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Critiques de Michel Serres (277)
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Petite Poucette

Pesé et jugé trop léger,

Condamné car profus, diffus, confus. Bavardage et verbiage sont les deux mamelles d'écrivains à court d'idées qui se sentent obligés de pondre un livre par an pour qu'on parle d'eux.

Rejeté pour ses propos qui se veulent aimables, mais qui sont contestables et se révèlent non valables.

Opuscule superficiel et très décevant par un style inutilement compliqué (inversions des sujets, chiasmes artificiels...).

Seul petit mérite : emploi de mots rares et à forte connotation littéraire, tels que lallation, sérendipité, simplexe...
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Adichats ! (Adieu !)

Un peu déçue par ce livre d'un auteur que j'adorais, décédé l'an dernier à 88 ans. L'éditeur a fait une reprise de textes déjà lus ce qui est frustrant... Seul le premier chapitre est un inédit. A recommander donc uniquement à ceux qui n'ont pas encore eu la joie de lire ce grand homme!
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Mes profs de gym m'ont appris à penser

Un petit livre reprenant des entretiens réalisés par Michel Serres à l'INSEP. Que la philosophie est claire et passionnante quand elle exposée ainsi, de façon si accessible, et sur un sujet qui nous concerne tous, le rapport de notre corps au monde, la façon d'être dans le monde, l'art du mouvement.

Non, la pensée et l'esprit ne sont pas les plus importants, nos gestes et notre cœur méritent d'être objets philosophiques, et d'être plus valorisés. Le chirurgien, le joueur de football, le menuisier... ont intériorisé des gestes et ils ont en font une forme d'art. Il y a d'ailleurs des réflexions intéressantes sur le sport au cœur de la société du spectacle, sur la dramaturgie d'un match digne du théâtre antique, mais aussi sur le sport comme palliatif à la guerre.

D'un point de vue plus personnel et intime, c'est l'hommage du titre et du début qui m'a incité à livre ce livre, mon grand-père, si important pour moi, était un professeur de gymnastique, contemporain de Michel Serres dont il partageait plus que le prénom, mais aussi les idées humanistes, ainsi que l'amour pour le rugby - le vrai, le rugby de village, pas le sport professionnel tel qu'il est devenu. C'est donc mon grand-père que j'incarnais dans ces "professeurs de gymnastique" du titre, lui et ses colllégues qui nous enseignent à appréhender le monde qui nous entoure sur le plan physique. C'est aussi mon grand-père qui m'a initiée à la montagne, à la randonnée et à l'alpinisme, que Michel Serres célèbre aussi - car quoi de plus émouvant qu'une cordée qui relies des alpinistes qui marchent ensemble tout en se protégeant l'un l'autre ?
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Le contrat naturel

Michel Serres dresse un bilan qu’il veut serein et objectif de l’état du monde tel qu’il le comprend en 1990. Il comprend, avant beaucoup d’autres, que les rapports de production et d’utilisation des ressources de la nature se sont inversés en moins de 200 ans : De menaçante et dominatrice, la nature est devenue menacée et dominée par les progrès démiurgiques des techniques humaines. Par ce livre pionnier, il tire comme une sonnette d’alarme et verse même dans ce qu’il faut bien appeler un certain catastrophisme peu encourageant.



Mais heureusement, il n’oublie pas qu’il est philosophe et il considère que son rôle est d’apporter à la Cité des solutions pour lui permettre de mieux vivre et c’est ce qu’il livre dans ce Contrat naturel. Il dit en substance : Nous devons nouer un contrat de symbiose avec le monde qui remplacera le contrat de parasitisme, né des effets négatifs des révolutions technologiques des derniers siècles, dont la finalité était conçue au seul profit des hommes. Le contrat naturel aura donc pour vocation de compléter – sans le détruire – le contrat social imaginé au seul avantage des humains au XVIIIe pour y ajouter un contrat au bénéfice mutuel des hommes et du monde. Il fait naître ainsi la notion d’un homme Tiers-instruit. Un thème qui lui sera cher toute sa vie.



