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Citations de Marie Cosnay (98)


Malon, dans la Troisième défaite du prolétariat, raconte qu’après l’échec de Bergeret et Flourens au Mont Valérien, après que Versailles a attaqué Meudon et Châtillon et que Duval a été tué (et quand c’est Louise Michel qui le raconte l’héroïsme est teinté d’une triste douceur), les prisonniers furent nombreux. Malon rapporte ce qu’a écrit un officier supérieur versaillais. Parmi les prisonniers se trouvait « bon nombre de repris de justice et de condamnés militaires ». Des repris de justice comme les nôtres, dit à peu près Malon, en avez-vous beaucoup, Messieurs les honnêtes gens ? Parmi nos repris de justice, se trouvait le savant le plus compétent, l’un des hommes les plus sympathiques, les plus honnêtes, les plus remplis de dévouement et de bonté, Benoist Malon veut parler du géographe Élisée Reclus, auteur de La terre. Le frère du plus savant et du plus généreux des hommes, Élie Reclus, écrit rougir de la manière dont sont traités ces premiers prisonniers de Versailles. Leurs vêtements déchirés dans la lutte, affamés, épuisés par les insomnies, blessés, ils sont conduits sur les promenades puis à Satory, les mains liées dans le dos. De belles dames leur donnent des coups d’ombrelles au passage. Des vieillards, des coups de canne sur les crânes. Lorsque deux jeunes gens, spectateurs modérés, s’approchent d’un des vieillards et à voix basse l’exhortent à garder son calme, une dizaine d’anciens sergents de ville en civil se ruent sur les adolescents qu’ils mènent en prison. Quand ils arrivent à Versailles, certains prisonniers ont les oreilles arrachées, les visages et les cous déchirés. Sur le champ de bataille, dans les yeux des morts, les belles dames fouillent du bout de leurs ombrelles. Avant que la colonne des vaincus de Châtillon soit conduite sous escorte d’ombrelles à Satory, les prisonniers sont installés en cercle sur le plateau. On fait sortir du cercle quelques soldats. On les agenouille dans la boue et les fusille sous les insultes. La publicité qu’en fera Versailles est connue. Bêtes fauves et misérables, voleurs, bandits et repris de justice. Les écrivains iront plus loin. Les monstres du cœur, les difformes de l’âme, ceux que l’incendie amuse, que le vol délecte, les bêtes puantes, les bêtes venimeuses, les gorilles de la Commune, écrit Théophile Gautier, qui fait en octobre 1871 ses Tableaux du siège. À Satory, 1 685 prisonniers sont enfermés, les uns contre les autres, dans un magasin de fourrage. Ils se relaient pour s’allonger un moment sur la paille humide et n’ont pour boire que l’eau de la mare où pissent les gardiens. Élie Reclus écrit que parmi ces hommes qui défilèrent le 5 août sous les cannes et les ombrelles, après qu’ils eurent été vaincus à Châtillon et que les chefs eurent été fusillés, « était l’homme que j’aime, que j’estime et que je respecte le plus au monde ». Il parle de son frère le géographe.
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Voyez-vous le tombeau où vous êtes nommée – nommée, nommée ? Nommée, nommée. Je suis nommée sur un tombeau. Seule j’en approcherai. C’est qu’il y eut première mort. Nommée, nommée sur la pierre tombale. Inscrite. Que font les amours qui vaquent dans l’entre-deux, errent ? le prénom d’une sœur, morte avant ma naissance, identique au mien, gravé sur le marbre d’un petit tombeau.
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Il est possible que le pouvoir (les nombreux pouvoirs que le système de nos organisations sociales entérine et reproduit) se nourrisse véritablement de la fabrication d’écrasements.
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Exercer son droit à parler, être dans un rapport de vérité à soi-même et devant les autres avec qui quelque chose (une activité) s’exerce, nous empêche de devenir mécaniques, de faire masse.
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Je vis à la frontière basque, entre l’Espagne et la France. Au printemps 2021, la frontière est fermée, que franchissent malgré tout les personnes d’Afrique de l’Ouest quittant les îles Canaries. Si, depuis 2017, la route du Maroc, et de l’Espagne après le Maroc, est de plus en plus empruntée, elle est aussi de plus en plus dangereuse. Après les départs de Tanger et Nador, c’est de Dakhla ou de Laayoune, vers les îles Canaries, à travers l’océan atlantique, qu’on s’élance.
