sont occupés de tout sauf des putes, ces immortelles qui donnent sens, vie et tendresse au corps de la ville", écrit Makenzy Orcel dans ce roman qu'il leur dédie.

Un grand petit bouquin !
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Les Immortelles

Victoire par K-O pour les prostituées de la Grand-Rue de Port-au-Prince face à l'humble lectrice que je suis, à l'autre bout du monde.

Makenzy Orcel fait honneur, dans ce roman, à celles qui pratiquent, pour diverses raisons, le plus vieux métier du monde et leur rend, par ce court récit, l'hommage qu'elles méritent. Certaines ont survécu au grand tremblement de terre. D'autres sont mortes sous les décombres.

Toutes sont des victimes.

De la furie de la terre.

De l'ignorance des hommes.

De la pauvreté d'un coin de terre.

Du regard des autres.

Du manque d'amour.



Les immortelles est un roman atypique, percutant et sauvage.

Un de ceux qui ne laissent pas indifférent.

Un de ceux qui viennent nous triturer les tripes et les secouer sans ménagement. Le vocabulaire est cru, sexuel, violent. C'est celui de la rue qu'on ne peut totalement comprendre que de l'intérieur.



Les immortelles c'est un roman d'amour aux soeurs de galère, à la Petite qu'on a pris sous son aile, à un pays riche de beaux humains mais en manque de tout !
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Maitre-Minuit

Je n'ai pas envie de raconter l'histoire ou même d'en faire un résumé. Ce que font très bien les 2 premières critiques. Non. Moi j'ai juste envie de vous livrer mon impression. Ce livre décrit l'enfer sur terre. Pas ou peu d'espoir pour ceux qui sont contraints d'y vivre. C'est le règne de la dictature et des gangs qui contrôlent tout. Les humains sont considérés comme des bêtes. La vie ne tient à rien. La mort est partout. Comment fait-on pour vivre dans un tel endroit ? D'où peut naître la résilience chère à Boris Cyrulnik, pour le commun de ces gens ? D'où peut naître le chemin de l’Éveil cher aux bouddhistes. (Je lis parallèlement un livre de Thich Hnat Nanh sur ce thème). Mackensy Orcel nous offre un livre terrible sur la vie dans son pays. Que se soit à n'importe qu'elle époque. Pas de droit. Pas de justice. Juste la mort prête à bondir à chaque coin de rue. Sous n'importe quelle forme. Les cadavres pourrissent au soleil dans les rues où ils sont dévorés par le chiens. C'est une description effroyable, frontale.

Moi qui vit dans un pays qui offre la possibilité d'une vie décente et satisfaisante à la plus grande partie de sa population, je ne peux manquer de m'interroger sur cette situation. Mais à quoi bon tant de sentimentalisme ? Soit je peux agir soit je ne fais rien. Sinon accepter cette différence fondamentale entre les humains selon les lieux de naissance, les époques, les situations, les contextes… C'est peut-être ça la maturité : accepter ce qu'on ne peut changer et vivre l'instant présent, (le notre), en pleine conscience, comme le dit Thich Hnat Hanh. Qui sait aussi de quoi il parle, lui. Il a vécu en partie la guerre du Viet-Nam avant de pouvoir s'exiler aux USA pour y commencer à y semer les graines de la sagesse.
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Les Immortelles

Haïti 12 janvier 2010.

"A toutes les putes de la Grand-Rue emportées par le violent séisme du 12 janvier 2010"



Mackenzy Orcel signe un roman incantatoire. Trois voix se mêlent à celle de l'écrivain, la pute, la mère et la petite à travers les mots de son journal intime.

La petite se fait appeler Shakira , elle a quitté la maison familiale, fui une mère bigote qui préférait la soumission à la rébellion. Elle s'est réfugiée chez la pute et a appris le métier pour être enfin libre, libre de vivre comme elle l'entend , libre de dévorer les livres , libre d'aimer ...

La Grand-Rue ...

Mackenzy Orcel manie les mots sans tabous ni pudeur.



Ce premier roman a reçu le Prix Thyde Monnier de la Société des Gens de Lettres en 2012.

Un roman qui ne peut laisser indifférent.
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Les Immortelles

Sous forme de stances (l'auteur est poète), ce roman parle des putes de Port-au-Prince. Enfin surtout d'une, Shakira, qui mit 12 jours à mourir sous les décombres du séisme de janvier 2010. La plus belle, la plus convoitée. C'est sa mère d'adoption, celle qui lui a tout enseigné, qui parle. Qui raconte, qui regrette. Qui essaye de comprendre, bien qu'elle soutient le contraire. Pour qu'elle ne soit pas oubliée, qu'elle devienne Immortelle par le miracle de la littérature, elle qui aimait tant lire.

