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Citations de Marc Jeanson (37)


J'ai peu voyagé étant môme : les vacances s'étiraient, avec une lenteur de voie romaine, dans le vert gras de l’été champenois. Je rêvassais sous les treilles de vigne, dans les bras des hêtres tortillards, dans la fraîcheur de leurs feuilles duveteuses. Je lézardais au bord de la rivière, sur le calcaire chaud des prairies sèches, allongé jusqu'au cou dans les herbes et le sautillement des insectes. Je guettais le bleu chicorée, le rose salicaire, le duvet des typhas.
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Les herbiers témoignent aussi du quotidien des personnalités de la science des végétaux ; leurs spécimens, datés du jour de la cueillette, n'en finissent pas de dessiner la vie d'un homme.
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À la rentrée, alors que je n'étais plus qu'un ventre tordu de douleur sur les bancs de l'infîrmerie, le médecin du collège me demanda d'un air perplexe si j’avais récemment voyagé dans un pays tropical. Sans le savoir, à onze ans, j'étais devenu un explorateur.
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À l'instant du dégel, Monsieur Aymonin s'est endormi dans un lit d'hôpital. La petite chambre blanche à l'odeur d'antiseptique était pleine de bouquets, d'un arc en-ciel de roses. L'Herbier est resté son obsession jusqu'à la fin : faute de pouvoir sortir, Monsieur Aymonin avait cueilli les fleurs sur sa table de nuit. Les infirmières les ont retrouvées sous son matelas, soigneusement pressées dans du papier journal.
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En attendant, j’imagine que la Seine en crue atteigne les tiroirs de nos Compactus et humidifie leur contenu. Alors l'Herbier se mettrait à germer. Au commencement serait la plantule, laquelle bourgeonnerait sagement dans l'intimité d'un rayonnage, préparant sa grande évasion vers le ciel et la lumière. L'une d'elles passerait sa tige dans l'entrebâillement d'un casier et bientôt, toutes tenteraient une sortie, dans l'ordre fixé par le bel ordonnancement des familles, les myrtes au côté des choux, les bruyères en compagnie des poivrons, tournesols et marguerites ensemble. Une fois dehors, il n'y aurait plus de classification qui tienne : le fragile édifice conceptuel si patiemment édifié par les botanistes s'effondrerait face à l'inexorable poussée des lianes. Les Schizophragma, ces hortensias grimpants aux larges fleurs crème, prendraient appui sur les tuyaux de la climatisation, hissant leurs floraisons jusque dans l'encadrement des fenêtres, leurs feuillages chatouillant les verrières. À l'abri d'une travée, un Moabi d'Afrique centrale commencerait son escalade patiente, musclant sa ramure, se préparant à soulever le toit pour qu’entrent le vent et les rayons du soleil : une fois la toiture repoussée, la végétation s'en donnerait à cœur joie, jaillissant au-dessus des toits de Paris. À soixante-dix mètres de haut, le Moabi concurrencerait Notre-Dame. Ce serait la genèse d'une forêt : la spontanéité du vivant ferait la ruine de l'Herbier, une flore mondialisée, unifiée, sauvage se ferait la malle dans les rues de Paris. Pour le moment, la Seine monte sans danger pour le Jardin des Plantes. Mais prêtez-y attention, l'air de rien, les plantes complotent au bas des trottoirs.
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À l'Herbier, je me suis souvent demandé ce qui avait donné à ces figures de marbre érigées au bas des escaliers la détermination de braver les conventions et de partir courir le vaste monde. Où Adanson avait-il trouvé la force pour envoyer valdinguer sa destinée de chanoine, laisser derrière lui le canonicat de Champeaux-en-Brie ? Les limites de son existence auraient dû, en toute logique, s'arrêter à celles de la collégiale : peut-être par défi, ou pour dépasser une fois pour toutes les fossés du bourg, avait-il demandé à quitter Paris et à être envoyé dans le comptoir le plus malsain, le plus dangereux qui soit — Saint-Louis, au Sénégal -, devenant le premier naturaliste à s'aventurer en Afrique de l’Ouest, au cœur de la Zone torride. Dans ses carnets, il orthographie botanique avec un k, botanike, comme un rappeur, comme un rebelle.

Tournefort aussi faisait le mur, lui qui petit n'aimait pas ie latin et séchait la classe pour courir les collines d'Aix, Jusqu'à ce qu'un jésuite le rattrape et le ramène en le tirant par l'oreille.

