Margherita Gabbiani

Quand je pense que Jean oublie la moitié de ce que je lui dis dans les cinq minutes qui suivent ! Gabriel est différent, c’est toujours un plaisir de bavarder avec lui, quel que soit le sujet. Je peux aujourd’hui affirmer que nous avons tissé des liens d’amitié, lui et moi.

Quand j’y pense, ce Gabriel… Il est vraiment sympa ! Je me sens bien plus à l’aise avec lui qu’avec Adam. Parfois, j’en oublierais presque que c’est un simple collègue… Je le connais depuis quoi, quinze jours ? Pourtant, en si peu de temps nous avons pas mal discuté, et c’est quelqu’un avec qui j’ai beaucoup d’affinités. Habituellement, j’évite de faire ami-ami avec les personnes avec qui je travaille, mais peut-être qu’avec lui, je pourrais faire une exception.

Évidemment, sa copine est super intelligente ! D’après ce que j’ai pu voir et entendre, il est luimême très doué. C’est un jeune homme brillant et je l’imagine tout à fait discuter de sujets complexes avec une jolie fille à lunettes, le genre intellectuel.

Au contact de son corps chaud contre le mien, le besoin de le toucher se fait ressentir. Lentement, je me mets à l’embrasser sur le coin de la bouche, puis dans le cou. Il me laisse faire sans rien dire.

Je suis un éternel célibataire. Je n’ai pas encore trouvé celle qui fera battre mon cœur. Mais au moins, j’ai plus de place dans le lit : il faut voir le bon côté des choses!

J’ai besoin de quelques secondes pour atténuer la couleur qui m’est montée aux joues suite à son compliment. Bon, il n’empêche que sa remarque machiste, je m’en passerais bien… Affairée avec ma ceinture, j’évite soigneusement son regard. Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Ce n’est pas la première fois qu’un homme me complimente pourtant. Je n’ai pas pour habitude de rougir comme une adolescente qui n’a jamais fréquenté de garçon !

Je dis juste que dans le commerce, avoir une jolie fille pour présenter la marchandise est toujours un plus, réplique-t-il avec un clin d’œil.

Cet homme m’intrigue, j’ai du mal à le cerner. La lueur fière dans son regard m’attire tout autant qu’elle me repousse. Contrairement à Laure qui déjeune toujours avec l’équipe au bureau, Adam est en déplacement la plupart du temps. Cet entretien sera donc pour moi l’occasion d’en apprendre plus sur ce mystérieux personnage.

Mon cœur s’emballe dans ma poitrine tandis que je reste muette sous le choc. Alors celle-là, je ne m’y attendais pas du tout ! Est-ce que c’est ce dont j’ai envie, moi aussi ? Bien sûr, c’est ce dont rêvent toutes les filles, non ? D’ un homme doux et fiable qui les demanderait en mariage sous le clair de lune. Dans ce cas, pourquoi je me sens si… calme ? Je suis prise de palpitations, mais c’est plutôt dû au stress de trouver une réponse adéquate qu’à l’émotion que je devrais ressentir dans un moment de ce genre.

C’est une vraie rousse à en juger par sa peau d’ivoire. Elle ressemble à une sirène, avec ses cheveux ondulés qui s’arrêtent juste au-dessus des fesses. Elle a l’air sympa mais son côté maniaque et autoritaire m’a un peu refroidie. Notre « Vis ma vie » s’est transformé en une litanie de diapositives Power-Point enchaînées avec minutie, sans pause.

C’est incroyable que des mecs comme ça existent. Il aurait pu être mannequin ou acteur. Quand j’y pense, si j’étais célibataire… Mais je ne le suis pas, comme me rappelle une petite voix complètement sobre au fond de ma conscience.

Je ne suis pas réellement timide, mais j’ai tendance à être réservée quand je côtoie de parfaits inconnus. D’autant plus que d’après ce que j’ai compris, chez Kreatio tout le monde se connaît s’entend très bien. Et si je ne m’intégrais pas ?

Dans ma vie amoureuse, j’ai eu quelques aventures. J’ai connu les papillons dans le ventre et deux-trois relations foireuses. Puis j’ai connu Jean, mon fiancé, et tout a semblé trouver exactement sa place. Mais ça, c’était avant.

« Ces plaisirs violents ont des fins violentes. Dans leurs excès ils meurent, tels la poudre et le feu que leurs baisers consument. » W. Shakespeare

La vérité a fini par me rattraper, froide, brutale et sans pitié. Et dans celle-ci, tout est de ma faute. Tout ce qui semblait évident dans ma vie est à présent éclaté en mille morceaux.
Le pire dans tout ça, c’est que sous cette douleur fulgurante qui émerge de ma poitrine et me brûle les yeux, la seule chose en filigrane à laquelle j’arrive à donner du sens c’est… lui.

La température semble encore augmenter de quelques crans. Je me sens électrifiée ainsi serrée entre eux deux. Les effluves de leurs parfums respectifs se mêlent dans mes narines. Nos gestes se font plus fluides, plus coordonnés. Nos membres se déhanchant inlassablement sur le même mouvement lent à mesure que les accords de la guitare s’intensifient. Des gouttes de sueur perlent sur mon front, mais je m’en fiche. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va sortir de ma poitrine.

— Oui, approuve-t-il, et je dois reconnaître que tu es très douée. J’apprécie beaucoup de travailler avec toi, ajoute-t-il en plongeant ses pupilles dilatées dans les miennes.

Je me sens tout de suite un peu moins saoule. Ses mots me font plaisir, mais je suis un peu gênée. Je n’ai jamais réussi à accepter les compliments. Et puis ces yeux…