La dernière demeure de Marguerite Declerck, une simple pierre de granit, se dressait à l'opposé des fastueux caveaux familiaux. Un bouquet de fleurs des champs en ornait la terre encore fraîche, ainsi que ce texte brodé en lettre de sang sur un ruban blanc.
Je te vengerai, j'en fais le serment.
La jeune femme se pencha sur la pierre, y dépose un baiser du bout des doigt, puis se releva en frissonnant. Elle réajusta son habit de béguine tout en balayant une larme de rage sur ses joues rougies par le froid. [...]
Lors du drame, Louise était là, elle avait tout vu. Sans pouvoir intervenir.
[...]
Au petit matin, les émeutes révolutionnaires s'étendirent à Bruges et bientôt, il n'y eut plus personne pour s'intéresser au sort de la pauvre Marguerite.
Personne... sauf Louise, sa sœur bien-aimée.
— Et puis, peut-être que j’en ai marre d’être toujours la gentille fille. Celle qui fait tout bien comme il faut. Celle qui ne fait de peine à personne. Celle qu’on n’entend pas. Tu peux comprendre ça ?
— Oui, bien sûr, c’est normal, à 15 ans tu es en pleine crise d’ado. Moi aussi à ton âge, ça m’a fait pareil.
— Arrête maman, d’abord j’ai bientôt 15 ans et demi. Ensuite, ça suffit cette histoire de crise d’ado à la con que tous les parents ressortent tout le temps. C’est facile. Ça règle tout. Dès qu’on dit quelque chose maintenant, c’est la crise d’ado. Est-ce que tu peux simplement te dire que je ne fais pas de crise ? C’est ma vie là et tu m’étouffes. Tu m’entends, tu m’étouffes, j’ai besoin d’air. Laisse-moi respirer !
Un pull vert amande qui habille ses beaux yeux de chat, une longue jupe plissée en laine beige toute douce et des grosses chaussettes dépareillées bleu et rose. Maminette est la seule adulte autour de moi qui ne porte jamais de chaussettes de la même couleur. « Le lave-linge les avale, ma puce, que te dire d’autre ? La vie est trop courte pour s’embêter avec des histoires de chaussettes, tu ne crois pas ? ».
Claire a le sourire expansif et généreux. Même de loin, il se
devine. Et son rire de gorge enveloppant entraîne tout sur son passage. Personne ne résiste à son enthousiasme pétillant, Manon, la
première ! Claire, c’est un petit bonbon d’à peine 1,55 mètre, une
perle d’amie, une douceur ronde et sensuelle qui collectionne les
histoires d’amour.
Si l’on devait attribuer la palme du cœur d’artichaut, c’est elle
qui gagnerait haut la main. Claire aime aussi vite qu’elle désaime.
Sa passion n’a d’égale que sa lassitude. Il n’est pas venu le prince
charmant qui saura l’enlever. Elle s’en fiche. Claire a l’amour joyeux
et léger !
Un rêve ? Où ai-je mis mes rêves ? Dans quel placard sont-ils rangés? De quelle couleur sont-ils ? Pliés ou laissés en boule ? Rêves d’enfant, rêves d’ado ou rêves d’adulte ? Que sont devenus mes rêves ?
Il faut croire en ses rêves encore et toujours, que rien n’est plus féérique qu’une licorne, et que, même si les licornes n’existent pas, rien n’empêche de ramener de la fantaisie dans sa vie.
«Liberté licorne», c’était un signal, lorsque l’une d’entre elles devenait trop sérieuse. Comme un mot de passe, un talisman magique,
la clé d’une serrure rouillée de conte de fées.
J’ai appris que l’instant a de la valeur, que les objets ne valent rien par rapport aux contacts humains, qu’avancer dans le futur sans avoir réglé le passé est impossible.
Je retourne à table, fière comme la reine d’Angleterre, Hermione Granger et Lara Croft réunies. Je suis trop, trop contente. J’ai réussi le premier défi.
Le problème, c’est que le passé se rappelle toujours à nous, même quand on n’en a pas envie. C’est fou comme le passé nous construit et nous définit,