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Critiques de Michel de Montaigne (124)
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Essais, tome 1

Montaigne part de son existence pour aller vers l'universel.

Dans ce livre I, il explore l'âme humaine en s'appuyant sur l'Histoire et la lecture des anciens (Épicure, Platon, Sénèque etc.).

Tel un chat, après des digressions, il retombe toujours sur ses pattes.

Qu'il avait petites et arquées (à cause du cheval).

A lire et à relire, comme on dit.
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Essais, tome 2

vraiment sympa d'avoir accès directement au texte.

Guy de Pernon a consacré 5 ans à cette translation en français actualisé.



Seul regret, c'est pas rempli de notes, d'éclairage des chapitres comme c'était le cas de l'Aristophane de Debibour ou les Fables de Lafontaine par Fumaroli ou Le Pestipon.
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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..

Une lecture audio qui a peiné à retenir mon attention, malgré son thème, la narration parfaite de Simon Jeannin et les commentaires intéressants de Sylvain Trias



Ces textes sont présentés chronologiquement et évoquent la manière dont le chat a été représenté dans la littérature au cours des siècles. Sylvain Trias intervient entre chacun d'eux pour les replacer dans leur contexte, commenter l'évolution de la vision du chat dans la littérature, d'un personnage souvent félon, voleur, déloyal ou pire encore maléfique à un animal auquel les auteurs vont s'attacher, qu'ils vont célébrer dans leurs textes, mais un animal qui ne renonce pas à son indépendance.



L'idée m'avait séduite, je connaissais et appréciais certains de ces textes, et pourtant les écouter n'a pas réussi à me passionner. Peut-être parce chaque texte était très court, et ne me laissait pas le temps d'apprécier l'auteur et son style. Peut-être des textes trop variés qui ne m'ont pas permis d'entrer dans l'atmosphère de ce livre audio, et je me suis surprise plusieurs fois à devoir revenir en arrière pour réécouter un extrait.



Une petite déception donc, mais qui saura sans doute séduire d'autres lecteurs-auditeurs.



Merci à NetGalley et aux éditions VOolume pour cet envoi #Leschats #NetGalleyFrance







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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..

Ce recueil regroupe des textes de grands auteurs sur les chats et les replacent dans l'histoire en racontant comment les chats étaient perçus à l'époque de leur écriture.

C'est un livre audio assez court, qui se suit avec plaisir, porté par la voix de Simon Jeannin, qui narre avec talent les textes d'auteurs classiques, comme les commentaires de Sylvain Trias. Ces commentaires montrent l'image des chats dans la société, passant de créatures du diable à câlins ambulants.

SI je ne suis pas amatrices de poésies (c'est peu de le dire), la variété des textes proposés permettra à chacun de trouver son bonheur.

Par contre, aucune autrice n'est présente dans cet opus. J'imagine que ce n'est pas forcément facile de trouver le matériel qu'il fallait, mais comment avez-vous pu oublier Colette…

Reste que ce recueil est très agréable à écouter offrant une variété de textes (contes, nouvelles, poèmes) et des commentaires intéressants. A découvrir.

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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..

"Les Chats" est un recueil de textes célèbres, une balade littéraire divertissante et instructive à travers les œuvres de Baudelaire, du Bellay, Dumas, Poe, Perrault, Carrol, Montaigne, Verlaine, Balzac, Renard, La Fontaine, Champfleury, Moncrif.



Textes commentés par Sylvain Trias à découvrir chez @VOolume grâce à l'interprétation de Simon Jeannin !



Pourquoi le chat s'en va-t-il tout seul ? Les chats anglais sont-ils vraiment les plus distingués ? Par quel prodige cet animal maléfique est-il devenu, au fil du temps, l'ami incontournable du monde de la culture ? Vous trouverez réponse à ces épineuses questions, et à bien d'autres, dans notre sélection de 17 textes cultes commentés et mis en perspective.



Je remercie @VOolume et @NetGalleyFrance de m'avoir permis cette écoute très agréable de trois heures que je n'ai pas vu passer. Cela m'a permis de (re)découvrir ces textes classiques qui rendent hommage à nos amis les chats, ces êtres si malmenés par certains et si adulés par d'autres. J'ai beaucoup apprécié découvrir l'image que la société portait sur eux et qui évolue au fil des siècles.



Le narrateur parvient à donner de la vivacité à ces textes anciens en les modernisant grâce à son interprétation très juste et son flux narratif fluide, ni trop lent, ni trop rapide, qui s'écoute comme une pièce de théâtre.



J'ai aussi beaucoup aimé le fait que ces textes soient commentés car cela ajoute une plus-value contextuelle qui permet une meilleure compréhension. Une façon distrayante d'aborder des textes classiques que je recommande aux amoureux des chats !

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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..



Une écoute audio courte et particulièrement intéressante : au fil des siècles on remonte le cours de l’Histoire et on découvre la place que le chat y a occupée.

Cet être longtemps craint et malmené par certains et adulé par d’autres.

Tout est bien expliqué, des anecdotes amusantes, d’autres beaucoup plus cruelles parsèment le récit entre les textes d’auteurs classiques à la plume habile comme Baudelaire, Alexandre Dumas, Verlaine, Edgar Allan Poe, Lewis Carroll, etc.



