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Critiques de Makenzy Orcel (97)
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Une somme humaine

Avant tout, une écriture.

La langue, poétique, intense et sombre de Makenzy Orcell est magnifique. Cette manière d'écrire dans un flux ininterrompu de pensées tout en servant la narration peut soit emporter le lecteur dans une quasi apnée, soit le perturber au point qu'il renonce à la lecture.

Car le rythme est effréné, de virgules en points de suspension, il faut parfois lever la tête pour reprendre son souffle. Mais la poésie de l'écriture ne s'interrompt jamais, qu'elle soit désespérée, ironique, crue ou sensuelle.



Et puis une voix de femme, juste et percutante, qui nous raconte son histoire après qu'elle se soit suicidée dans le métro parisien.

Parce qu'en nous quittant, elle déclare qu'"à partir de la mort tout recommence".

C'est l'histoire ordinaire d'une femme ordinaire qui n'a pas eu de chance, mais très vite cette histoire devient universelle.



Elle est née dans une famille bourgeoise dans un petit village du sud de la France d'une mère aigrie et incapable d'aimer et d'un père effacé devant son frère aîné. Elle grandit en décalage, incapable de feindre devant la médiocrité ambiante et victime d'un viol de la part de son oncle, viol que l'entourage refuse de reconnaître.

"… figurez-vous qu’un jour elle m’avait demandé, oui celle qui m’avait mise au monde, rappelle-moi ton nom déjà, on aurait dit que le seul moyen d’apaiser les frustrations de sa vie conjugale était de m’étouffer, me réduire en miettes, me faire perdre toute confiance en moi-même, plus tard, seule à seule dans la cuisine par exemple, elle me traitait de sauvage, de petite conne, ton oncle il a beaucoup d’affection pour toi, il t’aime, mais toi tu n’as aucun respect pour lui, pour personne d’ailleurs, tu n’as donc aucune limite, elle me parlait ainsi pour que je me sente ridicule, mais ce n’était pas le cas, c’est au frère de père qu’elle aurait dû s’en prendre, je n’avais rien fait, sinon être une jeune adolescente sous les projecteurs d’un vieux dégoûtant, j’avais du mal à imaginer qu’elle n’avait rien compris, ou qu’elle faisait semblant, quel oncle serre sa nièce aussi fort et aussi longtemps dans ses bras, quel parent assiste à ça sans se demander ce qui se passe et redoubler de vigilance "

Elle fuit à Paris pour ses études qu'elle abandonne rapidement, galère en faisant du slam puis rencontre Orcel ( un double positif de l'auteur) qui sera tué dans les attentats du Bataclan. Elle tombe alors sous l'emprise de Makenzy ( le double négatif ) qui la trompe, la méprise et l'humilie jusqu'à fuir le jour du mariage.



L'auteur a adopté le point de vue féminin avec une vraie sensibilité qui nous laisse présumer de son empathie pour l'humanité toute entière. Il fait défiler la vie de cette femme qui, dans sa quête éperdue de l'amour qu'elle n'a jamais connu, dans sa volonté de repousser l'agression dont elle a été victime, fait les mauvais choix et se laisse maltraiter par la vie.



Tout en étant fascinée par l'écriture de Makenzy Orcel, et par l'ambition de son roman, je dois cependant avouer avoir parfois décroché sur la longueur, ce qui explique les 4 étoiles.
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La nuit des terrasses

Je ne suis pas un grand amateur de poésie. La poésie, je l’aime quand elle s'ancre dans la réalité, quand elle se drape d’une certaine rugosité et qu’elle s éloigne d’un lyrisme de façade et d’une esthétique convenue. Philisine connaissait mes goûts en la matière et elle a vu juste avec ce petit recueil aussi hypnotique qu’incandescent.



