Je suis vendeuse en librairie. Enfin, je crois que maintenant, on peut oser lui donner ce nom-là : Librairie. Il y a livre et libre dans ce mot. Et pour moi, c'est une évasion.
Par contre, je vais pouvoir lire des nuits entières. Me perdre dans la lecture jusqu'à ce que mes yeux se ferment et que l'esprit finisse la route de l'écriture. C'est magique quand le corps lâche et que la tête continue sur la voie de l'imaginaire.
- Il faut que tu m'aides, je n'y arriverai jamais sans toi.
- Mais que je t'aide à quoi ?
- A passer cet entretien.
Ils cherchent quelqu'un pour la boutique d'en face. Au CAPC.
(...)
- Ouais, bon, c'est du passé. Mais dans le cas présent, ben, comment veux-tu que je t'aide, ma belle ? J'y pige rien, moi. Encore, si c'était pour bosser chez H & M, je connais toutes les vendeuses, mais là ... J'en connais pas une de vendeuse. Et d'ailleurs, ils vendent quoi, dans ta cathédrale ?
- Des ouvrages pour approfondir ses connaissances après une visite, des catalogues d'expositions, des livres d'artistes pour faire des cadeaux originaux, tu vois ?
(...) Tout l'immeuble était au courant de cet espoir de rendez-vous. Cette information majeure avait donné lieu à une séance de formation intensive (...) pour approfondir ses connaissances. Toutes les femmes au foyer étaient présentes. Elles préparaient même l'entretien avec leurs maris avant cette séance de "coaching" comme l'avait appelée Claudie, se moquant de cette nouvelle émission télévisée de conseils en tout genre qui venait de voir le jour sur sa grille des programmes.
Elle est si lisse et si pure à l'intérieur que les maux et les reproches ne peuvent s'accrocher sur ses parois. Râpeuse et repoussante à l'extérieur, elle est douce et tendre comme une pierre à savon, dedans. Rien ne reste du passage des malheurs précédents. Cette grotte est apparue lors du dernier cyclone et depuis, tout le village est en paix.
J’ai toujours cru que je ne finirais pas la journée. À moins que ce soit elle qui ne se termine jamais. Le temps est un élément auquel je pense souvent. Comme un ennemi qui me poursuit.
Elle aimait l'imperfection et les détails qui trahissaient la vérité.
Elle n'aimait pas croiser les gens. Ce n'était jamais simple avec les autres.
Elle se contentait de puiser le beau chez des êtres qu'elle choisissait. Elle avait rempli son immeuble pour être à l'abri de l'ennui.
Et puis, avec le temps, je me suis mise à vivre en bonne entente avec tous ces morceaux de moi.
Elle se laissait bercer par la chaîne Arte, dans le noir, sur un écran miniature. Elle s’était endormie sur le canapé. Elle avait entendu des pas. Des portes qui claquaient. Elle croyait avoir rêvé. C’était souvent étrange les bruits des vieux immeubles qui grinçaient les soirs de pleine lune.