Maxime Chattam

La nuit était tombée d'un coup, à l'image d'un rideau de théâtre qui se rompt et s'effondre sur la scène sans prévenir, masquant le décor tout entier.

Pourquoi envisages-tu le pire en premier ?
Le fameux pervers narcissique, c'est ton imagination !
Pourquoi ne pas avoir songé avant tout que c'était
Dan qui rentrait lui faire une surprise ? Dans le petit village du Dakota où elle avait grandi, les gens avaient coutume de dire qu'en apercevant des nuages à l'horizon on pensait d'abord tempête avant d'envisager la pluie salvatrice pour les cultures. C'était vrai. Elle-même était ainsi. Au premier nuage, tu crains l'orage.

Mike et moi n'avons plus grand-chose à nous dire, avoua Ashley. Parfois, je ressens nos silences comme des cris qui me rendent dingue, je ne sais plus quoi inventer pour les couvrir. Et lorsque je vous ai vu là au bar, j'ai eu besoin de m'enfuir pour que ces silences abrutissants cessent.

Nos sens sont limités, tout autant que l'étendue de nos connaissances scientifiques ou spirituelles, appelez ça comme vous voudrez, toutefois ne considérez pas que ce qui n'est pas encore découvert officiellement, ce que nous ne pouvons mesurer ou comprendre, n'existe pas sous prétexte que nous ne sommes pas en mesure de le discerner.

Parce que les filles savent et comprennent des choses qui nous échappent. Pourquoi crois-tu que ce sont elles qui portent les enfants ? Elles savent fabriquer la vie.

Olivia aimait accoucher les autres. Elle avait un bon instinct pour ça. Le sens de l'écoute, de la relance, flairer une brèche en sachant s'il était préférable de s'y engouffrer ou au contraire d'opter pour un peu de pudeur.

Un remugle ancestral qui avait pénétré ses muqueuses jusqu'à réveiller une peur du cortex reptilien : celle de la mort. Dans sa forme la plus primitive.

L'odeur lui satura les narines, à vomir, un remugle de fruits avariés et d'urine de chat. Puis quelque chose de plus pénétrant encore, un relent ancien.

Ce remugle à vomir de pourriture et d'urine de chat.

Un remugle de "viande pourrie marinée longuement dans de l'eau de mer, parfums froids du fer, acide du pet rance et coulant de l'iode, le tout enfermé dans une boite en plein soleil pour la faire macérer"

Logan Dean Morgan était un enfer. Une interminable torture auditive. Un supplice d'égocentrisme, de bêtise et d'inculture.

- Pourquoi le DSC ?
[...]
- Pour comprendre. Décortiquer le pire de l'homme, c'est se rassurer sur tout le reste, non ?
(P. 60)

Il était au bout du rouleau comme répétait tout le temps sa mère, pâtissière de son état, non sans ironie.

Il prenait son livre, son bloc de post-it et son crayon à papier, et tirait la couverture comme un rideau sur le monde, pour signifier qu'à présent il n'était plus qu'à sa lecture, et disponible pour rien d'autre.

L'amour n'a de prises que sur nos anfractuosités, il émerge de nos blessures, rien ne perdure sur une âme lisse.

" Ils n'étaient pas l'homme et l'instrument fondus dans les notes, car ni l'un ni l'autre ne s'effaçaient, bien au contraire, on percevait l'un et l'autre, la personnalité unique de chacun, que ce soit l'émotion de l'homme ou la voix de l'instrument; et au milieu de ce qu'ils produisaient, dans ce brefs instant d'osmose émergeait une troisième entité. La musique. Sensible et authentique. Réel. Momentanément vivante . 1 + 1 = 3 " ....p228

" Le brevet appartient au peuple.
Pourrait on breveter le soleil? " ... 318

" Les convictions des uns ne sont pas la vérité de tous" ...p104

A bien y regarder, si le christianisme avait éclos de nos jours, avec nos mœurs, nos critères et nos valeurs contemporaines, Satan aurait été adulé. Considéré comme le mec cool, qui s'oppose, le courageux, l'insoumis, l'incarnation du droit à la différence, à la dissonance, au changement.

Elle sentit la forme du roman de Shirley Jackson contre ses flancs, dans sa poche. Heureusement qu'elle avait les livres. Ils étaient autant de portes d'évasion. Des tremplins pour l'âme, pour s'élever. Pour grandir. Du baume pour son bien-être et de la matière pour sa culture. Pour s'élever au-dessus de sa condition, ici dans les Bicoques de Carson Mills. Celui qui lit est universel. Il n'est plus homme ou femme, il est l'humanité tout entière traversée par la même courant porteur : celui de la littérature.