Les bars, la ville, la nuit, l’alcool, la chaleur des corps, autant de thèmes qui me parlent. La poésie de Makenzie Orcel est sensuelle, elle « affûte le rêve à coups de rhum et de reins ». La rythmique est saccadée, la forme courte, parfois proche du haïku, fait surgir l’image :



« puis vient l'oubli

le temps jeté par-dessus bord

le silence du verre

posé à même le sol »



Certains vers résonnent comme des aphorismes : « Pour certaines choses de la vie il faut plus qu’un poème » / « Boire nous sort du temps ». Ces poèmes, ce sont autant d’instantanés attrapés à bras le corps et jetés avec rage sur la page dans une langue âpre et libre de toute contrainte. De quoi désarçonner, certes, mais il faut aller au-delà de la première impression, où le sens peut échapper, et se laisser emporter par les mots, par leur force d’évocation. C’est dans ce lâcher-prise, cet d’abandon, que la poésie de Makenzy Orcel s’apprécie à sa juste valeur.



"ma tête remplie du tournis des phares

leur effarement

les tympans brûlés de leur gardien

leur têtes d'insomnie



l'horreur des bouches

s'inventant des comptoirs

pour dégueuler leurs ruines

les putains de la rue Capois

et la chair chaude de l'aimée



depuis que j'ai appris

qu'il faut laisser la nuit

entrer dans sa vie

pour qu'il y ait un phare quelque part

mes mots respirent mieux sous la mer



tout au fond de mon verre"


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Les Immortelles

Il y a quelque chose de terriblement touchant dans le premier roman du poète Makenzy Orcel. Une humanité, une tendresse, un regard sans concession, mais attendri sur celles qu’il appelle « les immortelles », qui pratiquent « le plus vieux métier du monde », lesquelles ont disparu de la Grand’Rue de Port-au-Prince après le séisme de janvier 2010. Où sont-elles? Certaines ont-elles survécu? Où sont leurs clients, et ceux avec qui elles avaient un lien plus fort qu’un simple échange commercial?



C’est à elles, à eux, à celles qui sont là depuis toujours, à celle qui a choisi cette vie de plein gré, au prof de littérature qui les fréquente, aux témoins de cette vie d’avant, aux disparus, que le narrateur, « l’écrivain », prête voix dans Les immortelles, allant de l’un à l’autre, de l’une à lui-même, entremêlant les histoires, déroulant le fil de celles-ci, créant ainsi une toile qui se déploie en nous livrant des portraits plus vrais que nature.



Le résultat est un premier roman composé de fragments qui se répondent et s’imbriquent les uns dans les autres, unissant ainsi ces voix qui nous semblent d’abord disparates, mais qui semblent parfois n’en faire qu’une. Le cri d’une immortelle prend alors toute la place alors que la mort a pris une des siennes, celle qui aimait tant lire et qui avait choisi ce métier pour s’accorder des pauses avec Jacques Stephen Alexis, dont les livres lui tenaient lieu de maison, de rêve et d’espoir.



D’elles, d’eux, il reste une poignée d’histoires racontées ici sans fausse pudeur, à lire et relire en attendant que la Grand’Rue redevienne ce qu’elle était. Quand vivait encore celle a qui Makenzy Orcel a prêté ces mots : « Pour moi, il existe deux grands voyages. La lecture et le somptueux voyage des corps enlacés. »
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Les Immortelles

Un joli petit livre concis et fort. Une prostituée, contre service, demande à un client écrivain d’écrire sur ses collègues tuées par un séisme à Haïti. Il est surtout question de ‘la petite’ et de la relation avec sa mère. Pour la rendre ‘immortelle’ dit la narratrice. Une histoire plus à lire qu’à commenter. Une question subsiste : Pourquoi toujours le chiffre 12 ? Chapeau bas pour ce premier roman !



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L'ombre animale

Makenzy Orcel étant haïtien, on pense bien sûr qu'il a situé son histoire dans son pays, à Port-au-Prince, dans un de ses bidonvilles, les tristement célèbres tontons macoutes dont il parle permettent de s'assurer du lieu. Ce qui frappe avant tout dans ce roman, c'est la forme : pas de majuscule, sauf au noms propres -eux-même des noms communs utilisés comme des noms de personnes, sauf Makenzy et Orcel-, une longue phrase ponctuée seulement par des virgules -et quelques points de suspension en seconde partie. Cette omniprésence de la virgule donne un rythme très particulier au texte, une rapidité évidente, mais aussi peu de temps morts, de respiration, ce qui parfois provoque des insuffisances respiratoires et des besoins d'arrêter sa lecture. Mais quel souffle ! Makenzy Orcel est comme un slameur ou un rappeur qui viendrait nous scander sa prose dans un rythme fou, et nous spectateurs, nous serions à la fois débordés, en manque de respiration et totalement fascinés. Son exercice est magistral, ainsi que le dit l'éditeur, son écriture itou.