La prose si particulière de Michel Serres rend ’argument convaincant au point qu’il est difficile de ne pas adhérer à ce constat et à ce conseil.



Il est à regretter de mon point de vue que Michel Serres, comme souvent dans ses écrits, abuse de ce style si particulier qui confine parfois à l’ésotérique et qui vient obscurcir la clarté du message pourtant si important et si bien vu. Mais il fut un si grand penseur qu’on lui pardonne bien volontiers ! Merci, Monsieur Serres pour ce très beau texte.

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Rameaux

De @Michel Serres, je ne connaissais jusque là que @Petite Poucette et les différentes chroniques radiophoniques, notamment celles tenues sur France Info.

Avec @Rameaux, on entre dans une autre dimension, toute aussi intéressante mais aussi bien plus complexe de la pensée de l'auteur ! Aussi, je me garderai bien de livrer ici une analyse exhaustive de l'ouvrage ! Et ce d'autant plus que je reconnais humblement ne pas avoir saisi toutes les implications, tous les questionnements, tous les concepts manipulés par @Michel Serres.

Toutefois, pour peu qu'on s'y attarde un peu, on retrouve dans ces lignes tout l'humanisme profond du philosophe, sa foi inébranlable en l'homme, sa confiance absolue dans un progrès respectueux de tous et de tout, réconciliant l'homme, la science, la nature.

Et ça et là, lorsque la concentration est au rendez-vous (!), on tombe sur des pépites, des lignes qui sont éclairantes et permettent d'envisager l'avenir avec plus d'optimisme que ne le laisse penser l'environnement actuel. Salutaire !
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C'était mieux avant !

La lecture d'un livre de Michel Serres est toujours intéressante. Dans cette suite, nous suivons le dialogue entre Petite Poucette (de la génération smartphone et donc habile du pouce) et grand Papa Ronchon (alias Michel Serres). Dans ce texte court, Michel Serres renouvelle sa confiance en la nouvelle génération pour continuer à faire évoluer l'humanité.
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Morales espiègles

Un petit ouvrage qui s’apprécie surtout lorsqu’on sait que c’est le dernier livre de Michel Serres avant son décès. On retrouve sa vivacité et ces traits d’esprit qui l’on fait apprécié de tous. Même sa passion était la philosophie, il ne regardait pas les autres avant prétention et fierté. Il souriait à la vie pour transmettre sa passion et sa joie de vivre. Sa réflexion sur le monde ne s’est jamais arrêtée. D’ailleurs, cela lui a permis de se faire connaître auprès du grand public avec sa Petite Doucette et Grand-Papa Ronchon. Deux générations qui confrontent leur point de vue avec d’un côté « C’était mieux avant » et de l’autre « c’est différent maintenant. Après avoir évoqué son côté espiègle lorsqu’il était jeune, sa prise de conscience dans la notion de lynchage, on retrouve nos deux personnages. Il parle littérature et aussi du virtuel, de la place qu’il prend dans les vies. M. Serres n’a jamais été un fervent utilisateur du numérique, alors il devait se retrouver assez dans Grand-Papa Ronchon. Qu’importe, en quelques mots, il insuffle un vent de bienveillance, d’humour et d’interrogations. J’ai aimé le moment où il questionne le sens et l’action du don. Car de ce mot à l’apparence si simple deux termes partagent son origine : dommage et pardonner. Des sens à l’opposé et pourtant, d’une façon complémentaire indissociable, dans l’idée. Et dans cette période assez trouble, ce mot a une place particulière et cela mérite de se demander ce que cela représente pour nous et de ce que l’on peut attendre ou pas de cette action. Les réponses sont propres à chacun.
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Relire le relié

Michel Serres est décédé le 1er juin 2019.



