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Critiques de Nastassja Martin (153)
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Croire aux fauves

C'est un texte unique par la puissance de sa singularité. Comment se reconstruire ? Comment se recomposer, se retrouver après avoir été émiettée ? Nastassja Martin déploie son récit avec sincérité et profondeur, ne refusant de se poser aucune question. Elle nous emmène ce faisant aux limites du dicible et de l'humain. C'est sa trajectoire émouvante, perturbante aux limites de l'humanité qui est ici passionnante. Le lecteur, grâce à la précision de la phrase est traversé par le combat entre plusieurs conceptions du monde, de l'être. Nastassja nous impose son voyage entre science et conscience. Un texte dont on ne sort pas sans une profonde remise en question. Bravo !
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Croire aux fauves

J’ai voulu lire ce livre dès que j’en ai eu connaissance, avec impatience. Dès le titre, il ne ressemble à aucun autre. Il traite d’un sujet rare, que j’imagine peu traité. Celui de notre lien invisible, inconscient, informulé, archaïque, aux animaux. C’est une anthropologue qui écrit son expérience d’une rencontre des plus étranges (et violente) avec un ours, qui décortique ce qui s’est passé en elle avant, pendant et après cette rencontre. C’est tout à tour incompréhensible (certains passages de son introspection me sont restés étrangers) et incroyable (si ce lien existe, c’est un nouveau monde qui apparaît), mais toujours d’une honnêteté indubitable dans le questionnement. C’est, à l’œuvre, la quête des humains à comprendre le monde, l’intérieur et l’extérieur. C’est pour ça que c’est si précieux.
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Les âmes sauvages

Nastassja Martin, jeune ethnologue débutante a trouvé son terrain d'étude dans le lointain et glacial Alaska auprès de la population Gwich'in, un peuple de chasseurs cueilleurs de la taïga subarctique, en ces temps de bouleversements climatiques. Ceux-ci sont bien plus perceptibles là-bas car ils perturbent fortement la vie Alaskane et le cycle de retour des animaux sur lequel se fonde leur culture.



Pourtant il ne s'agit pas là de larmoyer ou de déplorer. Elle nous parle d'un peuple contemporain qui n'ignore pas que les causes des perturbations de son environnement se trouvent dans le mode de vie des occidentaux. Nastassja Martin nous fait comprendre leur vision du monde et leur façon de s'y inscrire au présent. Un chapitre très intéressant est consacré à leurs interactions et leurs incompréhensions avec les écologistes. Alors que pour les écologistes l'environnement en général et l'Alaska en particulier sont des sanctuaires de "wilderness" à protéger (contre l'exploitation capitaliste), mais auxquels les hommes (y compris les Gwich'in) sont extérieurs; qu'ils ne doivent pas déranger et en même temps un domaine à gérer pour que le "sauvage" s'y épanouisse. Pleins de bonne volonté et pour améliorer les conditions de vie et préserver l'environnement, des responsables de la protection de l'environnement envisagent de faire cultiver des patates aux Gwich'in et rachètent des terres pour qu'elles soient intégrées à la zone de préservation. Pour les Gwich'ins, il s'agit un monde à vivre ( et pas à contempler) qui n'existe que par les relations étroites entre les humains et les non humains. Chacun y trouve sa subsistance et son identité dans le respect qui n'exclut pas la prédation et la mort violente d'un des protagonistes. Dans l'univers Gwich'in, le non humain ne se donne en proie qu'à celui qui a su respecter les règles et bien se conduire, être à l'écoute. On ne gère pas les caribous qui sont des individus avec leur libre arbitre : ce serait leur manquer de respect et briser la relation. On ne cultive pas davantage des patates. Pour autant les Gwich'ins savent utiliser le langage des écologistes pour défendre leur territoire contre les projets d'exploitation minière ou pétrolière.



Après cette entrée en matière et après avoir fait le récit de l'époque du contact et de l'arrivée des missionnaires, prélude aux relations actuelles avec les autorités américaines, l'auteure va chercher au delà du discours et du visage présentés aux autorités américaines. Elle se plonge ce qu'elle appelle " l'entremonde", les zones obscures qui se déploient entre l'humain et le non humain .. les âmes sauvages qui sont extérieures aux hommes, qu'ils ne contrôlent pas mais qui vivent en relation avec eux. Cette partie est plus difficile à relater mais elle nous montre la richesse d'un autre regard sur l'environnement et les animaux.