Le contenu est dans la même veine, dur, violent avec peu d'espoir, et finalement très beau. Il y est beaucoup question d'extrême pauvreté, d'alcoolisme, de prostitution, de promiscuité favorisant l'inceste, les viols. Les femmes ne sont pas bien loties qui ont souvent des maris violents et alcooliques, qui dépensent le peu qu'ils gagnent à boire ou avec des prostituées. Elles subissent, comme Toi, du plus jeune âge jusqu'à la fin tout cela sans rien dire sous peine d'être frappées : "Toi pleurait toutes les larmes de son corps, c'était tout ce qu'elle était autorisée à faire, pleurer, se soumettre, sa condition de fille vendue par ses parents à un homme qu'elle n'avait rencontré que le jour même de ce sinistre marché ne lui permettait pas d'autres libertés qui de toutes façons n'existaient pas, enjointe de garder une distance raisonnable, comme si elle n'était qu'impureté et déveine, tout lui était interdit" (p.55). Les hommes ne vont guère mieux, ils cachent leur détresse et souvent leur jeunesse abominable dans ces excès : "il [Makenzy] avait déjà assez vu, assez vécu pour ne pas savoir qu'il était trop tard, qu'il n'y avait plus rien à faire, que l'alcool à appeler à la rescousse, encore un verre, et s'estompaient les horreurs de l'enfance, se cicatrisaient les blessures, les labyrinthes de cette ville, mieux valait être bourré, vraiment bourré, enveloppé d'un univers de coton, le monde était subitement d'une admirable beauté" (p.252)



Faire du beau, du très beau avec du laid du très laid, ce n'est pas donné à n'importe quel écrivain -certains dont je tairais les noms font aisément l'inverse- Makenzy Orcel m'avait déjà enchanté avec Les immortelles, son premier roman, L'ombre animale porte en lui la même puissance, la même poésie bien qu'il adopte un style totalement différent. La marque des grands. Assurément.
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Les Immortelles

En janvier 2010 a lieu à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, un tremblement de terre qui causera la mort de plusieurs milliers de personnes. La narratrice, une prostituée qui a travaillé toute sa vie sur la Grand-Rue, demande à l’un de ses clients écrivain d’écrire sur ces femmes mortes à cause du séisme. Elle désire laisser une trace du passage de ces victimes que personne ne pleure et ainsi faire d’elles des immortelles.

C’est donc la voix de cette narratrice hors norme qui nous parvient, cette fille des rues qui ne mâche pas ses mots mais dont la sincérité raisonne au plus profond de l’être. C’est sa douleur que l’on entend, sublimée par la plume de l’écrivain. Ses paroles pleurent le drame dans une somptueuse mélodie. Il y a de la poésie, de la beauté pour décrire cette catastrophe. L’écriture est belle et terrible dans sa retranscription du drame. La dureté du métier, sale et dégradant, qu’elle compare à l’esclavage, est décrite avec lucidité et transparence. La narratrice ne cache rien dans ces portraits de femmes qu’on achète pour un instant de plaisir. Elle fait également le portrait des clients : les pressés, les frileux, les violents…

Mais si elle raconte, c’est avant tout pour se souvenir de Shakira, cette gamine qu’elle avait pris sous son aile et qui à douze ans avait déjà appris le métier de prostituée. Cette jeune rêveuse qui cherchait l’évasion, la liberté, à travers les livres. Si elle raconte tout ça, c’est pour ne pas oublier, pour protéger les souvenirs de « sa mémoire fissurée ». Un texte bouleversant donc, très court, qui se récite parfois plus qu’il ne se lit. A découvrir !