Son dernier livre est bien celui qu'il pressentait être le dernier. Il y traite du fait religieux, considéré sous un angle inhabituel pour nous : la religion serait un phénomène énergétique et non un système dogmatique. Elle se manifesterait comme un arc électrique (un "point chaud") entre la croyance invisible et notre vie. L'éclat alors produit peut être si fort qu'il aveugle les hommes et la trace du choc si profonde qu'elle dépasse le temps de l'Histoire ...



Les références aux évangiles de Jean et de Matthieu sont nombreuses et le regard du philosophe sur l’Évangile éclairant : « La Pentecôte inverse la Passion : ou tout le monde se réconcilie en tuant la victime, ou la même victime, redevenue divine, fédère tout le monde ».



Michel Serres nous offre souvent un regard désynchronisé. Ainsi, à propos du reniement de Pierre, il se demande qui oserait mettre en accusation les serviteurs regroupés au coin du feu qui l'ont interpellé. Il souligne le fait que Jésus, le rural, n'est monté à la ville que pour y mourir alors que Paul, lui, ne voyage que de ville en ville. L'auteur se demande si notre époque, qui a basculé du rural vers l’urbain, ne connaîtrait pas un "nouvel âge axial" par référence à celui survenu des siècles avant Jésus-Christ quand se sont manifestés Confucius, Bouddha et Abraham.



Ce livre n'est pas seulement un recueil d'observations et de considérations sur la religion chrétienne, mais c'est aussi l'interrogation profonde d'un homme sur la religion de son enfance, celle qu'il regrette, aux portes de la mort, de ne pouvoir retrouver dans son entièreté.



Si la lecture du premier tiers du livre est un peu ardue, les deux derniers tiers font de nombreuses références aux repères de culture chrétienne qui balisent et facilitent la lecture des enfants de cette culture. En quelque sorte, après l’ascension, promenade sur le plateau... (Ceci pour rassurer ceux qui, séduit par l'écoute de Michel Serres, ont éprouvé quelque difficulté à le lire dans Petite Poucette).



La religion relie ; le ciel à la terre (axe vertical) et les hommes entre eux (axe horizontal).



Les métaphores empruntées aux mathématiques (intégrale, série de Fourrier, ...), les références allusives à Karl Jaspers, Spinoza et René Girard sont comme secondaires au regard de la prière que l'on trouve en fin d'ouvrage : « Ô Seigneur qui me voit te chercher, ne tarde pas à ouvrir la porte que ma raison ferme. Errant, pleurant, j’attends le changement de signe. »



NB- Il est probable que s'il en avait eu le temps, Michel Serres aurait peaufiné cet ouvrage et en aurait, je l'espère, facilité l'accès au plus grand nombre.

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C'était mieux avant !

Le français est râleur.

C’est bien connu et c’est l’une des caractéristiques qui font sa réputation de par le monde.



Dans cet essai, le philosophe, Michel Serres (1930-2019), s’attaque donc à ces personnes d’âge mûr et aïeuls, retraité(e)s râleurs/râleuses, ces bougon(ne)s nostalgiques d’un autre temps et qui ne cessent de répéter : « C’était mieux avant ! ». Ce à quoi, l’auteur rétorque « Cela tombe bien, avant, justement, j’y étais. […] ».

Pour contrecarrer l’argument infondé de ces grands nostalgiques, Michel Serres énumère, sur un peu plus de quatre-vingts pages, les grands progrès technologiques, alimentaires, médicaux, sanitaires, sociaux, politiques, et autres avancées considérables qui ont amélioré nos conditions de vie au cours des dernières décennies. Le tout est illustré par une confrontation verbale entre deux personnages, Grand-Papa Ronchon (les anciennes générations râleuses) et Petite Poucette (la jeune génération, les milléniaux optimistes.