On ressort de cette écoute moins bête ^^



Une « histoire qui au fil des siècles aura transformé cet animal maléfique en l’ami incontournable du monde de la culture. »
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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..

En tant qu’amoureuse des chats, ce titre m’a tout de suite intriguée et même si je crains quelque peu les textes classiques, je trouvais que se laisser bercer par ces histoires félines était une idée attirante. En revanche, oubliez tout de suite l’image de vos boules de poils toutes mignonnes se prélassant dans le canapé. A travers ces textes, j’ai plutôt découvert l’image que la société avait des chats à certaines époques et c’est parfois très éloigné du regard énamouré que je porte aux miens.



Ces trois heures d’écoute sont passées à grande vitesse, j’ai beaucoup aimé la façon dont le narrateur donne vie à des textes que je n’aurais sûrement pas découvert à l’écrit. Sauf les poèmes de Charles Baudelaire que j’ai eu grand plaisir à écouter et à redécouvrir. La narration est fluide, entraînante, telle une pièce de théâtre qui se déroulerait sous nos yeux. Me prenant complètement au jeu, j’ai été touchée et même un peu choquée par moments. A croire que les chats ne sont pas tous des êtres adorables. Je sais, c’est très difficile à croire.



Il est également intéressant que les textes soient commentés, c’est l’occasion d’apprendre sur le contexte et de prendre en note quelques anecdotes. Ce livre audio est une agréable façon de découvrir les textes classiques sous une autre forme et surtout, avec envie.

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Les Essais

De fait, je n'avais pas lu Montaigne depuis longtemps. Il m'a fallu me réhabituer au vieux français, à l'orthographe erratique et à la ponctuation surprenante.

Juste quelques notes prises en lisant le troisième livre.



Il m'a perdue dans le long chapitre de la vanité où il parle des voyages, des embarras de la vie, de la politique, de la mémoire, des voyages, des femmes, de l'amitié, de la mort, des voyages, de sa vénération pour les anciens Romains et quel qu'autres sujets que je n'ai pas notés, mais je n'ai pas vu la vanité... Et je tombe soudain sur "Cette farcissure est un peu hors de mon thème", ben voyons ! Lequel ? C'est suivi un peu plus loin de "J'aime l'allure poétique à sauts et à gambades", ce dont je me doutais depuis un moment :-) Un peu plus loin encore, "C'est l'indiligent lecteur qui perd son sujet, non pas moi" : au temps pour moi.

Autant j'aime la parfaite architecture rhétorique de Pascal, autant je me délecte des méandres de la pensée montanienne ; il ne faut pas chercher à comprendre. “A foolish consistency is the hobgoblin of little minds" (Emerson). Je suis un grand esprit CQFD ! ;-)

Montaigne me met en joie. Même lorsqu'il parle de sujets dramatiques comme la quasi destruction des peuples indigènes de l'Amérique latine (Des coches), il reste que sa manière d'aborder le thème, directe, sans façon, passant et repassant pour balayer la totalité du champ, me réjouit.



Il est assez machiavélien dans ses postures politiques (De l'utile et de l'honnête) : les rois sont contraints à la violence, la traitrise et au mensonge de par leur fonction. Très désabusé quant à l'espoir d'une amélioration - les guerres civiles ont parfois cet effet - ce qui l'amène à une position très conservatrice (De la vanité).



Quelques citations que j'aime particulièrement.

Ma préférée : "Le monde n'est qu'une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse, la Terre, les rochers du Caucase, les pyramides d'Egypte, et du branle public et du leur. La constance même n'est autre chose qu'un branle plus languissant. Je ne puis assurer mon objet : il va trouble et chancelant, d'une ivresse naturelle" (Du repentir). En nos temps d'accélération extrême, de brouillage du vrai et du faux, des algorithmes et des IA régissant nos vies, l'impossibilité d'assurer son objet prend une tournure aigüe et la posture de Montaigne face au savoir et à la prise de décision est d'autant plus précieuse.

"C'est mettre ses conjectures à bien haut prix que d'en faire cuire un homme tout vif" (Des boiteux). Au milieu de nos nouvelles guerres de religion, la phrase fait frémir, même si on décapite plus qu'on ne brûle.

Je termine avec "C'est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être" (De l'expérience) : ça vaut tous les préceptes des psychologies positive ou du bonheur.



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Les Essais

On n’a pas mieux expliqué, je pense, le rapport qu’un amateur de Les Essais entretient avec Montaigne, qu’Orson Welles ne le fit en écrivant ceci, que je tire de la couverture de mon édition :

« Montaigne est le plus parfait écrivain que le monde ait produit. Je le lis littéralement chaque semaine, à la façon dont les gens lisent la Bible, pas très longtemps ; j’ouvre mon Montaigne, lis une page ou deux, au moins une fois par semaine, pour le plaisir, comme ça. Pour moi, il n’y a pas de plus grande joie au monde. En français, pour le plaisir d’être en sa compagnie. Ce n’est pas pour ce qu’il raconte, mais c’est un peu comme d’attendre un ami, vous savez. Pour moi, c’est quelque chose de merveilleux, de très cher. J’ai de l’affection pour Montaigne. C’est un grand ami de ma vie. »

Éloge paradoxal, s’il en est : il ne s’agit pas d’aimer Montaigne « pour ce qu’il raconte » mais pour « sa compagnie ». Étrange compagnie qui ne « partage pas le pain » c’est-à-dire une matière un tant soit peu roborative. Qu’est-ce donc qu’on goûte dans un livre, si ce ne sont les mots ? Et comment juge-t-on un écrivain « parfait » dont on ne lit « qu’une page ou deux », de temps en temps ? C’est absurde. Et c’est pourtant vrai qu’il se lit et s’apprécie ainsi : Welles ne manquait pas, apparemment, de rappeler qu’il s’en faisait un véritable bréviaire…

Lever la contradiction dans la mentalité du lecteur reviendra à indiquer la substance même de l’auteur à travers son livre.