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Les Immortelles

12 janvier 2010, un terrible tremblement de terre secoue Port-au-Prince dont le nombre de victimes a été effroyable (230 000 morts et 220 000 blessés).

Une jeune femme, va mettre 12 jours à mourir dans les décombres attendant en vain que les secours lui viennent en aide.

Cette jeune femme c’est Shakira l’une des putes de Port-au-Prince, ainsi qu’elles se nomment elles-mêmes.

Aussi, lorsque cet écrivain viendra quelques années plus tard dans la chambre d’une autre pute, elle lui demandera d’écrire l’histoire qu’elle va lui raconter, l’histoire de Shakira, l‘histoire de sa vie, l’histoire de sa mort pour que Shakira devienne Immortelle.

Un très, très joli livre, une belle écriture qui fait de ce drame une jolie histoire qui se lit presque comme un très long poème, ode à la vie, malgré l’horreur du drame et des conditions de vie des prostituées de Port-au-Prince.

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Ce qui nous arrive

Traversées fictives de catastrophes aussi réelles que ce présent, inquiet et pauvre, auquel on ne saurait se résoudre. Cinq nouvelles, cinq écrivains pour dire ce que ces catastrophes (l’explosion d’un silo à Beyrouth, un tremblement de terre, un tsunami et un incident nucléaire, une pauvreté pas si dystopique, la vie sous la dictature haïtienne) ont de révélatrices, permettent de dévoiler comment on compose avec elle, comment la littérature peut dire l’inacceptable, en penser les alternatives, en démonter les rouages. Dans Ce qui nous arrive, Camille Ammoun, Michaël Ferrier, Makenzy Orcel, Ersi Sotiropoulos, Fawzi Zebian livrent un implacable état, comme on dit, du monde.
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Les Immortelles

"Je lui disais que la littérature n'était pas une chose pour des gens comme nous, pour les putes. De laisser ça à ceux qui n'ont rien à faire. Les bienheureux. Les ayants droit. Peut-être que j'avais tort."



Les immortelles sont les putains de Port-au-Prince.

Un jour, un homme arrive dans une chambre pour faire son affaire, et lorsqu'il en vient à dire à la prostitué qu'il est écrivain, elle décide de le prendre à parti pour raconter son histoire. Pour raconter leur histoire.

Elle va alors lui parler des Immortelles de la rue, de toutes ces catins prêtent à tout pour du fric qui se sont faite écraser lors du séisme qui a fait plusieurs morts. Elle va cependant s'arrêter en partie sur une des putes : Shakira. La plus jeune. Shakira est arrivé suite à une haine qu'elle voue à sa mère depuis des années. Notre narratrice va alors la former, et elle mourra sous les décombres après 13 jours de souffrance.



C'est ici un premier roman prometteur, qui se lit d'une traite mais dont on ne garde pas grand chose. Les mots sont crus et incisifs, ce qui excite sur le coup. Ils ne sont cependant pas assez originaux où entourés de belle poésie pour réellement toucher sur la durée.

L'histoire se veut originale et n'est finalement pas si simple que ça. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de me perdre, surtout au début, par un style et une mise en page trop inhabituels.

Ce roman fait parti de ceux dont vous lirez sûrement beaucoup de critiques différentes et n'arriverez jamais à vous faire un avis. Lisez-le donc, et découvrez Makenzy ORCEL par vous même !
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L'empereur