Il est indéniable qu’au cours du XXème siècle nous avons assisté à des progrès monumentaux. Mais, tout le long de ma lecture, j’ai eu l’impression que l’auteur était enivré par un optimisme béat. Occultant consciemment ou inconsciemment la part d’ombre de certains « progrès technologiques et alimentaires » (impacts écologiques néfastes des transports et de l’industrie agro-alimentaire sur l’environnement, impacts sociaux et émotionnels délétères des réseaux sociaux, etc…).

Le monde n’est pas binaire et est infiniment plus complexe que ne pourrait le laisser imaginer cet ouvrage. C’est en partie pour cette raison que je n’ai pas trop aimé ce plaidoyer optimiste. Bien que je considère, l’optimisme comme étant absolument nécessaire au bien-être et à la santé mentale. Mais il est important de garder un regard lucide sur les choses. De plus, à plusieurs reprises, dans ma lecture, j’ai buté sur les phrases de Michel Serres. J’ai trouvé leur tournure décatie.



Mais tout cela, n’enlève en rien tout le respect et la sympathie que j’ai pour ce grand Monsieur qu’était Michel Serres.
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Adichats ! (Adieu !)

Oserais je apporter une critique...

Michel Serres est un maitre, maitre de l'écriture, maitre de la réflexion, connaisseur, philosophe... Chaque fois que j'ouvre un de ses livres, il me pousse dans une réflexion pas anodine.

Alors là, c'est intime, c'est sa vie, les empreintes de son enfance, et pour autant, le philosophe, l'observateur invétéré prend le pas et nous compte l'évolution... J'ai pas de mots tant l'écriture est habile, tant il excelle quand il s'agit de raconter....
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Petite Poucette

Un indispensable sur votre table de chevet!
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Relire le relié

L'auteur n'a pas eu le temps de réellement relire et réorganiser son écrit (Snif ! Il me manque, vous m'imaginez même pas !)

Les 2 premiers chapitres (200 pages environ) sont plus des notes accumulées qu'un écrit finalisé.

Il y a des redites, des recoupes et une organisation inachevée voire aléatoire.

Certes, cette lecture est complexe et non linéaire (il faut tenter de rentrer dans "sa tête"), mais ses idées sont fortes même non finalisées.

Il tente de rapprocher les histoires religieuses avec la réalité (? car parfois fantasmée) de l'histoire des savoirs.

Il prône la canalisation des énergies négatives (celles de la haine, de la recherche du pouvoir et autres dominations) vers une énergie positive (pour le bien , le bien-être, le vivre ensemble, le collectif...).

Merci à l'auteur !

Ce n'était pas mieux avant, le mieux est devant nous !

Intéressant et motivant, non ?

Amitiés.
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C'était mieux avant !

Dans ce petit ouvrage, l’auteur ausculte le présent à la lumière d’un passé récent qu’il a bien connu et en compare les évolutions essentiellement positives, mais aussi parfois négatives. C’est le regard posé d’un honnête homme du 20ème siècle qu’il nous offre, une sorte de bilan sociétal à la lumière de son expérience personnelle et son point de vue de philosophe. Les sages de la trempe de Michel Serres sont bien utiles pour nous éclairer de façon simple et ludique.
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Petite Poucette

Le sujet : les nouvelles technologies, et en particulier internet, entraînent bien des changements, que les jeunes générations ont embrassés à bras le corps. Michel Serres nous livre son analyse et sa réflexion sur le sujet.







Mon avis : j'avais envie de lire ce très court essai depuis longtemps. J'aimais bien les entretiens télévisés de Michel Serres, ses chroniques, son état d'esprit. Alors dans ce livre, j'ai parfaitement retrouvé le fond : son optimisme, sa foi en les jeunes générations, son admiration aussi, que je partage largement (donc forcément, ça me parle), ses arguments tellement justes. C'est surtout dans la forme que j'ai eu plus de mal, un style lourd, parfois un peu éliptique, mais ça c'est plutôt agréable, en revanche, les inombrables et interminables litanies vaguement métaphoriques, ouh là là ! Ca m'a malheureusement gâché une bonne partie du plaisir du propos et de la saveur des arguments. Pas du tout assez clair, pas du tout assez explicite et précis pour moi.



