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Citations de Michel de Certeau (46)


Michel de Certeau
Tel Robinson sur la grève de son île, devant "le vestige d’un
pied nu empreint sur le sable", l’historien parcourt les bords de
son présent ; il visite ces plages où l’autre apparaît seulement
comme trace de ce qui a passé. Il y installe son industrie. À partir
d’empreintes définitivement muettes (ce qui a passé ne reviendra
plus, et la voix est à jamais perdue), se fabrique une littérature ;
elle construit une mise en scène de l’opération qui confronte
l’intelligible à cette perte. Ainsi se produit le discours
qu’organise une présence manquante.
.
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Michel de Certeau
Est mystique celui ou celle qui ne peut s’arrêter de marcher et qui, avec la certitude de ce qui lui manque, sait de chaque lieu et de chaque objet que ce n’est pas ça, qu’on ne peut résider ici ni se contenter de cela. Le désir crée un excès. Il excède, passe et perd les lieux. Il fait aller plus loin, ailleurs. Il n’habite nulle part…
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Les récits […] traversent et […] organisent des lieux ; ils les sélectionnent et les relient ensemble ; ils en font des phrases et des itinéraires. Ce sont des parcours d’espaces.

[…] Ces lieux sont liés entre eux de façon plus ou moins serrée ou facile par des « modalités » qui précisent le type de passage conduisant de l’un à l’autre […] Tout récit est un récit de voyage, - une pratique de l’espace.
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Le style, cette manière de marcher, geste non textuel, organise le texte d'une pensée.
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La ritualisation raffinée des gestes élémentaires m'est ainsi devenue plus précieuse que la persistance des paroles et des textes, parce que les techniques du corps sont mieux protégées de la superficialité des modes.
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Citations éditions POINT:

Page 18
dans Contre l'inconscience
Entre deux formes d'inconscience, celle qui refuse de voir les dégats et celle qui se dispense de reconstruire, celle qui nie le problème et celle qui renonce à chercher une solution, il nous faut scruter les voies de la lucidité et de l'action.

Page 34
dans La fiction donnée à l'oeil
Ce qui est donné à l'oeil est enlevé à la main.

Page 73
dans Le langage de la violence
Le fait qui s'impose avant tout examen des faits, c'est que la violence est marquée au fer rouge sur ce "langage malade" (Austin).

Page 108
dans la culture à l'école
Lors de ma première expérience d'enseignement aux Etats-Unis, j'ai été d'abord surpris par le nombre de fautes d'orthographe que commettaient des étudiants très avancés. J'ai été habité par l'horreur , apprise dès l'école primaire, pour la faute d'orthographe. En fait, ces Américains m'ont libéré en me réapprenant ma propre histoire: pour les écrivains des XVIème et XVIIème siècle l'oral était la référence première, et l'écrit sa trace sur le papier.

Page 188
dans Politique et Culture
Le rapport aux pouvoirs change donc. Ils se servent de la culture, sans la compromettre. Ils sont ailleurs. Ils ne sont plus engagés par les discours qu'ils fabriquent.