Critique de "L'Empereur" de Makenzy Orcel aux éditions Rivages. Que vous évoque "Haïti"? Oubliez tout! Haïti c'est une *** de société capitaliste juste comme nous les Français, sauf qu'il y a plus de cadavres sur les trottoirs, de gourous qui ne font que donner le change, et encore, encore, des pauvres qui nourrissent la misère. L'Empereur, ce marchand de rêves, ce charlatan, tellement haïs, jouer du tambour pour lui, ce n'était pas une vie. Mais livrer les journaux non-plus. Un patron véreux... Une histoire d'amour tragique... Au final l'Homme doit choisir entre la justice et la loi.... Des phrases courtes, punchy. Une narration à la deuxième du singulier. Oh il en a des choses à dire sur ces Empereurs, gourous vaudous ou patron tyrannique. On nous informe dès le départ que l'homme a commis un crime... Mais une vie de misère n'est-elle pas plus pénalisante qu'un simple homicide. Faites n'importe quoi de vos hommes, et il feront n'importe quoi à leur tour. le mensonge est toujours rattrapé, et le karma a une mâchoire puissante. le message que j'ai retenu de ce Livre: Nous avons bien de la chance d'être en France et pas en Haïti, nous devrions traiter les gens de la douceur de laquelle nous sommes. Et mentir, enfreindre la loi, qu'on soit puissant ou pas, on est confronté à ses propres fautes. La notion de "mouton" me poursuit en ce moment, là aussi le personnage insiste beaucoup, surtout au début, que le peuple de l'Empereur n'est qu'un ramassis de moutons. Voilà pourquoi il fuit sa condition... Un livre choc, abrupte, mais avec en même temps une certaine paix. le chemin est logique, est-ce pour autant le bon?! Ca a été le choix d'une personne et la vie c'est quoi à part des choix?!
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Les Immortelles

A travers une narration concise et des mots envoûtants, l'écrivain raconte : la sensation et le désir occulte, le quotidien de ces laissées pour compte, de ces femmes, de leur courage et de leurs rêves sans limite...

Un récit fait de lumière, qui alterne toujours entre silences et dénonciations. Une histoire de survie, d'itinéraires de vies, une misère partagée offrant un troublant témoignage mis en lumière avec talent par Makenzy Orcel. Un premier roman de grande qualité, fort, sensuel et mystérieux, à découvrir.
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Les Immortelles

Alors que le narrateur, un écrivain inconnu, trompe son désespoir en se rendant dans un bordel, une prostituée lui propose un étrange marché: écrire l'histoire de ses consoeurs décédées pendant le tremblement de terre de 2010, contre des passes gratuites. Ce, afin de rendre ces femmes Immortelles puisque les personnages d'un livre existent à jamais.

La voix du récit devient alors celle de cette prostituée, racontant son monde, les autres femmes. Et qui raconte plus particulièrement "la petite" dite Shakira, une gamine tombée au trottoir, dont elle va devenir la star, sous l'égide de la narratrice.



Ce roman se lit comme on prend un uppercut dans l'estomac. Le style en est âpre, abrupt. La réalité du milieu de la prostitution est révélée dans toute sa crudité.

Le récit ne se déroule pas d'une manière linéaire mais se constitue de brefs paragraphes au fil des idées et des souvenirs de la prostituée. Les figures de ses consoeurs défilent, mortes et vivantes. Et toujours elle revient sur Shakira, à la façon dont elle a débarqué dans sa vie, à sa haine viscérale pour sa mère, à son amour immodéré pour les livres, totalement incompréhensible pour la narratrice.

Et puis l'agonie, et le vide cruel et implacable laissé par la mort.



A travers le destin tragique de ces femmes, ce sont toutes les souffrances du peuple haïtien qui résonnent. Si le séisme en marque l'apogée, la narratrice montre également les réalités de la vie sur l'île: la violence, la misère, les gangs, la religion qui balance entre Jésus et les "loas" du vaudou, ...



Makenzy Orcel signe là un premier roman fort et dérangeant. Même si, sous la dureté des mots, on sent vibrer une réelle affection de la prostituée pour sa jeune protégée, le ton sans appel du texte m'a empêchée d'être touchée par ses protagonistes.
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Les Immortelles

« Une ville sans pute est une ville morte. »

Voilà un livre qui claque, qui fouette, et qui redonne un sens à la littérature : ne pas endormir le lecteur, et le pousser dans des racoins pas toujours très reluisants, mais qui parfois ont besoin d’être mis en en lumière pour montrer qu’ils existent.

Sur les trottoirs de Port au Princes, travaillent les immortelles. L’une d’elle , la narratrice, se confie à un écrivain-client , afin de ne pas oublier, la petite, Shakira, jeune prostituée, emportée par le séisme qui ravagea l’île.