Ensuite, j'ai eu un souci avec la généralisation induite par ce terme de "Petite Poucette" (car tout le monde n'utilise pas Internet de la même manière), par le ton paternaliste et que je ressens un peu hautain (à ma propre surprise), par une sorte de volonté théâtrale, d'emphase, à trouver forcément formidable tout ça, avec une conscience manifeste de son côté rebelle (surtout à l'âge qu'il avait !) dans ce propos, et de la prétention que ça induit, et à déployer des arguments qui m'ont parfois semblé "too much", pas assez nuancés, pas assez différenciés.



En bref, j'ai été déçue par cette lecture, même si je garde une tendresse particulière pour les choix d'opinion de Michel Serres là-dessus et un grand respect pour l'acharnement qu'il a mis à déployer, défendre et faire partager son point de vue. Peut-être aussi, tout simplement, que j'en espérais trop.
Lien : http://ploufsurterre.canalbl..
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Eclaircissements

» Ce livre est constitué de 5 entretiens de Michel Serres avec Bruno Latour (philosophe, anthropologue et sociologue) ? Ce dernier par son questionnement amène son interlocuteur d’abord à parler de sa formation puis à éclaircir certains aspects de sa pensée(qui n’est pas toujours facile à décrypter) . L’ensemble n’a ,pour moi ,que partiellement atteint son but car , faute sans doute de manque de formation philosophique, certains aperçus me restent obscurs.
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Le Tiers-instruit

» Cet essai étant consacré à ce qui fut (et est encore) la passion de ma vie ,instruire et s’instruire, je ne pouvais passer à côté. D’autant que Michel Serres , sa voix rocailleuse , ses sourcils broussailleux et son art de tisser les mots et les idées m’était (hélas !) éminemment sympathique . Cependant ce livre ,divisé en trois parties: élever, instruire, éduquer, (Formation du corps, développement de l'esprit, enseignement moral de l' âme) , m’a causé quelques tourments par la complexité de la pensée et celle de la syntaxe . Pas facile mais utile et stimulant .
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Petite Poucette

À travers nombre de références culturelles connues, l’auteur donne une compréhension et une vision plus sereine et positive du changement civilisationnel qui est à l’oeuvre. Nos jeunes figés devant les écrans sont petit poucet, petite poucette, en référence à leur utilisation du pouce. Le petit Poucet est perdu et en danger, mais plutôt malin, il retrouvera son chemin. Et ce sont ses parents, la génération précédente, qui l’ont abandonné à son sort. La légende de saint Denis qui porte sa tête coupée de son corps, permet de passer de l’inquiétude sur l’abrutissement à une qualité extraordinaire, l’externalisation de certaines fonctions cognitives : mémoire encyclopédiques, calculs complexes… La figure littéraire inattendue de Boucicaut dans Au bonheur des dames (qui a l’idée géniale de désorganiser les rayons pour forcer les acheteurs à s’y perdre et à acheter ce qu’ils ne cherchaient pas), permet de repenser l’enseignement traditionnel (silence, organisation claire, conceptualisation) : ne serait-il pas plus adapté à notre époque de bouleverser les disciplines, de renverser l’intérêt pour la règle au profit de l’exemple, de l’abstrait au concret ?