Nastassja Martin offre un récit éblouissant de sa rencontre d'ethnologue et nous offre une rencontre avec ces hommes et ces femmes du Grand Nord en train, non pas de préserver un monde ancien, mais de construire un monde à leur façon particulière au milieu de bouleversements qui les dépassent.

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Croire aux fauves

Quelque part au Kamtchatka, Nastassja Martin a croisé la route d'un ours. Elle a survécu, mais tout juste. Dans un hôpital local, puis en France, commence le chemin de la reconstruction, de sa mâchoire mais pas que....La rencontre a changé quelque chose et elle se débat, coule, entre rêves et questions.

C'est écrit par une anthropologue et ça se voit, et moi qui suis franchement hermétique dès que ça vire à l'animisme, j'ai parfois lutté pour continuer, pour ne pas tourner les pages sans y rien comprendre pour atteindre la fin. C'est un récit passionnant, et j'ai beaucoup aimé la galerie de personnages qu'elle nous présente, mais je suis un peu trop terre à terre pour ça en fait, ou trop occidentale, quand l'ours et l'humain se mêlent et dialoguent ainsi. Cela n'en reste pas moins intéressant et je suis contente de l'avoir lu.
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Croire aux fauves

Récit d'une renaissance. Une anthropologue retrace sa rencontre avec un ours en Sibérie, rencontre qui aurait pu être mortelle. Elle y a laissé une partie de sa mâchoire. Si l'épopée en tant que telle est déjà incroyable, c'est le cheminement intérieur de l'auteure qui m'a le plus captivée. Sa connaissance des peuples indigènes et de leur culture animiste éclaire son histoire avec beaucoup de force et notre rationalisme occidental vacille. Très belle écriture pour un récit hors norme !
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Croire aux fauves

C'est un roman de faces à faces. Une femme et un ours. Le passé et son présent. L'orient et l'occident. La vie urbaine et la vie sauvage. Paris et sa province.

C'est l'histoire d'une blessure, d'une béance qui devient un passage, l'histoire d'un accident qui devient une naissance, d'une vision qui devient un bouleversement.

La narratrice, anthropologue, nous parle d'un instant de vie devenu frontière. Cette femme a rencontré un ours. Elle a survécu. Elle s'est recontruite autour de cela mais cette rencontre était en germe en elle.

Animisme, soin, changement d'état, (re)contruction identitaire, culture... autant de voix et de voies explorées dans ce petit roman dense.
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Croire aux fauves

Magnifique roman, inattendu et fort (fauve) d'une anthropologue qui est attaquée et survit à un ours. Au lieu de penser l'accident comme une mort, l'auteur assisté à sa propre naissance. L'attaque devient moment fondateur, d'une identité complexe et d'une littérature sublime.
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Croire aux fauves

Je l'ai dévoré !

Magnifique et incroyable récit.

Il y a cette rencontre avec l'ours, cette lutte presque irréelle... Mais surtout il y a cette quête, cette rencontre, cette recherche, cette vérité, ce parcours. L'écriture est vraie, précise, imagée, sans fioriture, pure. C'est une histoire pure, puissante, profonde écrite par une femme un peu hors norme mais tellement authentique dans sa lutte, dans sa recherche. J'ai vraiment aimé ce livre, je me suis attachée à ce personnage fort, à cet ours aussi et à ces croyances si vraies. Je ne peux parler de l'histoire sans la dénaturer, tant il s'agit là d'un vécu.

