Citations de Michel Sapanet (66)
Essayer de comprendre, ce n’est pas passer l’éponge.
Un rapide examen confirme l’existence de l'orifice d'entrée du projectile et l'absence de toute trace de sortie. Le voilà donc doté d'un trou de balle supplémentaire. Plaisanterie à laquelle il avoue avoir déjà eu droit de la part de ses copains.
Si les maniaques de la gâchette pouvaient régler leurs comptes pendant les heures ouvrables, le légiste ferait des nuits complètes. Mais non, faut que ça défouraille après 19 heures, sans respect pour les acquis sociaux.
Il n'y a que dans les séries télévisées, celle des Experts en particulier, que les morts ont l'air en bonne santé.
Aujourd'hui, je me sens l'âme d'un Bérurier. Ça tombe bien : à peine la porte du château ouverte, l'odeur prend aux tripes. Un mélange dans la tradition des équarrisseurs. Il n'y a pas d'autre comparaison possible. Même les mouches noires, parmi les plus grosses que j'aie jamais vues, percutent les vitres à la recherche de la sortie.
« D’une certaine façon, même si la victime est morte raconter sa fin, c’est lui rendre une parcelle de vie. Personne ne le contestera : ma spécialité est la seule à pouvoir redonner la vie après la mort… mais hélas seulement pour un court instant, celui d’une narration. »
- Michel Sapanet (p. 280)
Légiste? Vous êtes légiste? Vous devez en voir de belles!"
Le bruit strident de la scie s'est enfin arrêté, ce qui rend plus intense encore le silence environnant. Des coups sourds font vibrer l'énorme masse dans laquelle je me débats. Puis il y a comme un craquement et un bruit de succion. Littéralement aspiré avec la masse gluante, je me maintiens tant bien que mal en surface dans un équilibre instable, prêt à basculer.
D'autant que s'il n'y a pas d'autopsie facile, certaines sont plus difficiles que d'autres. Par exemple, face au cadavre d'un jeune enfant, lorsqu'on est soi-même père de famille. il faut pouvoir surmonter beaucoup d'obstacles psychologiques pour faire ce que l'on attend d'un médecin légiste. seule cette "objectivation" le permet. Même si je respecte au mieux le corps-objet.
L'autopsie est une opération violente qui altère l'intégrité du corps. une violence ultime, extrême mais nécessaire. Puisque c'est elle qui va rendre une identité au cadavre inconnu, qui va contribuer à démaquer celui qui l' a tué. C'est notre façon à nous, légistes de lui rendre son humanité.
L’autopsie judiciaire est une épreuve sur le moment, mais elle participe au soulagement des familles en sauvant ce qui reste d’humain dans l’indicible. Éclairer ces instants obscurs de la fin d’une vie est indispensable à tous, pour que la famille sache et comprenne, pour qu’elle puisse, un jour peut-être, trouver l’apaisement.
Le tapis est gorgé de sang. Un magnifique tapis persan aux motifs richement détaillés, manifestement un tapis en soie. Comme quoi la mort ne met pas fin à la lutte des classes. Chez les pauvres, on saigne sur le lino. Remarquez, c'est plus vite nettoyé.
- Voilà, dans cette affaire, on vous a parlé de rodéo. Les rodéos, ça fait penser aux cow-boys et forcément aux Indiens. A propos, vous savez la différence entre les Indiens et les légistes ?
Silence dans les rangs. Personne ne se risque à une hypothèse.
- Et bien, la différence, c'est l'incision. Les indiens, eux, font une incision horizontale. Ils décollent le scalp complètement, puis ils partent avec le trophée. Le légiste, lui, fait une incision verticale. Et surtout, il remet tout à sa place.
Quelques rires fusent.......
L'autopsie judiciaire est une épreuve sur le moment, mais elle participe au soulagement des familles en sauvant ce qui reste d'humain dans l’indicible. Éclairer ces instants obscurs de la fin d'une vie est indispensable à tous, pour que la famille sache et comprenne, pour qu'elle puisse, un jour peut-être, trouver l'apaisement.
Le métier de légiste s’accorde mal avec la planification. Les cadavres manquent singulièrement de savoir-vivre. Ils déboulent dans votre emploi du temps sans prendre rendez-vous. Alors, il faut faire avec.
D'une certaine façon, même si la victime est morte, raconter sa fin, c'est lui rendre une parcelle de vie. Personne ne le contestera: ma spécialité est la seule à pouvoir redonner la vie après la mort... mais hélas seulement pour un court instant, celui d'une narration.
Cependant, cet acte redonne humanité au corps: il marque le retour du mort parmi les vivants, non plus comme un mort, mais comme une personne. Éclairer ces instants obscurs est indispensable à tous. Pour juger le coupable bien sûr, mais également pour que la famille sache et comprenne, pour qu'elle puisse, un jour peut-être, trouver un apaisement.
Une pratique bizarre, peut-être, mais d'une grande humanité.
L'autopsie est une opération violente qui altère l'intégrité du corps. Une violence ultime, extrême mais nécessaire. Puisque c'est elle qui va rendre une identité à un cadavre inconnu, qui va révéler ce qui a mis fin à son existence, qui va contribuer à démasquer celui qui l'a tué. C'est notre façon à nous, légistes, de lui rendre son humanité.
Parce que ces anonymes allongés sur la table d'inox n'ont pas demandé à y venir. Ils espéraient sans doute profiter encore des années à venir.
P.16
- Monsieur le Procureur, vous savez faire la différence entre des coquillettes et des asticots?
- ... ?
- Eh bien, regardez vos chaussures. Les coquillettes sont les seules à ne pas bouger...
P.257
D'autant que s'il n'y a pas d'autopsie facile, certaines sont plus difficiles que d'autres. Par exemple, face au cadavre d'un jeune enfant, lorsque l'on est soi-même père de famille. Il faut pouvoir surmonter beaucoup d'obstacles psychologiques pour faire ce que l'on attend d'un médecin légiste.
Les sorciers vaudous lisent l’avenir dans les tripes de poulet. Moi, je lis le passé – enfin, j’essaie – dans les tripes de mes contemporains. Je suis médecin légiste. Un vrai. Pas comme ceux des séries américaines, dont je ne loupe pourtant aucun épisode. Je les admire tous, élégants spécialistes en nœud papillon dans des salles dignes de l’aventure spatiale, penchés sur les morts de la veille encore frais et beaux. Je les envie pour leur talent incroyable, capables qu’ils sont de dénicher à tout coup l’écaille de peinture d’un millionième de millimètre cachée sous un repli de la peau derrière l’oreille, et d’en déduire le numéro de la plaque d’immatriculation de la voiture du meurtrier…
Il n'y a que les séries télévisées, celle des Experts en particulier, que les morts ont l'air en bonne santé. Chez nous, c'est plutôt la cour des miracles. Entre le boursouflé violet, le bouffé aux asticots qui tire sur le vert et le pourri noirâtre, ça ne sent pas souvent le marché de la provençal. Tu parles d'une clientèle!