Page 222
Dans la conclusion, ce petit truc qui m'a fait tiquer l'oeil:
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Seule la fin d'un temps permet d'énoncer ce qui l'a fait vivre, comme s'il lui fallait mourir pour devenir un livre.
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Depuis que le livre académique côtoie le livre de poche
p 96 ...l'enseignement universitaire ajoute son effet propre à la multiplicité des informations et des images que véhicule la culture de masse. Il ne les ordonne pas; il s'y ajoute. Il ne tranche pas sur elle; il a la même forme qu'elle.
(...)
p 98... souvent, avec les matériaux de sa culture, l'étudiant procède à la manière de collages comme on fait ailleurs un "bricolage" individuel de plusieurs enregistrements sonores ou une combinaison de peintures "nobles" avec des images publicitaires. La créativité est l'acte de réemployer et d'associer des matériaux hétérogènes. Le sens tient à la signification dont les affecte ce réemploi. Ce sens là n'est dit nulle part pour lui-même; il élimine toute valeur sacrée dont serait crédité un signe en particulier; il implique le rejet de tout objet tenu pour "noble" et permanent. Il s'affirme donc ainsi avec pudeur, alors même qu'il a la figure du blasphème. Le matériau universitaire ne saurait être privilégié du seul fait qu'il vient d'un agrégé, d'une "bonne thèse" ou de la longue durée d'une investigation.
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La recherche publiée partiellement en ces deux volumes est née d'une interrogation sur les opérations des usagers, supposés voués à la passivité et à la discipline.
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Arrivant pour être exorcisées, ces filles sont mises sur un banc, la tête appuyée sur un oreiller, les mains dans des menottes faciles à rompre au moindre effort et liées sur le banc avec deux courroies par les jambes et par l'estomac. Tout cela d'abord donne la pensée que c'est enchaîner des lions. Mais sitôt que le démon paraît, on détache les filles et on les laisse en pleine liberté, de sorte qu'elles sont liées comme filles et relâchées comme démons
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"Faire la cuisine" est perçu comme une activité qui nécessite une organisation certaine, une programmation des actes, une gestion du temps, que ce soit "avant" (décider du menu, faire ses courses, s'assurer que l'on dispose bien de tous les ingrédients et du matériel nécessaires), "pendant" (gérer les différentes phases de préparation, notamment la cuisson, préparer les différents composants du repas, parfois en avance) et "après" (faire la vaisselle, ranger la cuisine, mais aussi et surtout apprendre à recevoir, faire se succéder les plats, s'arranger pour ne pas être retenue en cuisine alors que les invités sont là...).
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Cet essais est dedié à l'homme ordinaire. Héros commun. Personnage disséminé. Marcheur innombrable. En invoquant, au seuil de mes récits, l'absent qui leur donne commencement et nécessité, je m'interroge sur le désir dont il figure l'impossible objet. A cet oracle confondu avec la rumeur de l'histoire, que demandons-nous de faire croire ou de nous autoriser à dire lorsque nous lui dédions l'écriture que jadis on offrait aux divinités ou aux muses inspiratrices ?
Cet héros anonyme vient de très loin. C'est le murmure des sociétés. De tout temps, il prévient les textes. Il ne les attends même pas. Il s'en moque. Mais dans les représentation scripturaires il progresse. Peu à peu il occupe le centre de nos scènes scientifiques. Les projecteurs ont abandonné les acteurs possesseurs de noms propres et de blasons sociaux pour se tourner vers le choeur des figurants massés sur les côtés, puis se fixer enfin sur la foule du public. Sociologisation et anthropoligisation de la recherche privilégient l'anonyme le quotidien où des zooms découpent des détails métonymiques - parties prises par le tout. lentement les représentants hier symbolisateurs de familles, de groupes, et d'ordres s'effacent de la scène où ils régnaient quand c'était le temps du nom. Le nombre advient, celui de la démocratie, de la grande ville, des administrations, de la cybernétique. C'est une foule souple et continue, tissée serré comme une étoffe sans déchirure ni reprise, une multitude de héros quantifiés qui perdent noms et visages en devenant le langage mobile de calculs et de rationalités n'appartenant à personne. Fleuves chiffrés de la rue.
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Ainsi liée à l’opération sociale qu’elle articule, l’œuvre périt donc avec le présent qu’elle symbolise. Elle n’a pas pour définition d’avoir à se survivre, comme si le travail d’une collectivité sur elle-même avait pour finalité de remplir des musées.
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Immense transgression sociale et culturelle - mais une transgression rêvée et fantastique, déguisée dans le langage du passé - , la sorcellerie est entrée dans la société des XVIe et XVIIe siècles comme le loup de la légende : elle vient sous la figure du "garou" nordique, forme pourtant pitoyable d'une contestation issue d'on ne sait quel résistances, émergence du "panique" cher à Alphonse Dupront et révélateur d'obscurités souterraines.
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Le diable me trompait souvent par un petit agrément que j'avais aux agitations et autres choses extraordinaires qu'il faisait dans mon corps. Je prenais un extrême plaisir d'en entendre parler et j'étais bien aise de paraître plus travaillée que les autres, ce qui donnait de grandes forces à ces esprits maudits, car ils sont bien aise de nous pouvoir amuser à regarder leurs opérations, et, par-là, il s'insinuent peu un peu dans les âmes et prennent de grands avantages sur elles
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D'habitude, l'étrange circule discrètement sous nos rues. Mais il suffit d'une crise pour que, de toutes parts, comme enflé par la crue, il remonte du sous-sol, soulève les couvercles qui fermaient les égouts et envahisse les caves, puis les villes.
p. 7
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Michel de Certeau
Ignacio Gárate : Je voudrais commencer par une question qui peut paraître banale, mais dont je pense qu’il faudrait éclaircir le sens, du moins celui que vous proposez, à savoir l’application de la psychanalyse à la littérature, par exemple, pour quoi faire ? Quel serait son intérêt ?
26
Michel de Certeau : À mon avis, il ne s’agit pas d’une application. Dès le début de son œuvre, c’est-à-dire en commençant les Études sur l’hystérie, Freud, déjà, dit qu’il est surpris par sa découverte psychanalytique et que le discours scientifique proportionné à cette découverte l’oblige à quitter le discours scientifique et le déporte vers ce qu’il appelle le style des romanciers et des poètes; autrement dit, il y a quelque chose dans la nature même de l’expérience analytique qui est de type littéraire. Et je pense que c’est quelque chose qui est marqué dès le début de l’œuvre de Freud, qui va s’accentuer d’ailleurs au fur et à mesure de la vie de Freud, et à la fin, pendant ses vingt dernières années, le personnage central, ce n’est ni le client ni l’inconscient, c’est l’écrivain, c’est l’écriture. Au fond, on retrouve exactement la même chose chez Lacan : le début de la carrière de Lacan, même avant sa thèse, c’était de déceler, dans les processus psychotiques qu’il analysait, ce qu’il appelait des schizographies, c’est-à-dire des procès de type littéraire qui, disait-il déjà, sont absolument du même type que des procès du surréalisme, etc. Autrement dit, je pense que dans la psychanalyse, il y a une découverte, on pourrait dire une redécouverte de la littérature en tant que problème théorique. Dans cette perspective, on pourrait dire que Freud, c’est le renouveau de la rhétorique ; la Science des rêves, c’est justement l’analyse d’un certain nombre de procédures productrices de représentations et ces procédures sont de type rhétorique : la condensation que l’on dit métonymie, la métaphore, etc. Une redécouverte de ce qu’on appelait, jusque-là, les figures de rhétorique et dont on avait perdu la signification pour en faire simplement des sortes de classifications des ornements du langage. Une redécouverte de ce champ-là comme formalité de pratiques organisatrices de représentations et aussi comme jeu, dans le champ du langage, de quelque chose qui ne relève pas de ce qu’immédiatement ce langage énonce, annonce. De ce point de vue, je ne dirais pas qu’il y a un problème de l’application de la psychanalyse à la littérature, je dirais plutôt que la théorie psychanalytique est fondamentalement de type littéraire.
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Amerigo Vespucci le Découvreur arrive de la mer. Debout, vêtu, cuirassé, croisé, il porte les armes européennes du sens et il a derrière lui les vaisseaux qui rapporteront vers l'Occident les trésors d'un paradis. En face, l'Indienne Amérique, femme étendue, nue, présence innommée de la différence, corps qui s'éveille dans un espace de végétations et d'animaux exotiques. Scène inaugurale. Après un moment de stupeur sur ce seuil marqué d'une colonnade d'arbres, le conquérant va écrire le corps de l'autre et y tracer sa propre histoire. Il va en faire le corps historié - le blason - de ses travaux et de ses fantasmes. Ce sera l'Amérique "latine".