Montaigne est un « grand ami », il est certes foncièrement amical. Indéniablement, c’est un homme sincère et honnête, une nature sympathique, paisible : ce ton de douceur, celui d’un « gentilhomme campagnard du temps de Henri III » (la périphrase est de Voltaire), qui prend longuement la plume pour transcrire ses pensées, avec une franchise directe et cependant une grande modération, séduit sans aucun doute les êtres tranquilles, curieux d’innocente quiétude, désireux des tendres facilités de l’existence, et soucieux de ne pas heurter parce que ne disposant pas des facultés de résistance et d’évolution pour souhaiter pour eux-mêmes les vertus du choc. Tout ce qu’on lit dans Les Essais est déjà su, on n’y apprend rien, et c’est précisément pourquoi Welles ne le lisait pas dans l’ordre : à la suite ou au hasard, c’est la même chose pour ce qui est de s’en édifier, sur aucun sujet on n’y trouve une réflexion singulière. Il ne s’agit pas d’extraire de l’ouvrage des extraits éloquents ou des articles de pensée originale, mais de s’imprégner du ton sans polémique, rassis et qui n’étonne point, de se laisser envahir par l’imperturbable souffle de vérités inutiles et anodines qu’on confond proverbialement avec la profondeur, pour se croire contaminé par une « sagesse », comme si le parangon de la philosophie consistait à ne vouloir que parler sans blesser personne, opportunisme des gens qui estiment qu’être bonhomme, c’est être un homme bon parce que c’est facile. Welles concède qu’il n’apprend rien à lire Montaigne, et il admet que Montaigne le rassure : c’est « l’ami de sa vie » parce que c’est ce dont il a besoin pour se sentir meilleur dans la vie, nécessité d’autant superficielle qu’elle ne s’éprouve que par intervalles (« chaque semaine ») et en général par courtes durées (« pas très longtemps »). On distingue chez Montaigne de la lourdeur fade, et qu’on peut appeler constance, en dépit de sa langue plaisante (plaisante surtout comme étymologique : langue du fondement, rafraîchissante et essentielle), lourdeur qui se signale par l’abus des références, sortes de compilation un peu crâne de tout ce qu’il a lu (la manière instante dont Montaigne semble avoir publié prouverait que, désirant plaire et se diffuser pour exemple, il n'était pas si humblement reclus et solitaire qu’on le peut supposer), et fadeur qui se révèle par ce que, si l’on excepte de la légende ce qu’on croit savoir du fameux « esprit obscurantiste » de la fin du Moyen Âge, ce que dit ici Montaigne est d’une moralité mièvre et indécise, sans caractère ni fermeté, dont le succès se situe dans le contraire des attributs de l’intégrité et de l’idiosyncrasie, à savoir dans une raison que chacun reconnaît et que personne n’ose contredire parce qu’elle se contente d’arborer les insignes du bon-sens le moins controversé – autrement dit, c’est en entier ce que Nietzsche eût appelé de la « moraline », pommade douce et lénifiante, pas contrariante, toujours vraie en ce qu’il s’agit de ne jamais prendre de positions conflictuelles. Montaigne est chrétien, traditionnel, bonasse, et il incite à se fier à la religion de son pays, à ses traditions, à ses valeurs débonnaires ; en somme, et c’est simple à comprendre, c’est un homme qui traverse son temps sans rien égratigner, avec l’air non seulement du temps, mais de tous les temps indécis et évaporés, des temps passés et à venir les plus évidents et incontestables. Il est ainsi l’ami de tous parce que nul ne peut lui en vouloir d’un mot aventuré ou audacieux : il est agréable parce qu’il n’atteint pas, son opinion est celle de quelqu’un qui n’en a pas sinon de s’accorder avec une sorte d’unanimité reculée et paisible. En cela, la lecture de Les Essais paraît inoffensive et universelle : c’est « sage » parce que sans apparence d’erreur, mais puisque c’est surtout sans tentative de se tromper, sans jamais aucun risque, on est aussi bien en peine, comme je l’ai été, d’y annoter un mot profond ou une idée originale et forte, c’est stérile et creux comme un soupir de vieille dame. Le lire revient à asseoir sans apport son goût de la patience ; c’est incidemment s’habituer à ne lire que fadaises émollientes, et, peu à peu, renoncer à l’action sur soi des littératures hardies et bouleversantes, de celles qui, au lieu de conforter, vous forcent et changent. On peut craindre avec l’habitude que chez le lecteur de Montaigne le sens de la philosophie tourne au breuvage tiède sans effets, comme on prend une tisane ou une cuillérée de miel pour remède à la toux ou à la mélancolie : ses péroraisons sont générales, abstraites et irrésolues, et, à bien y regarder, la tenue à tout prix d’un juste-milieu les rend presque toujours contradictoires, les résumant à : « Faire ceci est une faute mais l’inverse est inutile. » Après 150 pages, je suivais toujours des développements qui se résumaient au plaisir de perdre son temps avec un être vieillard, aimable et s’exprimant bien, même trop disert et digressif mais me tenant par l’affection, à la façon dont on s’hypnotise de certaines voix rauques en-dehors même du sujet qu’elles exposent, et… je me suis ébroué – ce qui m’est de moins en moins pénible à force de résolutions fermes et écrites sur la littérature – en songeant que cet exercice méthodique et soigneux ne contribuait en moi à l’ajout d’aucune puissance réelle, d’aucune vitalité mâle, d’aucun apport que peut-être me pourrait faire, quoique improbablement (car je ne me fais pas d’illusion), un autre ouvrage : lire ainsi, c’est une lourde paralysie vers la tombe. J’imagine bien quelle satisfaction on peut tirer de livres comme ceux-ci : par crainte cacochyme de se remuer et scandaliser de pensées fortes, surtout parce qu’on n’a plus la faculté de les suivre et entretenir, on commence à haïr la vivacité et les éclairs, et l’on s’enferme au songe doucereux d’œuvres molles à la Mann, Bernanos, Proust et Pessoa, de ces textes qui convient à atermoyer peu de notions véritablement personnelles en une langueur dont l’ennui passe pour de la grandeur parce qu’on suppose que, puisque les vieux sont capables de regarder durant des heures des voitures passer, assis au perron de leur maison, la patience serait signe de maturité. Et en présence de ces voix où l’individu se résume à une exceptionnelle attente, on se résigne et s’accoutume à appartenir à ces sages longanimes, en immortalité de fossile qui, parce qu’elle requiert un certain effort quoique pas un effort actif, passe indûment, peut-être définitivement, pour de l’humanité, voire pour de l’humanisme, dont on fait un modèle de tempérance supérieure, qui n’est en vérité et par impression qu’une pratique de l’inexistence satisfaite et coite, béate et confite en disparition veule, une minéralisation nonchalante et lasse des fringantes capacités de l’esprit net et vivant.



