Fanny Arama
Camille Froidevaux-MetterieNajat Vallaud-Belkacem
Kaori Ito
La façon dont une culture traite le corps en particulier le corps des femmes dit une profonde vérité sur cette culture. le corps est en effet une construction : il prend forme au cours de notre vie et en fonction de nos relations, il est modelé par nos choix, mais également forgé par les institutions, leurs diktats et leurs requêtes. Les sciences humaines et la philosophie ont mis en évidence cette construction sociale du corps cette « incorporation » : le corps est façonné, comme l'a montré Foucault, par une kyrielle de dispositifs disciplinaires qui en font une « chair » à racheter, une force de travail à employer, un organisme à soigner, mais aussi, dirait Merleau-Ponty, le véhicule de notre advenir au monde que l'être au monde nous oblige à ajouter sans cesse. Mais le corps n'est jamais neutre : il est déterminé entre autres par des facteurs de race et de genre. Réfléchir sur le corps construit implique donc qu'on analyse la manière dont il est construit, qu'on voie quels corps sont construits, selon quels différentiels, et qu'on mette au jour les effets qui produisent les inégalités de pouvoir entre les hommes et femmes. Dans une telle construction sociale, l'empreinte machiste a été déterminante: aussi le corps féminin a-t-il été façonné selon les désirs des hommes. Quelle vérité sur le corps des femmes maternité, menstruations, ménopause, apparence, sexualité
apparaîtrait si, dans une perspective féministe, on déconstruisait cet ensemble iconique et idéologique dans lequel l'homme a trouvé les outils de sa domination, sinon les justifications de sa violence symbolique et réelle exercée sur les corps des femmes ?
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Philosopher, c’est chercher, c’est impliquer qu’il y a des choses à voir et à dire. Or aujourd’hui, on ne cherche guère. On ‘revient’ à l’une ou l’autre des traditions, on la ‘défend’. Nos convictions se fondent moins sur des valeurs ou des vérités aperçues que sur les vices ou les erreurs de celles dont nous ne voulons pas. Nous aimons peu de choses, si nous en détestons beaucoup. Notre pensée est une pensée en retraite ou en repli […] Dans ce monde où la dénégation et les passions moroses tiennent lieu de certitudes, on ne cherche surtout pas à voir, et c’est la philosophie, parce qu’elle demande à voir, qui passe pour impiété
La vraie philosophie est de rapprendre à voir le monde....
Ne jamais consentir à être tout à fait à l’aise avec ses propres évidences.
(Leçon inaugurale au Collège de France, 1953).
La vraie philosophie est de rapprendre à voir le monde, et en ce sens une histoire racontée peut signifier le monde avec autant de profondeur qu’un traité de philosophie. Nous prenons en main notre sort, nous devenons responsables de notre histoire par la réflexion, mais aussi bien par une décision où nous engageons notre vie, et dans les deux cas il s’agit d’un acte violent qui se vérifie en s’exerçant.
Comme le tisserand donc, l'écrivain travaille à l'envers il n'a affaire qu'au langage et c'est ainsi que soudain il se trouve environné de sens.
Signes, Le langage indirect et les voix du silence
Le philosophe se reconnaît à ce qu’il a inséparablement le goût de l’évidence et le sens de l’ambiguïté.
Le philosophe est l’homme qui s’éveille et qui parle, et l’homme contient silencieusement les paradoxes de la philosophie, parce que, pour être tout à fait homme, il faut être un peu plus et un peu moins homme.
C’est pourquoi tant de peintres ont dit que les choses les regardent et André Marchand après Klee : « Dans une forêt, j’ai senti à plusieurs reprises que ce n’était pas moi qui regardais la forêt. J’ai senti, certains jours, que c’étaient les arbres qui me regardaient, qui me parlaient… Je crois que le peintre doit être transpercé par l’univers et non vouloir le transpercer…J’attends d’être intérieurement submergé, enseveli. Je peins peut-être pour surgir. »
Philosopher, c'est chercher, c'est impliquer qu'il y a des choses à voir et à dire. Or, aujourd'hui, on ne cherche guère. On «revient» à l'une ou l'autre des traditions, on la «défend».
Qualité, lumière, couleur, profondeur, qui sont là-bas devant nous, n'y sont que parce qu'elles éveillent un écho dans notre corps, qu'il leur fait accueil.
Il n’y a pas de vision sans pensée. Mais il ne suffit pas de penser pour voir : la vision est une pensée conditionnée, elle naît « à l’occasion » de ce qui arrive dans le corps, elle est « excitée » à penser par lui. Elle ne choisit ni d’être ou de n’être pas, ni de penser ceci ou cela.