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Croire aux fauves

Que dire ? Que dire de ce voyage mystique et envoûtant que nous confie Nastassja Martin ? Que dire qui ne soit de trop à côté de ces propos ? Que dire si ce n’est merci. Merci de nous ouvrir ainsi un voyage, une rencontre, déséquilibrée, déséquilibrante, perturbante. Merci de nous offrir une entrevue sur ce qui a bien pu se produire. Merci de nous livrer cette pépite qui retrace plus qu’un événement à sensation. Qui retrace une rencontre, attendue depuis finalement si longtemps. Merci de nous offrir cette once de sensations perçues. Mais que nous sommes finalement si loin d’imaginer à hauteur de son intensité. Merci et bravo. Non pas pour avoir su dépasser ce jour là. Mais bel et bien pour cette force d’écriture qui y transpire. Et merci de nous confier un peu de ce monde, là bas.
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Croire aux fauves

Nastassja Martin, anthropologue, auteur des Ames sauvages relatant son expérience chez les Gwich’in d’Alaska, raconte ici sa rencontre fulgurante avec un ours lors de son séjour chez les Evènes au Kamtchatka en août 2015, rencontre qui se solda par un bout de mâchoire en moins, une opération d’urgence dans un hôpital de Sibérie et un rapatriement en France pour une nouvelle greffe. Cet événement est pour l’auteur le départ d’une réflexion sur ce qui causé sa rencontre avec l’ours et qu’elle attribue à son séjour en Alaska où la conception Gwich’in d’un univers où la frontière entre les hommes et les animaux est poreuse a durablement marqué son esprit. Elle a retrouvé cette même conception chez les Evènes qu’elle rejoint après sa convalescence en France pour comprendre son obsession avec la figure de l’ours et retrouver la paix de l’esprit.

Suivre l’itinéraire de Nastassja Martin, en dehors de la découverte des pratiques culturelles des peuples du Grand Nord, est une plongée dans les mystères de l’âme humaine en un temps où l’humanité vivait encore en étroite relation avec la nature et dont un écho nous parvient à travers les récits et les mythes transmis de génération en génération par les dernières populations à vivre encore dans un environnement sauvage et hostile. Apparaît alors une cartographie du monde où les frontières entre les êtres vivants ne sont pas étanches. Sa rencontre avec l’ours serait alors le symbole de la perméabilité du réel où le vivant se donne à voir sous de multiples facettes.



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Croire aux fauves

Ce récit est une lecture qui a été enrichissante pour moi.



Tout d'abord car je ne connais que trop peu le domaine de l'anthropologie. Nous découvrons à quel point c'est un métier de passion, aussi bien parce qu'il faut passer du temps sur le terrain, s'adapter aux modes de vie de nos hôtes, mais surtout parce qu'il faut se questionner constamment, tout remettre en cause. Ma méconnaissance dans ce domaine m'a empêché de comprendre certaines réflexions de l'auteure.



Ensuite, parce que ce livre nous emporte chez le peuple des Evenes, qui a un mode de vie, des coutumes, un climat, une spiritualité bien différents de notre société occidentale .



A travers son travail, sa vie atypique, ses combats, ses recherches, Nastassja Martin nous ouvre la voie vers un questionnement sur nous, sur notre monde, grâce à un style d'écriture particulier et envoûtant.
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Croire aux fauves

Un livre qui interroge notre rapport au monde.

Nastassja est une jeune anthropologue sociale (ex ethnologue) élève de Descola.

De ces peuples qu’elle étudie (les Evènes de Russie notamment), elle apprends une vision du monde différente pour progressivement adhèrer à cette cosmogonie animiste qui fait de chaque chose qui vit, mais aussi desminéraux, des êtres doués d’une « âme » qui communique avec les autres.

Ceci ne donnerait pas un roman puissant si Nastassja n’avait pas vécu une rencontre fulgurante avec un ours. Tout deux errent sur des sommets où ni l’un, ni l’autre ne devrait être quand ils se rencontrent tout deux ressentent la peur et l’attirance... l’ours va attaquer, Nastassja va perdre une partie de son visage mais elle arrive à se défendre avec un piolet. L’ours s’en fuit en boitant. Ils se quittent, elle est marquée à vie. Pour autant, le récit ne reste pas bloqué sur cette rencontre violente, elle est juste le prétexte au long cheminement vers une re naissance.

Après de longue semaine d’hôpital, de souffrance et de doute , elle se sent devenir une sorte d’être hydrique. A peine, remise elle repart vers le Kamchatka. Pour les Evènes elle est celle qui vit entre deux mondes, celle qui peut communiquer avec les fauves.