Cette image érotique et guerrière a valeur quasi mythique. Elle représente le commencement d'un nouveau fonctionnement occidental de l'écriture.
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Chaque culture prolifère sur ses marges. Des irruptions se produisent, qu’on désigne comme des « créations » relatives à des stagnances. Bulles sortant du marais, mille soleils s’allument et s’éteignent à la surface de la société. Dans l’imaginaire officiel, ils figurent à titre d’exceptions ou de marginalismes. Une idéologie de propriétaires isole l’« auteur », le « créateur » ou l’« œuvre ». En réalité la création est une prolifération disséminée. Elle pullule. Une fête multiforme s’infiltre partout, fête aussi dans les rues et les maisons, pour tous ceux que n’aveugle pas le modèle aristocratique et muséographique de la production durable. Ce modèle a pour origine un deuil et pour effet un leurre : l’apologie du « non-périssable » tient pour valeurs les morts plutôt que les vivants, les matériaux résistants plutôt que les autres, et les milieux assez nantis pour assurer la conservation de leurs reliques. Mais c’est tout l’inverse. La création est périssable. Elle passe, car elle est acte.
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Ce n’est malheureusement qu’une utopie, car ces fenêtres ouvertes sur l’autre fonctionnent seulement comme un trompe-l’œil ; elles sont résorbées et folklorisées par le contexte où elles s’inscrivent. A peine est-ce l’indice d’une interrogation, une trace de l’autre.
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