« Non je ne veux pas oublier. Il faut que je la raconte cette histoire sur fond de phénomène bref, de jamais vu. Il faut que je te raconte, petite Nina-Shakira à moi. Que je cesse de perdre mon temps à la banalité de la vie. Aux dégâts du tragique. Aux choses qu’on a mis tout une vie à construire et qui disparaissent en moins d’une minute. Dans l’espace d’un cillement. Il faut avancer. »

Une langue sans retenue, ni tabou qui dit la douleur de ces immortelles, la douleur d’une île martyre, la douleur de ces vies. Une langue belle et ensoleillée.

Des chapitres courts, une langue sèche, des phrases lapidaires, qui marquent l’urgence de dire, et de ne pas oublier.

L’auteur, se glisse au millimètre près dans le costume de la putain de Port au Prince pour mieux restituer ces vies à la fois subies et choisies à la fois, ces vies qui font mal , ces vies qui bousculent , ces vies faites aussi de joies et de littérature.

Un livre qui se lit d’une traite, presque à s’en couper le souffle.




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Les Immortelles

Le pitch est tout simple. Apprenant qu'un de ses clients est écrivain, une prostituée de Port-au-Prince lui propose d'échanger ses services sexuels contre des services "littéraires". Elle raconte les Immortelles, les prostituées, et lui, il rédige le tout. En mémoire surtout de Shakira, jeune prostituée ensevelie sous les décombres suite à un tremblement de terre.



L'écriture est un coup de poing droit dans les tripes. On ne s'embarrasse pas de détails, on nomme les choses comme elles sont. Et au fil de petits paragraphes qui s'emboîtent peu à peu comme les pièces d'un puzzle, le lecteur découvre le vécu de Shakira, recherchée par sa mère qui l'a reniée auparavant, car fort dévote. On apprend encore que Shakira a un enfant. Et qu'elle s'était éprise d'un écrivain. Peut-être est-ce le même que celui qui entend les confessions de la prostituée... On comprend assez vite que la narratrice éprouve une certaine culpabilité envers Shakira, vu que c'est à sa demande que Shakira était dans un bâtiment au moment du séisme. Ce récit est une manière pour la vieille prostituée de se sortir de sa culpabilité. Le style importe autant que le sujet. Et les deux se rejoignent pour un résultat très punchy. Le fait de dévoiler de petits éléments du vécu et du passé de Shakira à mesure que le récit progresse rend le résultat vivant et proche d'un polar, même si on en connaît la fin.



Personnellement, j'ai été comme envoûté par le rythme du récit. Cette façon de découper les paragraphes. Il s'en dégage une sorte de magie, un truc vaudou haïtien. La prostituée nous parle en effet d'un loa possédé par une de ses consoeurs qui envoûte le client. Un peu comme la conteuse envoûte son client (ou le lecteur) par son récit.
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Maitre-Minuit

Poto, jeune haïtien, grandit dans un des pays les plus pauvres du monde, sous une des dictatures les plus cruelles et les plus sanguinaires qui puisse être. Poto grandit dans l’ombre de cette mère qui ne se résume qu’à un corps décharné, une ombre infernale, errante, passant ses journées à inhaler de la colle. Son père? Inconnu au bataillon.



A quoi peut se résumer la vie, les rêves, le quotidien, l’avenir de ce jeune garçon ? Un seul espoir : son don pour dessiner la vie, dessiner ce monde, son monde…

Le premier élément que l’on retiendra de son livre: son atmosphère. Une atmosphère pesante, âcre, morbide, sanglante, infernale. Aucun mot ne parvient véritablement à cerner le coeur de ce roman. La vie (s’il est possible d’employer ce mot), sur cette île dominée, écrasée par l’ombre du tyran et sanglant « Papa-à-vie » est irrespirable, suffocante, angoissante. Chaque regard de travers, chaque parole, chaque geste mal interprété peut vous coûter la vie.

Au milieu de tout cela, une fleur sauvage germe : Poto. Le jeune narrateur survit, observe ce qui pour lui est normal et naturel, constate les dérives de ce monde qui l’entoure.