En 2017, de nombreux•ses mineur•es de Guinée, de Côte d’Ivoire, du Mali, arrivent en Europe, seul•es ou quasi seul•es.
En 2017, je suis occupée, à la frontière basque, non loin, dans un jardin extraordinaire. Un enfant arrive, avec lui la question de la protection de l’enfance.
La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), qui pose que les enfants sont plus vulnérables que les adultes, est depuis 1989 le socle de toutes les actions visant à construire un monde digne pour les enfants. Cent quatre-vingt-quinze États ont signé cette convention. C’est le traité relatif aux droits humains le plus largement ratifié de l’histoire. Ratifié, pas appliqué. La convention engage les pays qui l’ont signée. Les enfants doivent, entre autres, être soigné•es, protégé•es, nourri•es, aller à l’école, ils et elles doivent être logé•es, ont droit à la famille et à l’amour.
Selon les différents contextes nationaux, la protection de l’enfance est organisée de manières différentes. En France, le ministère des Solidarités et de la Santé en est chargé, qui confie cette mission aux départements.
Les départements ont progressivement, les uns après les autres, les uns plus vite que les autres, oublié qu’il n’y a pas d’enfant étranger•ère, que si les étranger•ères et l’immigration dépendent du ministère de l’Intérieur, les mineur•es doivent être entendu•es et protégé•es avant toute autre considération.
L’article 51 de la loi asile immigration du 30 janvier 2019 durcit les choses, impose un fichier national afin qu’un•e mineur•e non reconnu•e tel•le par un département ne puisse plus l’être dans un autre, c’est une nouvelle entame à la convention citée précédemment, qui s’opposait à toute discrimination. Il semble que ce fichier introduise une sacrée différence entre enfants français•es et étranger•ères, par le fichage lui-même, aussi par un glissement assez subtil : les enfants étranger•ères ne dépendent plus des départements comme les autres enfants, mais d’une entité qui fait communiquer les départements entre eux. Une entité, comme l’État, mais qui n’est pas l’État.
Depuis des années déjà, les départements emploient des associations afin qu’elles évaluent la minorité des jeunes, elles le font en recourant à des grilles de lecture qui se veulent rationnelles – là où la raison ne vaut pas. Je ne parle pas ici des nombreux cas d’évidente mauvaise foi : « ce jeune n’est pas mineur car il a prouvé par son parcours qu’il n’avait pas vécu des choses que vivent les mineurs ». Cette mauvaise foi n’est peut-être, après tout, comme le disait un jeune, qu’une espèce de manque d’imagination.
Les évaluations sociales consistent à épingler le parcours pour retrouver dates, années d’école, cohérences, consistent à piéger ou à demander à l’enfance de répondre d’elle-même, ce que justement elle ne sait pas faire, pour tout un tas de raisons : l’enfance, c’est une course, une échappée, elle devient, elle se croit, elle se fait, elle n’est pas faite pour donner, de loin, d’un ailleurs où elle n’est pas, la preuve d’elle-même. Être évalué•e enfant, c’est forcément être objet du soin (de l’attention, du regard) de l’autre. Ce n’est pas moi qui dis que j’ai besoin. Moi je dis que je suis fort, soldat, héroïque, puissant, les autres voient bien ce dont j’ai besoin puisque je dors dehors, n’ai pas de parents, n’ai pas fait d’études, etc. L’évaluation sociale consiste à trouver des critères objectifs pour finir par une vague impression : on dirait un•e mineur•e. Ou : on ne dirait pas. Il ou elle a des rides. Il ou elle a l’air costaud•e.
Évaluation sociale, ça ne va à personne, on continue avec les papiers, et c’est de plus en plus absurde, il y a cette course ou chasse aux papiers, c’est-à-dire au jugement supplétif parce que personne ne croit un extrait d’acte de naissance guinéen et de toute façon, souvent, les jeunes n’ont pas été inscrit•es à la naissance dans un registre d’état-civil. C’est donc la chasse ou la course à un document que personne ne prendra pour un document authentique, on a fait appel à un•e ami•e d’ami•e, à un frère de père, de mère, pour obtenir ce jugement dont on a tellement besoin, on le fait certifier de plus en plus, une fois deux fois trois fois, par les ministères et les ambassades, et la preuve multipliée vaut preuve nulle, retour case départ.
