Citations de Maurice Zundel (106)
La plupart des vies, malheureusement sont des cadavres d'humanité...la plupart des hommes sont portés par leur biologie au lieu de la porter. Ils meurent avant de vivre... C'est pourquoi le vrai ;problème n'est pas de savoir si nous serons vivants après la mort, mais bien si nous serons vivants avant la mort.
On ne se possède qu'en se donnant,
on ne se sauve qu'en consentant à se perdre.
L'être est à la mesure du don.
Alors glissa
Parmi les feuilles sans bruit un petit bruit
Né du soupir même que le silence exhale.
Comment suggérer mieux la muette polyphonie du silence et sa présence comme de quelqu’un qui se murmure en vous ? (Hymne à la joie, p. 23).
Il ne s'agit pas de se défendre contre des forces hostiles que l'on n'arrive pas à apprivoiser, il ne s'agit pas d'impuissance et d'ignorance, il s'agit de plénitude de la vie ; il s'agit de la joie infinie, il s'agit d'une liberté enfin reconnue, celle qui fait justement de notre puissance de choisir le pouvoir de nous donner, de tout donner en nous donnant. Combien de philosophes ont peiné pour définir la liberté, pour la concilier avec déterminisme, et il n'y en a peut-être pas un qui ait compris que le sens de la liberté, c'était justemement de faire de nous-même un don. Mais un don à qui, sinon à une générosité qui s'annonce comme telle au plus profond de nous ?
Il y a en moi plus grand que moi. Quiconque a fait cette expérience n'a pas besoin qu'on lui montre l'existence de Dieu. Dieu ne se démontre pas, il est la vie et dès qu'un homme est attentif à sa propre vie, il se heurte à cette présence merveilleuse, invisible. Qu'importe le nom qu'on lui donne, c'est une Présence infinie qui le dépasse infiniment et qui est plus proche à lui-même que lui-même.
Toute parole est vaine qui n'est pas redite au-dedans, avec le consentement de l'amour.
On ne voit pas que l’homme naît au moment où il est libéré de soi, où il passe du dehors au dedans, où il cesse d’être un objet, où il cesse de se subir et où il n’est plus qu’une offrande à l’égard de cette Présence merveilleuse qu’il découvre au plus intime de soi.
Quel mystérieux baptême sont ces larmes que nous refoulons à peine, quand un visage d'amour traverse notre regard, en nous révélant le monde que nous croyions peut-être aboli, et auquel nous sentons maintenant que nous appartenons par toutes les fibres de notre être : le monde de l'esprit et de la qualité, du silence et de la clarté.
(...)
Tout être est capable de nous faire ce don merveilleux qui nous découvre l'humanité vraie. Et ceux qui nous l'ont fait sont à jamais nos bienfaiteurs, quand bien même nous ne les aurions aperçus qu'une seule fois sur la route, car la seule chose qui compte vraiment en nous, c'est ce fond lumineux dont chacune de ces rencontres a augmenté la richesse.
La valeur d’une œuvre est proportionnelle au silence qu’elle fait naître en vous (Allusions, p. 73).
L'immortalité n'est pas une rallonge mise à notre vie biologique dans la crainte de crever. Ce n'est pas du tout cela...Elle est, en nous, d'abord appel à la transformation créatrice où l'homme atteint à une sorte d'aséité en devenant vraiment la source de sa vie:dans le dialogue silencieux où sa personnalité se réalise, dans l'échange avec la Présence infinie qui est, comme disait Augustin, la Vie de notre vie.
Les heures étoilées, comme dit Zweig, celles où, dans l'émerveillement, l'amour ou la compassion, nous sommes soudain "guéris" de nous-mêmes en nous perdant de vue pour n'être plus qu'un regard vers cet Autre - qui transparaît dans un spectacle de la nature, dans une découverte scientifique, dans une musique, dans un visage -, ces heures de grâce nous ouvrent un chemin. Dans leur lumière, notre quête d'un supplément d'être a un sens, ce vide que nous sommes peut être comblé, notre liberté a une puissance créatrice, mais qui ne s'actualise vraiment que dans notre libération. Nous sommes bien, d'une certaine manière, les créateurs de nous-mêmes, mais dans une offrande d'amour qui nous désapproprie de nous-mêmes en l'Amour infini qui nous reçoit.
p.55-56
Dieu, c'est quand tu es bon, quand tu es vrai, quand tu aimes, quand tu deviens transparent, lumineux à la vie : il n'est que formule en dehors de cela.
Les monastères sont, dans le monde des âmes, ce que sont, dans les grandes villes, les vastes jardins qui préservent la pureté de l'atmosphère:ils recueillent la lumière et thésaurisent le silence, sans lequel toute parole est vaine.
Quand dans l'émerveillement de la musique, de l'architecture, de la peinture, de la nature ou de l'amour, vous vous sentez délivré de vous-même, votre regard se porte sur la beauté et, tandis que vous vous perdez de vue, vous vous sentez exister avec une plénitude incomparable. Et c'est à ce moment là justement que la vie atteint son sommet, quand cessant de vous regarder vous n'êtes plus qu'un regard vers l'autre.
Homme du matin autant que du soir, comment ne dirais-je pas cette respiration, au réveil du jour, du silence où le merle semble puiser les perles liquides qui roulent de sa gorge dans l'air vierge qui a germé sous le voile de la nuit? Et aussitôt les moineaux commencent à tisser avec leurs petits becs cette tapisserie pépiante où ma prière s'adosse pour écouter la Voix à nulle autre pareille qui dit tout sans paroles.
L’homme le plus doué, le plus puissant, dès qu’il cesse d’aller vers l’autre, immédiatement devient stérile parce que tout ce qu’il a, tous ses dons, tous ses talents, ne font plus que graviter dans ce moi animal qui est un moi esclave.
Cette expérience consista essentiellement à l'époque à percevoir l'exigence de pureté dans une personne. Il s'agissait donc d'autre chose que d'une morale d'interdit qui engendre un sentiment de culpabilité. Il s'agissait d'un rapport lumineux avec quelqu'un en qui la pureté s'identifiait avec l'être.
Les livres, je leur dois cette conversation qui ne lasse ni ne blesse jamais, ce besoin de silence qu'ils nourrissent, ce tranquille bonheur qui n'est pris à personne, ce stimulant indispensable qu'ils ne cessent d'offrir à ma pensée et, dans les heures tragiques, la présence de l'éternel, dont ils sont la quête et le signe.
Les hommes qui disent quelque chose ne sont pas très nombreux : ceux qui écoutent sont encore plus rares.
Il y a en chacun de nous une vocation mystique qui s'ignore le plus souvent. Notre moi nous accable et nous avons besoin d'être guéris de nous-mêmes. Nous ne sommes vraiment heureux qu'en nous perdant de vue, en nous effaçant en ce qui nous dépasse. Nous voudrions avoir notre point d'attache en un autre. Nous sommes travaillés obscurément par cette aspiration qui pousse les saints à s'identifier à Dieu, à mettre en lui leur vrai moi : "Et maintenant, ce n'est plus moi qui vis, c'est Dieu qui vit en moi."