On se prend d’affection pour ce jeune garçon, aux allures de survivant dans un monde apocalyptique, qui meurt de faim, le pire de ses maux. De jeune garçon qui dessine, qui se prend à rêver, à espérer. De ce jeune garçon qui a peur, mais qui n’a personne pour l’aider. De ce jeune garçon livré à lui-même, dans les ruelles hostiles, sans ressources.



La plume se fait âcre, mordante, rugueuse afin de rester fidèle à ce qui est raconté. On saluera et on se délectera de cette plume qui sait se montrer poétique, une petite lucarne dans ce monde étouffant.

La lecture n’a pas été aisée, de part les sujets abordés, par cette atmosphère suffocante qui nous prend aux tripes. Mais j’ai adoré cette lecture, pour toutes ces raisons. Nous avons entre les mains un roman révoltant, qui joue avec nos nerfs et nous prend aux tripes. Il est certain qu’on ne ressort pas indemne de cette lecture …
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La nuit des terrasses

Comme le titre du recueil le laisse supposer, l’auteur nous plonge dans le registre lexical de la nuit, de l’alcool et des voyages. « La nuit les conte à rebours. »

Les rencontres se font à Port-au-Prince, en Palestine, au Soudan, dans le quartier latin ou à Saint-Denis avec des cœurs cassés, des bâtards, des putains, des « noyés insoumis »

Même si l’univers est sombre, quelques petites notes d’optimisme pointent de-ci de-là.

» Il faut laisser le nuit entrer dans sa vie

pour qu’il y ait un phare quelque part. »

» Je jette mes mains au feu pour atteindre la lumière dans son point de chaleur. »



Le rêve est toujours là sous la brutalité du quotidien, « le rien qui fait rêver« . Et je vous laisse ce court extrait pour mesurer la beauté des textes....
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Les Immortelles



Après quelques recueils de poésie, Makenzy Orcel s'essaie au roman. Haïtien, il nous emmène sur la des immortelles, les prostituées de Port au Prince. En échange de quelques étreintes, un écrivain accepte d'écrire l'histoire de deux d'entre elles : une jamais nommée et Shakira, jeune prostituée disparue sous les décombres du dernier tremblement de terre après douze jours de souffrance.

Le récit avance à coups de courts paragraphes éclatés, alternant les points de vue des différents personnages, se jouant du temps et des moments d'où les quelques difficultés que j'ai eu à bien saisir l'âge exact de Shakira ou de s'apercevoir que c'est sa mère qui parle, une catho extrême qui se rend dans un bordel avec l'espoir de retrouver sa fille.

Livre assez court que j'ai refermé avec un avis assez mitigé. J'y ai trouvé une vraie écriture, belle, dense, épurée, poétique,une de celles qui sait en quelques mots emporter le lecteur dans une émotion très forte. Seulement, elle n'est souvent qu'au service d'elle même, au détriment de l'intrigue. Beaucoup d'éléments sont laissés de côté. La mort d'une des héroïnes à la suite du tremblement de terre est simplement évoquée alors qu'elle me semblait être l'élément déclencheur du livre. La galerie de personnages originaux et attachants comme la prostituée folle de littérature ou celle qui devient une sorte de mère par hasard sont trop vite abandonnées à mon goût.

Et puis, il y a cette imagerie rance de la pute au grand coeur dont le corps et l'âme sont dévoués tout entier à la satisfaction du client. A Port au Prince, celles que nous fait rencontrer Makenzy Orcel semblent vivre avec bonheur leur tâche, loin de la violence, de la drogue, des souteneurs et de la maladie. J'en ai un peu marre de ce conformisme macho et de cette pseudo poésie de la prostitution qui relève maintenant d'un autre âge.

La fin sur le blog
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Une somme humaine

Qu'est-ce qu'une somme humaine ?



Lu et approuvé sur aikadeliredelire.com



En additionnant vicissitudes, tragédie et poésie, on obtient une somme humaine.



À travers ce cahier grandiose, la narratrice dont on ne connaîtra jamais le nom, depuis l'au-delà, nous livre, en somme, la tragédie que fût son existence sur cette Terre.



