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Citations de Mariusz Wilk (45)


Dès le début, les missionnaires firent tout pour obliger les Indiens à passer de leur rythme de vie nomade à un rythme de vie sédentaire. En effet, ils comprenaient qu'un homme qui vagabonde à sa guise était plus difficile à convertir à la nouvelle foi qu'un sédentaire. "Brisez le rythme vital, disait Kenneth, et vous briserez l'esprit. Prenez un esprit sans rythme vital, il croira n'importe quoi.(La route bleue de Kenneth White) Aux mêmes endroits que les missions chrétiennes s'installèrent des magasins permanents où l'on trouvait à manger si l'on rentrait bredouille de la chasse, et à boire pour noyer dans l'alcool la culpabilité engendrée par la découverte récente de ses péchés. De l'avis de Ken, ce fut le début de la fin. Il ne restait plus qu'à enfermer les Peaux-Rouges dans des réserves où grâce au travail dévoué et intransigeant des nobles missionnaires, ils pouvaient mourir d'une maniéré édifiante. p 91
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... pour Bouvier, voyager n'était pas un divertissement mais un dur labeur. Il n'a pas cheminé à travers le monde pour découvrir ou pour visiter ou encore pour épater par des exploits du type : "voyage autour du monde en mobylette avec un œuf dur cuit par maman", mais pour faire table rase en lui de tout ce que la maison, l'école et la religion lui avait inculqué, pour échapper aux démons de sa maison familiale -- plus c'était loin, mieux c'était. Ces démons le rattrapaient en chemin: une fois dans le ton professoral des speakers de la radio suisse qu'il avait entendu à Prilep, une fois dans les lettres de sa mère -- celle qui lui était parvenue à Ceylan l'avait mis le plus hors de lui, alors qu'il avançait à bout de forces, sa mère lui disait qu'il serait temps qu'il grandisse et qu'il se trouve un travail honnête... Sur la route, il se dépouillait, la route le purifiait ! Tous les mille kilomètres, une "étiquette" se décollait, une autre pointait dessous et encore une jusqu'à ce qu'il débarque à Tabriz nu comme un ver avant que le désert du Balouchistan ne s'ouvre devant lui.
Avec l'âge, il écrivait de moins en moins, il était fasciné par la frontiére du silence, par l'espace entre les mots. Il méditait plus qu'il n'écrivait. p 255
Citation p 254, tirée de Routes et Déroutes :
Entre le voyage et l'écriture il y a un point commun, pour moi c'est très important. Dans les deux cas, il s'agit d'un exercice de disparition (...) Et du fait que l'existence entière est un exercice de disparition, je trouve que tant le voyage que l'écriture sont de très bonnes écoles.
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... si seulement on pouvait être un impressionniste avec les mots, ce sont justement les impressionnistes qui ont introduit dans la peinture ce regard neuf qui consiste à traduire, ou plutôt à transposer la lumière en couleur. Or, comment transposer la lumière dans la langue pour rendre ce chatoiement, ce frissonnement sur l'eau, ces méduses scintillantes, cette luisante de la toile d'araignée dans les roseaux, ces réverbérations de la lumière sur les pierres humides, cette brillance des feuilles et ces jeux du soleil dans les bouclettes de Martusza ? Les mots ne chatoient pas, ils sont immobiles. Comment écrire avec des mots la lumière de tes cheveux ? p 166
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Créer (écrire) la vie -- c'est ciseler chacun de ses détails pour qu'il brille plus tard dans la mémoire de ma fille. Notre maison au bord de l'Onega, n'est-elle pas pour Martusza le commencement de son monde ? Ce qui nous entoure ici (la soupe à l'oseille a meilleur goût lorsqu'on la mange avec une cuillère en bois plutôt qu'avec une cuillère en métal, les sifflements d'une faux sont bien plus agréables à l'oreille que le beuglement d'une tondeuse à gazon), le rythme du jour et de la nuit, la vue de nos fenêtres, les odeurs dans l'entrée, les livres sur les étagères, le choix de la musique et les différentes tonalités du silence -- tout cela non seulement contribue à la qualité de notre vie ici mais devient également la mesure de l'avenir. Un jour, Martusza pourra bâtir son monde selon cette mesure, comme je le fais pour construire ma phrase. Si j'écris (je crée) la vie, c'est dans ce sens. p 84-85
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2 octobre
Ce matin, du givre. La nature paraît peinte par la lumière. Le soleil ardent, oblique, filtre à travers les feuillages qui commencent à s'éclaircir en mouchetant d'ombre la route jonchée de feuilles de bouleaux dorées. Tout frémit et chatoie dans mes yeux tandis que je file à vélo vers La Grande-Baie. J'ai l'impression de traverser un tableau de Seurat. p 202
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On m'interroge régulièrement, que ce soit à des rencontres avec le public ou par Internet, sur ce qu'est une "tropa", un sentier. La dernière à me poser cette question par mail est une jeune fille de Cracovie qui écrit son mémoire de maîtrise sur "Le nomadisme intellectuel dans la prose de Wilk". Une "tropa" évolue et, avec elle, le sens du terme, lui ai-je répondu. À chaque tournant s'ouvrent de nouveaux champs sémantiques.