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Pas de problème, dit le cheval de Belleville, grimpe. On va faire le chemin avec toi.
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les chevaux sont placides, c'est que ce sont les chevaux des flics: placides. Jusqu'à celui-ci, qui se prend pour une girafe ou se trompe d'histoire. Il se cabre placidement mais sûrement. Il veut manger les feuilles d'acacia à la cime des arbres devant le café. Il se cabre et arrache les plus hautes feuilles. Le policier gigote, veut rétablir, dégringole.
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C'est une histoire de haut en bas et de bas en haut. C'est une histoire qui grimpe à l'échelle des histoires et en descend tout aussi vite.
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grand déferlement tragique et prochain des eaux du fleuve rouge, du fleuve grand-père. Troie sera vaincue.
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Le psychiatre préféré de Franco, le Dr Vallejo, justifiait l'enlèvement d'enfants à leurs mères républicaines et à leurs pères républicains, puisque la république, le communisme et l'anarchisme, ça se transmet, comme la colère, de mère ou père en fils et filles.
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L’exil justifie l’exil, la dispersion la dispersion, on n’exile jamais, sous prétexte de les protéger, que des exilés
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le danger des enleveurs qui veulent les prendre au Christ, les donner aux tueurs du Christ, les ravir, les kidnapper pour peupler Sion et casser des cailloux
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les feuilles du yucca éléphantesque
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Le Figaro demande que « les Polonais interlopes et les Valaques de fantaisie soient passés par les armes devant le peuple rassemblé
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Pendant que les obus versaillais dévastaient Paris […] Thiers déclarait à la France qu’il n’y avait pas de bataille. Pas de bataille réelle. Sans doute les ambulances versaillaises faisaient-elles semblant de se remplir de blessés, sans doute les enterrés versaillais faisaient-ils semblant d’être tués, lui répondait Rochefort ». Et les intellectuels alors ? « Il nous faut exclure du champ poétique les Dumas, Sand, Flaubert, Gautier, Du Camp. Il faut croire que les mythologies créées à grande force de peur bourgeoise et de culture antique grimacent affreusement
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Personne ne savait encore comment se passerait l'aventure mais voilà, c'était possible. Ce n'était pas facile, mais c'était possible qu'un village dise : oui, nous pouvons offrir un moment de répit à des personnes qui sont sur les routes depuis des années, avec un but – qui est d'ailleurs plus un nom qu'un but : Angleterre. Qu'un village propose : ils sont dehors, on a ici de quoi loger, alors oui, bien sûr, les peurs, vécues de loin, bien sûr. Mais quoi, dans le réel ? Comment ça marche, en vrai ?
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L’homme en grande fragilité prétend au ciel, aux mers, aux routes, en même temps il installe devant les villes de quoi se rappeler qui il est, de quel savoir de lui-même tout dépend, sa santé et celle des villes. Ce qu’on n’avait pas prévu, c’est que les mers, faute de passages navigables, se transforment en cercueils
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« Il faudrait donner un nom à chacune de ces personnes, rétablir la chaîne des responsabilités. Trouver les noms de chacun des membres des escortes, des pilotes d’avion, des médecins qui établissent des certificats médicaux, des gendarmes qui donnent le signal à l’avion de décoller. Etablir une sorte de tableau des responsabilités, un tableau de listes des tâches qui mènent à ce que des enfants soient emportés et que des parents s’évanouissent au seuil de l’embarquement ».
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Tout a commencé ou recommencé quand on a trouvé ou retrouvé un peu partout, dans les camps et les bois libres, de ces hiboux accrochés aux troncs d’arbre. Jamais on n’en a vu autant ». Et puis « On aurait pu choisir le cyprès mais non , l’ouest en beauté, les pieds à l’ouest et tu as les fleurs qui viennent, c’est Noël
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Se jouxtant presque, deux palais cubes et lumières, entre ciel et gazon fleuri
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