Un roman de l'urgence, pour ne pas oublier les hommes et les femmes morts dans cette catastrophe, qu'ils soient grands pontes ou petites gens. Ou prostituée.
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Une somme humaine

Mémoires d'outre-tombe d'une femme qui s'est jetée sous les rails du métro, femme qui n'a pas de nom, qui vient d'un Village, à proximité de La Ville-la-plus-proche - un certain pléonasme -, qui a un passé lointain tortueux, fait de nombreuses violences tues, et un passé plus proche, parisien, échappatoire à la ruralité, passé chaotique également, mais en même temps parsemé de petites pointes d'espérances, Une somme humaine est un roman qui m'a prise viscéralement aux tripes.



C'est une somme humaine, oui, féminine plus précisément, finalement banale, et justement terrible, tragique dans sa banalité. Elle est une vie anonyme, et donc universelle, que nous traversons, syntaxiquement parlant, comme dans un souffle, sans véritable pause possible, souffle qui se fait parfois long cri de douleur, de regrets, d'amertume, ou, même si peu souvent, lumineuse jubilation, intense bonheur.



C'est une somme humaine, faite d'illusions, de désillusions, de rencontres plus ou moins heureuses, de passages crus et bruts, de scènes au contraire sensibles et poétiques, d'un tel maelstrom de mots, de sons, de sens, de lieux, de temps... qu'elle nous plonge avec réussite dans les tréfonds de l'humanité.



Je remercie les éditions Rivages et Babelio de m'avoir permis de découvrir ce roman, qui est une deuxième lecture, tout aussi réussie que la précédente, de Makenzy Orcel. Ayant découvert par ce roman qu'il était le deuxième tome d'une trilogie, je vais me procurer sous peu L'Ombre animale, premier tome à côté duquel j'étais passée jusqu'à présent.
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Une somme humaine

Une somme humaine porte bien son nom. C'est l'histoire d'une gamine mal aimée qui grandit. Elle ne fait pas les bons choix et reste dépourvue d'amour.

L'histoire est racontée de son point de vue de morte, suicidée par cette vie trop lourde à porter. La vie est une chienne et certainement dans les romans !

Niveau thème, on effleure beaucoup de sujets à la mode, sans toutefois rentrer dedans : viol, inceste, racisme, immigration, migrants illégaux, attentats de Paris, homosexualité et sexualités diverses et variés et j'en passe et des meilleures.

Pour ce qui est de l'écriture, je dois avouer avoir beaucoup de mal avec l'écriture de Mackenzy Orcel. L'usage du point et de la majuscule est galvaudé. La virgule est utilisée à outrance et les ... à la place des points. On change parfois de narrateur sans prévenir. Tu te tapes une page avant de capter, et hop il faut recommencer. :D

Je n'ai quand même trop rien à reprocher à ce bouquin, d'où les 3 étoiles, mais je ne vais pas l'encenser non plus. Je ne suis pas rentrée dedans, et je l'ai trouvé plutôt embêtant.
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Les Immortelles

Port-au-Prince… tremblement de terre… apocalypse…

Une pute de la Grande Rue raconte à un écrivain la terrible agonie d’une de ces jeunes collègues, celui-ci doit écrire son récit en hommage à « la petite ». Son témoignage est bouleversant, elle met « des mots, des silences et des non-dits » au désespoir pour que toujours le souvenir perdure.

J’ai rencontré Makenzy Orcel l’année dernière, il disait entre autre, en parlant de son livre « je suis l’écrivain qui efface ». Effacer ?... La douleur indicible qui parcourait les rues de Port au Prince, le souvenir des gémissements, cris des pleurs… ce livre vous prend aux tripes. La mort, la vie, l’amour, les putes, les bordels, les blessés qui implorent Jésus « mains tendus vers le ciel », l’odeur des cadavres, le chaos de béton… Makenzy Orcel n’a pas peur des mots, la réalité est crue, terrible, mais aussi, simple et dénudée, humaine… «Cette chose », «ça », que l’on ne supporte pas de nommer a tout détruit et « que personne ne vienne me dire qu’on avait une vie avant ça, qu’on en aura une autre après et après. Moi, je me contente de celle qui est là, maintenant, celle qui bat dans ma poitrine, circule dans mes veines, tout en essayant de la vivre pleinement. Point merde. »

Transportée en Haïti, justement dans ce pays-là, dans ces errements au milieu de l’effroyable malheur et de la misère, on ne sort pas indemne de ce livre témoignage empreint aussi d’une immense humanité.

