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Citations de Michel Bernard (270)


Léontine aimait son mari, mais, même à vingt ans, elle n’aurait osé prétendre que son visage était séduisant. De la force, de l'énergie, de l’autorité, de la franchise, tant qu'on voudrait, et même de la bonté, mais de la beauté... Or, pour la première fois, en buvant la coupe de champagne qui fêtait le buste flambant neuf et son auteur, elle le trouvait beau, vraiment beau. La chair richement nourrie qui empâtait le cou, le menton et les joues, le nez busqué, les arcades sourcilières prononcées, la moustache gauloise, tout ce qui était la rude apparence d’Omer était anobli par le dur et vif éclat du métal. L'homme qu’elle avait épousé avait sur les épaules une tête de seigneur. Grâce à ces quinze livres de métal, la tête d'un homme, et le nom qui lui était attaché, le sien depuis son mariage, celui transmis à ses enfants, survivraient au siècle. Le visage de son mari durerait plus que la maison qui le contenait, plus que toutes celles alignées derrière les dunes, plus que la digue qui avançait sa pointe dans la mer. Sur l'encolure de la veste était gravé «A. Rodin», un viatique avec lequel Omer Dewavrin commençait son voyage dans l'avenir.
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C’est ce qu’il y a de plus difficile, ne rien faire. L’angoisse vient, vous envahit, vous tient. Et il faut pourtant rester là, à s’occuper de pas grand-chose, à feuilleter un livre d’images, tapoter le baromètre, faire un tour en voiture sans raison, se promener au bord de l’Epte ou des falaises, les mains dans les poches, en suivant du regard la fuite d’un chevesne, les ronds sur l’eau d’un voile de pluie, la trajectoire d’un geai, parce que c’est à ce moment-là, dans l’angoisse de ne rien faire, qu’on peint vraiment.
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L'agitation vaine et désordonnée de la Commune et son impitoyable répression avaient été une source de scandale pour les Anglais et d'humiliation supplémentaire pour les expatriés. Monet ne supportait plus sa vie à Londres. L'aigre printemps qui faisait grincer le vent dans les arbres de Kensington n'y avait rien changé. Il fallait partir . Rentrer en France ? A l'énoncé du mot, lui venaient des odeurs de sang et les cris exaspérés de furieux. On y persécutait maintenant Courbet. On l'aurait même fusillé, disait-on, ce grand et généreux imbécile qui, en quelques tableaux, avait plus fait pour la gloire de la France que tout le gouvernement réuni autour d'Adolphe Thiers. Il revoyait de mémoire "L'enterrement à Ornans" : ces gens recueillis autour de la fosse, leur digne douleur, quelques mots du prêtre dans le silence, la croix dorée que tient un enfant de chœur. Au-dessus d'eux, la falaise de craie, depuis des millions d'années, éclaire l'étroite vallée et, la nuit, réfléchit sur les toits de leurs maisons endormies un peu de la chaleur du jour passé. Il pensa à Frédéric (Bazille) qui n'avait eu de linceul que la neige de décembre, et de tombe, que le trou dans la terre où l'on jetait les corps des tués.

