Citations de Marie-Laure Hubert Nasser (45)
Clotilde était stupéfaite par la lucidité cinglante de la vieille dame concernant son propre état et par cette acceptation tranquille de son statut de handicapée.
Cet habit de chair et d'os, dont elle était incapable de considérer le périmètre réel, était, pour la première fois de son existence, habité. Quelque chose circulait en elle. Cette peau toujours froide sur laquelle elle avait renoncé à promener ses mains vivait, bouillonnait presque.
Clotilde était restée impassible Non concernée. Emotion absente. Posée en équilibre sur une chaise en osier. Comme si sa tante lui parlait d'une autre.
Par contre, je vais pouvoir lire des nuits entières. Me perdre dans la lecture jusqu'à ce que mes yeux se ferment et que l'esprit finisse la route de l'écriture. C'est magique quand le corps lâche et que la tête continue sur la voie de l'imaginaire.
Je suis vendeuse en librairie. Enfin, je crois que maintenant, on peut oser lui donner ce nom-là : Librairie. Il y a livre et libre dans ce mot. Et pour moi, c'est une évasion.
Et puis, avec le temps, je me suis mise à vivre en bonne entente avec tous ces morceaux de moi.
J’ai toujours cru que je ne finirais pas la journée. À moins que ce soit elle qui ne se termine jamais. Le temps est un élément auquel je pense souvent. Comme un ennemi qui me poursuit.
Elle se laissait bercer par la chaîne Arte, dans le noir, sur un écran miniature. Elle s’était endormie sur le canapé. Elle avait entendu des pas. Des portes qui claquaient. Elle croyait avoir rêvé. C’était souvent étrange les bruits des vieux immeubles qui grinçaient les soirs de pleine lune.
Elle se contentait de puiser le beau chez des êtres qu'elle choisissait. Elle avait rempli son immeuble pour être à l'abri de l'ennui.
Leur quotidien devenu léger et simple, elles s'adaptaient sans exigence. L'esprit toujours un peu ailleurs.
Elle aimait l'imperfection et les détails qui trahissaient la vérité.
Elle n'aimait pas croiser les gens. Ce n'était jamais simple avec les autres.
J'ai passé des heures incertaines à m'entortiller autour de mon chagrin avant d'oser m'aventurer à l'extérieur. Je craignais de perdre définitivement son souvenir, en laissant le temps le balayer, l'air entrer dans notre couloir, les heures glisser sur ma peau.
Soudain le cri qui déchire l'aurore. Terre. Terre. Ils le répètent à voix basse. Le transportent de souffle en souffle. Comme un papier cadeau rempli d'espérances. Terre.
Elle désire tellement être à la hauteur. C'est son moteur ce besoin de perfection. Elle aime qu'il soit fier. Il est si fort. Elle voudrait qu'on l'aime. Et l'aider aussi.Etre son arme fatale. Son supplémentd'âme pour aller à la victoire.
Couper court. Ne plus l'entendre avec ses jérémiades, ses pleurs de petit chien quand elle ne sait plus quoi faire pour le culpabiliser.
Avec son départ disparaissait la tendresse. Une onde froide parcourait mes os. Je me levais. Tournais autour de moi, comme un chien qui essaie d'attraper sa queue. Je palpais la solitude.
Je suis une enfant de la guerre. Je n'ai pas connu l'herbe, les jardins, les fontaines. Je ne sais pas l'école, les livres, les jeux dans la cour.
Elle ne prétendait pas devenir quelqu'un. Elle voulait juste avoir le droit d'être. Modestement.
Je suis vendeuse en librairie. Enfin, je crois que maintenant, on peut oser lui donner ce nom-là : Librairie. Il y a livre et libre dans ce mot. Et pour moi, c'est une évasion.