J'ai trouvé le mot "tropa" dans le Dahl (Dictionnaire raisonné du russe vivant). Du verbe "tropat", dans le dialecte du Pomorié qui signifie "fouler". C'est le sentier, le chemin de la vie qu'on foule avec ses pieds au rythme de son sang. De la cellule du père Guerman, aux îles Solovki, où j'ai commencé à fouler le mien, j'ai emporté comme un viatique cet aphorisme qu'il avait énoncé : "On peut voyager toute sa vie sans quitter sa cellule."
Au départ, c'est mon ego personnel qui a constitué la nature de ma "tropa ". C'est moi qui foule mon chemin !
(...) Chez les Samis, j'ai compris que ce n'est pas moi qui foule le chemin mais le chemin qui me foule. C'est la loi des nomades. Tu vas dans une direction, tu ne vas pas à un but. p153
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21 juin
Au loin, à l'horizon, le ciel et la terre se rejoignent en silence. Dans une telle quiétude, on entend chaque mot.
Par la fenêtre, je regarde le trait violacé de l'horizon de l'autre côté de la Grande Baie. Évagre le Pontique écrit que le silence est un art qui consiste à attendre, à veiller et à tendre l'oreille à ce qui se passe autour de nous. Le silence est la voie qui mène vers notre propre intérieur, qui apprend à s'arrêter et à atteindre l'essentiel. Le silence est le liant qui unit notre attitude à nos actes, c'est la plénitude et non pas le vide. Le silence est la conscience de la présence.
C'est peut-être la raison pour laquelle je peux seulement écrire lorsque j'ai l'horizon devant les yeux.
p 62-63
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Du fait de l'état inquiétant de la nature, j'ai ouvert "La Route" de Cormac McCarthy, bien que je ne sois pas fanatique des romans catastrophe.
(...) j'aurais vite abandonné "La Route" si une réflexion de l'auteur n'avait résonné en moi : si vous êtes un bon père, votre enfant est tout ce qu'il y a entre vous et la mort.
(...) j'ai repris le livre au début et en ai parcouru chaque page en soulignant des phrases du type : "Il ne savait qu'une chose, que l'enfant était son garant" ou " ... Chacun était tout l'univers de l'autre", et quand je suis arrivé au passage où le père assis près de son fils endormi caresse ses pâles cheveux blonds emmêlés et compare la tête de l'enfant à un "calice d'or, bon pour abriter un dieu", je n'ai plus eu aucun doute : c'était bien un roman sur l'amour tardif d'un père pour son enfant.
Cormac McCarthy l'a d'ailleurs confirmé dans une interview menée par Oprah Winfrey au cours de laquelle il racontait son expérience de la paternité à un âge avancé. La paternité a été la principale inspiration de son roman.
p 181-182
(citations de La Route édition de L'Olivier pages 31, 10, 69.)
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Deux ou trois jours avant mon départ pour le Labrador, j'avais accueilli l'écrivain voyageur italien Paolo Rumiz.
(...) il me dit qu'il n'emportait plus aucun livre depuis des années, car un livre, c'était comme un père, il te prenait par la main pour te guider, or en route il préférait lire les paysages et les visages.
