La famille est pour Sand une donnée fondamentale, un creuset, et la maison, un ancrage dans le temps, comme le jardin l’est dans la nature, et la terre, dans l’espace. « Le culte de la famille est faux et dangereux, mais le respect et la solidarité dans la famille sont nécessaires », écrit-elle en prélude à Histoire de ma vie. Ce legs de l’aristocratie, dont elle récuse les excès, elle le revendique pour tous.
L’amitié y joue un rôle aussi fort que l’amour. Autour de la garde rapprochée des Berrichons, noyau dur et durable, armature des engagements politiques et de la sociabilité quotidienne, les amis affluent, appelés par la maîtresse de maison, désireuse de créer une colonie d’artistes, refuge et avant-garde. Musiciens, peintres, graveurs, écrivains, comédiens, mais aussi hommes politiques, journalistes, ou simples admirateurs se succèdent et se croisent selon les modes et les conjonctures, le voyage étant facilité par les progrès des chemins de fer.
Nohant est une thébaïde, qui autorise une existence égalitaire, entre les membres de la famille élargie qui l’habite, y compris avec les domestiques et les paysans voisins qui « entrent dans la maison comme chez eux ». L’art y établit la communion des cœurs et des esprits.
La richesse des sources, dont l’affluence même traduit une singulière anxiété à l’égard des traces, conjuration de la perte, rempart contre l’usure du temps, permet de retrouver les détails du quotidien. Leurs éclats minuscules, monotones parfois, dessinent des physionomies dont les traits apparaissent peu à peu, par petites touches, dans le pointillisme de la toile. Au fil des jours, des parcours s’esquissent, des rencontres se font, des drames se nouent, des ruptures s’opèrent. Une œuvre se construit dans la nuit campagnarde.