Un récit poignant et fascinant qui fait douter de notre vision d’occidental sur le monde. Une vision autiste qui rend la communication avec le monde non-humain impossible. Faut-il passer par une épreuve aussi traumatisante pour s’ouvrir au « vrai » monde ? Qui peut-être notre ours pour nous éclairer sur une autre façon de concevoir l’univers ?

Un livre qui remet en question bien des choses pour peu qu’on prenne le temps de lire avec attention et qu’on ne reste pas focalisé sur cette rencontre inédite.
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Croire aux fauves

C'est un petit récit riche en réflexions. On se met facilement à la place de cette anthropologue qui au cours de l'un de ses voyages va vivre un épisode traumatique. Au cœur de son intimité, on assiste à sa renaissance. On a accès à son passé, son présent et son futur. Au cours des expériences racontées, l'auteure nous donne à voir deux visions du monde qui se confronte. Je trouve que cet aspect du récit est très bien réalisé. Comment, nous, Français (culture occidentale, pays développé) analysons le traumatisme physique et psychique? Quelles stratégies mettons-nous en place pour accueillir l'événement extraordinaire? Comment d'autres peuples autochtones, en particulier celui vivant à Tvain dans le Kamtchatka, analysent le traumatisme physique et psychique? Quelles stratégies mettent-ils en place pour accueillir l’événement extraordinaire? On y découvre une culture riche d'histoire, en communion avec leur environnement, les rêves et les esprits. Des vies au rythme des aléas de la nature, du temps. Cela nous questionne sur nos liens avec cet environnement et comment nous vivons avec. Là encore on perçoit la dualité entre les deux cultures développées.



L'auteure questionne également l'identité. Qu'est-ce qui fait que nous sommes nous. Comment se construisons-nous? Comment pouvons-nous nous reconstruire, nous réinventer? Comment, soi, pouvons-nous accueillir et dépasser l’événement?



En bref (parce qu'il y aurait bien plus à dire): Dans ce livre vous trouverez beaucoup de réflexions, de beaux paysages, de belles découvertes, des rencontres riches. Un livre intime qui ouvre les horizons. Je le recommande sans modération. Je crois qu'il n'y a rien que je n'ai pas aimé!;)!



Bonne lecture!
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Croire aux fauves

Je reconnais la ténacité de l'auteure, mais hormis cela je ne retiendra rien de particulier de ce livre. Je garde l'impression que l'auteure écrit pour elle, pour guérir ses plaies psychiques (ce qui n'est pas un reproche), sans réelle volonté de transmettre quelque chose de particulier.

Moi qui suis d'habitude amateur d'ouvrages dans ce genre, celui là m'a laissé assez indifférent.

Mais c'est peut-être moi qui ne suit pas réceptif à ce style et à certaines idées exprimées
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Croire aux fauves

J'ai été intrigué par ce récit d'une rencontre qui aurait pu être dramatique entre un ours et N.Martin, jeune ethnologue. La première partie du livre, celle qui relate l'accident et le rétablissement physique de l'écrivaine, m'a plu. La deuxième partie, m'a paru nébuleuse.
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Croire aux fauves

Un récit autobiographique percutant, raconté par une anthropologue spécialiste des peuples arctiques, d’origine iséroise. Dès les premières pages nous plongeons dans la gueule de l’ours avec l’héroïne, au visage défiguré par une morsure, qu’elle appelle aussi « le baiser de l’ours ». Le langage est soutenu, le récit poétique et philosophique : l’auteure interroge les liens entre monde animal et monde humain, met en avant la porosité des définitions. Son expérience sibérienne bouleversante prend des accents chamaniques, et l’on assiste à une forme de re-naissance, tandis que son corps malmené cherche des soins d’un hôpital à l’autre. Le récit hypnotique d’une sorte de guerrière qui donne du sens à son expérience violente et cherche l’apaisement.
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Croire aux fauves

Spécialiste des populations arctiques, l'anthropologue Nastassja Martin est attaquée par un ours le 25 août 2015. Tels sont les faits .