Post-scriptum : J’ai poursuivi plus loin d’une cinquantaine de pages les cent cinquante annoncés dans cet article. Rien n’y change, non que j’y tienne : ce théorème est exact.
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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Les Essais

Montaigne voyait son époque, la Renaissance, comme une époque de dissimulation, de corruption, de violence et d'hypocrisie, et il n'est donc pas surprenant que le point de départ des Essais se situe dans la négativité, la domination des apparences et la perte du lien avec la vérité. d'être. Le scepticisme tant discuté de Montaigne résulte de cette négativité initiale, car il remet en question la possibilité de toute connaissance et voit l'être humain comme une créature de faiblesse et d'échec, d'inconstance et d'incertitude, d'incapacité et de fragmentation ou, comme il l'écrit dans le premier de ses essais, comme « une chose merveilleusement vaine, diverse et ondulante ». Son scepticisme se reflète dans le titre français de son ouvrage, Essais, ou « Tentatives », qui n'implique pas une transmission de connaissances éprouvées ou d'opinions confiantes, mais un projet d'essais et d'erreurs, d'exploration provisoire. Ni référence à un genre établi (puisque le livre de Montaigne a inauguré le terme d'essai pour désigner la courte composition en prose qui traite d'un sujet donné de manière très informelle et personnelle) ni indication d'une unité et d'une structure interne nécessaires à l'œuvre, le titre indique une attitude intellectuelle de questionnement et d’évaluation continue.



Le scepticisme de Montaigne n'exclut cependant pas la croyance en l'existence de la vérité, mais constitue une défense contre le danger de trouver la vérité dans des notions fausses, non examinées et imposées de l'extérieur. Son scepticisme, combiné à son désir de vérité, le conduit à rejeter les idées communément acceptées et à une profonde méfiance à l'égard des généralisations et des abstractions ; il vous montre également le chemin vers une exploration du seul domaine qui promet des certitudes : celui des phénomènes concrets et surtout du phénomène fondamental de votre propre corps et de votre esprit. Ce moi, avec toutes ses imperfections, constitue le seul lieu possible d'où peut commencer la recherche de la vérité, et c'est pourquoi Montaigne, du début à la fin des Essais, ne cesse d'affirmer que « je suis la matière de mon livre. » Il découvre que son identité, sa « forme maîtresse », comme il l'appelle, ne peut être définie en termes simples d'un soi constant et stable, car il s'agit de quelque chose de changeant et fragmenté, et que l'appréciation et l'acceptation de ces caractéristiques sont les seules. garantie d'authenticité et d'intégrité, seule manière de rester fidèle à la vérité de son être et de sa nature et non aux apparences des autres
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MONTAIGNE ESSAIS III

- excellente traduction de Guy de Pernon en français actualisé. Il a consacré cinq années (de 2003 à 2008) à la mise en français moderne des Essais de Montaigne. - - manquerait une introduction pour chaque chapitre ainsi que des notes de bas de page pour éclairer le texte ou un cahier explicatif.







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Des cannibales - Des coches

Quand il s’agit d’essais philosophiques, je suis à la fois curieux et paresseux.