Les deux garçonnets ne se rencontreront jamais. Plus de vingt ans séparent la mort de Tournefort de la naissance d'Adanson, mais j'aime à penser que tous deux voyaient dans les ecclésiastiques, avec leur barrette à houppette sombre, des scarabées inquiets, captifs du trait noir qui sépare le tronc de ses des arbres : la liberté les dérange.
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Toute sa vie, Adanson, tel un petit Poucet, avait semé derrière lui des spécimens annotés avec soin.
Presque dix ans plus tard, je découvrirais que le Sénégal était son premier et seul grand voyage. A des siècles de distance, les émotions d'Adanson faisaient écho aux miennes. Je lisais par-dessus l'épaule d'un grand frère (...) (p. 29)
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Le botaniste, pourtant n'est pas le jardinier. Ce malentendu dure depuis le XVIIe siècle. C'est le jardinier qui accompagne le développement des plantes. Il les veille, il les maintient en vie. A l'inverse, le botaniste coupe les plantes, il les observe dans la mort pour mieux les situer à l'intérieur du vivant. Ce sont deux modes de connaissances aussi intimes qu'opposés (...) (p. 102)
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Je suis "inventeur" de plantes, du moins c'est ainsi qu'on aurait qualifié mon métier au XVIIIe siècle. Il y a une pointe d'orgueil dans cette expression qui me déplaît, puisque nous autres botanistes ne concevons rien, ni machine extraordinaire, ni procédé nouveau, nous nous contentons de reconnaître l'originalité dans l'inépuisable catalogue d'êtres vivants que la nature fait défiler devant nos yeux. Cependant, j'aime que ce terme fasse appel à la force de l'imaginaire (p. 10)
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En son temps, Linné a décrit 6 200 espèces, chiffre qui, depuis le XVIIIe, a été multiplié plus de soixante fois par ses successeurs. C'est beaucoup, mais pas suffisant. Selon les estimations de mes confrères, 90 % de l'ensemble du vivant reste encore à découvrir, et vite. (p. 115)
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(...) il y a l'Herbier, cet -Herbarium parisiensis- qui loge dans un bâtiment austère, à l'arrière du Jardin des Plantes. Les Parisiens ignorent son nom et son existence, et ne se doutent pas que la majeure partie de ce qui pousse sur la surface de la planète y est documenté, vaste amas de connaissances, huit millions d'échantillons sur lesquels mes collègues et moi-même veillons précieusement. (p. 14)
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A secouer les feuilles de l'Herbier, il m'arrivait de réveiller les souvenirs endormis de ces grands hommes, qui me semblaient plus délicats à préserver et ordonner que les plantes auxquels ils étaient associés. Peut-être parce que les herbiers témoignent aussi du quotidien des personnalités de la science des végétaux ; leurs spécimens, datés du jour de la cueillette, n'en finissent pas de dessiner la vie d'un homme. Malgré nous, c'est à cela que nous étions tous accrochés, à cette familiarité de papier, à ces existences qui se racontaient au gré du passage des saisons et des fleurs rencontrées. Peut-être, d'ailleurs, est-ce pour cela que ce livre me fut si difficile à écrire, j'ignorais par quel bout le prendre. A l'ombre de chaque plante, je trouve un botaniste, et je ne sais par lequel commencer, l'humain ou le végétal. (p. 76)
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La mémoire du monde, c'était aussi ces milliers de plantes séchées, dont chaque pétale, chaque stipule embaumée témoignait de l'avancée des sciences ou des premiers contacts entre civilisations, pour le meilleur et pour le pire. Par ces modestes gestes de cueillette et de pressage répétés au fil des siècles, l'herbier se changeait en une machine à remonter le temps. (p. 87)
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J'aimais Central Park, cette forêt posée au milieu des buildings, ce tiraillement constant entre nature et urbanité triomphante. Souvent, les gens s'étonnent que je puisse à ce point aimer l'urbain, mais peut-être est-ce le propre de l'amoureux des plantes que de savoir toujours s'en entourer. (p. 9)
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Parce que l'on n'est jamais à l'abri d'une idée inconvenante avec Linné, cet événement change sa lecture de la Bible; le Suédois, qui jouit de son temps à Hartecamp, est persuadé que le bananier est l'arbre du paradis. Pourquoi pas après tout, puisque ses feuilles sont de taille à cacher un homme nu: Adam n'a pas croqué une pomme, mais une banane, et Linné s'empresse de rebaptiser la plante - Musa paradisiaca- (p. 105)
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En son temps, Lamarck ne recueille que mépris. Il reste à mes yeux un des hommes les plus malchanceux de l'histoire naturelle, mais ce malheur n'apparaît pas dans son herbier, succession d'instants heureux (...) A côté d'une petite navette, il prend le soin de noter : "Venu dans mes pots, de graine tombée de la cage de mes oiseaux." A cet instant, l'immense scientifique fait place au Lamarck domestique qui aime les plantes d'intérieur et le chant des passereaux. (p. 78)
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La plante est la compagne des angoissés. Il m'est arrivé de suffoquer dans des pièces vides de verdure, dans des chambres d'hôtel décorées d'un ficus en plastique. Patrick Blanc appelle cela le complexe de Tarzan, le besoin permanent avec la nature. (p. 131)
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Pourtant , toute l'âme de l'histoire naturelle est là, ses magnificences et ses cruautés. (...) A l'intérieur, il y a aussi des photos d'époque, de ces images dont les fonds d'herbier regorgent : des femmes du royaume de Dahomey, pensives en leur parure de cauris et de perles, des pêcheurs bourourou pieds dans l'eau, dans un affluent du Sénégal. De celles où le photographe prend toujours bien soin de placer un Noir dans le cadre, pour servir d'échelle. Combien de générations de ces "sauvages" ont-elles aidé la science tout autant que nous ? (p. 39)
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Les vieux du Museum avaient tout vu, tout collecté, bossé partout, des îles Marquises à la Nouvelle-Zélande. Ils étaient souvent ronchons et taiseux, plus habitués à dialoguer avec le spécimen qu'avec l'être humain, mais une anecdote suffisait à les faire pardonner (...) (p. 62)
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Comme si l'Herbier donnait des leçons de lenteur à quiconque s'y asseyait : au contact des liasses friables, tout paraissait plus calme, l'heure s'oubliait. (p. 59)
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