Citations de Natalie Clifford Barney (50)
Combien chèrement est-elle moi ?
Combien chèrement est-elle moi ?
Combien chèrement, combien très chèrement suis-je elle ?
Je vous donne quelques extraits de cette oeuvre que j’ai trouvé particulièrement piquants et drôles :
Ne croyez pas qu’aux médiocres il n’arrive que le médiocre : il leur arrive des choses exceptionnelles, mais sans qu’ils s’en aperçoivent.
Les gens gagnent - comme les pêches - à être séparés les uns des autres par une ouate de bonnes manières.
N’être reconnu qu’après sa mort - afin d’être dérangé le plus tard possible.
L’amour heureux se vit,
Le malheureux s’écrit.
On n’assouvit pas un amour, on l’augmente, on évolue avec lui en le faisant évoluer avec soi.
Leurs jeux de patience (sans réussite)
Éclats d’impatience
Ou duels de silence?
Quand la patrie aura l'intuition, l'initiative, les appréhensions, les soucis d'une mère, on pourra peut-être la sauver de la calamiteuse négligence des conseils d'hommes.
Il n'y a pas de sexe ennemi : l'ennemi de l'homme, c'est l'homme.
VERS PRIS AUX POÈMES QUE JE N'ÉCRIRAI PAS
Sentiments exprimés : libretti d'opéra.
La saveur à venir des choses retrouvées...
Ces lointaines vallées
Qui fument de l'azur...
Je fus heureux
Avec ses seuls yeux
— Et cet amour miraculeux
Entre nous deux.
Heureuses, bienheureuses.
Les villes vaniteuses
Se mirent dans ses eaux...
Un homme, au chapeau dur, de la ville coupable,
À travers la forêt a l'air d'un corbillard.
L'humidité du sol clapote à mes semelles,
Mars accourt, secouant ses écharpes de vent.
De toute leur adolescence
Ils se ruent contre la nuit.
Le mois de mai, comme un poète anglais
Le soleil est venu me chercher dans mon lit
S'en aller n'importe où,
Le bras autour d'un cou.
Vers ces autres couleurs que contiennent nos ombres.
Piano : harpe couchée en ton cercueil sonore.
Harpe, eau mise en musique, cordes... pluie...
Quelque mort pourrissant au fond des marécages
Et le crépuscule laisse tomber la lune…
La lune, lanterne sourde aux mains de la nuit...
Luisante aumône,
Pièce d'argent que nous jette la nuit...
La lune haut cernée de tout son devenir...
Son profil blanc et froid : un fragment de la lune
Et ses mains dans la nuit, fargilités lunaires.
Les grands bouleaux aux yeux de Pharaonne,
Noirs dans leur blanche peau.
De ma verdure citadine.
La branche verte se dandine
À ma fenêtre — Un vers anglais
Ignore le mal qu'il me fait.
M'évanouir dans du brouillard
La face d'un noyé flotte au ras des hublots.
pp.19-21
ÉQUINOXE
Ce soir, j'ai tout l'automne en moi,
Ses gris, ses désespoirs, ses morts et ses tempêtes,
Et tout le menaçant émoi
Des malfaiteurs de route — oh fières et fortes têtes !
Moi, le déshérité des humains, dont vous êtes,
Volontaire déshérité,
Que vous me faites mal avec votre gaîté !
— Car j'ai quitté toutes vos fêtes.
Prenez garde ! je vous rendrai le mal que vous me faites.
Je suis le Juif errant et le déshérité —
Dieu de ma destinée, et souvent de la tienne,
O femmes, trop diverses : « toi ».
Mais, la marque reste seule en moi. —
Toi, par le mauvais temps, faut-il qu'il t'en souvienne
— À peine ?
Voici venir l'automne, et l'on rentre chez soi :
L'amour familial dans la maison jolie !
Mais nous qui nous chauffons au feu de la folie,
Où donc est notre épaule, où donc est notre toit ?
Amants des grands chemins, usons nos bons cerveaux,
Nos bras qui ne savent qu'étreindre.
— Etreindre? Mieux vaudrait étrangler — et sans geindre
Se tuer dans l'égout pour l'amour vieux-nouveau,
La face bien marquée de tous leurs crocs, (répliques
Que nous auront données ces chiennes dites nos sœurs)
Mais la face levée vers le ciel, extatiques,
D'un dernier coup de poing, au cœur !
p.23-24
Rien ne distingue plus un être d’un autre que son érotisme, sa décence à le manier, sa mesure – outre mesure. Tout le reste n’est que pornographie, et la pornographie de l’érotisme mal vécu et mal exprimé.