Donc, plutôt que de lire l’ensemble des Essais de Montaigne, je me contenterai de cet extrait qui, apparemment, a fait l’objet du Bac Français 2020. Le livre fait partie de la collection Étonnants Classiques et se veut une aide pour le lycéen : explication de texte, questions, chronologie, illustrations, texte originel à gauche, en français actuel à droite. Faut avouer qu’à l’époque du bac, tout cela m’ennuyait profondément ; je n’avais d’yeux que pour la science. J’y viens sur le tard et Babelio n’y est pas pour rien.



Les deux extraits présentés ici ont un atout pour me plaire : ils sont de l’ordre du commentaire historique. Il y a moins d’un siècle que deux mondes se sont rencontrés : l’Europe et les Amériques. En quelques décennies, le premier a sans pitié ratiboisé le second. On pense d’abord aux empires Aztèque et Inca, mais Montaigne s’intéresse aussi aux civilisations rencontrées en France Antarctique, éphémère colonie française du Brésil.

La force de ce récit vient de la capacité de l’auteur à se projeter dans « l’autre civilisation », à s’imaginer en être un représentant et, ce faisant, à justifier le plus naturellement du monde les rituels et comportements considérés comme étranges voire répugnants lorsque observés à travers le prisme européen. Vus par Montaigne, les Indiens ne sont pas les Barbares de l’histoire, ce sont bien les Européens, et plus précisément les Espagnols (je me suis d’ailleurs demandé si l’attaque contre les Espagnols avait une arrière pensée politique, France et Espagne étant à couteaux tirés à l’époque). Les mœurs simples, l’absence de volonté d’accaparation, même le comportement cannibale trouvent leur justification naturelle. L’approche m’a rappelé ma lecture de Azteca, de Gary Jennings.



Bien sûr, on pourra objecter que toute tradition trouve sa justification naturelle dans sa propre culture. Selon cette approche, tout est acceptable et on ne peut rien critiquer, de la corrida à la soumission des femmes iraniennes à une interprétation religieuse extrémiste et masculine. Bref, on ne peut pas vraiment justifier une généralisation de la méthode. Cependant j’ai le sentiment que, appliquée par Montaigne à la destruction de peuples qui n’avaient rien demandé à personne, et ce pour des raisons d’avarice bien plus que religieuses, la technique a un rôle bénéfique de remise en question de notre propre barbarie camouflée sous des habits de grandeur nationale ou d’orgueil personnel.



Je fais des phrases trop alambiquées aujourd’hui. Stop ! Je termine en disant que, une lecture en appelant une autre, j’ai bien envie de lire Rouge Brésil de Jean-Christophe Rufin, qui conte l’histoire de cette France Antarctique.

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Des cannibales

Des cannibales est un micro-essai, issu lui-même des Essais de Montaigne.

Ce passionnant petit récit nous montre avec un humour noir grinçant, fantaisie et une didactique légère, le monde intellectuel de la renaissance, décortiquer les peuples primaires du nouveau monde.

Entre réalité scientifique, objective et imaginaire de conte philosophique, l'auteur évoque une peuplade sud-américaine, au travers des dires parfois douteux, de voyageurs ayant vécu ces expéditions lointaines et dangereuses.

Mémoires incertaines de personnages, peu désireux de dresser un portrait flatteur de ces indigènes.

Le génie de Montaigne est justement de prendre le contre-pied de ces individus, en démontrant avec analyses et finesses, que les plus barbares ne sont pas ceux que l'on peut supposer.
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De l'amitié

Écouter Michael Lonsdale lire "De l'amitié" de Michel de Montaigne est un pur bonheur. Il s'agit d'un texte extrait du gros volume des célèbres "Essais".

Le philosophe humaniste du 16ème siècle plaçait très haut l'amitié notamment celle partagée avec Étienne de la Boétie. C'est pour lui qu'il a écrit "Parce que c'était lui, parce que c'était moi" et cela fait plaisir de recontextualiser les citations apprises dans ma jeunesse.



Dans ce texte introspectif, Montaigne oppose l'amitié, plus tempérée et constante, à l'amour pour les femmes, plus fiévreux et volage. Il la distingue aussi au mariage comparé à un marché restreignant la liberté et l'égalité. L'amitié est pour lui le seul lien vraiment libre entre deux individus, un sentiment sublime mais pas dans le sens ordinaire plutôt un idéal qui unit deux grandes âmes au point qu'on ne peut plus les distinguer. Cela revient à penser que Montaigne et La Boétie étaient prédestinés l'un à l'autre avant de se connaître.



Quel beau texte même si l'amitié de ces deux hommes est certainement trop idéalisée.

On comprend pourtant que Montaigne n'aurait certainement pas écrit les "Essais" inspirés par son ami, de son vivant et même après sa mort. J'imagine que sa perte a dû être douloureuse.





Challenge Riquiqui 2023

Challenge Temps modernes 2023

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Les Essais

En abordant "Les Essais" de Michel de Montaigne, on pénètre dans l'esprit d'un homme profondément introspectif, curieux et avant-gardiste pour son époque. C'est une œuvre qui nous invite à nous questionner sur nous-mêmes et sur la nature humaine de manière générale.