La figure d’Humphrey Potter, jeune enfant travaillant à une tâche répétitive dans une locomotive, qui finit par astucieusement inventer une technique pour que l’ouvrage se fasse de lui-même aux moyens de fils, est utilisée pour montrer comme il est absurde de maintenir les élèves dans un apprentissage que tous jugent profondément ennuyeux. Ainsi, les usages des réseaux sociaux, les « j’aime » et les « partages » sont l’image même d’une volonté des enfants de donner plus de sens à leur apprentissage. La compétence figée de l’expert est rendue suspecte, à travers l’image du médecin sûr de lui, en face de la population organisée en réseaux qui peut, grâce au partage, acquérir une compétence valable pouvant rivaliser. À cette nouvelle complexité de la démocratie en réseaux, numérique, algorithmique, s’oppose l’ancienne simplicité pyramidale – celle de Khéops, celle d’Eiffel – représentant la hiérarchie de l’ancien régime.



Nous ne pouvons qu’être d’accord avec Michel Serres quant à la nécessité de réajuster nos pratiques pédagogiques et nos attentes sociétales, d’accorder davantage de confiance aux apprenants et aux nouvelles générations pour redéfinir les règles et s’approprier cette nouvelle civilisation transformée, à l’heure du numérique et d’autres circonstances importantes comme l’écologie, contexte qui fait que le XXe siècle est très loin derrière nous.

Le constat d’une nouvelle génération totalement reconfigurée, aux besoins différents de l’ancienne génération est au fond un constat toujours répété d’un « c’était mieux avant », mais caché, dissimulé sous le maquillage littéraire d’un « c’est pas si grave ! ». Souriant, certes, se voulant positif, mais en élaborant, avec l’aide de cette révolution technologique du numérique, une nouvelle génération qui serait profondément différente de l’ancienne, Michel Serres oublie d’interroger ce qui a changé avant même cette révolution, les effets de la révolution industrielle, de la massification de la culture, de ce qu’a fait cette ancienne génération de la merveilleuse éducation civilisée dont elle a été dotée.

Et nous affirmons à l’inverse : « c’était nettement moins bien avant ». Cette ancienne génération a conduit l’homme vers le non-sens, le tout économique, l’abstraction, le refus humain, la destruction de la planète, a érigé l’ennui comme devoir existentiel. Le silence d’autrefois, que le professeur d’université constate ne plus exister, n’est pas bouleversé par l’arrivée d’une nouvelle génération, mais par l’arrivée à l’université d’un spectre beaucoup plus large de population. L’enseignement était profondément élitiste. Il amenait et a amené à la formation d’élites inconscientes. Le bavardage renvoie le professeur à l’absurdité de ce monde absurde qu’il a créé : cette école qui inclut les pauvres et les acculturés, presque de force, mais n’a rien à leur proposer qui les concerne ; une école qui ment en disant que le diplôme fait l’avenir, que pousser les enfants à passer le bac fera reculer le chômage. Lui comme tant d’autres ont participé et participent encore à ce grand mensonge sociétal.

La société des loisirs est advenue pour calmer la grogne du travailleur esclave, non par la grande civilisation des élites. Occuper la tête des travailleurs en leur offrant loisirs et spectacles. Or, cette société du divertissement n’est plus assez forte, ou trop lamentable, pleine de contradictions, pour maintenir encore toute une société hors de l’ennui profond qu’il éprouve devant le travail auquel on lui demande de dévouer sa vie comme un esclave. Ce sont les esclaves étrangers prisonniers de guerre qui travaillaient dans l’ancienne société grecque et romaine, les serfs au Moyen-Âge, les esclaves noirs en Amérique, les enfants au XVIIIe, puis les ouvriers. Peut-on encore demeurer en admiration devant ces sociétés antiques où culmine l’inégalité ? Nombre d’intellectuels continuent de comparer cette société idéale, où une aristocratie sage recevait un enseignement qui lui garantissait l’accès ou le maintien à cette classe, pendant que l’immense majorité travaillait pour vivre, sans avoir le loisir de se poser la question de l’ennui, et une société de masse où l’on propose à l’ensemble de la société des savoirs d’élite, destinés à faire des recherches, à voyager, à savoir se comporter parmi une classe distinguée, tout ça pour à terme exercer un travail d’esclave, tout en souriant en mentant à tous sur la validité intellectuelle, civilisationnelle et culturelle de ce travail.

