Citations de Mick Herron (60)
Voilà le genre de réflexions qu’il s’efforçait de ne pas exprimer à voix haute, mais aucune règle n’interdisait de les penser. Tout le monde devait les penser, la notion de politesse en société n’était rien de plus qu’une haie cachant l’honnêteté. La normalité était rarement ce qu’elle prétendait être. Ça au moins, Vincent le savait.
Vincent Driscoll sentit l’une de ses fameuses migraines. Les fameuses migraines de Vincent, voilà comment feu sa mère les appelait, pour les distinguer de celles des autres. L’expression semblait adéquate. Aucun doute, celle-ci était bien l’une de ce genre. C’était comme si une bulle se frayait un chemin dans son cerveau en écrasant tout sur son passage.
Le choix des temps était toujours compliqué, quand on discutait avec une personne en deuil. Des excuses devaient être sous-entendues, pour cet affront que constituait le fait d’être en vie.
Et quand bien même il pourrait en savoir plus, ça n’effacerait pas la vérité indélébile de ce moment particulier passé à l’extérieur de la chapelle, où la dépouille de Liam était livrée aux flammes. Là, à ce moment précis, il ne savait rien. Et, quelque part, il ressentait encore moins d’émotions.
Âgée de vingt-cinq, vingt-six ans, brune, et la peau légèrement hâlée, elle s’approcha du pupitre, vêtue de noir, bien sûr. Presque sans lâcher son texte des yeux, elle lut un court poème à propos de ramoneurs avant de regagner sa place.
Jusque-là, Bettany avait à peine jeté un coup d’œil au principal sujet d’attention, mais en l’observant, maintenant, il s’aperçut que ce qu’il avait ressenti les trois jours précédents n’était pas du chagrin, mais de la torpeur.
Les pensées devenaient elles-mêmes des rituels. Il était comme un animal ou un jouet mécanique à remonter qui se traîne sans but sur le même chemin.
Le travail de Bettany n’était pas compliqué. Des camions arrivaient et le bétail qu’ils transportaient était acheminé dans les entrepôts. La viande qui en sortait quittait ensuite les lieux dans différents véhicules. Le rôle de Bettany consistait à y déposer la marchandise. Non seulement il n’exigeait aucune réflexion, mais il en imposait même l’absence totale.
Verrouiller la porte s’apparentait à un acte de foi ou de dérision, la serrure aurait eu grand-peine à résister à la plus légère des poussées, mais la chambre ne resterait pas vide bien longtemps, puisqu’une autre personne l’occupait pendant la journée. Bettany ne l’avait jamais rencontrée, mais ils étaient parvenus à un arrangement tacite. Son colocataire ne touchait pas aux affaires de Bettany, qui se limitaient à une brosse à dents, un sac de couchage et un exemplaire corné de Gens de Dublin de James Joyce trouvé dans le bus, tandis que lui épargnait ses vêtements, trois chemises et un pantalon militaire, qui pendaient à un crochet, sur la porte.
Oui parce que le chaos vient après la répression. C'est ça qu'il veut. Pas la révolte mais ce qui suit, quand le ton se durcit. Si les gens ne veulent pas voir un gamin décapité à la télé, ils veulent encore moins des émeutes devant leur porte.
Oui parce que le chaos vient après la répression. C'est ça qu'il veut. Pas la révolte mais ce qui suit, quand le ton se durcit. Si les gens ne veulent pas voir un gamin décapité à la télé, ils veulent encore moins des émeutes devant leur porte.
Il aimait Internet car cela rapprochait les gens. Sa génération avait embrassé le monde entier, twittait et bloguait à qui mieux mieux. Quand on chattait avec un utilisateurs appelé PartyDog, impossible de savoir s'il s'agissait d'un garçon ou d'une fille, d'un blanc ou d'un noir, musulman ou athée, jeune ou vieux.... C'était une bonne chose, non ?
C’était un maître espion fictif, qui dirigeait son réseau fictif. Le but était que nous nous mordions la queue. Nous avons fait une chose similaire pendant la guerre. Opération Hachis. Et l’une des leçons qu’on en a tirées, c’est qu’on peut en apprendre beaucoup à partir des détails qu’on voudrait te faire croire. Tu sais comment fonctionne le Service, River. Les gars et les filles des archives préfèrent la légende à la réalité. La vérité se déplace en ligne droite. Eux, ils préfèrent observer cachés dans un coin
Poser des questions, c’est bien. L’une de ses premières leçons. Si tu ne sais pas quelque chose, demande. Mais avant, essaie de deviner seul.
À présent, comme tous les nouveaux arrivés, ils se méfiaient autant l’un de l’autre que des résidents établis. Cependant, le monde du Service restait relativement petit, et les histoires avaient généralement circulé deux fois avant que la poussière ne soit retombée sur les décombres.
Comme tout le monde, le Service était paralysé par la législation : si vous viriez un inutile, il vous attaquait pour discrimination. Le Service les avait donc parqués dans une annexe perdue où on les abreuvait de paperasse, du harcèlement administratif pour les pousser à la démission. On les appelait les Tocards. Les ratés. Les losers. On les appelait les Tocards et leur chef était Jackson Lamb, que Dickie avait rencontré au Zoo des Barbouzes.
Chaque opération avait ses creux. Alors, on fermait les yeux et on examinait la situation. Il était à des kilomètres de chez lui, avec seize livres en poche. Le côté positif, c’est qu’il était là, maintenant, et qu’il se rendait compte à quel point ça lui avait manqué, de vivre la vie au lieu de la noyer dans la bière.
Les poubelles sont faites pour puer. C’est comme ça qu’on les reconnaît.
On ne cessait pas d’être journaliste simplement parce qu’on ne publiait plus. Surtout quand on savait qu’on tenait un scoop et qu’on attendait qu’il pointe son aileron dans les vagues des nouvelles quotidiennes. Quand cela arriverait, il saurait le reconnaître.
L’histoire récente prouvait que les gens étaient plus vulnérables quand ils se rendaient au travail. Non qu’ils soient plus faibles, mais pour la simple raison qu’ils étaient entassés dans un espace clos.
« N’oublie pas que le pire peut toujours empirer ».