page - 81 - Je dois mon amour de la peinture à Courbet. J'ai découvert à 8 ans dans le Larousse " l'Atelier du Peintre" qui fut pour moi une source d'émerveillement.
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Après la proclamation de la mobilisation, deux jours avant de rejoindre le 106e régiment d'infanterie à Châlons-sur-Marne, délai de mise en route et lieu de ralliement prévus par son livret militaire, Maurice Genevoix était monté au sommet du clocher de Châteauneuf-sur-Loire, le cœur grave. De là-haut, point le plus élevé de la contrée, hauteur familière, il avait regardé autour de lui le pays qu'il aimait et qu'il s'apprêtait à quitter pour il ne savait quelle aventure. Il allait partir, calme et plein de curiosité, vers l'événement inconnu, énorme, terrible probablement, événement qu'il verrait de tout près, de l'intérieur du chaudron d'où sortirait l'avenir. Il allait être jeté dedans. Rien n'était changé de la vie paisible étalée sous ses regards : les toits des maisons assemblés en une mystérieuse harmonie, la Loire qui paresse et s'effile au loin, les champs cuits par l'été, la forêt de Sologne au noir pelage de bête, et les hommes que l'on ne voyait pas, sauf une charrette sur la route d'Orléans, image arrêtée d'une civilisation avant qu'elle bascule. Le passé le tenait au paysage par plus de liens
que tous les regards. Si l'on meurt, que perd-on ? C'est la première fois qu'il se posait cette question. La réponse lui parut étalée sous ses yeux. Ce pays, c'est moi. Si je meurs...
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Comme la veille, il jouait par cœur.
[..] C'était une musique délicieuse, apparemment très simple et incroyablement raffinée. Joyeuse et douloureuse à la fois, sans qu'il soit possible de dire laquelle dans ces harmonies était joyeuse, laquelle était douloureuse, elle ne ressemblait à rien de connu. La même note éveillait en même temps les deux sentiments dans la petite assemblée. Ils l'empoignaient doucement et lui faisaient boire l'émotion infinie.
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Il écrivit une série d'œuvres dites "autobiographiques" qui ne parlent pas de lui, mais sont le témoignage scrupuleux, le procès-verbal de ce que ses yeux avaient vu. Il était devenu l'oiseau immobile et très ancien, la chouette des Éparges et le grand harfang des neiges dont le regard doré contient les millions de scènes, la mémoire de l'espèce, regard qui traverse le temps, se coule dans la longue durée des livres.
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Ce 5 décembre, à vingt-deux heures, précédée d'un détachement de chasseurs à cheval et de lanciers polonais, la dormeuse dans laquelle l'Empereur avait pris place avec Caulaincourt, muni d'une collection de pistolets, quitta les rues encombrées de Smorgoni. Elle était tirée par six petits chevaux du pays sous la conduite du mamelouk Roustam. Le suivaient dans deux voitures : Duroc, grand maréchal du palais, et le général Mouton, un valet de pied et un ouvrier pour réparer le matériel, dans la première. Fain, Constant, le valet de chambre et un garçon de bureau dans la seconde.

Tous les chevaux, attelages et escorte, avaient été ferrés à glace par les forgerons du Grand Ecuyer. L'Empereur avait réuni les maréchaux et le prince Eugène juste avant son départ pour les en prévenir et leur en donner les raisons. Il martela que l'essentiel du chemin était fait, que les Russes, pas moins éprouvés par la saison, ne tenteraient plus rien de sérieux et qu'une partie de la garnison de Vilna allait venir au-devant des troupes pour les soulager. La priorité était de reconstituer à bref délai une armée, de la masser en Pologne afin de contenir les Russes et d'en imposer à la Prusse.

(…)

Aussitôt que les voitures de l'Empereur et de sa suite eurent atteint la sortie du bourg, avant même que Ie dernier lancier de l’escorte n'ait été avalé par la nuit. Ie groupe des maréchaux se sépara. Ils regagnèrent leurs états-majors, masures ventées, enfumées par Ie bois vert où, l'estomac vide, les membres douloureux, leurs aides de camp, généraux et colonels se disputaient une place pour la nuit.
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A Maloïaroslavets, le prince Eugène montra le champ de bataille. En parcourant les ruines, il exposait le déroulement des combats et indiquait les lieux où avaient été atteints des chefs d'unité. Napoléon l'écoutait, il voyait surtout l'étendue du carnage, tous ces cadavres que l'on commençait à enlever pour les verser dans les fosses communes ou les entasser sur des bûchers. Il entendit, venant du bord de la rivière, la salve tirée par les grenadiers du 35e de ligne en hommage à leur colonel qu'on inhumait.