J'ai été particulièrement séduit par la manière dont Montaigne tisse des réflexions sur des sujets aussi divers que l'amitié, l'éducation, la mort ou encore la morale. Son style, bien que parfois difficile d'accès pour le lecteur moderne en raison de ses tournures et références de l'époque, reste d'une élégance et d'une profondeur rarement égalées.



Cependant, je dois admettre que certains passages m'ont semblé répétitifs ou trop ancrés dans le contexte de son temps, ce qui peut occasionnellement entraver la fluidité de la lecture. Néanmoins, cette immersion dans l'esprit d'un homme du XVIe siècle a une valeur inestimable.



En somme, "Les Essais" demeurent, pour moi, une exploration fascinante de la pensée humaine, bien que l'œuvre nécessite parfois une lecture attentive et patiente. À tous ceux qui souhaitent se lancer, je recommande vivement de prendre le temps d'apprécier chaque essai individuellement, car chacun regorge de pépites de sagesse et d'insight.



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Les Essais

La prose de l'époque, même délicieusement adaptée par André Lanly, en dit long, déjà, par elle même, sur la sublime façon de vivre le monde d'alors, et pour autant les problèmes vitaux sont restés semblables aux nôtres.

Il sera le dépositaire du " discours de la servitude volontaire" de La Boétie, le seul ami de sa vie, mort très jeune.

Pour qui s'intéresserait à cet auteur du XVIe siècle, voilà un ouvrage à savourer onctueusement.

Le parcours de ce sage tout en humilité, simplicité et savoir vivre,pourrait faire bien des jaloux parmi beaucoup de philosophes qui se prennent sans doute trop au sérieux.

Exquis, de fouiller un peu dans ce discours dont l'auteur a gardé seul le fil, exquis de voir comment il a pu humblement et sciemment changer sa vision de l'homme entre le temps de sa jeunesse et celui de sa vieillesse, où il est beaucoup question des fondamentaux que sont la mort et la vie, la santé et la maladie, mais aussi des relations amoureuses.

Les références à la littérature de l'antiquité grecque et romaine sont omniprésentes.

Un long voyage en Europe lui fera prendre également de la distance à l'égard de multiples préjugés.



Un ouvrage majeur dans l'histoire de la littérature francophone.
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Journal de voyage

Lu en ligne sur BNF- Gallica/Les œuvres représentatives, 1932



Souffrant de « la maladie de la pierre », Montaigne entreprend en 1580 un très long voyage à travers l’Europe qui reste un témoignage des mœurs de cette époque, des bâtisses diverses, des lieux à visiter et surtout des « bains », des cures thermales déjà en vigueur, seuls moyens de faire passer les calculs et les problèmes rénaux. En plus de la qualité de l’eau et du bain, Montaigne en détaille physiquement les effets :il « fait » du sable, une grosse pierre, il a des douleurs de ventre, rend des vents, souffre plus qu’il ne le dit semble-t-il. Le voyageur devient vite Rabelais dans ses descriptions médicales. Et reste stoïcien dans ses souffrances :



"Or, le seul remède, la seule règle et l’unique science, pour éviter tous les maux qui assiègent l’homme de toutes parts et à toute heure, quels qu’ils soient, c’est de se résoudre à les souffrir humainement, ou à les terminer courageusement et promptement."



Outre ces aspects plus ou moins intimes, reste le voyage lui-même. C’est avec force détails que l’homme décrit ce qu’il voit, ce qui l’amuse. Parti donc, de son Château de Montaigne près de Bordeaux, il se dirige d’une traite (presque) jusqu’à Paris et sa région. A la lecture de ce voyage , il est utile de se munir d’une carte de l’itinéraire. Il passe ensuite dans l’Est de la France, comme s’il prenait l’A4 de l’époque, passe par les Vosges, Plombières, bien sûr mais aussi Remiremont, alors sous contrôle des abbesses où il trouve « bon gîte et bon logis » , poursuit par l’Alsace par la vallée de la Moselle, puis l’Allemagne avec un arrêt notable à Baden, la Suisse, puis l’Italie où il entre par le côté Est : Trente, Padoue, Venise puis Florence et la Toscane Jusqu’à Rome d’où il remontera jusqu’à Lucques pour redescendre ensuite et enfin repartir par Milan, Turin, la Savoie puis Lyon, Clermont, Limoges et la boucle est bouclée.

À chaque ville visitée Montaigne loue une maison « avec ses gens » et s’y promène, décrit ses bâtiments , le caractère de sa population parfois agréable, parfois hostile aux étrangers.

Ainsi décrit-il Rome :



"Je disois des commodités de Rome, entre autres, que c’est la plus commune ville du monde, et ou l’étrangeté et différance de nation se considère le moins ; car de sa nature c’est une ville rapiécée d’estrangiers ; chacun y est comme chez soi."



Il va au marché, assiste aux messes et aux fêtes religieuses. Un épisode amusant à Pise : deux prêtres s’empoignent car chacun voulait dire la messe et c’est une bataille à coups de poings, de bâtons et de chandeliers.

Il y rencontre aussi des personnages de haut rang comme le pape ou les seigneurs des régions, les maires des villages etc.

Lui, qu’on imagine reclus, se promenant dans sa bibliothèque, va à la rencontre des gens et converse volontiers.