Mais la principale intéressée préfère évoquer l'événement en tant que rencontre et échange, car si l'ours l'a défigurée, emportant en lui une partie du visage de l'humaine , elle-même estime que les frontières entre humain et animal sont poreuses et qu'elle a donc gardé en elle quelque chose de l'ours.

 En effet, l'ours n'est pas n'importe quel animal, il faisait partie selon l'auteure de sa destinée, de son rêve et la rencontre était inéluctable.

L'animisme est au cœur de ce récit exigeant et poétique qui raconte tout à la fois une reconstruction mais aussi la nécessité d'instaurer "une négociation au sujet du monde dans lequel nous allons vivre."

Un récit enthousiasmant.
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À l'est des rêves

« Winter is coming... »



Cette sentence emblématique de la série « Games of thrones » convient parfaitement pour amorcer cette chronique sur cet essai de Nastassja Martin « A l'Est des rêves », auteure notamment du saisissant « Croire aux fauves » dont j'ai précédemment rédigé une chronique.



Dans « Games of thrones », la « Garde de la nuit » veille à l'extrême Nord de Westeros. Elle est aux avant- postes pour affronter le péril mortel du froid et des créatures d'outre tombe.

Les royaumes et leurs souverains sont dans l'ignorance ou le déni de la nuit « sombre et pleine de terreur » qui progresse inexorablement.



L'anthropologue, avec « A l'Est des rêves » continue de retranscrire ses investigations de terrain dans le grand Nord. Elle a parallèlement étudié les populations des deux côtés du détroit de Bering les Gwich'in en Alaska et les Even au Kamtchatka russe.



Ces populations sont aux avants-postes du dérèglement climatique, comme le sont les Indiens d'Amazonie. Ces hommes et ces femmes subissent violemment la catastrophe dans leur quotidien de (sur)vie, tandis que pour nos gouvernants politiques et économiques, le dérèglement climatique n'est qu'un élément de langage parmi d'autres. On s'agite d'une COP à l'autre à coups de textes légaux et réglementaires, morts nés et en toute hypothèse ils ne traitent qu'une partie des problèmes.



Avec ces circulaires, l'air ne circule pas plus propre.



De plus, les Even ont du affronter l'effondrement depuis 1989 du pouvoir politique de l'ex-URSS.

Ces territoires offrent par conséquent une matière première in vivo, d'un intérêt tragique mais inspirant, de l'adaptation et de la détresse des hommes dans des situations d'effondrement.





Les bouleversements sont déjà à l'oeuvre dans le grand Nord, l'Arctique ne joue plus son rôle de régulateur thermique, la fonte du permafrost provoque l'effondrement des berges La taïga brûle, la faune se raréfie, le permafrost se disloque…



Les Even ne peuvent revenir au mode de vie pré-soviétique, les rennes ne sont plus avec eux. Beaucoup se lancent peu ou prou dans le braconnage pour satisfaire la demande des riches des villes en Russie et ailleurs. Des filières quasi industrielles fonctionnent en toute impunité, leurs responsables ont les ressources pour corrompre, contrairement à ceux qui pratiquent un braconnage de survie.



Face au dérèglement climatique, l'auteure rappelle que le débat en définitive est binaire.

Deux camps s'affrontent. Pour les uns la catastrophe, intimement liée à notre modèle économique, est inévitable et déjà en cours (collapsologie), pour les autres, il faut faire confiance à la géo-ingénierie qui va sauver la Terre.



Cette géo-ingéniérie est un leurre ; elle peut être séduisante a priori et fonctionner en laboratoire, mais en application industrielle c'est une toute autre histoire ; surtout il y a des dommages collatéraux imprévisibles et irréversibles. La technologie EPR n'est toujours pas techniquement et économiquement maîtrisée et dans le scénario le plus rose elle ne serait opérationnelle que trop tard eu égard au calendrier de l'urgence climatique.

Et contrairement à ce que les nucléaristes martèlent dans une mortelle propagande, la filière nucléaire est sale, très sale, dangereuse, très dangereuse.

En particulier, on met sous le tapis les montagnes de déchets ultimes à forte toxicité en espérant (??) que nos enfants, petits enfants trouveront une solution et qu'entre temps aucun « accident » majeur et/ou folie humaine ne mettent le feu à ces déchets hautement inflammables.