Qu'avez-vous vu au salon?
J'ai vu...qu'on me regardait.
Nous sommes limités par ce que nous ne sentons pas.
La plus difficile des réalisations : soi-même.
À vingt ans j'ai senti que les demeures, laides ou belles, me paraissaient pareilles — sauf les chefs-d'oeuvre d'architecture inhabités, de même qu'entre les gens du monde spirituels et les gens du monde bêtes, il n'y avait guère de différence, peut-être une légère supériorité devant être accordée à la deuxième catégorie, plus reposante que celle qui se croit intellectuelle. (Lettre de Marcel Proust, p. 65)
On dit que l'homme est triste après l'amour - mais la femme l'est peut-être avant, pendant et après.
Si l'amour existait parmi les hommes, ils auraient déjà bien trouvé le moyen de le prouver.
Sur l’amour
* Comme toutes les religions, celle de l’amour comporte moins de croyants que de pratiquants
* « Aime ton prochain comme toi-même. » A croire que personne ne s’aime !
* Si l’amour a besoin de constance, et le désir besoin de changement, comment les concilier ?
* Renée Vivien a remarqué : « Ce qu’il y a de meilleur dans l’amour, c’est l’amitié. »
* Si un passion a évolué en tendresse, acceptons cette tendresse comme le plus sûr de nos biens
* Comment prétendre posséder un être, lorsqu’on se possède déjà si peu soi-même ?
* Il y a probablement autant d’heureuses liaisons que de mauvais mariages.
* Ce n’est pas en renonçant à soi que l’on devient un couple, mais en conciliant ses différences par une tendresse et une compréhension réciproque.
* Seul ce qui change et se transforme reste vivant. Le plus tendre des sentiments, s’il n’évolue, est menacé de mort
* En amour, l’on ne sait trop si notre exaltation provient des qualités de l’être aimé, ou si elle les lui confère ; si la lumière qui l’auréole émane de nous ou de lui, ou de nos feux croisés.
* Rares sont les liaisons heureuses basées non seulement sur l’entente des corps, mais sur celle des esprits
* Il y a des femmes qu’il est imprudent de sortir de leur cadre : le lit.
Ces petits noms de femmes et leurs diminutifs, comme pour les réduire encore davantage, les faire entrer dans cet état de pitié tendre que sont leurs meilleurs mariages.
Si Oedipe, au lieu de répondre aux questions du sphinx, lui en eût posé? Mais, homme, il fut flatté qu'une femme aussi mystérieuse lui adressât la parole pour lui demander une futilité qu elle savait, — et il perdit, comme tant d'autres, l'occasion de s'instruire en lui répondant que son énigme était l' « homme » -, mais l'énigme de la femme ?
On entend encore : « Il sait parler aux femmes ! »
— mais celui qui saurait les faire parler ?
Beaucoup ont trop renoncé à leur instinct pour avoir une sensibilité juste ; d'autres, trop sensibles, n'ont pu céder à leur instinct.
Il y a deux espèces de questions, l'interrogation et la réponse : ceux qui interrogent posent la question, ceux qui répondent la déplacent
L'AUBE
L'aube.
Le sifflement d un train
Déchirure... Banlieue... Aube.
Quelqu'un qui n'est pas dans mon sommeil me touche l'épaule,
— Quelqu'un qui n'est pas dans mon sommeil me dit : Lève-toi: viens !
Et mon cœur saute, hors de son élément, vers le soleil :
Un instant mon cœur m'échappe —
Puis mon corps reprend son fardeau d'angoisse :
Ma chair enceinte de mon cœur bat :
Et je redeviens le rythme et la chose de mon cœur.
Mon cœur, dominé par sa prison, s'égalise,
Reprend son cours, se fait au jour à vivre.
— Jours à vivre : orchestration du bruit : tout se tait dans le bruit —
Prêt à oublier ce saut hors de soi qui voulait renaître...
Ailleurs, l'aube passe !
p.13
Tu passes, belle âme éphémère, dans mes pensées ; comment ne pas t’arrêter dans un coin isolé de mon esprit ? Là je te tiens plus prisonnière que Brunehilde sur sa montagne de feu, car je te barre le passage en formant autour de toi une brûlante guirlande de vivants désirs ! Le charme de te posséder ainsi est d’autant plus vrai qu’il est imaginaire ! Rien n’égale la finesse de mes sensations, car ma jouissance est toute cérébrale.
Quand il s'agit d'amitié, je suis très paresseuse, une fois que je la donne, je ne la reprends jamais... Il m'est arrivé de perdre des amis, mais des amis ne m'ont jamais perdue.