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Mûres métamorphoses

🍂Chronique🍂



J’ai mal de mes métamorphoses

J’ai beau traverser les seuils

Ouvrir toutes les portes

Le motif est le même

Début et fin se confondent

La poésie serait là

Pour ouvrir les brèches

Ou la mer

Mais un beau poème

Laisse des vagues

Aux âmes aux temps

Que du sang que du vivant

À quoi pensent nos dedans

Quand il y a eu

Mûres métamorphoses

Le poème n’écoute

Que des bruits d’ailleurs

Et je ne sais pas ce qui

Intrigue

L’entrebâillement

Ou le trouble

Quand le double s’insère

Entre le chambranle et l’oubli

La dernière note était-elle

Une rupture

Je crève de défaire

Et déconstruire mes nuits

Pour des aubes insoumises qui

Ne peuvent exister

Puisque j’ai des rêves imprécis

Et un ciel fatigué de rager

Alors comme on ouvre

Une écluse

Je laisse la fluidité poétique

De Makenzy Orcel

Me submerger

Détendre l’horizon

Je garde l’ivresse et le frisson

Et j’ai de ses métamorphoses

Le fruité pourpre, la grâce

Une heure ajoutée de vaste

Qu’il me reste du début à la fin

Des vers en piquet des flux heureux

Qui me permettent de m’envoler

Avec un coup de cœur

À la clé

Avant que l’immonde

Ne nous arrache tout

Enfin.
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Une somme humaine

Après une première tentative infructueuse, bien décidée d'en finir avec son existence somme toute très chaotique en se jetant sous un train...

Lui revenant en tête, elle nous dévoile sa vie qui,depuis son plus jeune âge, ne fut pas un long fleuve tranquille, loin de là...

À travers ces atrocités, l'auteur dresse un constat accablant mais ô combien realiste sur la société actuelle et ses nombreuses dérives.



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Les Immortelles

« Tous les monstres de béton sont tombés. Tous les bordels. La Grand-Rue n’est plus ce qu’elle était. Mais nous, on ne mourra jamais. Nous, les putains de la Grand-Rue. Nous sommes les immortelles. » Les immortelles sont les prostitués de Port-au-Prince. L’une d’elle témoigne après le tremblement de terre de janvier 2010. Elle confie sa parole à l’écrivain. Le deal est simple : « Tu me donnes ce que je te demande et toi après tu pourras m’avoir dans tous les sens que tu voudras. » Elle veut laisser couler le sang des mots pour narrer l’histoire de la petite, une gamine fugueuse débarquée chez elle à l’âge de 12 ans et se faisant appeler Shakira. Une fillette devenue l’une des putes les plus courtisées de la capitale. « La petite, elle est morte après douze jours sous les décombres, après avoir prié tous les saints. » La petite avait quelque chose en plus, elle connaissait les livres. Une passion dévorante qui la rendait si singulière. Le témoin s’épanche auprès de l’écrivain pour ne pas oublier, pour ne pas sombrer : « Je raconte pour toi, ma petite. Je te raconte et t’appelle de mon exil intérieur. […] Tous les mots de mon corps ne sauraient suffire pour dire la douleur de la terre. »



Les immortelles est un chant de ruines. Oui, je dis bien un chant. Un chant lyrique où dominent la souffrance et l’abattement. Toute l’horreur de l’existence à travers de très courts chapitres de moins d’une page. Un style oralisé proche de la poésie en prose la plus libre. C’est brutal et dérangeant. La langue est belle, elle devrait secouer fortement le lecteur. Je dis « devrait » car malheureusement cela n’a pas été le cas pour moi. Difficile de l’avouer mais je suis passé à coté. Suis-je insensible à ce point ? Franchement la question se pose car ce texte avait tout me plaire et pourtant j’y suis resté totalement étranger, comme si je ne faisais que survoler les choses de très haut sans jamais m’immerger dans l’ignoble réalité. Peut-être à cause de la forme du témoignage, trop individuel. En comparaison, le chœur antique s’exprimant dans Certaines n’avaient jamais vu la mer m’a beaucoup plus touché. Je ne dis pas que Les Immortelles est un mauvais premier roman, loin de là. Je dis juste qu’il n’était pas pour moi.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Une somme humaine

Une jeune morte, nous parle, nous interpelle, nous raconte toute sa vie, un récit comme l'anti "Douce France" de Charles Trenet.

Morceaux d'existence dans une famille bourgeoise de province, terribles souvenirs d'en France et d'enfance.

Des parents mal-aimants, doux euphémisme, un oncle et un curé pervers et le très médiocre quotidien d'un petit village typique que même une scolarité dans le lycée de la Ville-d'à-coté ne pourra sauver.