Certains scientifiques font des propositions pour « refroidir la terre » comme le plan Paul Crutzen qui consisterait à infecter l'atmosphère (pardon injecter...) avec du souffre…

En somme, se rapprocher des effets d'une méga éruption volcanique qui voile le soleil. Qui peut savoir ce que deviendrait la photosynthèse dans ces conditions ?



On retrouve l'éternelle prétention de l'homme à se croire maître de l'univers, comme si c'était lui (ou un Dieu à son service) qui avait créé l'air, l'eau, le feu, la terre.

Sans remonter aux textes bibliques canoniques, la philosophie occidentale regorge de cette croyance en la domination de l'homme à contrôler les éléments. Ainsi pour Descartes dans son ouvrage fondateur :

« nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. » (Discours de la méthode 1637 ed Garnier Flammarion p. 84)



Nastassja Martin a identifié une troisième voie au Kamtchaka : l'animisme. Ses travaux se sont d'abord inscrits dans ceux de Philippe Descola puis de Charles Stepanoff avec lequel elle a initié sa première campagne au Kamtchatka.



C'est lors d'une de ses campagnes suivantes en solo que le 25 août 2015 elle a du affronter cet ours. A cet égard il n'est pas neutre de relever que la fille de l'anthropologue s'appelle Ayla,...difficile de ne pas procéder au rapprochement avec l'héroïne de la saga culte préhistorique de Jean Marie Auel « Les enfants de la Terre » où Ayla encore enfant est « choisie » par un ours des cavernes qui la marque profondément de ses griffes en épargnant l'enfant.



Le constat de l'anthropologue est que l'animisme est une réponse à la crise écologique. On rappellera que l'animisme est la croyance que l'homme partage avec tous les êtres vivants (animaux et végétaux) et éléments de la Nature (minéraux, nuages, rivières….) une âme. Dans certaines conditions, notamment lors de rêves, les âmes communiquent.

Ce sont les corps qui séparent les âmes. Il importe de recréer une fluidité dans cette communication, en particulier les animaux précédent les humains, ils anticipent les changements (p. 163), les catastrophes qui sont à l’œuvre sont en lien avec la rupture opérée avec les êtres et éléments qui.nous entourent et avec lesquels nous sommes en définitive intiment liés.



Au regard de la pensée dominante occidentale, au contraire, ce sont les apparences corporelles qui nous rapprochent sur une base biologique, etc e qui nous différencie ce sont nos âmes. C'est le naturalisme qui s'oppose à l'animisme..



« Nous venons d'une humanité qui commence tout juste à reconnaître péniblement qu'on puisse s'adresser aux animaux et aux plantes, mais qui conçoit difficilement qu'on puisse vraiment parler à une rivière, au feu, au ciel. » (p. 275)



Pourtant, les consciences ne sont plus autant sédimentarisées.

Ainsi la question, impensable il y a peu, de l'octroi de la personnalité juridique à un cours d'eau, à une montagne ….a été introduite dans le débat public.



Sur un plan plus philosophique, cela questionne naturellement sur la sacro-sainte distinction entre Nature et Culture, existe t-il une pensée indépendante de l'homme, antérieure (p. 246 et 247)  ? N'en déplaise à des professeurs de philosophie académiques type Luc Ferry, ces interrogations n'ont rien d'azimutées.



L'animisme et son terroir du Grand Nord ne sont naturellement pas exportables en l'état à nos sociétés occidentales.

Toutefois, cette étude de Nastassja Martin confirme s'il en était besoin, combien une mutation spirituelle est nécessaire

« En remplaçant le sacré par la raison et la science il (le monde moderne) a perdu tout sens des limites et par là même, c'est le sens qu'il a sacrifié. (…) La science, en tout cas ne peut plus échapper à sa responsabilité (…) les scientifiques préfèrent de beaucoup s'abriter derrière le mythe de la neutralité de la science » (« La marque du sacré » Jean-Pierre Dupuy p. 104, 115 et 116 et du même auteur notamment « Retour de Tchernobyl Journal d'un homme en colère »)



Cette mutation doit se matérialiser dans un changement radical de notre « modèle » économique (Entre autres, Hervé Kempf « Comment les riches détruisent notre planète », « Le libéralisme contre le capitalisme » de Valérie Charolles)



Ces révolutions culturelles doivent intervenir pour lutter contre nos démons et permettre de réagir face au dérèglement climatique.