Ecrit par Montaigne lui-même en français puis en italien puis en français de nouveau, dicté parfois à son secrétaire, ce voyage reste un documentaire humain sur l’art de voyager, de visiter, de s’enrichir intellectuellement sur les hommes et leurs mœurs, leurs coutumes et un document historique sur l’aspect de l’Europe à la fin du XVIe siècle. C’est, pour le lecteur un voyage dans le temps. Il serait intéressant de voir ce qui est resté.





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Essais, tome 3

[Remarque du 21 octobre 2015]

Le livre III des Essais, à la différence des deux autres, comprend peu de chapitres, mais ils sont très longs, très sinueux et pleins de surprises, ramenant dans leurs filets tous les thèmes possibles dans un ensemble que seul "l'indiligent lecteur" croira hasardeux et mal construit. Chaque chapitre peut se lire comme un tout, et d'ailleurs, certains ont été édités à part pour l'école, comme "de la Vanité", "Des coches" ou "de l'expérience". C'est une lecture "au long cours", une lecture qui accompagne le lecteur de longues années durant, qui le transforme souvent, s'il le veut bien, mais qui le transforme en lui-même, si j'ose dire, bien loin de l'aliéner à des pensées qui ne seraient pas les siennes. Montaigne affirme, enseigne peu : il montre comment examiner les pensées toutes faites et comment s'en défaire par le doute et la critique. C'est une école, mais de liberté d'esprit, qu'ont suivie ses lecteurs du siècle suivant, que l'on appelait Libertins.



[Relecture de novembre 2022]

Il n'y a pas plus de fin à la relecture de Montaigne, qu'il n'y en avait à l'écriture des Essais. L'auteur signale ce point au début de son essai sur la Vanité : tout le papier et toute l'encre du monde ne suffiraient pas à noter les activités d'un esprit humain, qui est par nature infini et capable, comme un champ en friche, de produire d'innombrables mauvaises herbes. Dans ce livre III des Essais, l'auteur se libère définitivement des contraintes formelles que l'on sentait encore parfois dans les deux livres précédents : il adopte de manière définitive la forme ouverte, digressive et imitant les caprices de la conversation. Un sujet ne peut être traité, encore moins épuisé, selon la méthode de la concentration et de la limitation : il faut, dit-il, l'aborder de biais, de travers et de mille autres façons, pour le traiter vraiment. Ainsi, l'essai sur les vers de Virgile parle peu des vers de Virgile, mais suffisamment, car ils sont éclairés par les réflexions de toute une vie passée à lire de la poésie, et aussi par l'expérience de toute une vie amoureuse : on sait bien que l'amour et la poésie sont liés. C'est ainsi que dans l'essai sur les vers de Virgile, on trouvera d'audacieux propos sur la vie sexuelle de l'auteur et sur la manière dont la sexualité est considérée dans la France de la Renaissance. Nous, lecteurs, déciderons s'il est loin, ou près, de Virgile et de ses vers. De même, c'est à nous de déceler le rapport entre les coches et la chute des empires aztèque et inca.



Enfin, la forme ouverte permet à la prose de Montaigne de se déployer selon tous les registres de style et les types d'éloquence, car l'auteur ne se limite jamais, ne se spécialise jamais, à un seul ton, à un seul type de langage et d'exposition ('dispositio" dans la rhétorique ancienne). On prendra plaisir au charme profond que ce refus des formes universitaires procure au texte. A ce titre-là, Montaigne est à l'opposé des philosophes systématiques, dont le meilleur exemple pourrait être Spinoza qui écrit son Ethique "more geometrico", à la façon d'une démonstration mathématique. Montaigne se qualifie de "philosophe imprémédité et fortuit", dont les "fantaisies [idées] se suivent, mais parfois c'est de loin, et se regardent, mais d'une vue oblique". La forme ouverte nuit parfois à la clarté du propos, mais elle construit une relation solide entre le lecteur et l'auteur, une amitié par-delà les siècles avec le meilleur des écrivains français : "il met le lecteur quel qu'il soit dans cet esprit d'humanité sereine dans lequel Montaigne vivait et voulait être compris" (Hugo Friedrich).
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Essais, tome 1

[Remarque du 29 novembre 2015]

Montaigne n'écrivait pas pour la postérité, mais pour "ses parents et amis", le cercle de ses contemporains et de sa classe sociale. Il ne croyait pas que son livre lui survivrait longtemps, car il voyait bien autour de lui les rapides transformations de la langue, lui qui baignait dans un univers linguistique mouvant et varié (gascon, latin, français). Il pensait que le temps rendrait vite sa prose incompréhensible, car elle n'avait pas la stabilité lapidaire du latin. Contre toute attente, c'est le latin qui s'est retiré de la scène, et le français qui a gagné sur lui, et sur le gascon : aussi lisons-nous Montaigne, avec d'énormes difficultés, exagérées au-delà du raisonnable par des éditions qui reproduisent l'orthographe et la ponctuation du temps (ou plutôt, les caprices graphiques du temps). La difficulté s'accroît de ce qu'il écrit à partir de deux sources : la littérature antique, surtout latine, et l'observation de moeurs et de temps révolus, les siens. Pourtant, dans sa fonction de passeur, Montaigne est unique : il rend actuels et parlants pour tous les temps les auteurs de la Grèce et de Rome, en leur prêtant sa voix et en entremêlant entre leurs citations la voix de sa méditation. Aussi le lecteur aura-t-il tout intérêt à se laisser naturaliser, au prix d'un effort, à l'univers de Montaigne, pour trouver le plaisir lucide d'y évoluer à sa guise. Ce plaisir, ou cette lucidité, seront décuplés si ce lecteur vit en des temps de division et de conflits civils et religieux, comme il semble que ce soit bientôt notre cas.