La nouvelle génération n’a pas découvert l’ennui au travail. La société du spectacle a simplement retardé l’explosion de cette grogne de l’ennui, de cette révolution des esclaves. Elle lui a cédé quelques miettes de privilèges : bribes de connaissance, temps de loisir, illusion de décider de son avenir, médecine… Mais tous ces « progrès » ne pourront faire passer le dégoût premier de l’esclave pour son travail, pour son futur enfermement, pour cette société inégalitaire, pour cette civilisation absurde qui vise à s’autodétruire. Elle instruit des règles du jeu. Des conditions d’esclavagisme plus ou moins belles qu’on pourra négocier si l’on est bien sage à l’école, puis dans le grand monde.

Cela dit sur les causes du vacarme, le constat demeure d’une génération différente, et le bien-fondé et l’envie de bien faire de Michel Serres l’amènent à proposer des idées intéressantes sur l’éducation. Se tourner vers l’exemple et l’application au détriment de la règle abstraite, ce n’est pas répondre à un nouveau besoin d’une génération numérique, mais bien répondre aux désirs de l’ensemble des élèves avant eux. L’école n’a jamais marché auparavant. Jamais. Elle a exclu. Elle a fabriqué une homogénéité qui lui permettait de faire régner l’obéissance docile de l’esclavon. Mais la rébellion des esclavons était là, derrière les masques. Les retours étaient violents, moqueurs, plus forts que tout le chahut indifférent des nouvelles générations. Ces petites poucettes sont tellement plus sages que les anciens apprenants. Renforcés, ils peuvent désormais chahuter, exprimer leur ennui. Ils n’ont plus besoin de faire de mauvais tours affreux lorsque l’enseignant tourne le dos.

Proposer un enseignement transdisciplinaire (brouiller les disciplines), distancié de la parole du maître (l’enseignant devient médiateur entre l’apprenant et un objet qu’il peut trouver dans de nombreux endroits : livres, internet...), passer du temps sur des cas pratiques (étude de cas, pédagogie par projet…), donner la parole à l’apprenant pour construire lui-même le cours (postures du laisser-faire, projets, co-construction, cours dialogué…), réinvestir l’enseignement d’un sens, d’une éthique, laisser entrer le monde réel, l’actualité (utilisation d’internet, partir des connaissances de l’apprenant…) sont les conséquences principales que l’on pourrait tirer non d’une génération qui ne tient pas en place – mais d’un ancien enseignement qui était profondément défectueux. Ces modifications et mutations de l’enseignement ont été amorcées il y a bien 200 ans déjà avec l’avènement des nouvelles pédagogies. Ces transformations investissent les différents enseignements, disciplines, structures et institutions, peu à peu. Mais comme le suggère lui-même M. Serres, le problème demeure cette addictive pyramidation des pouvoirs. L’école est une pyramide où le savoir à acquérir est défini d’en haut par une élite. L’auteur fuit d’ailleurs trop vite cette question de l’enseignement, pour regarder la société dans son ensemble, constatant l’injustice, l’absurdité des sociétés modernes (rangeant au passage la « lutte des classes » dans la catégorie des échecs du XXe siècle incarnés par l’idéologie soviétique, comme si la dictature bolchévique, puis stalinienne, le fascisme d’une classe, pouvait incarner une quelconque lutte des classes… là où évidemment a demeuré une pyramide faisant taire les uns, mentant aux autres.).