En conclusion, formellement, la lecture de ce livre est un peu déconcertante. le propos n'est pas linéaire, alternant des séquences de terrain, d'autres plus théoriques. Mais pour autant, pas besoin d'être docteur es anthropologie pour suivre l'auteure.

Mais sur le fond, un livre très intéressant, stimulant.
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Croire aux fauves

L'événement n'est pas : « Une lectrice se fait attaquer en rêve par un chien après avoir lu le récit d'une anthropologue, elle-même attaquée par un ours »



L'événement est : « Une lectrice rencontre son animal totem après avoir lu le récit aux accents chamaniques d'une exploratrice hors norme »



Viens, lecteur, enfoncer ta tête dans la gueule béante de l'ours comme on enfonce sa langue dans la gorge de celui qui nous happe. Viens sentir les os de ton crâne se briser, ta mâchoire s'effriter et la peau de tes joues se lacérer. Adonne-toi, lecteur, au baiser de la mort, viens faire l'expérience de la liminarité dangereuse et dépose au creux de l'ours un peu de ce qui fait de toi un être humain ; reçois, en échange, un peu de ce qui fait de lui un ours, un fauve.



Je dors plus dans mon lit depuis des semaines, lecteur. Déplacée, c'est le rêve qui envahit mes nuits, habité de chiens sauvages et rugissants depuis que le récit de Nastassja Martin est entré en moi. Ce chien, gardien de mon corps que je malmène, de mes instincts que je n'écoute plus, protecteur féroce qui m'emprisonne est aussi l'expression de la façon dont je me sens trop souvent traitée en ce bas-monde… Je veux bien, madame Martin, si vous passez par là, que l'ourse qui est en vous apprenne au chien qui est en moi à se repérer dans sa propre cosmogonie, car au fond de ce trou qui me sert d'univers onirique, je ne sais plus très bien si je dois encore croire aux fauves et à la force de ma propre nature.

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Croire aux fauves

Si vous aimez la plume de Tesson : ces récits autant historiques que naturalistes et la poésie de ses mots ; si vous avez aimé le Lambeau de Philippe Lançon : le témoignage d’un écorché vif où chaque mot est à sa place ; vous ne pourrez qu’aimer ce roman de Natassja Martin.



Dès les premières lignes, j’ai été emportée , j’ai su que « Croire aux fauves »serait un mélange de nature writing et d’animalisme.

Dans la région de Kamtchatka, Natassja échappe par miracle à une rencontre fortuite avec un ours, rencontre qui s’est soldée par de nombreuses blessures dont une important à la mâchoire. Elle raconte ces montagnes, ces terres isolées, ces peuples reculés et ce lien imperceptible qui s’est noué entre elle et ce fauve.

On suit sa reconstruction faciale et intérieure, sa quête de sens et sa soif de retourner dans cette région si inhospitalière mais où elle se sent bien. C’est une anthropologue spécialisée dans les peuples articles, une véritable passionnée, qui tentent d’établir des connexions là où il ne semble pas y en avoir.

Surnommée la Mathuka « l’ourse » par le clan évène où elle séjourne, elle cherche, elle questionne cette connexion établie entre elle et la bête. La qualité de son écriture vient ajouter de la poésie à sa description, elle frôle le chamanisme, le mystique avec cette blessure qui fait corps avec son être.

C’est totalement envoutant et captivant, c’est intime et passionnel, c’est fusionnel et spirituel.

Une lecture coup de cœur, un véritable coup de griffe donné au lecteur, qui le saisit au corps et au cœur. J’ai voulu prolonger mon plaisir en ne lisant que quelques pages par jour tant les mots de l’auteur tombaient juste. J’ai refermé ce livre la boule au ventre avec une seule envie : rejoindre ces montagnes et sourire à l’ours.

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