Présentation de l'album "La Bourrasque" de MO Yan, prix Nobel de littérature, illustré par ZHU Chengliang. Publié aux éditions HongFei, septembre 2022.
Après une belle journée au champ, un enfant et son grand-père résistent ensemble à l'adversité.
« Tous ces gens-là sont partis dans la fleur de l'âge. Aussi, ces histoires du passé, si c'est possible, autant les oublier, surtout quand elles sont désagréables, n'ai-je pas raison, l'ami ?
_ Tu as tout à fait raison, mais il est des choses que l'on ne peut oublier, et si on ne peut les oublier, c'est qu'elles valent qu'on s'en rappelle, ne dit-on pas "les choses du passé qu'on ne peut oublier ont valeur d'enseignement pour celles à venir" ?»
Le Comité révolutionnaire du district lui avait demandé de faire une intervention pour pour les représentants des paysans pauvres gérant le lycées de tout le district et voilà ce qu'il avait dit « En fait ce n'est pas une question d'expérience, en quelques mots : il s'agit d'empêcher les descendants des propriétaires terriens, des paysans riches, des contre-révolutionnaires, des mauvais éléments et des droitistes d'aller à l'école et de savoir lire, cela est valable non seulement pour leurs enfants et petits-enfants, mais aussi pour les générations suivantes, de cette façon, le couleur de notre pays ne changera pas.»
Je me suis dit que les personnes vraiment redoutables ne sont pas celles qui se savent mauvaises, mais celles qui ne connaissent pas leur mauvaiseté, celles qui, au contraire, pensent qu'elles sont droites, bonnes. Les premières, en leur cœurs, gardent encore la notion du 'bon', tout en sachant qu'elles ne la mette pas en pratique ; les secondes n'ont en elles que le sentiment d'être dans le vrai, pensent toujours qu'elles ont raison, que les autres leur doivent quelque chose, détestent les autres, les insultent.
Au début des années 1960, à la fin de l'été et au début de l'automne, au canton Nord-est de Gaomi, la pluie est tombée, interminable, il est arrivé qu'on ne voie pas le soleil pendant quinze jours. Quand je me suis mis à lire des œuvres d'auteurs d'Amérique latine, j'ai eu le sentiment que ce temps pluvieux qu'ils décrivaient dans leur roman était vraiment très proche de celui de mon pays natal tel qu'il restait imprimé dans mon souvenir. Toutes ces pluies : fortes, moyennes, faibles, d'orage, mêlées de grésil, charriant parfois poissons et crevettes, pluies tombant sans fin, pluies interminables, plusieurs dizaines de centimètres d'eau dans les champs, crues faisant déborder les rivières, ruptures fréquentes de digues, tout cela mettait en danger vies humaines et animales.
Un moineau, une cigale dans le bec, passe haut dans les airs. L'insecte se débat, poussant des stridulations aiguës. Petit Ao entend la colère de la cigale, son refus de se laisser faire, une si grosse cigale, capturée par un si petit moineau, comment pourrait-elle se résigner ? Comme il fallait si attendre, elle se dégage du bec de l'oiseau et, tout en criant, se glisse dans le ciel. Jamais l'enfant n'aurait imaginé que les cigales pouvaient voler si haut.
Tout ce que j'ai écrit ci-dessus ne représente pas la part la plus importante de mon texte et pourrait être supprimé sans regret, toutefois, cette digression recrée l'atmosphère de toute une époque or, sans la présence d'un climat, un texte ne saurait être convaincant, qu'en dites-vous ?
_ Oncle, maintenant on peut le dire sans crainte. Après ma naissance, ma mère m'a confiée en cachette à sa sœur aînée, elle a prétendu que j'étais morte prématurément, puis elle a eu mon frère.
_ Avec le planning familial, il fallait du courage pour faire ça, mais le jeu en valait la chandelle, dis-je avec émotion.
_ Qu'est-ce que tu crois ? Partout sur terre c'est comme ça, quelle que soit la hauteur de la montagne, il y a des oiseaux qui la franchissent ; si serré que soit le filet, il y a des poissons qui passent au travers. Bon, voilà la ciboule avec la sauce, le ciel est grand, la terre est grande, mais notre appétit encore plus, on aime son père, on aime sa mère, mais pas autant que les agapes, allons, mangeons, frère, ne fais pas de manières ! »
Un teigneux
Un
J'étais retourné au village voir mon père. Tout content de ma visite, il m'avait préparé du thé. Avec les années, un père et un fils deviennent comme des frères, que dis-je, comme des amis.
La façon grossière et acharnée de manger de Chang Lin ouvrit sans doute des horizons nouveaux à la bande de jeunes instruits. Ils n'avaient jamais dû voir quelqu'un comme ça. Il y avait parmi eux une fille qui s'est acquis par la suite une petite réputation d'auteur, j'ai lu une fois un morceau de sa prose intitulé ½Le mangeur de feuilles de mauves», dans lequel elle narrait avec piquant cet épisode «Était-ce bien un homme ? Il est clair que c'était un bélier affamé ! En voyant le jus verdâtre couler de sa bouche et ses yeux révulsés par la taille de ses bouchées, j'ai eu subitement l'impression que des cornes lui poussaient sur la tête...»
Après avoir avalé plusieurs poignées de feuilles et de capsules, Chang Lin se leva, se frotta le ventre, se frappa la poitrine, fit quelques mouvements pour se décoincer les articulations, poussa un rugissement et avança vers Shan Xiongfei.
Vous aurez beau employer chiens-loups, couteaux de parachutiste, grenades à mains, lance-flammes, bombes lacrymogènes, bombes roses, DDVP, Fenvalérate, vermifuge, appareils d’écoute sans fil, télégraphe Morse, séduction féminine, ligatures des trompes, hypnotisme, intimidation, poulet croustillant, bière de Yimengshan, lunettes cerclées d’or, votre femme en mal d’amour, votre misérable père qui va tirer un coup au bordel, potions magiques haut de gamme, perquisitions et gendarmes, lampes de poche et bracelets de fer, complots et intrigues, belles paroles et phrases bien tournées, voue et serments, corruption et racolage, putain et putassiers, holothurie et nids d’hirondelles, sabots de chameau et pattes d’ours, concombre et aubergines… vous aurez bien du mal à ébranler ma volonté de fer.
(Points, p. 68)