Une table ronde en compagnie des jeunes écrivains Benjamin Mercerat, Tiffany Schneuwly, Romain Deblüe, pour débattre de la publication.
Modération : Marilyn Stellini
Il la dominait d'une demie-tête, mais elle le toisa tout de même. Elle le trouvait aussi arrogant que beau, et s'en voulait de cette dernière inclination. Elle le toisa encore, et eut deux certitudes : elle allait le mener en bateau, et elle allait aimer ça.
Tant pis s'il payait pour tous les autres. Il faisait partie des Harvestmen, un Motorcycle Club - un MC - un gang de motards hors-la-loi pareil à celui qui avait endoctriné son frère. Elle pour qui la justice était la valeur numéro un, qu'on puisse gagner sa vie en enfreignant la loi la rendait malade.
Quel que soit le trafic dans lequel son MC trempait, drogue, armes... elle le condamnait lourdement, lui et son club.
Emma ne comprit absolument pas ce qui l'avait pris. La musique l'avait envahie d'un coup, avait habité tous ses creux, puis avait cherché à déborder d'elle à travers des larmes impromptues qu'elle avait retenues de justesse mais qui gouttaient désormais le long de ses joues. La honte !
- Sérieusement ? me sermonne Hugo. Tu fais une story sur Insta ?
- Je ne peux pas ne pas montrer ça à mes followers.
Il soupire, à moitié amusé, à moitié dépité.
- Quoi ?
- Non rien. Je ne vais pas me fatiguer à expliquer le concept de vie privée à une "influenceuse".
Il fait le signe des guillemets avec ses doigts en prononçant le mot.
- Trente mille abonnés, ce n'est pas non plus fou fou. Et mon contenu porte sur la ville de New York. Maintenant que je n'y vis plus et pour un petit bout de temps, je vais en perdre pas mal...
- Tu pourrais créer un autre compte à propos de l'Alsace ?
Prologue
Mon cœur s’était brisé en un millier de fragments épars. A chaque instant, la douleur de mon âme se déversait à flots dans mon corps, rongeant ma potine comme un acide, en ôtant tout l'air, comme si le poids d'une enclume m’écrasait et me plaquait au sol. Je ressentais le besoin de hurler sans qu'aucun son ne parvienne à sortir de ma gorge.
On peut aimer plus que jamais aucun mot ne saura le dire, et on peut souffrir de l'amour dans cette même mesure.
J’étais plus mortifiée de mon billet à mesure que les jours passaient, sans qu’aucune réponse ne me parvînt. Je me fustigeais sans interruption. Quelle fantaisie m’avait fait imaginer que cet homme avait une quelconque intention à mon égard ? Comment avais-je pu avoir l’indécence d’écrire pareille confession, à un presque inconnu qui pouvait me compromettre irrémédiablement ? De laisser une preuve écrite de mon inconvenance constitutionnelle ?
Carl Hamilton était marié. Il avait dû croire que je lui avais révélé mes pensées en connaissance de cause. Et à vrai dire, j’aurais dû m’interroger en préambule à ce sujet. Il paraissait si jeune, d’ailleurs l’était-il tout de même encore, et était si nonchalant, presque désinvolte, que je me l’étais figuré comme un célibataire inconséquent. Mais j’étais bien loin de la réalité. Il était marié depuis près de dix ans et père d’un garçon de dix ans.
Seulement un enfant ? m’interrogeai-je d’ailleurs. Voilà qui est peu commun.
Pourtant, cela ne me le rendait pas moins attrayant. C’était tout le contraire.
- Pourquoi est-ce que tu souris ?
- Tu es... rafraîchissante.
Désinhibée par l'alcool, je rapproche mon visage du sien, imperceptiblement, espé rant que, cette fois, il ne reculera pas. Que s'est-il passé ? Un instant, je croyais maîtriser la situation, la seconde d'après, je me retrouve allongée sur le canapé, surplombée par le plus beau spécimen mâle que j'ai jamais vu, félin, prédateur, inquiétant, éblouissant. Le souffle court, j'inspire amplement, les mains crispées sur le canapé. Le sang bat violemment à mes tempes. D'une main, Elvin bloque les miennes au-dessus de ma tête. Son regard est dominateur.