L’acharnement de l'ennemi, dont témoignaient ses nombreux morts, parmi eux beaucoup de jeunes recrues sommairement équipées, lui fit forte impression. Ces pauvres gens se faisaient hacher pour leur tsar, dont le régime les asservissait. Il poussa sa reconnaissance jusqu'à la limite des positions françaises et là, longuement, au bout de la prairie, explora du regard l’arc de cercle des forêts où se tenait l'armée russe. Il la battait à chaque rencontre - un massacre -, elle renaissait à chaque fois, aussi forte, aussi résolue. Il n'avait jamais vu ça.
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Guerre franco-prussienne 1870 - page 13

L'abbé avait demandé à deux des hommes qui avaient creusé la fosse, nommés Arrault et Toussaint, de les accompagner. Gaston Bazille leur avait promis quarante francs pour qu'ils refassent, à l'envers, les gestes accomplis la veille sous la contrainte. De leurs pelles, ils avaient décapé la couche de givre et l'abbé avait déplanté la croix de bois provisoire du tumulus. Les deux fossoyeurs de hasard fouillèrent jusqu'à ce que le bleu des dolmans et le rouge des culottes affleurent. En travaillant, avec précaution, ils approchaient les fers de leurs outils des mains et des têtes des soldats morts, nues dans la terre.

Enfin apparut le cadavre du grand zouave dont parlait l'abbé. Le froid intense avait parfaitement conservé l'aspect du mort. Les deux hommes laissèrent leurs outils pour le dégager manuellement, l'empoignèrent aux jambes et aux épaules, le hissèrent doucement. Ses galons neuf de sous-lieutenant faisaient poindre des reflets d'or insolites parmi les silhouettes en noir dans le jour sans soleil. En deux endroits, marqués de larges taches sombres durcies par le gel, le sang avait imbibé le tissu de l'uniforme : sur une manche trouée par une balle, sur sa capote et sa chemise déboutonnées, à l'endroit de la blessure au ventre dont il était mort. Sa barbe châtain était mêlée d'humus. Comme personne n'avait fermé ses paupières après l'agonie, au milieu du marbre du visage les yeux, sans regard, étaient ouverts sur le ciel. La ressemblance entre entre le mort et le vivant était évidente. Gaston Bazille tomba à genoux, au pied des trois hommes. Il saisit la main droite de son fils et, en se courbant, replié sur lui-même, pressa ses lèvres dessus. Il étouffait sa plainte. Les assistants, des hommes rudes, en avaient beaucoup vu depuis huit jours ; ils furent surpris et soulagés de leurs propres larmes.
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Mille hommes étaient partis de la Tranchée de Calonne le 17 février. A leur retour au cantonnement, à Belrupt, dans la nuit du 21 au 22 février, il n'en restait pas la moitié. Maurice Genevoix était un des rares officiers qui n’avait pas été tué ou blessé, si l'on compte pour rien son visage et ses mains brûlés par les projections de poudre d'un obus de 210. L'engin, venu derrière lui, était tombé à ses pieds et avait tué tous les hommes assis dans l'entonnoir, sauf lui, parce qu'il était le plus près. La déflagration était passée au-dessus de sa tête. Le sous-lieutenant Robert Porchon avait eu moins de chance. Son meilleur ami, comme lui du Loiret, comme lui ancien du lycée d'Orléans, avec lequel il partageait tout depuis les premiers jours de la guerre, avait été tué d'un éclat d'obus qui lui avait défoncé la poitrine, le 19 ou le 20 février, on ne se souvenait plus, tandis qu'il allait faire panser au poste de secours une blessure à la tête. Maurice Genevoix apprit sa mort quelques heures après, encore sur la ligne de combat, sous les obus. Le chagrin le submergea et ce fut comme si l'angoisse et la peur se noyaient dans un désespoir plus grand et la révolte de tout son être.
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De l'âme de cette femme était passée dans la peinture de Claude Monet, son mari.
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Clémenceau à Monet :