(...) à chaque nouveau voyage, il réduisait ses bagages et se préparait ainsi à son ultime expédition. En partant, Paolo me fit cadeau d'un carnet avec un magnifique poéme en exergue : "Voyager, c'est construire des ponts et en même temps les détruire derrière soi / ce n'est pas chercher la certitude mais renoncer à la trouver / c'est tout miser sur une carte, c'est comme une renaissance / voyager, c'est marcher et donc c'est une histoire, notre unique compagne."
p 134
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Prologue
"Mon affaire, si je peux m'exprimer ainsi, c'est de poursuivre mon chemin, où que je sois." Kenneth White

Savez-vous ce qui distingue le voyageur du vagabond ? Eh bien, c'est que les routes du voyageur mènent toujours à un but, qu'il soit de découvrir les sources de l'Amazone, de livrer un "duel avec la Sibérie" ou de collecter des données sur la tribu Hutu ou sur le sexe thaï, alors que le but du vagabond, c'est la Route en soi. Si le voyageur finit toujours par revenir de ses voyages, le vagabond, lui, poursuit inlassablement son chemin. p 9
(....) Savez-vous ce qui distingue un récit de voyage d'un récit de chemin ? Le premier, d'après White, est une collection de verstes, une forme de tourisme culturel (une pincée d'histoire, un soupçon de cuisine, un brin de ceci, un rien de cela). Le second est du vagabondage au sens premier du terme. Vous écrivez sans jamais savoir où vous allez arriver ! Les récits de chemin n'ont ni début ni fin, ce sont les traces successives d'un seul et même chemin, dont le prologue apparaît parfois comme un épilogue, et l'épilogue comme un prologue.
p 16 17
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Parler de nous à quelqu'un de la "grande terre" venu par avion, c'est comme parler des terriens à quelqu'un descendu d'une autre planète. Vous, les habitants de la "grande terre", vous avez désappris à marcher sur la Terre et vous n'avez aucune idée de ce qu'est en vérité la Terre. Vous l'avez recouvert de béton et d'asphalte. Or, elle est merveilleuse, surtout la nuit sous l'aurore boréale.
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Que puis-je encore ajouter ? Que ma fascination pour les maisons russes du Nord dure toujours et qu'elle commence à prendre les traits inquiétants d'une manie.

Pourtant la prière, c'est toute notre vie, n'est-ce pas ?
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On demande pourquoi sur ce mont bleu j'habite ;
Que répondre ? Je ris. Là mon coeur est serein.
L'onde aux fleurs de pêcher au loin se pécipite ;
Ce ciel et cette terre, est-ce le monde humain ?
Li Bo (1)
Dans les toundras de Lovoziéro, il ne pousse pas de pêchers, mais les buissons de framboisiers s'émaillent de fleurs en été ; en automne, la sorbe rougit et les cèpes sortent sur le chemin, la mousse du renne sur les versants ressemble de loin à une écume d'un gris verdâtre. En revanche, les roches sont muettes -- comme chez Li Bo ! -- et la populace ne court pas en ces lieux. Chaque fois que je vais sur les bords du Séïdiavr (le lac des Esprits), outre un sac de couchage et des provisions, je mets dans mon sac à dos un petit livre du poète chinois. Avec lui, le voyage est plus gai et on peut beaucoup apprendre.

(1)"Question et réponse dans la montagne", trad. P. Jacob, in Li Bai, Florilège, Paris, Gallimard, 1985, p.139.
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Sandor Maraï a écrit en hongrois (la langue hongroise appartient à l'immense famille des langues ouraliennes ; elles est donc apparentée aux dialectes saamis.), notant dans son journal qu'au fond de l'âme les Hongrois sont restés nomades et que, bien qu'ils habitent en Europe depuis mille ans, leur état d'esprit est toujours celui d'éternels voyageurs, et que leur langue s'est façonnée dans un passé éloigné, quand la plupart des langues européennes n'existaient pas encore. Il n'est donc pas surprenant qu'elle ait conservé l'écho des temps immémoriaux où "l'homme, pour la première fois dans le chaos de la création, a pris conscience de sa dignité humaine". Cet écho retentit par exemple dans la ressemblance entre les deux mots oles (tuer) et oledes (étreindre), souvenirs de l'époque des chasseurs primitifs, pour qui la victime n'était pas seulement un objet de chasse, mais aussi d'amour, et pour qui tuer avait une signification mystique ! J'ai tiré cet exemple du roman "Les Braises". Récemment, je l'ai relu, et c'est seulement maintenant que j'ai pleinement apprécié les récits de chasse du général Henryk. p 91
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"Ne pourrions-nous admettre que le but de la vie consiste tout simplement
à voir ? "John Gray
.....dans les croyances primitives du Nord, les yeux étaient le germe de ce que les religions ultérieures il est convenu d'appeler l'âme. En eux s'allumait la force de l'esprit. Regarder était synonyme d'être.