Dès lors que l’auteur fuit son sujet premier, il retrouve le sentier bien confortable d’une interprétation déjà pensée, préalable à l’enquête, à l’écriture. L’enthousiasme dans le code, l’algorithme, l’idée de l’ouverture du monde par les transports et les communications (qui au fond sont le leurre d’une classe privilégiée, l’impression d’avoir le bout du monde à sa porte quand ils ne quittent qu’à peine les environs de l’hôtel, qui est une reproduction de leur familier), les images usées de la tour de Babel, des pyramides… terminant son ouvrage sur l’image de la tour Eiffel, image honnie des artistes, image de l’industrie, image de la hiérarchie… Mais image cocorico tout de même.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Petite Poucette

Je remercie Audiolib et les éditions Le Pommier pour cette offre de lecture gratuite d’un essai de Michel Serres sur l’essor des nouvelles technologies et son impact sur les générations actuelles et futures, intitulé Petite Poucette.



Ce titre peut surprendre avant que l’auteur ne s’en explique, avec humour et tendresse : c’est un clin d'œil à la maestria avec laquelle les jeunes gens tapent des messages sur leurs téléphones portables en utilisant leurs pouces… Ce livre est d’ailleurs tiré d’un discours que l’auteur a prononcé à l’Académie Française en 2011 sur la problématique des nouveaux défis de l’éducation dans un monde en pleine mutation.

Naturellement, c’est aussi une référence à deux contes célèbre, l’un de Charles Perrault, l’autre de Hans Christian Andersen…

Enfin, nous pouvons y lire une posture féministe, saluant le rôle et la place des femmes dans l’implication à la bonne marche du monde : Michel Serres est convaincu que les femmes sont plus attentives, plus appliquées, plus professionnelles, tout simplement parce que c’est plus difficile pour elles et qu’elles doivent toujours en faire plus que les hommes pour être reconnues.



Michel Serres nous explique que le monde a tellement changé qu’il faut tout réinventer pour y trouver sa place. J’ai particulièrement apprécié sa posture ouverte et bienveillante ; non, ce n’était pas forcément mieux avant, le monde a évolué et nous devons nous y adapter.

En elle-même déjà, la couverture est très parlante pour illustrer la révolution numérique, en référence à un détail de la fresque peinte par Michel Ange pour le plafond de la chapelle Sixtine, revisité en mode codage informatique.

La première partie est une sorte d’état des lieux, la seconde est consacrée à l’enseignement et la troisième à la société. L’ensemble propose de prendre à bras le corps les enjeux de la révolution numérique. Tout, dans cet essai est positif et dynamique, à la fois accessible, vulgarisateur et balayant largement les possibilités offertes.

J’ai été particulièrement sensible aux références citées, aux métaphores didactiques, à la mobilisation de tout ce qui fait un être humain : son cerveau, ses ressentis et son corps… Michel Serres mêle aptitudes et postures avec brio, fait des rapprochements particulièrement efficaces et limpides, réconcilie les anciens et les modernes en proposant des pistes de réflexion originales, novatrices et, en même temps, d’une indéniable évidence.



Par contre, je ne suis pas convaincue par la version audio de ce livre qui n’est pas, selon moi, le meilleur format pour le découvrir. Présenté comme « un enregistrement d’anthologie avec toute la saveur de la lecture faite par l’auteur lui-même », ce livre audio gagnera à être lu dans sa version papier ou numérique. Je suis d’accord sans doute pour le côté « anthologique » de la première partie qui renvoie au discours prononcé, mais pour l’ensemble, j’ai trouvé que le débit et la tonalité ne servait pas ce texte qui mérite vraiment d’être connu. J’avais plus l’impression d’écouter un grand père bienveillant qu’un grand philosophe.



Un livre à connaître, assurément.



https://www.facebook.com/piratedespal/

https://www.instagram.com/la_pirate_des_pal/

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C'était mieux avant !

"C'était mieux avant" de Michel Serres.



Petit traité à l'attention des vieux cons nommés ici par M. Serres grand-papa Ronchon.

Petit rappel de ce qu'était la vie aux siècles passés et de toutes les maux qui collaient aux basques du peuple: guerres, maladies, conditions de travail etc...

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Morales espiègles

Les réflexions de Michel Serres sont toujours malicieuses et abordent ici une philosophie du virtuel.
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