Le dimanche suivant, sur le pont japonais, il avait raconté la scène à son ami qui regardait les herbes osciller sous l'eau au mouvement rêveur des poissons. Les nénuphars avaient fleuri, flammes blanches et roses, fraîches pour l'œil. "Alors, c'était un jeune soldat ? J'espère pour lui qu'il verra la fin de la guerre et la victoire. Son geste, peut-être, lui portera chance." Clémenceau le regarda. "Je l'espère aussi mais il y aura encore beaucoup de morts avant la fin et, tu le sais bien, tu le sais mieux que personne : ce sont les plus courageux, les plus généreux, les plus nobles qui meurent en premier. Souviens-toi.... Chaque matin, je la vois, cette tragédie. Elle est invisible dans les chiffres et les statistiques qu'on m'apporte mais je la vois et tu la lirais dans les journaux s'ils disaient toute la vérité. La France a déjà perdu le meilleur de son avenir. On la gagnera cette fichue guerre mais qu'est-ce qu'elle nous aura coûté cher. Comme le pays, j'en meurs chaque jour."

Page 199
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La nuit était sur la mer. Des points lumineux signalaient des navires et, au nord, plus vif, plus ample, le phare du cap Gris-Nez. Omer Dewavrin s'était levé. Accoudé à la balustrade, il tirait de son cigare les dernières bouffées avant de rentrer. De sa vie, tout était en place. Elle finirait devant ce paysage. On entendait le ressac ; de l’intérieur de la maison venaient les voix de sa femme et d'un des garçons, derniers mots avant le coucher. Le train de Paris, chargé d'Anglais, siffla en longeant Wimereux. Ils seraient à l'heure pour la malle de Douvres. Le port neuf de Calais avait beaucoup augmenté son trafic. Il embauchait.

Le chien se redressa et vint appuyer sa tête contre la jambe de son maître. La fatigue, la douceur de l'air, son parfum salé, la chaleur de l'animal ; il y avait longtemps qu il ne s'était senti si heureux d'être vivant, si tranquille. Il rentra, ferma les volets, la croisée et tira le rideau. Demain, le soleil levant allongerait devant la poste de Calais six figures de bronze qui n'y seraient pas si Orner Dewavrin n avait existé.
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Michel Bernard
"En dispersant un tapis de feuilles mortes, il faisait apparaître les pousses surgies du sol humide.
Pàles, rosâtres ou violacées, elles avaient percé la surface et pointaient vers la lumière.
Elles avaient le vernis du neuf, la vigueur d'une renaissance et la fragilité de l'enfance....."
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Paul Dupuy, secrétaire général de l'Ecole normale supérieure, avait demandé aux élèves partis à la guerre de lui donner des nouvelles depuis le front. Le directeur de l'École, Ernest Lavisse, pensait ainsi pouvoir tenir à disposition de l'histoire nationale, et pour le témoignage des siècles, la chronique de la guerre telle que l’aurait vécue l’élite intellectuelle de la nation. Beaucoup d'élèves, sous-lieutenants d'infanterie dans les régiments d'active, furent rapidement tués, mais il était vite apparu que dans cette polyphonie d'intelligences formées au grec et au latin, à la langue classique et qui savaient l’écrire, les lettres de Maurice Genevoix, tout en donnant une description scrupuleuse et vivante de ce qu'il voyait et ressentait, avaient dans leur manière, pourtant la plus simple et la plus directe, quelque chose qui touchait au cœur.
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Il peignait ce qu’il voyait et c’était chaque soir le désespoir de n’avoir pu fixer l’impossible, le reflet d’acier sur la mer soudain révélé par une déchirure dans l’amoncellement de nuages, les lèvres d’argent de la blessure et le faisceau de clarté qui en tombait…. Comme le jour recommence chaque jour, il recommençait.
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Quand ces hommes du Moyen Âge marchaient sur la plage à marée basse, l'empreinte de leurs pieds était la même que la sienne et celle de Rose. C'était très loin, c'était tout près. Son esprit enjambait les époques, de la fin du XIXe siècle au début du XIVe.
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Le maire commençait à parler de l'objet de sa visite quand le ragoût de bœuf fut servi. La municipalité souhaitait rendre hommage à Eustache de Saint-Pierre, principal échevin de Calais à l'époque où la ville était assiégée par les Anglais, au début de la guerre de Cent Ans. De septembre 1346 à août 1347, le siège avait été long et cruel.