Pour les animistes, chaque pierre, arbre, montagne ou rivière est doté d'une âme. Rien d'étonnant à ce que toute la nature nous regarde en silence. Combien de fois, roulant ma bosse sur les sentiers du Nord, ai-je eu l'impression d'être observé, comme si quelqu'un me regardait sans cesse, m'épiant d'un fourré, scrutant depuis les montagnes, regardant du fond d'un lac. Cette impression est encore renforcée par le silence exceptionnel de la nature du Nord, par son mutisme.
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Pascal Quignard, dans le Sexe et l'Effroi, écrit : "Les chasseurs primitifs qui se servaient d'un arc tiraient de son unique corde un son mortel (ils avaient donc inventé la musique de la mort) soit le langage adapté à la capture d'une proie". Il ajoute un peu plus loin : "Lire, c'est chercher des yeux à travers les siècles cette flèche unique décochée de l'intérieur, des profondeurs, du commencement, dès le commencement". Je ne cache pas que l'intuition de l'écrivain français a été pour moi l'une des principales incitations à suivre la traces des Saamis. p 22
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L'après-midi, nous avons vu la côte de Konouchine, en terre samoyède. C'est une "zone" interdite, un champ de tirs à destination spéciale. C'est là que retombent les éléments hors d'usage de Plissietsk, on tire là des engins balistiques depuis l'Extrême-orient, pour contrôler la justesse du tir. Toute la toundra est hérissée de débris de fusées ; ils ont parfois des dimensions énormes, on les voit de loin. De la science-fiction. L'an dernier, nous avons été arrêtés à Konouchine par un commando en hélicoptère, dix boït, dix combattants dont une femme, armés jusqu'aux dents... p 195
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La presqu'île de Kola, la côte de Ter. Nous avons mis dix heures pour traverser le bassin, du sud-ouest au nord-est. Nous avons marché la nuit de la Koupala, la nuit la plus courte de l'été.
... Ici, à la limite du monde visible, le soleil est la lumière de la vie. Même les olèn le recherchent quand ils paissent. Les olèn sont les rennes qui se déplacent avec les Samoyèdes : en hiver, vers le sud ; en été, vers le nord. Toujours dans la direction du soleil. Dans les légendes samoyèdes, les premiers rennes sont descendus sur terre sur les rayons du soleil. Les olèn sont les enfants du soleil. Et il leur manque, comme il manque aux hommes du Grand Nord. Surtout en hiver. p 188
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Dès le début du SLON ("Direction des camps du nord à destination spéciale"), un cachot au régime très sévère a été créé sur le mont. Au mont Sékirny, on ne connaissait pas les peines de longue durée. Les cadavres étaient enterrés sur les versants du mont, dans les buissons de myrtilles. Il y pousse encore des fruits magnifiques...
... Nous empruntons l'escalier dans lequel on précipitait les zeka attachés à une poutre gelée. Au pied du mont se dresse une croix. Chaque année, au printemps, pour la Radonitsa orthodoxe, le jour des défunts, quand la neige est encore bourbeuse et que les oiseaux commencent à s'égosiller, les moines de Solovki célèbrent ici une panikhida (requiem) pour les victimes du SLON, brûlant de l'encens fait à partir de résine de sapin toute fraîche, qui dégage une fumée âcre ; on en a la tête qui tourne. p 53
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La fin de l'été, aux Solovki, fait penser à un rêve : l'horizon émerge des brumes comme une histoire interrompue au milieu d'un mot, le ciel est gris cendré, la mer d'un gris nacré, et dans l'air c'est l'été de la Saint-Martin. Ça et là, les bouleaux s'enflamment, les herbes jaunissent, la mousse embaume. La terre est recouverte d'une brume grise où dorment prés et marécages ; les lacs aussi semblent sommeiller, rêvant des arbres et des gens penchés au-dessus d'eux. Les gens s'attristent de voir l'été finir et boivent pour prolonger ce rêve. Seulement parmi les oiseaux retentit le vacarme qui précède le voyage : les canards apprennent à nager à leurs petits, les vanneaux pressent au départ, les canards mandarins s'énervent, et les plongeons manigancent quelque chose. Brusquement l'automne est là...
... Nous salons harengs et bolets. Les nuits, sur l'archipel rallongent, comme les ombres des jours, et il fait noir comme dans un four. On aperçoit seulement par moments, tout à coup, des éclats de lumière dans le ciel, comme si elle sourdait de l'autre monde. C'est une sévernoïe sïanié, une aurore boréale... p85-86
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