Et puis la fuite à Paris, une délivrance ou plutôt une errance, une femme seule dans la grande ville...études...amours...rap...cinéma... exploitation de l'homme par l'homme... le Bataclan...solitude...

Il faut se laisser emporter par la prose de Makenzy Orcel, son écriture est un piège qui emprisonne le lecteur avec le fil d'une longue phrase de près de six cents pages que l'on lit sans reprendre son souffle.

Un récit cru, réaliste et poétique à la fois et féministe forcément féministe...

Un pur roman d'aujourd'hui, l'héroïne, qui n'a pas de nom, aurait pu croiser notre célèbre Vernon SubutexLe roman, qui nous a quand même semblé assez exigeant de par sa forme et sa langue, semble quand même plutôt ciblé pour un public assez spéficifque.

Il n'est pas certain, mais on peut évidemment se tromper, que le prix Goncourt s'il lui ait été décerné opterai pour un choix très populaire..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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L'ombre animale

Dès le début le lecteur se trouve orienté vers une lecture psychanalytique : parce qu'il y a "Toi", un fragment de l'auteur. Et il y a une voix de femme, qui monte du fond de l’abîme et s’incarne, en récitante héroïque de sa vie de rien, celle d’avant la mort. Dans cette psychanalyse sans concession de la société patriarcale et de l’Être haïtien, l’humour est présent entre les lignes comme l’éclat de rire d’un rescapé. Comme dans son premier roman "les immortelles", on retrouve l'univers haïtien et un récit tenu avec force, puissance et Poesie.
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L'ombre animale

Il y a la voix limpide d'une femme qui résonne, il y a ce « je » qui nous interpelle, il y a ce corps gisant : un cadavre. La mort s'est emparée d'elle, mais son esprit vibre de l'au-delà. Pas de repos encore pour cette vieille dame, ses mots coulent et inondent tout, autour. Elle a tant vu, entendu et senti de choses durant son existence. Ce flot de paroles, elle ne peut le retenir. Il faut qu'il sorte. Les vagues de colère, de honte, de douleur, de mépris qui remuaient à l'intérieur de son corps vont enfin s'extirper et aller s'écraser à nos pieds. Cette femme libère enfin la voix qu'elle ne pouvait faire entendre, à travers une longue litanie.

Elle nous parle de son pays, Haïti. De sa misère, ses croyances, de son village reclus, des tempêtes qui emportent tout sur leur passage, de la mer déchaînée, de son enfance volée, violée et violente, de son père le patriarche dur et implacable, de son frère bien-aimé Orcel qui fugue régulièrement pour contempler la grande bleue apaisante, de Toi sa mère, celle qu'elle place au milieu de ce tout, celle qui représente toutes les femmes mais celle à qui elle ne veut surtout pas ressembler, des figures du village comme l'Envoyé de Dieu, personnage pervers englué dans la corruption, de l'inconnue, voyageuse qui semble tout connaître, des loups qui rôdent exploitant les ouvriers, les asservissant, de la capitale Port-au-prince, de son tapage, de sa prostitution, de ses bidonvilles, des vapeurs d'alcools à l'origine de bien des tourments...

Ses mots roulent, se heurtent les uns aux autres, se répondent et arrivent jusqu'à nous. De ses mots âpres et féroces s'élèvent une telle émotion que l'écriture de l'auteur en devient onirique et métaphysique. Sans point ni majuscule, le texte défile comme un torrent. Avec force, il bouscule, il interroge l'humain et le mortel que nous sommes. Et par quelques interstices, la lumière s'infiltre, l'ombre ne vivant qu'à travers elle.
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Les Immortelles

Les immortelles un roman bref dont les petits chapitres sont comme un cri du cœur, dans un style poétique, limpide et parfois cru qui décrit le monde de douleur de ces femmes.

Nous somme à Port-au-Prince après le violent séisme du 12 janvier qui a dévasté Haïti et plus précisément dans la Grande-Rue où vivent, travaillent ces prostituées. L’une d’elles va proposer à un client écrivain de coucher sur le papier l’histoire de ses consœurs qui sont mortes lors de ce tremblement de terre et en échange, un marché simple elle paierait avec la seule chose qu’elle possède son corps. « Editer à compte de sexe ». Elle témoigne surtout l’histoire de Shakira, une petite qui a quitté sa mère à l’âge de douze ans, qui aimait les livres et plus particulièrement ceux de Jacques Stephen Alexis, elle succombera après douze jours sous les décombres.

Un roman caustique dans un style puissant ne m’a pas laissé indifférente à la vie de ces femmes.
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