[Relecture d'octobre 2022].

Seule la mort a interrompu l'entreprise de Montaigne : il écrivait, puis ajoutait, allongeait et réécrivait par-dessus ses écrits, faisant siens les mots de Virgile, "vires adquirit eundo", il augmente ses forces en avançant. Il n'y a de même aucune limite à la relecture des Essais de Montaigne : ceux du livre I, comme du livre II, cherchent moins à transmettre un savoir derrière lequel ils s'effaceraient, qu'à donner à l'esprit de l'exercice, une gymnastique de réflexion, de méditation et de jugement, qui vaut pour elle-même et n'a d'autre but qu'elle-même.



L'auteur ne cesse de mentionner, citer, traduire et paraphraser les Anciens, qui souvent prescrivent, enseignent ou ramassent le sens en de fortes formules latines. Montaigne, loin d'imiter ces poètes et prosateurs qu'il cite et admire, évite de prescrire, d'affirmer et d'enseigner, de "former l'homme", comme il dit. Il se contente de se confronter à leurs pensées, et de nous y confronter en même temps, pour voir ce que cela donnera. Il s'éprouve au contact des grands Anciens, et nous, lecteurs, nous nous éprouvons au sien, afin de voir plus clairement nos contradictions, nos insuffisances, nos erreurs. L'essai est bien une école de doute méthodique et de scepticisme : quand le lecteur aura compris qu'il ne sait rien, il pourra commencer à apprendre quelque chose.



Qu'avons-nous à faire, aujourd'hui, de toutes ces vieilles pensées stoïciennes, épicuriennes et autres ? Combien de remarques, considérations et jugements de 1580 nous parlent encore ? On pourrait décréter que le contenu des Essais est périmé, inutile et vain, ce que Montaigne n'était pas loin de penser lui-même. Mais il ne s'agit pas du contenu, il s'agit de la méthode de l'essai telle qu'il l'invente : cette méthode d'examen humaniste des certitudes acquises, ne vieillit pas. Il suffit de prêter l'oreille aujourd'hui au bavardage de tous ceux qui l'ignorent, qui ne sont pas passés par le crible de la discipline humaniste : on comprendra vite toute l'actualité de Montaigne, écrivant et méditant dans sa tour au milieu des passions idéologiques déchaînées.



Dernier paradoxe : on aime Montaigne pour sa langue, lui qui exigeait que le mot s'efface derrière l'idée et que l'on ne prête aucune attention au style ni au langage. Mais on n'apprend bien sa méthode qu'en apprenant à parler et à penser selon ses propres termes, et en comprenant que le plaisir de lire sa prose fait aussi partie de l'apprentissage.



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De l'amitié

Le chapitre du livre I des Essais, que Montaigne consacre à l'amitié, aurait dû servir de préface aux écrits d'Etienne de la Boétie, ami de l'auteur, mort trop jeune. Montaigne projetait donc de placer au centre de son livre le livre d'un autre, à savoir "Le discours de la servitude volontaire". Il en fut empêché parce que des éditeurs genevois du parti protestant publièrent l'écrit de la Boétie avant lui, et il est probable qu'il ne voulut pas paraître leur donner raison en pleine guerre civile. Il se décida alors à publier, après "De l'amitié", vingt-neuf poèmes d'amour de son ami, dédiés à une dame. Mais quand Montaigne mourut à son tour, travaillant encore à son livre, son éditrice et héritière intellectuelle, Marie de Gournay, trouva les sonnets de la Boétie biffés dans l'édition finale que Montaigne préparait et qu'elle publia en 1595.

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"De l'amitié" est donc une préface aux écrits absents de la Boétie, et un hommage de l'auteur à son ami mort trop tôt. On n'y trouvera pas le détail, ni le récit, du peu de temps que dura l'amitié des deux hommes : Montaigne, dans ses Essais, n'a aucune intention autobiographique et les rares fois où il parle de lui-même, c'est à titre d'exemple parmi d'autres de la parfaite amitié qu'il se sent favorisé d'avoir vécue. C'est donc parmi d'autres exemples d'amitiés tirés des Anciens que l'on trouvera le témoignage personnel de l'auteur, ce qui n'empêche pas ces pages de vibrer d'une profonde émotion, d'autant plus belle qu'elle est mieux retenue. Mais le but est de définir la parfaite amitié en s'appuyant sur l'expérience personnelle de l'auteur et sur ses lectures : c'est la méthode même de l'essai.

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C'est à la politique qu'il faut revenir pour aborder correctement ce chapitre : Aristote, de toute son autorité, nous enseigne que rien n'est plus dangereux pour un état tyrannique, que l'amitié véritable de deux hommes. En effet, deux vrais amis se font absolument confiance, alors que le tyran appuie son pouvoir sur la peur et la méfiance que chacun a pour son prochain. La véritable amitié que forgent deux citoyens est donc le premier pas vers la liberté.
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