Bonne nuit maman est un roman à la fois déroutant et surprenant. Il est déroutant, parce qu’il nous parle d’une société qui n’est pas la nôtre, tout en tissant un lien avec une oeuvre occidentale bien connue, Le silence des agneaux. Seon-Gyeong est une jeune criminologue qui a suivi un stage de quinze jours (quasiment une simple visite guidée) au FBI. Par conséquent, ses étudiants l’ont surnommée Clarice, comme l’héroïne du film (oubliant un peu vite que le film était d’abord un roman de Thomas Harris). Elle aussi va être confrontée à un serial killer, Byeong-do. Il a déjà tué une douzaine de femmes et ne veut parler qu’à Seon-Gyeong. Pour lui dire quoi ? ai-je envie de demander. Quel peut être l’intérêt de s’entretenir avec une telle personne ? Je le dis souvent, ce qui se passe dans la tête d’un tueur, d’un terroriste, ne m’intéresse pas. Seon-Gyeong elle-même dit bien qu’il peut mentir, c’est même ce qu’il fait le plus souvent. Elle enseigne aussi à ses étudiants que ce n’est pas parce qu’on retrouve dans l’enfance les trois faits qui, parait-il, font de vous un futur serial killer en puissance que l’on va en devenir un. Alors ?
Alors Seon-Gyeong lui rend visite et cède à ses exigences, ses « caprices », presque, lui qui a fait venir une équipe de télévision, les a fait attendre, pour finalement refuser de s’entretenir avec eux. Elle écoute, prend des notes, et doit en même temps faire face à une vie privée qui prend un tournant inattendu.
Ce qui m’a frappée, dans cette société coréenne, est l’extrême solitude des gens, enfants, voire même adultes. Seon-Gyeong a perdu sa mère à l’adolescence, son père plus récemment, et elle s’est mariée avec un homme rencontré peu après le décès de celui-ci, la première personne avec laquelle elle a pu parler de son chagrin. Je n’ai pas vu de traces d’un autre membre de la famille qui aurait pu la soutenir, la guider, non plus que d’amis, de collègues à qui elle aurait pu se confier, à l’exception de son amie psychologue qui apparaît presque trop tard dans le récit. Elle est seule, comme bien d’autres. Elle savait que son mari était divorcée, qu’il avait une fille. Et… rien, ai-je envie de dire. L’ex-femme empêchait son mari de voir sa fille, et il ne tentait pas vraiment de la voir, tout comme il n’a pas récupéré sa garde à la mort de sa première femme, un an plus tôt. Pourquoi ? Le lecteur peut légitimement se le demander, tout comme Seon-Gyeong se le demande. Elle se rend compte assez rapidement (le temps presse, il faut bien le dire) que la situation n’est pas aussi simple que son mari veut bien le dire, surtout quand la petite fille arrive à la maison, après la mort de ses grands-parents. Elle se rend compte aussi que son mari ne s’occupe pas assez de Ha-yeong, sa fille, pour ne pas dire qu’il ne s’en occupe pas du tout, qu’il ne cherche pas à la comprendre, à prendre soin d’elle, comme si elle n’était qu’un paquet déposé là, dont sa femme devrait prendre soin – parce que les femmes sont là pour cela ? J’ai trouvé étonnant aussi que Seon-Gyeong ne prévienne pas l’école de la pré-adolescente de ce qu’elle a vécu, pour éviter qu’ils aient des idées préconçues sur elle. Certes. Mais ne faudrait-il pas prendre plus de précautions avec un enfant qui a vécu trois deuils en un an ? Ne faudrait-il pas lui demander son avis quand il s’agit de meubler sa chambre ou de choisir ses vêtements ? A nouveau, je tourne en rond en disant cela : que fait son père ? Il est très occupé par sa carrière.
J’en ai dis beaucoup sur ce roman ? J’ai pourtant passé sous silence une des composantes essentielles – parce que, même si je n’aime pas être dans la tête du tueur/des tueurs, certains chapitres nous y emmènent – sans mensonge, sans faux semblant, dans les méandres de leurs sensations, de leurs névroses ou dans leur absence d’empathie. Parce que rares sont ceux qui en ont manifesté à leur égard. Oui, j’ai employé le pluriel à dessein : tous les tueurs ne dorment pas en prison.
A découvrir si vous aimez explorer de nouveaux continents littéraires.
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