À bout de ressources, sans espoir de secours, on capitula. Le roi d'Angleterre, Edouard III, avait promis d’épargner les habitants et leurs biens à condition que les clés des portes lui soient livrées par une délégation de bourgeois en chemise, pieds nus et la corde au cou. À sa merci. Eustache s'était offert le premier, cinq autres notables l'avaient imité. L’Anglais était si furieux de la longue et opiniâtre résistance des Calaisiens que, sans l'intercession de la reine d'Angleterre, Philippa de Hainaut, enceinte, les otages auraient été pendus à la première grosse branche pour satisfaire la troupe et intimider la population. Les six bourgeois, qui ne pouvaient guère en douter, s’étaient quand même portés volontaires. La mémoire de cet épisode héroïque était soigneusement entretenue. Les Calaisiens en étaient fiers, elle donnait à leur ville une place d'honneur dans l'histoire nationale. Par surcroît, elle n’était pas désobligeante pour les voisins anglais qu'on accueillait en nombre dans les hôtels et les restaurants de la ville : leur reine avait été miséricordieuse et leur roi, magnanime.
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Napoléon n'imaginait que trop les réunions aux Tuileries entre son frère et les membres du gouvernement...

Il aurait voulu que ses mots puissent empoigner les trois hommes, leur insuffler l'énergie qui l'animait. La vigueur de l'expression, son style tendu, ses phrases brèves et claires portaient, il le savait. La France, depuis qu'il en avait pris la tête, n'avait pas seulement mis à son service une énorme réserve d'hommes, des richesses considérables, une culture scientifique et technique de premier plan, mais une langue qui était à la pensée ce que le pur-sang est au bon cavalier, le prolongement de lui-même, de son désir, et le moyen d'atteindre ses buts, vite et sans effort inutile, dans la fluide élégance d'un mouvement efficace, parfait. Les Français ne connaissaient pas leur premier trésor. Au mieux, ils considéraient comme un legs, un capital dont ils étaient imbus les volumes de chefs d’œuvre dont elle avait accouché. Ils la vénéraient comme l’instrument de leur gloire, sans comprendre que la beauté de la langue n'était pas un ornement, mais qu'elle était tout entière dans l'usage qu’on en faisait. Lui, petit Corse transplanté en Champagne, au pays de La Fontaine, l'avait saisi avant d'en acquérir l’accent. Quand il dictait une lettre à son secrétaire, il entendait sa propre voix résonner dans le salon où son frère la lirait le lendemain. Pas de périphrases, pas d'ornements, pas d'élégances de langage, pas de lieux communs, mais des instructions précises, concrètes, « ... armez, habillez mes conscrits, faites-les tirer à la cible, expédiez-les-moi dès qu'ils ont acquis les notions indispensables... », entrecoupées de sarcasmes cinglants pour les indolents, les peureux et les agités : « La situation est grave, mais elle n'est pas où en sont vos alarmes. » Les phrases étaient brèves, balancées, les mots au plus près des réalités. Sa prose était un curieux mélange du langage militaire, sec et nerveux, et des maximes du Grand Siècle, percutantes et ramassées.
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Comme personne n'avait fermé ses paupières après l'agonie, au milieu du marbre du visage les yeux sans regard étaient ouverts sur le ciel. Leurs pupilles à peine piquetées de grains de terre étaient du même bleu que celles du père. La ressemblance entre le mort et le vivant était évidente. Gaston Bazille tomba à genoux, au pied des trois hommes. Il saisit la main droite de son fils et, en se courbant, replié sur lui même, pressa ses lèvres dessus. Il étouffait sa plainte. Les assistants, des hommes rudes, en avaient beaucoup vu depuis huit jours; ils furent surpris et soulagés de leurs propres larmes.
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