Citations de Maria Angels Anglada (16)
Brille le miel au coeur des ruches,
que le vin coule à flots, que les coupes débordent!
Et quand la jeune épouse enfourne le bon pain,
s'illumine l'amour!
(extrait du poème Vahé de Daniel Varoujan)
Il était Daniel, facteur de violons de son métier. A cet instant, il ne se souvenait que de son travail - sa fierté. Il avait même oublié la faim et ses yeux brillaient à cause de l'intensité de l'attention.
Terre pourpre, exilée-héritage,relique,
offrande,talisman-alors
même que sous ma plume un poème
est en train de naître,souvent je pleure
à la vue de cet infime lambeau
d'Arménie,je rugis-me rivant l'âme
dans le creux de la main,
j'arme mon poing!
(extrait du poème La terre pourpre de Daniel Varoujan)
J'ai là, sur ma table, dans une coupe,
un peu de terre d'Arménie.
L'ami qui m'en a fait cadeau croyait
m'offrir son coeur-bien loin de se douter
qu'il me donnait en même temps celui
de ses aïeux.
(extrait du poème La terre pourpre de Daniel Varoujan)
Mais hors du camp, hors de cette île d'un monstrueux archipel, rien ne s'arrêtait. Il sentit une bouffée d'air qui n'était plus si froid, comme une caresse unique au pays de la haine. Dans son ancienne rue, à Cracovie, les hirondelles ne tarderaient pas à arriver. Le printemps fleurira comme jamais, se dit-il. Il fleurira sur les corps des milliers de morts. Ce n'était pas une pensée très réconfortante, mais c'était la vérité. Il trouva le café plus amer, la tranche de pain plus petite et mesquine, comme si cette réflexion l'avait diminuée. Au bout de quelques minutes, il regarda le ciel- il ne s'en était pas soucié auparavant car il le voyait toujours couvert de nuages ou de brume- et il y découvrit de grands espaces bleus. Il reçut un coup de bâton dans le dos car il s'était arrêté dans le rang qui se dirigeait vers les ateliers. Oui, le printemps approche, pensa-t-il à nouveau en étouffant un cri. Il fleurira sur l'engrais de nos morts.
Même si cela peut paraître étrange, les réfugiés, ici, à Athènes, chantent souvent.Ce n'est pas pour oublier nos peines, mais pour ne pas oublier nos chansons.
C'était peut-être la raison pour laquelle la tempête les avait surpris de la façon la plus inattendue; il n'avait pas distingué les signes menaçants, les nuages qui s'assombrissaient, absorbé par un métier qui le passionnait. Au début de la tyrannie, il s'était accroché l'étoile jaune de David sans savoir que c'était le signe de la mort, comme on marque les pins qui vont subir la hache; et il ne s'était en fait pas éveillé à la nouvelle réalité brutale avant le jour terrible où ils avaient saccagé son atelier-dans un passé récent, la vieille synagogue du quartier où il s'était senti en sécurité dans son enfance, sous le long talith de son père qui l'emmenait souvent dans les fêtes, avait brûlé. Depuis, pensait-il maintenant, chaque jour ils s'enfonçaient d'un pas dans les eaux marécageuses qui finiraient par les engloutir tous.
Il avait tout appris de son père : il utilisait uniquement du bois de plus de cinq ans d’âge. Du bon épicéa des montagnes et de l’érable, des arbres où avaient niché les hirondelles. Où le vent avait chanté, comme le ferait ensuite l’archet.
Mon père est un poète. Je ne dis pas était, quand on est poète, c'est pour toujours. Il avait déjà publié deux ouvrages, je crains que les exemplaires n'aient été perdus ou brûlés, à l'exception de ceux que ma mère a emportés lorsque nous sommes partis, elle et moi, à Van ; nous ne nous en sommes jamais séparés, tout au long des voyages et des marches que nous avons dû faire. Elle les avait pris pour le plaisir de les garder avec elle, non en raison d'un mauvais pressentiment, m'a-t-elle expliqué.
Au début de la tyrannie, il s'était accroché l'étoile jaune de David sans savoir que c'était le signe de la mort, comme on marque les pins qui vont subir la hache ; et il ne s'était en fait pas éveillé à la nouvelle réalité brutale avant le jour terrible où ils avaient saccagé son atelier-dans un passé récent, la vieille synagogue du quartier où il s'était senti en sécurité dans son enfance, sous le long "talith" de son père qui l'emmenait souvent dans les fêtes, avait brûlé. Depuis, pensait-il maintenant, chaque jour ils s'enfonçaient d'un pas dans les eaux marécageuses qui finiraient par les engloutir tous.
Il se trouvait à l'un des moments les plus délicats de son travail, qui consistait à mettre en place à l'intérieur de l'alto l'âme, cette petite pièce en épicéa, aux veines fines et denses, qu'il était sur le point de laisser partir, parfaitement verticale, parfaitement droite, juste derrière le pied droit du chevalet. Mais que lui arrivait-il ? Il avait les mains moites, l'âme glissait, elle s'échappait avant l'heure ! Elle était trop courte, inutilisable. Il allait devoir tout recommencer. Mais l'alto devenait profond, profond...
Des mains qui le secouaient le réveillèrent à ce moment. L'alto se trouvait sans âme. Cela lui sembla être un mauvais présage.
Il avait parlé sans interrompre son travail, car on ne pouvait jamais être sûr de la réaction ; il avait parfois été frappé pour ne pas s'être mis au garde-à-vous alors qu'on lui adressait la parole, mais l'avait été aussi un jour où il l'avait fait, pour s'être arrêté de travailler.
Presque toute sa famille avait péri durant l’Holocauste, sa mère et sa grand-mère étaient mortes au ghetto de Varsovie, son père et son frère aîné à Auschwitz ; tous étaient donc morts aux mains des nazis. Je pensais qu’elle devait être toute petite à l’époque. Comment en avait-elle réchappé ? Il me vint également à l’idée que la musique avait dû beaucoup l’aider à dissiper ces ombres.
Presque toute sa famille avait péri durant l’Holocauste, sa mère et sa grand-mère étaient mortes au ghetto de Varsovie, son père et son frère aîné à Auschwitz ; tous étaient donc morts aux mains des nazis. Je pensai qu’elle devait être toute petite à l’époque. Comment en avait-elle réchappé ? Il me vint également à l’idée que la musique avait dû beaucoup l’aider à dissiper ces ombres.
même les enfants étaient libérés de leur enfance , par le biais de ce piège sournois
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Mais,craignant de tout perdre si je veux être exhaustif,comme les yeux trop faibles pour résister à la vue du soleil, je dirai peu de choses et en passerai beaucoup sous silence.
Grigor de Narek (X° siècle)