Cette si jeune existence à laquelle elle mit fin en se jetant sous la rame d'un métro, sous l'effet du désespoir dévorant et de la misère affective qui la mine intérieurement depuis toujours.



Cette voix nous raconte son enfance dans un village désuet, aux mœurs d'un temps révolu et perdu dans l'une de nos campagnes française, au sein d'une famille aisée mais toxique: père absent et effacé, mère égoïste et indifférente, oncle dominateur et prédateur sexuel. Sa grand-mère fait figure d'exception.



Cette toxicité se confirme davantage le jour où à peine adolescente, elle subit un viol perpétré par son oncle dans la mesure où elle se confiera à sa mère qui ne la croira jamais, préférant rester dans le déni et la rendant coupable de vouloir entacher leur réputation et de leur gâcher la vie.



À sa majorité, elle quitte enfin ce simulacre de vie familiale à la campagne pour étudier à Paris avec l'aspiration de se construire un présent acceptable et un avenir meilleur.



Paris, la Ville des Lumières, pour revivre, se projeter. Notre héroïne y trouvera l'amour pour ensuite le perdre et ainsi s'engouffrer dans une spirale infernale dont la mort lui paraîtra in fine comme l'ultime délivrance.





Pour ma part, c'est un destin cruel sous la forme d'une prose titanesque sans majuscule, exceptés les noms propres, ni point ni guillemets.



Le tour de force magistral se situe dans la fluidité du récit malgré cette volontaire contrainte de rédaction : le texte est expressif, rythmé par les chapitres et la poésie tandis que le registre employé est tantôt trivial, tantôt lyrique.



Malgré l'art et la manière, ce chef-d'œuvre grandiose me laisse mi-figue mi-raisin.



Il est d'usage que les tragédies que l'on raconte servent de rêve ou de mise en garde. Fort heureusement, Une somme humaine n'échappe pas à ce lieu commun. À mon humble avis, c'est le seul "prix de consolation" de ce destin cruel conté par cette voix outre-tombe.



L'histoire est à mon goût, trop déchirante pour s'en enthousiasmer davantage: l'on en ressort avec des images spectrales d'angoisse, de désespoir, de solitude et de mélancolie.



À lire si vous aimez les longs récits racontés avec lyrisme et qu'entrevoir les vices de notre humanité ne vous effarouche pas.



Âmes candides, passez votre chemin.

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Une somme humaine

Encore une voix d'outre-tombe, c'est une mode actuelle, semble-t-il.

L'héroïne n'a pas de chance: une enfance terne où sa mère l'ignore, une adolescence pas facile notamment à cause d'un oncle libidineux. Elle ne trouve un peu de réconfort qu'auprès de sa grand-mère avant de tout quitter pour Paris où elle espère être libre; elle rencontrera l'amour avec Orcel et Makenzy (quelle drôle d'idée de prêter ses noms et prénoms à ses personnages) mais cruellement déçue, elle se jette sous le métro (je ne dévoile rien: c'est dès les premières pages) La jeune femme avait un journal intime.

C'est vers 2010 que j'ai pris un café à Béthune , il n'y avait plus d'autre place, avec cet inconnu dont j'ai découvert qu'il était auteur et haïtien.

Du coup, j'ai lu Les Immortelles sans grand enthousiasme et c'est la même relative déception avec ce dernier roman bien trop long pour moi qui aime les livres courts et denses. Plus de 600 pages avec un papier qui oblige à être très attentif à ne pas sauter des pages et à faire des marches arrières.

Merci à lecteurs.com pour cette expérience de lecture et aux éditions Rivages.
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Une somme humaine

Il y a cette voix, celle d'une femme qui nous conte son histoire, décédée dans le métro à Paris, suicide, désespoir.



Il y a cette écriture, difficile pour moi, impossible presque, et plusieurs essais trop peu concluants.

est-ce le mauvais moment ?

Est-ce parce que je n'ai pas lu le premier ivre de cette trilogie qui pourtant se lit séparément ?

Il faut absolument que je reprenne ce roman à un autre moment, quand ce sera son heure.
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